LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Burkina Faso : " Il faut que les opérateurs de téléphonie améliorent la qualité du service et réduisent les coûts de la prestation", Dasmané Traoré de la Ligue des consommateurs

Publié le dimanche 19 janvier 2020 à 22h00min

PARTAGER :                          
 Burkina Faso :

Les pays africains, particulièrement ceux au sud du Sahara, sont des pays de consommation par nature. Leurs populations sont parfois l’objet de duperie dans leur élan de consommation des biens et services industriels et artisanaux. Au Burkina Faso, le phénomène est une triste réalité et en fait des victimes. C’est dans ce contexte que sont nées des structures de défense des intérêts des consommateurs, dont la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB). Pour revenir sur les actions et activités réalisées par cette structure, en 2019 et les perspectives pour 2020, nous sommes allés à la rencontre de son président. Dasmané Traoré, puisqu’il s’agit de lui, raconte le quotidien de la LCB.

Lefaso.net : Comment présentez-vous la Ligue des consommateurs du Burkina ?

Dasmané Traoré : la Ligue des consommateurs du Burkina est une association de droit burkinabè créée depuis 1992. Elle a été reconnue comme une association d’utilité publique par les autorités du Burkina en 1997. Depuis lors, elle mène des activités de protection du consommateur et de veille citoyenne. Des activités de protection du consommateur en lien avec la déclaration des Nations unies portant droits et protection des consommateurs, qui a été ratifiée par le Burkina en 1986. C’est à ce titre que l’association a été créée. Elle est une association non confessionnelle à but non lucratif et ouverte à tout le monde.

Ouverte à tout le monde dites-vous, mais comment adhérer à cette structure ?

C’est très simple. Nous avons un registre qui est ouvert à cet effet. Vous venez avec deux photos d’identités, une pour le registre et l’autre pour la carte de membre. Les droits d’adhésion c’est 2 000 F et les cotisations sont aussi de 2 000 F chaque année.

En 2019, quelles sont les activités que vous avez eu à mener ?

En effet, en 2019 nous avions mené quelques activités. Ces activités font suite à une assemblée générale qui s’est tenue le 25 novembre 2018. Souvenez-vous que la LCB a traversé quand -même une période assez difficile où elle était qualifiée de bicéphale avec deux présidents en liste et chacun travaillait de son côté. Cela a fait perdre à la ligue une certaine notoriété et une certaine crédibilité.

C’est ainsi que de bonnes volontés (des membres notamment) s’y sont mis et ont décidé d’organiser une assemblée générale qui s’est tenue le 25 novembre 2018, assemblée générale au cours de laquelle j’ai été porté à la tête de la LCB, mettant définitivement un terme au bicéphalisme qui a tant duré. Donc la première année qui est 2019, a consisté à signifier aux uns et aux autres qu’en réalité nous sommes de retour, nous sommes sur le terrain, il n’y a plus deux LCB, il n’y en a qu’une seule. Parce que quelque part, même les pères fondateurs de la LCB, n’ont plus comme propriété la LCB.

Autrement dit la LCB n’est plus la propriété d’un individu, mais celle des consommateurs de par les bienfaits qu’elle leur pose chaque jour. Il faudrait donc que l’on se dépassionne, que l’on dépasse toutes les humeurs, de sorte à donner à la LCB toutes ses marques d’antan et travailler pour l’intérêt du consommateur. Dans ce sens nous avons travaillé à approcher les autorités et d’autres structures sœurs pour nous accompagner dans notre mission. Cela a permis aux uns et aux autres de se rassurer que la LCB est là et partout où l’intérêt du consommateur est en jeu.

Nous sommes à chaque fois interpellés pour des propositions d’actes concrets de sauvegarde des intérêts des consommateurs. Des activités phares il y en a eu plusieurs en 2019. Notre premier dossier a été celui du riz avarié qui était sur la mer au niveau du golfe et qui tentait de pénétrer dans notre pays. Nous avons travaillé en tandem avec les associations de consommateurs des pays de l’Afrique de l’ouest parce que nous sommes en réseautage.

Nous avons pu intercepter ce navire dont le contenu a été détruit en Côte d’Ivoire. C’était 18 000 tonnes de riz avarié que l’on tentait par tous les moyens de faire rentrer au Burkina, après que les autres pays aient refusé. 18 000 tonnes ce n’est pas petit mais surtout l’effet de ces 18 000 tonnes. Ce travail nous l’avons fait en tandem avec l’administration publique. Et c’est ainsi que les gens sauront qu’au niveau du Burkina, ce n’est plus la passoire, ce n’est plus le dépotoir d’ordure, mais il y en a qui veillent à la santé des consommateurs et à ce titre défendent leurs intérêts.

