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Des journalistes apprécient la liberté de presse au Burkina

Publié le vendredi 2 janvier 2004 à 15h27min

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Rémi Fulgence Dandjinou
Rédacteur en chef de Radio Pulsar et directeur des programmes de la chaîne de télévision Canal 3

"La liberté de presse ne se définit pas seulement par rapport à l’Etat, mais aussi vis à- vis des puissances financières"

"Les textes dans leur ensemble permettent de respecter le droit à la liberté de presse et d’opinion ; il est évident qu’un certain nombre d’éléments, notamment les peines encourues lors des délits de presse, sont encore à améliorer, à perfectionner, afïn que nous ne soyons plus passibles de peine de prison, mais je pense que dans l’ensemble, on commence véritablement à prendre possession de la liberté de presse. Les textes existent et c’est à nous journalistes d’aller au bout de leur usage.

Depuis ce qu’on a connu en 1998, il y a eu tant au niveau des hommes de presse que des autorités politiques, une lecture différente de ce qu’est la liberté de presse ; cela a été un élément catalyseur.
A mon humble avis, au-delà de tout ce qui peut être écueils, mais inhérent à toute juridiction, à tout texte, on est à une situation où nos textes ne sont pas pires que ceux de certains pays, ils sont même meilleurs.

A l’intérieur de la profession il n’y a pas une très bonne organisation et la liberté de presse ne peut se faire que si les acteurs bénéficient d’un minimum de bien-être qui leur permette d’être libres et indépendants dans le traitement de l’information. La liberté de presse ne se définit pas seulement par rapport à l’Etat, mais aussi vis-à-vis des puissances financières. Un autre élément est qu’il faut que les partenaires aient conscience que l’accès à l’information est un droit et qu’il doit y avoir un traitement égal des organes de presse dans ce domaine. Ensuite, il faut une formation importante des journalistes surtout dans la presse privée car certains méconnaissent les textes qui régissent leur profession.

Enfin, et cela est le plus important, il n’y aura de liberté de presse qu’à partir du moment où ce que l’on va dire ou écrire pourra changer la face du Burkina. Je veux dire que le pouvoir politique doit prendre en considération les informations que’ nous donnons lorsqu’elles sont fondées.

Ousséni Ilboudo
Rédacteur en chef du quotidien « L’Observateur Paalga » : "Il y a plus d’autocensure que de censure réelle"

"D’un point de vue 1égis1atif, nous avons un Code de l’information plutôt libéral. Aujourd’hui, ce n’est pas ce texte qui pose vraiment problème quand bien même il faut le débarrasser de certaines scories, notamment l’article 137 qui prévoit la suspension pour six mois maximum d’un journal dans certaines situations ; le drame c’est que la loi vous oblige à assurer en même temps les charges sociales. Si une telle disposition venait un jour à être appliquée, ce serait un arrêt de mort pour la publication concernée. Il faut revoir également la partie répressive du code qui prévoit des peines de prison alors que la tendance générale est à la dépénalisation des délits de presse. Dans tous les cas tout texte est perfectible et il ne faut pas rejeter tout en bloc.

En ce qui concerne la pratique sur le terrain, il y a une relative liberté de presse. Nous nageons dans un environnement relativement libre qui nous permet d’exercer notre métier. Il y a plus d’autocensure que de censure réelle, c’est à dire des pressions multiformes qui ne viennent pas toujours de là où on pense. Les pressions peuvent être autant politiques que familiales. Nous vivons dans un environnement typique africain, de sorte que cela peut peser sur les journalistes dans l’exercice de leur fonction.
Il faut ajouter enfin le peu de collaboration des institutions car on ne peut pas parler de liberté d’expression si on n’a pas une ouverture aux différentes sources. "

Ibrahima Sakandé
Rédacteur en chef Adjoint du quotidien Sidwaya : "Le journaliste doit, au quotidien, travailler à conquérir plus d’espace de liberté pour lui-même, pour sa rédaction et pour son journal"

"L’éthique et la déontologie sont ou devraient être l’alpha et l’oméga des ouvriers de la plume que sont les journalistes. Dans l’exercice de son métier, le journaliste se doit d’être indépendant vis-à-vis de lui-même, de son environnement (professionnel et privé), des lobbies et autres cercles d’inf1uenee. Bien sûr, en combinant avec toute cette donne, les principes de base de la ligne éditoriale du journal où l’on travaille.

De ce qui précède, je réponds sans hésiter que je suis libre et indépendant dans mon travail à la rédaction des éditions Sidwaya . Le journaliste de Sidwaya est libre dans l’exercice de son métier, surtout ces dernières années...Mais il doit, au quotidien, travailler à conquérir plus d’espace de liberté pour lui-même, pour rédaction et pour son journal afin de répondre aux exigences actuelles du journalisme et aux attentes du public.

Exit l’autocensure. En somme, cette liberté dans les rédactions burkinabè doit être l’affaire de tous. A la volonté et au courage du journaliste doit s’allier ceux du leadership de sa rédaction, ainsi qu’une opinion publique avocate du journaliste et du journalisme, face aux différentes attaques pernicieuses au grand jour ou dans un jeu de poupée russe."

