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Affaire ex-travailleurs de l’Entreprise Kanazoé :Les plaignants accusent... Le PDG récuse

Publié le lundi 5 janvier 2004 à 11h41min

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S’il y a une "triste affaire" qui affecte et préoccupe aujourd’hui, l’Entreprise Kanazoé et son PDG, c’est bien celle relative aux ex-travailleurs. Au nombre de 550. Beaucoup de choses ont été dites et faites sur cette affaire : écrits de revendications, marches, meetings, actions en justice...

Sans que l’Entreprise ne réagisse officiellement. Vendredi 2 janvier 2004, elle a rompu le silence sur la question. C’était au cours d’une conférence de presse dont l’initiateur est le PDG de l’Entreprise Kanazoé lui-même.

"Cent millions aux Etalons : les ex-travailleurs de l’Entreprise Kanazoé réclament leur dû". C’est la récente lettre ouverte à El Hadj Oumarou Kanazoé largement publiée ou diffusée par des organes de la presse nationale. Dans cette lettre ouverte dont les signataires sont Maximin Guissou, O. Clément Dioma et Alexandre Ouédraogo (agissant au nom des ex-travailleurs de l’Entreprise Kanazoé), il est écrit : "Depuis l’an 2000, plus de 700 de vos anciens travailleurs (que nous sommes), se sont organisés pour réclamer leur dû, suite aux licenciements arbitraires dont ils ont été l’objet. Nos différentes actions et marches vous ont contraint à accepter... la signature d’un protocole d’accord portant sur le règlement d’une partie (soit environ 65 millions) de nos droits légaux...

Comme il fallait s’y attendre,... vous allez remettre en cause l’exécution du protocole... Cette situation a entraîné des manques à gagner chez beaucoup d’entre nous que nous sommes toujours en train de réclamer... Dans un des arrêts de jugement relatif au dossier Nanéma Justin et 42 autres, votre entreprise fut condamnée à payer plus de 21 millions de FCFA au titre des dommages et intérêts. (Parce que vous avez des difficultés financières), vous avez proposé de payer la moitié et le reste en plusieurs tranches... C’est dans l’attente .... que nous avons appris avec étonnement que vous avez offert 100 millions de FCFA pour soutenir les Etalons...

Nous ne sommes pas contre les Etalons, encore moins contre le développement du sport, mais ce que nous déplorons, c’est le profond mépris à notre endroit que cache votre "geste de générosité" et votre refus délibéré d’exécuter des décisions de justice qui nous sont favorables. Honnêtement, nous sommes convaincus que si vous êtes en mesure d’offrir en guise de soutien, 100 millions aux joueurs de football, vous pouvez vous acquitter de ce dont vous restez redevable à vos employés (droits légaux, arriérés de salaire, dommages et intérêts, cotisations CNSS, etc.)".

Cet écrit, les différents responsables de mosquées de vendredi de la ville de Ouagadougou en ont été ampliataires. Le contenu de cet écrit a fait "énormément de peine" à El Hadj Oumarou Kanazoé (OK) et à son entreprise et leur a causé "beaucoup de torts". C’est pourquoi OK a tenu, en ce 2 janvier 2004 à rencontrer la presse non seulement pour donner sa version des faits mais surtout pour éclairer l’opinion par rapport aux différentes accusations dont il est l’objet dans cet écrit.

Ainsi, concernant les 100 millions octroyés en guise de soutien aux Etalons, Oumarou Kanazoé justifie son geste par ce qu’il a de plus précieux à son chevet : le Coran.

En effet, dit-il, avec conviction et soulagement, "Dans le Coran, il est recommandé de faire des gestes si on en a les moyens. De plus, mon éducation le recommande également. Il faut que chacun recherche la grâce de Dieu dans ce qu’il fait. En ce qui me concerne, il en sera toujours ainsi". Du reste, ce n’est pas la première fois que OK intervient financièrement et matériellement pour faciliter l’organisation d’une manifestation dans notre pays. Pour lui, ce qu’il donne "ne provient pas de vol ; c’est le fruit de la sueur de mon front".