Nous avons également sur le terrain avec la police nationale et les autorités publiques, pu extraire du marché une importante quantité d’huile de consommation de mauvaise qualité, du carburant de mauvaise qualité, du cyanure, etc. Malheureusement, nous n’avons pas les moyens nécessaires pour porter à chaque fois l’information à la connaissance de tous et cela fait qu’on a l’impression que nous n’avons pas bougé, mais notre objectif est que le marché soit purgé de toutes ses ordures pour le bien-être des consommateurs.

L’action nous l’avons beaucoup mise sur l’information et la sensibilisation et à ce titre, lorsque nous recevons des plaintes en lien avec des produits avariés dans une alimentation quelconque, nous prenons d’abord le soin d’aller échanger avec les premiers responsables de ces produits, pour leur faire comprendre cette notion de produits avariés qui peuvent être toxiques pour le consommateur. En outre si le consommateur prenait la décision de les boycotter il va s’en dire que leur marché régresserait.

Donc il a aussi le devoir de protéger le consommateur dans la mesure où sans le consommateur lui aussi ne serait pas là. Et en cas de récidive nous passons à une autre phase, celle de la répression pour laquelle nous signalons aux autorités compétentes. Mais dans la plupart des cas, lorsque nous approchons les concernés, nous recevons une oreille attentive et les produits avariés sont retirés.

Nous avons aussi des partenaires avec lesquels nous avons réalisé quelques activités phares, telles que le droit à l’eau et à l’assainissement, où nous avons mis en œuvre un projet pilote dans la région de la Boucle du Mouhoun, à travers les communes de Dédougou et Nouna. Cela nous a permis d’éclairer à la fois les autorités locales sur le droit à l’eau et à l’assainissement de même que la population elle-même.

Dans ces communes nous avons tenu des rencontres publiques au cours desquelles les prestataires de services se sont retrouvés face aux consommateurs et les échanges ont permis d’améliorer la qualité des services. Nous avons aussi été accompagnés dans la mise en œuvre d’un de nos projets concernant la veille citoyenne, qui a été financée par le Projet de gouvernance économique et de participation citoyenne (PGECP). Avec l’accompagnement de ce projet nous avons amorcé des activités de veille citoyenne au niveau de la santé. Ce projet est en cours et verra sa mise en œuvre accélérée en 2020.

Est-ce qu’en 2019, des personnes victimes ont interpellé la Ligue ?

Nous avons été interpellés sur plusieurs points dont le cas de l’alcool frelaté, pour lequel nous avons saisi les autorités et les camions qui transportaient lesdits produits ont été saisis. De nombreux autres produits ont été retirés du marché du fait de notre interpellation et l’on peut citer : du cyanure, du poisson avarié de plus de 8 tonnes, des poulets congelés de plus trois tonnes, de la boisson sucrée avariée de plus de dix mille bouteilles, des huiles et du carburant frelatés, etc.

Il faut reconnaître que nous devons ces résultats aux consommateurs qui nous interpellent et qui nous donnent des indications. Aussi des personnes victimes de mauvais produits nous saisissent pour se plaindre et c’est à la suite que nous menons nos investigations pour découvrir le pot de rose.

Nous sommes alors objet d’interpellation des consommateurs qui ne cessent de nous encourager. Toutefois la précision nécessaire à faire c’est que nous n’avons pas le droit de saisir un produit. Nous faisons chaque fois appel aux autorités habilités à le faire. Nous dénonçons également et faisons du plaidoyer auprès des autorités selon les cas pour bénéficier de leur accompagnement pour la protection effective du consommateur.

Toutefois il faut reconnaître que c’est l’Etat qui a d’abord le rôle régalien de protection du consommateur. Et on reconnaît par ailleurs que les chantiers du développement sont nombreux aujourd’hui et qu’à ce titre, il est utile que nous consommateurs, nous commencions par nous protéger nous-mêmes.

Si nous attendons qu’à tout moment ce soit l’Etat qui vienne vers nous, il peut ne pas être au courant ou ne pas venir, séance tenante, et en ce moment c’est nous qui récoltons les pots cassés. C’est pourquoi nous avons intérêt à s’unir autour de notre organisation afin de préserver au mieux notre santé et notre bien-être. Enfin les interpellations n’ont pas seulement porté sur les produits de consommations mais aussi sur les biens et services.

Quels sont vos rapports des structures économiques telles que la chambre de commerce, le patronat et les structures de notation de la qualité ?

