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Jacques Gérard, chef du service de coopération de l’ambassade de France au Burkina

Publié le lundi 5 septembre 2005 à 07h54min

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Après trois années passées au Burkina, M. Jacques Gérard, chef du service de coopération de l’ambassade de France, quitte "définitivement" notre pays.

En le rencontrant ce 27 août alors que ses amis cinéastes burkinabè "l’entretenaient" dans une ambiance bon enfant, Sidwaya Plus a juste voulu regarder avec lui dans le rétroviseur. Et les images, disons les souvenirs, qui y émanent sont éloquents.

On peut retenir que M. Gérard est un habitué du Faso. En 1973, il y était pour l’inauguration de l’université de Ouagadougou. En 1988 également où il a commencé à s’occuper du cinéma africain. Et en 2003 comme chef du service de coopération à l’ambassade de France à Ouagadougou. C’est donc ce "Burkina phile" bon teint que nous vous donnons à découvrir à travers cet entretien à bâtons rompus sur tout ce qui touche au domaine de coopération.

Sidwaya Plus (S. P.) : Qui êtes-vous ?

Jacques Gérard (J. G.) : Je suis M. Jacques Gérard. Je suis le chargé de coopération de l’ambassade de France au Burkina. Après avoir passé trois ans dans votre pays, je retourne en France cette année. Ce n’est pas la première fois que je séjourne au Burkina. Il y a trente ans, j’étais là. C’était à l’occasion de la création de l’université de Ouagadougou. Quinze ans après, je suis revenu. C’est au cours de ce second séjour que j’ai fait la connaissance de M. Gaston Kaboré.

A l’époque, il était le directeur de la cinématographie nationale. C’était un moment déjà plein d’espoir pour le cinéma africain avec l’épopée malheureusement inachevée de Cinafrique et puis la création de l’INAFEC. Bref, le FESPACO et tout ce que vous connaissez dont beaucoup demeurent une bonne base solide pour le développement du cinéma au Burkina Faso.

S. P. : Alors que vous vous apprêtez à quitter le Burkina, quel bilan faites-vous de vos trois années passées ici ?

J. G. : Quand on part, on est toujours un peu triste. Mais en même temps, j’ai le sentiment d’avoir eu la chance de réaliser ici un certain nombre de choses que je voulais faire. La coopération ce n’est pas seulement la culture, mais d’autres domaines tout aussi essentiels.

Nous avons par exemple avec la délégation de l’Union européenne, nos amis hollandais et d’autres, une aide budgétaire qui est axée sur la lutte contre la pauvreté. Nous sommes entré aussi dans le conciortium d’appui au Programme décennal pour le développement de l’éducation de base (PDDEB) avec une mise de fonds importante qui avoisine les 16 milliards de F CFA. Nous avons également fait quelque chose pour que les étudiants burkinabè puissent poursuivre leurs études en France plus nombreux et de façon plus transparente. Pour cela nous avons créé avec le ministère en charge de l’Enseignement supérieur, une commission franco-burkinabè de bourses qui travaille bien.

Nous avons pu d’ailleurs augmenter sensiblement le nombre de bourses d’études qui permettent en gros à l’université de former ses professeurs. Nous avons également évidemment fait un certain nombre de projets tel le Fonds social de développement. Ce fonds permet de doter les villages soit d’un dispensaire, soit un petit barrage, ou d’une école, ou encore d’une mielerie. En fait des tas de choses qui ne se voient guère, mais qui constituent pour les gens de cru, des éléments qui leur permettent de se projeter en avant.

S. P. : Toujours au plan de l’éducation, que faut-il faire pour avoir des étudiants boursiers burkinabè en France en grand nombre !

J. G. : C’est vrai que le nombre d’étudiants boursiers ou non boursiers burkinabè en France est inférieur à celui par exemple des Béninois, des Sénégalais, des Maliens. Cela tient je crois au passé. Il y’a à Ouagadougou moins de familles qui ont les moyens d’envoyer leurs enfants sur leurs propres deniers en France. Même si le programme de bourses françaises est le plus important en Afrique de l’Ouest, il ne permet la présence simultanée en France que de deux à trois cents personnes. Il y a six cents burkinabè. Alors que le Sénégal en compte plusieurs milliers. La plupart en fait viennent à leurs frais. Je crois que le fait que la communauté burkinabè en France soit modeste numériquement explique un peu cette différence.

S. P. : La coopération entre le Burkina Faso et la France c’est aussi le domaine culturel avec les grands rendez-vous tels que le FESPACO et la Semaine nationale de la culture. Comment avez-vous vécu ces rencontres ?