Mathieu Bonkoungou
Correspondant de l’agence Reuters : "je ne suis pas interpellé chaque fois que je donne la parole à un leader de l’opposition"

"La lutte pour la liberté de la presse est indissociable de la lutte que mène l’ensemble des Burkinabè pour l’enracinement de la démocratie. C’est donc un élément d’un tout. C’est même généralement considéré comme un des baromètres de la démocratie. Si vous êtes d’accord avec moi que la démocratie burkinabè est encore en chantier, on peut alors dire que la liberté de presse est également en construction.

Cela dit, il y a des acquis importants grâce notamment à l’action conjuguée des organisations de journalistes et de la société civile. Ces acquis doivent être consolidés parce qu’il est aussi difficile de conquérir la liberté de la presse que de la conserver. C’est donc une quête permanente.

J’exerce librement mon métier de correspondant, dans la mesure où je ne suis pas interpellé chaque fois que je donne la parole à un leader de l’opposition ou que je dis qu’une grève générale a été bien suivie.
Cela fait déjà quelques années que je suis sur le terrain. J’ai donc connu des périodes plus difficiles pendant lesquelles on travaillait la peur au ventre.

La création d’un Conseil supérieur de l’information est sans conteste une avancée significative dans la gestion du paysage médiatique du pays même si certaines corrections pourraient contribuer à un peu plus d’équilibre, d’indépendance, toutes choses concourant à l’enracinement de la démocratie.
Je sais par exemple que certaines organisations professionnelles de journalistes contestent ouvertement la composition du CSI qui compterait à leurs yeux de nombreux membres désignés par l’exécutif, le législatif et le judiciaire, au détriment des professionnels.

A coté du CSI, il y a bien sûr les organisations de professionnels qui ont un rôle cardinal dans la vie de tous les jours des médias. Je pense que le travail de défense des intérêts des journalistes, des éditeurs ou l’autorégulation sont autant d’aspects qui contribuent à la conquête des espaces de liberté pour la presse.
Je crois cependant qu’un effort devrait être mis sur la formation des journalistes. La prolifération (très heureuse) d’organes de presse ces dix dernières années a amené de nombreux jeunes à embrasser la profession. C’est très bien, mais je suis de ceux qui pensent qu’une formation universitaire solide, quelle que soit la discipline ou une vaste culture générale, ne dispensent pas d’une formation en journalisme.

L’une des attentes des hommes de médias du Burkina est aussi la carte de journaliste. Je crois savoir qu’une commission y travaille. Il va sans dire que l’institution d’une telle carte aidera beaucoup à établir des relations de confiance entre les journalistes et leurs sources d’information.

Pour finir, je dirai qu’il faut se réjouir de l’existence du Code de l’information. Là aussi il y a peut-être des lacunes. C’est le cas par exemple de la dépénalisation des délits de presse réclamée à cors et à cris et à juste titre par les journalistes. La peur de l’embastillement conduit à l’autocensure et à l’étouffement. Mais l’un dans l’autre, je crois que tout reste perfectible et c’est tant mieux pour tout le monde. "

Zoumana Wonogo
Correspondant de la Voix de l’Amérique (VOA) : "Il n’y a aucun problème majeur qui entrave de façon visible l’exercice du métier de journalisme au Burkina" .

"Sur le plan des textes, il n’y a aucun problème majeur qui entrave de façon visible l’exercice du métier de journaliste au Burkina ; les textes sont ce qu’ils sont et peuvent être améliorés. Depuis que je suis correspondant de La Voix de l’Amérique, je n’ai pour le moment pas reçu un coup de fil de menace ou une interpellation quelconque.

J’exerce le métier de l’information, je traite la vraie information, sans rien inventer, sans chercher à nuire à autrui. Je n’ai pas encore rencontré d’entrave au niveau des responsables politiques ou administratifs. Je fais mon métier le plus librement du monde.

Les journalistes burkinabè, à mon avis, essaient de respecter au maximum l’éthique, la déontologie, mais tous ne maîtrisent pas les tenants et les aboutissants du métier. En d’autres termes, les responsables des organes de presse doivent mettre l’accent sur la formation. Nos limites réelles viennent du manque de formation.

Je tiens enfin à souligner à l’attention des directeurs de communication et des attachés de presse qu’ils doivent se battre malgré les contraintes administratives ou protocolaires pour nous faciliter l’accès aux informations et aux sources d’information"

Propos recueillis par Alassane Traoré

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Vos commentaires

  • Le 7 janvier 2006 à 21:04, par kgb En réponse à : > Des journalistes apprécient la liberté de presse au Burkina

    La liberte de la presse se mesure a la hauteur de l`engagement des gens. S`ils se font de l`autocensure, biensur qu`ils auront et qu`ils donneront le sentiment de vivre la liberte de presse. Dans un pays ou la corruption est au sommet comme au Burkina, je suis etonne que la presse soit assez tranquille. Certainement elle sait ou ne pas mettre les pieds pour que tout aille pour elle dans le meilleur des mondes. Cette pratique d`aujourd`hui n`a rien a voir avec celle d`un Norbert Zongo qui a vecu dans la pression permanente.
    kgb, journaliste

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