Nous sommes en train d’élaborer un document en 2020 qui fait partie d’un pan de nos activités avec certaines d’entre elles. Nous allons approcher ces structures pour voir comment on peut davantage travailler ensemble. S’agissant des commerçants, comme je le disais il y a aussi des gens parmi eux qui ne mettent pas les bouchées doubles pour que la qualité y soit.

Pour dire qu’au niveau de ces structures, on devait pouvoir travailler ensemble, de façon à améliorer l’économie nationale en évitant que les produits de contrefaçon soient déversés sur notre marché. Malheureusement, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Et ces produits de contrefaçon dans la plupart ne sont pas de bonne qualité.

En dehors de ces produits il y a le secteur des services. Et présentement nous travaillons avec l’Autorité de régulation du secteur de l’énergie (ARSE) pour améliorer la consommation au niveau de l’électricité parce que vous savez qu’aujourd’hui il y a des coopératives qui sont installées partout où la SONABEL a des difficultés pour y parvenir.

Dans ce relai, il faut que ces structures fassent l’effort de respecter un tant soit peu le cahier de charges qui leur est soumis. Ces structures sont assez nombreuses aujourd’hui et dissimulées dans le pays. Avec l’ARSE nous voulons faire en sorte que toutes ces structures respectent le cahier de charges.

Au niveau également de l’éducation, nous allons demander à ce que les cahiers de charges soumis aux structures privées soient respectés. Il faut qu’il y ait un suivi dans l’éducation. Aujourd’hui l’offre au niveau de l’Etat est insuffisante pour satisfaire la demande nationale. Pour autant l’apport salutaire du privé doit être suivi comme il se doit. Nous allons approcher les services concernés ou dénoncé toute forme d’inaction ou de complicité des privés qui ne respecteraient pas les consignes.

Nous avons également au cours de cette année, eu l’occasion de rencontrer les opérateurs de téléphonie mobile et nous allons toujours multiplier les rencontres parce qu’à ce niveau les plaintes sont nombreuses, même celles adressées à notre niveau. Il y a une Autorité de régulation de ce secteur qui est l’ARCEP et il faudrait qu’à son niveau, on s’entraide davantage pour contraindre ces opérateurs à améliorer la qualité de leur service.

Nous avons rencontré les opérateurs en 2019, nous avons posé un certain nombre de plaintes que les consommateurs expriment notamment la qualité des écoutes, les interruptions de communication, la faiblesse du réseau, la consommation excessive des mégas, la limitation de l’utilisation des bonus, l’implantation des antennes au milieu des habitations.

Donc autant de désagréments causés aux consommateurs et j’en oubliais, ces publicités tapageuses et frappantes qui font que le consommateur est obligé de s’accrocher à l’appareil et être à tout moment tenté de dépenser. C’est vraiment excessif pour ce qui est du Burkina Faso et il faudrait que ces opérateurs de téléphonie améliorent la qualité de leurs services tout en réduisant les coûts de prestations qui restent aussi élevés pour le consommateur.

Quelles ont été les difficultés que votre structure a rencontrées dans l’accomplissement de ses missions en 2019 ?

Nous avons rencontré effectivement des difficultés qui sont liées à la modestie de nos moyens financiers ce qui a limité nos actions. Lorsque vous recevez une information qui vous dit qu’à Bobo, il y a telle irrégularité, c’est souvent mieux de se déporter sur le terrain pour constater rapidement afin de faire appel à l’autorité. Mais si vous ne pouvez pas vous y déportez, ça pose un problème.

C’est vrai que nous avons des représentants dans les provinces, nous avons 45 sections qui sont fonctionnelles, mais au niveau de ces sections, nous n’avons aucun financement pour dire à un président de section de se déporter sur un terrain quelconque. Cela a limité nos actions et a constitué un sérieux handicap à nos activités de 2019, chose que nous allons travailler à parfaire en 2020. Nous avons bénéficié de la part de l’Etat d’une subvention de 1 million de FCFA, il faut reconnaître que cela ne peut vraiment pas faire quelque chose sur le terrain.

L’autre difficulté est qu’au niveau du Burkina Faso, c’est uniquement la loi 16-2017/AN portant organisation de la concurrence au Burkina Faso qui dispose d’articles sur la protection du consommateur. Il faudrait qu’il y ait forcément une loi portant protection du consommateur simplement. Et à partir de cette loi, tous les consommateurs pourront bénéficier de protection contre les acteurs indélicats de prestation de service ou de producteurs de biens et services.

Mais tant qu’il n’y aura pas cette loi stricte de protection du consommateur, ça va être difficile pour ceux qui veulent nous accompagner. Cela est plus un handicap qu’une difficulté. En 2020, nous allons travailler dans le sens de l’élaboration de cette loi.