J. G. : C’est un des points forts du Burkina. Le Burkina accueille, attire toutes sortes de grands évènements internationaux. J’étais là au moment de la Francophonie. Il y en a eu d’autres. Le sommet Europe-Afrique, la CENSAD, l’Union africaine sur l’emploi sans parler de toutes les réunions dont on voit l’écho dans la presse tous les jours. Mais il y a quelque chose de particulier au Burkina, c’est ce rassemblement de grands festivals culturels. C’est vraiment une marque du pays. Et les Burkinabè ont des talents particuliers pour l’organisation. Des défauts, vous en avez comme nous, comme tout le monde. Mais en vous, il y a un sens de l’organisation qui fait que ce qui naît ici, ne meurt pas ; ça survit. Beaucoup d’autres ont essayé de faire ce que vous faites, ils n’ont pas forcément tenu la distance. Alors que le SIAO, le FESPACO, la fête de la culture (SNC), sont des choses pérennes. Ça tient. Et ça occupe maintenant dans le paysage panafricain une place particulière.

S. P. : Vous êtes ce soir (NDLR : 27 août) avec des grands noms du cinéma burkinabè. Au-delà des retrouvailles pour vous dire au revoir, comment expliquez-vous que ce soit surtout des hommes et des femmes du 7e art ?

J. G. : Il se trouve qu’au début de ma carrière professionnelle, j’ai eu à m’occuper du cinéma africain comme on le dit sur les bords de la lagune Ebrié, "j’ai fait ça depuis fatigué". C’est dans les années 1978 - 1982 que j’ai commencé à m’occuper du cinéma africain. C’est là que j’ai fait la connaissance des grands noms du 7e art africain, Sembène Ousmane, Souleymane Cissé, Idrissa Ouédraogo et bien d’autres. Il m’est resté ce goût pour votre cinéma qui est au Burkina, l’un des arts les plus développés et qui renvoie au reste du monde une image réaliste et poétique de l’Afrique. Là où bien souvent les journaux ne parlent que de guerre et de malheurs.

S. P. : Mais n’empêche que la question des financements reste toujours au cœur des préoccupations des cinéastes. Qu’est-ce qu’il faut alors pour leur ouvrir des portes !

J. G. : Jusqu’à présent, l’Europe, c’est dire à la fois l’Union européenne, la France, la Francophonie dans son ensemble, ont apporté une aide aux œuvres, aux réalisateurs pour que les films existent. C’est bien mais ça ne suffit pas. Il faut aussi faire en sorte que prospère (parce qu’elle existe déjà) grâce à ses propres revenus, une industrie audiovisuelle. Aujourd’hui, il y a une opportunité formidable qui est le développement des technologies numériques qui permettent de diviser par dix, le prix d’une production. C’est je crois, une grande chance pour l’Afrique.

S. P. : Le numérique selon vous reste pour les cinéastes africains une grande source de production intense ?

J. G. : Il ne faut certes pas négliger le reste. Mais on le sait, ça demande des moyens considérables. Si l’on veut rentabiliser une production en salle, (il reste peu de salles ouvertes en Afrique) à la télévision par le DVD ou le VCD, c’est le numérique qui est le bon support. Je crois que c’est là qui est l’avenir.

S. P. : Vous étiez là à la naissance de l’université de Ouagadougou. Trente ans après, quel regard jetez-vous sur cette institution ?

J. G. : A l’université, mon épouse y a enseigné. Elle est psychologue de formation. Elle a beaucoup apprécié son séjour parmi les universitaires burkinabè où elle s’est fait beaucoup d’amis et par voie de conséquence, moi-même. C’est une université qui a un corps professionnel maintenant entièrement national. Au début ce n’était pas le cas. Il n’y avait pas suffisamment de docteurs. L’université grandit. Elle grandit même vite. Elle doit justement s’adapter à cette crise de croissance. Nous, nous avons l’intention de l’accompagner. Un projet a été défini avec les présidents de l’université de Ouagadougou, le professeur Paré, son collègue de Bobo-Dioulasso. Akry Coulibaly et puis le directeur général de l’ENSK, devenue l’université de Koudougou récemment. Je pense que nous pouvons accompagner l’université un peu dans son développement.

S. P. : Il y a des condempteurs de la coopération inter-Etats qui sont plus pour la coopération décentralisée. Etes-vous de cet avis ?

J. G. : Les deux se complètent. La coopération décentralisée des associations ONG comme on le dit, a le mérite de mettre en contact les populations. Les gens se connaissent. A Ouagadougou vous voyez débarquer en été des milliers de jeunes infirmiers, des médecins, des étudiants, ils font non seulement œuvre utile, mais au-delà, leur présence crée des liens d’amitié, une véritable connaissance entre les deux pays. Avec le Mali, le Burkina est le pays où il y a la plus dense coopération décentralisée.

S. P. : Que répondrez-vous si on vous demandait de résumer en deux mots, vos trois années au Burkina ?

J. G. : Ça marche.

Jean-Philippe TOUGOUMA jphilt@hotmail.com)
Sidwaya

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