S’agissant du réquisitoire contenu dans l’écrit, OK est formel : "On nous accuse à tort". Et pour cause, "Nous devions aux auteurs de cet écrit. Nous l’avons fait. Aujourd’hui l’Entreprise Kanazoé ne leur doit plus. Ils sont rentrés dans leurs droits". D’ailleurs, renchérit Oumarou Kanazoé, sur ce chapitre, "il existe un trop perçu de 29 198 294 FCFA qui doit revenir à l’Entreprise Kanazoé".

A l’origine, il ressort que l’Entreprise Oumarou Kanazoé doit à 550 ex-travailleurs sur l’ensemble de ses chantiers. Dans le cadre de cette affaire contre l’Entreprise Kanazoé, 7 dossiers ont été élaborés et déposés à la justice. Il s’agit des dossiers :

- Dioma O. Clément et 59 autres ;

- Néya Bouma et 18 autres ;

- Zi Nobila et 58 autres ;

- Nanéma Justin et 42 autres ;

- Ouédraogo Alexandre et 117 autres ;

- Guissou Maximin et 21 autres ;

- Sampébré L. Marcel et 228 autres.

Chacun de ces dossiers a fait l’objet d’analyse minutieuse intégrant un certain nombre de paramètres dont l’identification des différents travailleurs et leur période de travail dans l’entreprise ;

• Les recherches des pièces justificatives de paiement des droits légaux (indemnités de licenciement, préavis, congés payés) à chaque travailleur licencié ;

• l’identification des travailleurs accusant des arriérés de salaire et recherche des pièces justificatives y afférentes ;

• l’identification des travailleurs ayant droit aux rappels d’augmentation de salaire de 10%.

L’analyse de l’ensemble des dossiers a révélé ce qui suit :

a) "Sur les 550 ex-travailleurs concernés, 25 ayant prétendus avoir travaillé dans l’entreprise sont en réalité inconnus de celle-ci".

b) "56 ex-travailleurs ont effectué moins de 12 mois dans l’entreprise".

c) "398 ex-travailleurs ont accompli à l’entreprise une durée inférieure à celle initialement retenue".

En terme financier, les 25 personnes inconnues se sont fait payer par l’Entreprise OK des droits indus d’un montant de 2 856 391 FCFA sur un montant de réclamations déposées à la justice de 149 632 388 FCFA.

Les 56 ex-travailleurs ayant effectué moins de 12 mois dans l’entreprise eux, ont perçu un montant total de 3 463 761 sur une réclamation déposée à la justice de 232 496 124 FCFA. Or conformément aux dispositions de l’article n° 35 de la Convention collective interprofessionnelle du 9 juillet 1974 et de la circulaire n° 93 002/ETSS/SG/DT du 6 octobre 1993 portant obligations de tout employeur des secteurs privé et para-public, les travailleurs ayant accompli "une durée de travail inférieure à 12 mois n’ont droit ni au congé payé, ni à l’indemnité de licenciement".

C’est donc dire que les 3 463 761 F ont été indûment perçus par les bénéficiaires.

Enfin, 398 ex-travailleurs parce qu’ayant prétendu accomplir une durée de travail supérieure à la période de présence effective passée dans l’entreprise ont indûment perçu de celle-ci la somme de 21 681 159 F CFA sur une réclame déposée à la justice de 2 649 351 179 FCFA.

En résumé, l’Entreprise OK a indûment payé à 479 ex-travailleurs la somme de 21 720 645 FCFA. Pour mémoire, ces ex-travailleurs réclamaient le payement de 3 031 479 691 FCFA.

Des paiements indus d’un montant de 1 136 854 FCFA sur une réclame de 162 265 680 FCFA ont été également faits à 22 ex-travailleurs "ayant commis des malversations (vol de carburant) au préjudice de l’Entreprise OK. Or ces ex-travailleurs étaient sous le coup de "rupture abusive de contrat de travail".