Quelles sont vos grands chantiers pour l’année 2020 ?

En dehors de ce que j’ai évoqué plus haut, cette année nous allons nous attaquer aussi aux matériaux de construction. Parce que là, vous avez le consommateur qui est toujours objet de duperie. Quand vous prenez un fer de 10 pour un fer de 12 ou un fer de 8 pour un fer de 10, ou encore un fer de 6 pour un fer de 8, vous êtes objet d’abus.

C’est vraiment ce qu’il y a sur le marché et il faudrait que nous rencontrions ces acteurs pour leur demander d’améliorer la qualité des matériaux de construction de façon générale. Si parmi eux il y a des acteurs se disant rusés que ceux-ci soient démasqués et punis conformément à la loi. Cette ruse ne doit pas continuer car notre pays n’est et ne sera pas un dépotoir d’ordure.

Il y a également beaucoup de secteurs de transformation et là nous allons approcher le groupement des professionnels industriels pour voir au niveau national comment est-ce que nous pouvons travailler ensemble afin de pouvoir à tout moment faire la distinction entre ce qui est fabriqué ici et ce qui est venu d’ailleurs d’une part, ce qui est bien de ce qui ne l’est pas d’autre part.

A ce niveau il y a beaucoup plus un travail de sensibilisation à faire afin que le consommateur sache que face à un produit alimentaire quelconque, lorsque vous prenez l’emballage, il doit être à mesure de vous fournir les informations sur son origine, sa date de fabrication et de péremption, sa composition, etc. Face à un produit ne comportant pas toutes ces informations, autant s’abstenir.

A partir de ces sensibilisations les consommateurs eux-mêmes peuvent se protéger et s’ils ont ce réflexe de toujours vérifier ces annotations je crois que petit à petit, ils sortiront de la duperie. Il y a également le problème de l’alcool. Ça été une de nos préoccupations majeures lorsque nous avons rencontré le ministre du Commerce pour la première fois. Nous lui avons posé le problème de l’alcool frelaté comme une préoccupation majeure.

En septembre 2019 des dispositions ont été prises afin de limiter sa commercialisation et sa consommation. De nos jours on dénombre plus d’une dizaine d’unités de fabrication d’alcool frelaté dans la seule ville de Ouagadougou. Il faut alors durcir les conditions de fabrication et de consommation de sorte à décourager ces acteurs. Nous avons eu l’occasion d’échanger avec un producteur local d’alcool frelaté et lorsque nous lui avons demandé s’il reconnaissait que son produit n’est pas bon, il a affirmé reconnaître que le produit ne l’était pas. Mais pourquoi vous continuez de le fabriquer ?

Il a répondu : « c’est parce qu’il y a le besoin ». Et la plupart de ceux qui fabriquent les produits ne sont pas des nationaux. D’où la nécessité de durcir les mesures parce que là ce sont des actes de mauvaise foi. Sinon quelque part nous sommes en train d’encourager une déperdition de la force de tracail que constitue notre jeunesse.

Qu’attendez-vous des institutions étatiques et de ceux que vous protégez ?

Nous, attendons des institutions une fermeté sans équivoque vis-à-vis des acteurs de mauvaise foi. Qu’on sache que l’autorité de l’Etat reste et demeure une force publique au service du consommateur. Parce que s’il y a du relâchement quelque part, nous sommes exposés à toute sorte de risque et à toute sorte de danger. Donc il n’est pas question que quelqu’un arrive à déverser sur le marché des produits de contrefaçon ou de mauvaise qualité souvent aux yeux et à la barbe de l’autorité, et il le répète plusieurs fois sans qu’en aucun moment on ne soit en mesure de l’arrêter.

On sait en outre que nous avons des frontières très poreuses mais par rapport à cela, quelle disposition prendre pour empêcher que les gens ne s’adonnent à des pratiques qui soient de nature dangereuses pour la santé de nos populations ou le bien-être du consommateur. C’est pourquoi à l’endroit des consommateurs nous attendons qu’ils consomment responsables.

Une consommation responsable c’est lorsqu’avant l’achat d’un produit, vous prenez le soin de vérifier s’il correspond bien à ce que vous voulez en vérifiant sur l’emballage les informations relatives à la traçabilité. C’est vrai que sur l’emballage on peut donner de fausses informations mais en vérifiant déjà, ça diminue le taux du risque. Aussi que les consommateurs ne se laissent pas emporter par les publicités tapageuses surtout. Nous invitons donc les consommateurs à s’abstenir d’acheter tout produit ne comportant pas les indications indiquées plus haut.

Interview réalisée par Etienne Lankoandé
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)