Sur les 550 ex-travailleurs, seuls 16 présentent une situation normale. Leurs revendications correspondaient bien exactement à la situation figurant dans les états comptables de l’entreprise. "Leurs droits légaux ont été reconnus, liquidés et payés", selon les états de l’Entreprise. Soit 49 739 FCFA sur un montant des réclamations à la justice de 63 423 037 FCFA.

Enfin, 33 ex-travailleurs, contrairement à ceux-là qui ont surestimé leur situation à l’entreprise, avaient eux présenté des réclamations en-deçà des droits qui leur étaient normalement dus. Des corrections ont été faites sur leur situation et ils pourront bénéficier de suppléments de droits, soit 226 399 FCFA alors qu’ils en réclamaient 160 343 478 FCFA.

Au total, une somme globale de 29 198 294 FCFA a été décaissée par l’entreprise pour le payement "de droits fictifs". Il se pose alors le problème du remboursement de cette somme par les ex-travailleurs concernés. Selon le PDG de l’Entreprise Kanazoé, son entreprise a renoncé volontairement à ce trop perçu par souci de conciliation. Pour cela, un protocole d’accord a été signé qui fixe les responsabilités de l’entreprise dans cette acceptation. En réalité donc, confie OK, "ce sont les ex-travailleurs qui nous doivent".

La somme exorbitante de 3 640 128 166 FCFA réclamée par les plaignants (les 550 ex-travailleurs) pour solde de tous comptes n’est donc pas justifiée, de l’avis de l’Entreprise OK, preuve à l’appui. Selon le PDG, "elle dénote du caractère abusif, dilatoire et vexatoire des recours judiciaires contre l’Entreprise". Toutefois, il entend, sur sa bonne foi, privilégier le règlement à l’amiable de tout dossier. Car, regrette-t-il, "Les marches, les injures grossières des ex-travailleurs, les attaques contre la famille du Président directeur général, ne sont nullement des voies adéquates pour aboutir à la résolution des problèmes".

Lorsque la situation d’un ex-travailleur de l’entreprise est établie de façon claire et incontestable, "l’entreprise a toujours procédé aux règlements de ses droits".

Avant de prendre congé des journalistes, le PDG de l’Entreprise Kanazoé n’a cessé de marteler : "Aujourd’hui donc, ce sont en réalité les ex-travailleurs qui nous doivent. Nous avons soldé nos comptes. L’Entreprise Oumarou Kanazoé ne leur doit rien". Il espère en finir avec "les calomnies qui sont dites sur lui et son entreprise".

A ce sujet, l’homme s’est résolu à rencontrer le syndicat dont relèvent les ex-travailleurs et les mouvements de défense des droits de l’Homme pour non seulement "les tenir informés de la situation qui prévaut mais aussi et surtout pour qu’ils les aident (lui et son entreprise) à protéger leurs droits et à défendre les intérêts des travailleurs qui œuvrent avec eux à faire prospérer l’Entreprise Oumarou Kanazoé".

Du fond de son cœur, témoigne le PDG, "nous demandons aux détracteurs d’arrêter le chantage".

Sita TARBAGDO


Le personnel et le système de paye

Le personnel de l’Entreprise OK est classé en deux groupes :

• Le personnel permanent : le nombre est assez limité, regroupe l’ensemble des cadres de l’entreprise. C’est essentiellement le personnel du siège et les agents d’encadrement des différents chantiers. Tout le personnel permanent licencié a perçu les droits légaux qui lui était dus.

• Le personnel non permanent (journaliers). Il comprend les temporaires dont le nombre est assez élevé regroupant l’ensemble du personnel flottant. Ce sont des agents recrutés pour l’exécution de tâches précises, ou pour l’exécution d’un chantier déterminé. La durée de leur présence dans l’entreprise est donc fonction de la durée du chantier pour lequel ils ont été recrutés, ou de la tâche qui leur a été confiée.

Le personnel non permanent comprend également les occasionnels. C’est un personnel non qualifié, recruté généralement sur le chantier et dans les zones où s’exécutent les travaux. Ils sont utilisés pour les travaux à haute intensité de main-d’œuvre, et dans le cadre de la création d’emplois locaux. Leur séjour dans l’entreprise est toujours bref. Ils sont payés à la fin de la journée.

Quelle que soit la catégorie du personnel concerné, la rémunération de toute personne travaillant ou ayant travaillé dans l’entreprise est constatée dans une "feuille de journée" mensuelle rédigée en triple exemplaire. Ces feuilles de journées regroupées année par année, témoignent de la période d’emploi de toute personne dans l’entreprise.

Le mea culpa de Karemsaamba

C’est en procédant à la vérification par ces feuilles de journées que l’entreprise a constaté des écarts énormes entre la durée de travail effective de certains travailleurs (398) et celle retenue par la commission ad hoc qui a statué sur les prétentions des ex-travailleurs. Or c’est cette durée qui a servi de base de calcul des indemnités de licenciement, des congés payés et des préavis. Et comme on pouvait s’y attendre, "les durées ont été quelquefois multipliées par 7, voire 10 ou 15".

Ainsi certains ex-travailleurs qui n’ont passé que deux ans à l’entreprise se sont fait payer des indemnités pour des durées "allant de 10 à 15 ans". Il a fallu à l’entreprise reprendre les vérifications avec les feuilles de journées pour se rendre compte "du flou des états établis par les responsables du comité de coordination des ex-travailleurs".

Du reste, et devant les journalistes présents à la conférence de presse donnée par El Hadj Oumarou Kanazoé, un des responsables de ce Comité en la personne de Karemsaamba a reconnu que les états que le Comité a établis pour les 550 ex-travailleurs comportent des "irrégularités monstrueuses mais volontaires". "Si l’entreprise n’avait pas été vigilante, on se serait sucré", soutient-il. Aujourd’hui, lui et certains de ses compagnons de lutte d’hier pour la cause des ex-travailleurs de l’Entreprise OK se confondent en excuses, demandant "pardon à El Hadj Oumarou Kanazoé, à son entreprise et à la nation entière".

Pourquoi le groupe de Karemsaamba, a-t-il aujourd’hui fait bande à part ? Selon lui, "on ne s’est pas entendu dans le partage du gâteau. Tenez !... Sur la paye d’un ex-travailleur identifié par le Comité (et ils sont au nombre de 550) on prélevait pour les besoins... 5000 FCFA s’il n’a pas participé aux marches dans la rue, 1000 FCFA s’il a manqué aux réunions et 2500 FCFA pour l’introduction de dossier en justice". Ce qui fait que certains ex-travailleurs repartaient "pratiquement les mains vides", après que l’entreprise ait réglé leurs dus.

Et Karemsaamba de se demander lui-même : "Des 67 247 770 FCFA que l’Entreprise OK a payé aux ex-travailleurs, combien leur sont-ils revenus en réalité ?" La tête basse, il n’a pu répondre à sa propre question. Se contentant une fois encore de demander pardon. Est-ce pour cette introspection que certains ex-travailleurs dont les dossiers sont toujours en justice ont purement et simplement désisté de leur appel formé dans le cadre de l’affaire en objet ?

Difficile de répondre ! Une chose dont Karemsaamba est certain, "au rendez-vous de l’histoire, chacun aura la parole pour s’expliquer sur ses propres agissements". Lui, préfère aujourd’hui faire son mea culpa, "quitte à encaisser beaucoup de coups de la part de ses anciens compagnons". Contre certains ex-travailleurs dont le motif de vol systématique de carburant (gas-oil) a été avéré, il a été requis des peines de prison, des amendes fermes et des dommages et intérêts d’un montant total de 112 250 000 FCFA. Et la question que l’Entreprise Kanazoé se pose est la suivante : "Pourront-ils nous payer cette somme ?".

Sidwaya

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