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Telecel Faso : Histoire d’une querelle de gros sous

Publié le lundi 29 août 2005 à 07h39min

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En affaires, plus que dans tout autre domaine, la digue de l’entente peut être emportée par le moindre ruissellement ; les conflits d’intérêts pouvant se révéler catastrophiques pour des partenariats noués à coup de confiance et de milliards.

Ce qui se passe actuellement à Telecel Faso entre les principaux actionnaires de cette société de téléphonie mobile s’apparente à une fable dans laquelle deux compagnons sortent des griefs à la vue d’une proie et pour en revendiquer chacun le monopole. Atlantique Télécom versus Planor Afrique S.A ou Planor Afrique S.A versus Atlantique Télécom. Un combat à forte odeur de milliards.

En 1987, l’homme d’affaires congolais Miko Rwayitare crée en Afrique du Sud une société de télécommunication : Telecel. Très vite, l’opérateur de télécommunication s’implante dans plusieurs pays d’Afrique notamment subsaharienne. En 2000, Miko Rwayitare vend 80 % du capital à l’Egyptien Orascom Télécom. Ce dernier avec sa filiale Telecel international (70% des parts) s’associe au groupe burkinabé Soyaf communication (30% des parts) pour créer Telecel Burkina. En 2003, dans le cadre de son redéploiement, Orascom Télécom cède sa filiale Telecel international à plusieurs opérateurs. Atlantique Télécom, filiale de la Banque atlantique de Côte d’Ivoire (BACI), s’acquière les opérateurs au Bénin, au Burkina, au Gabon, au Niger et au Togo. Au niveau de l’opérateur burkinabè, la transaction se passera en violation flagrante du droit et des textes de l’Autorité de régulation des télécommunications (ARTEL). Le groupe Soyaf dirigé par M. Salif Yaméogo grugé dans l’opération préféra retirer ses billes de cette affaire en vendant ses parts.
Avec de nouveaux actionnaires, Telecel Burkina devint Telecel Faso. L’entreprise peut donc grandir et ses promoteurs se frotter les mains et se lécher les babines malgré la concurrence. Mais le business à ce niveau est une affaire de golden boys. On achète et on vent les parts selon les intérêts de chacun.

Dans notre édition du Bendré n° 353, nous annoncions que la société de téléphonie mobile a été mise sous administration judiciaire. Cette étape de l’histoire de la société est la résultante du combat de titans auquel se livrent les principaux actionnaires de la boite que sont Atlantique Télécom et Planor Afrique S.A. Ces derniers détiennent respectivement 51% et 44% des actions de la société.

Qui sont les protagonistes ?

De prime abord, il convient de noter que ces deux groupes de par leur envergure et leur tendance à la diversification de leur domaine d’intervention passent pour être le prototype d’entreprises économiques qui, en principe, devaient faire la fierté de l’espace UEMOA.

Le groupe Atlantique est un important groupe privé africain qui est présent dans les secteurs financiers (banque, assurance), agro-industriels, alimentaires et dans les télécommunications mobiles. Atlantique Télécom de nos jours est présent dans 7 pays africains à savoir le Bénin, le Togo, le Burkina Faso, le Niger, la Centrafrique, le Gabon et la Côte d’Ivoire.
Quant au groupe Planor Afrique S.A, c’est un holding fondé en mars 2004 par l’homme d’affaire burkinabè, Apollinaire Compaoré et qui réunit les anciennes sociétés de l’ex groupe Burkina Moto. Ce groupe exerce ses activités dans le secteur financier (établissements de crédit et d’assurances), dans les télécommunications (téléphonie mobile au Niger, en Côte d’Ivoire avec Loteny-Télécel, au Burkina avec telecel Faso et les services ISP) ; le groupe Planor intervient aussi dans le secteur du négoce et de l’industrie (les produits pétroliers, les cycles et cyclomoteurs, les produits cosmétiques, le tabac, le thé etc.). Comme partenaires de Planor, on cite Phillip Morris, Seita, Bridgestone, CFAO et Bolloré.

Tel des partenaires conjugaux qui s’étaient mariés pour le meilleur et pour le pire, la direction générale de Télécel Faso était l’affaire de Atlantique Télécom qui a vite fait d’y placer à sa tête, un de ses vice-présidents, M. Ahmed Cissé. Planor à travers son PDG Apollinaire Compaoré a hérité de la présidence du conseil d’administration. Mais voilà l’idylle à peine commencée que des scènes de ménages allaient faire leur apparition.
Tout à commencer lorsqu’en mi 2005, le groupe Atlantique Télécom noue un partenariat stratégique avec Emirates Télécommunications corporation (ETISALAT), une multinationale présente dans les sept Emirats arabes Unis, en Tanzanie et au Soudan (cf. Bendré 340 du 16 mai 2005). En plus de la téléphonie mobile et de la téléphonie fixe, cette société opère aussi dans les domaines de la fabrication de cartes prépayées, de la communication par satellite à travers la société Thuraya et de l’accès à Internet.
Ce nouveau partenariat qui semble avoir été scellé sur le dos de Planor permet au groupe Atlantique et ETISALAT de rapprocher leurs moyens respectifs dans le cadre d’une participation égalitaire au capital du groupe Atlantique Télécom qui enregistre de ce fait une augmentation très significative de ses fonds propres.
Trop tard lorsque le PCA découvre le « deal ». Manque d’égards ou tentative d’arnaque ? Question !

A ces considérations, il faut noter que ces 15 derniers mois, la forte tendance concurrentielle dans le secteur a créé quelques ennuis à la société qui s’est vue distancier par les autres opérateurs. Ce qui a inévitablement fait baisser son chiffre d’affaires. Ces « affaires », ajoutées à quelques frasques de gestion de la direction générale et à l’animosité entre le PCA et le DG ont fini par rompre le contrat de confiance entre les « propriétaires » de la boîte. La suite on la connaît : au lieu d’une assemblée générale des actionnaires, c’est une décision de justice qui vient de rentrer en vigueur. En effet, la société a été placée sous administration judiciaire et confiée au cabinet CAFEC-K qui, paradoxalement semble être le même qui travaille ici à l’implantation de la Banque Atlantique dont Atlantique Telecom est une des filiales.

Et si ce n’était qu’une querelle de positionnement

Théoriquement, à partir de fin 2005, l’espace des télécommunications doit être libéralisé. Fini les monopoles et bonjour l’ouverture tout azimut de l’espace à ceux qui peuvent s’y engouffrer.
D’ailleurs, le gouvernement burkinabè dans sa stratégie de libéralisation compte privatiser l’Office national des télécommunications (ONATEL) d’ici juin 2006 au plus tard. Et dès le 31 décembre 2005, le dernier pan des télécoms encore sous monopole public notamment la ligne fixe internationale sera cédée au privé.

Ces dispositions offrent de belles affaires en perspective. Ces deux géants financiers sous tropiques actionnaires de Télécel ayant pris goût à la chose du secteur, il est fort probable que la bataille qui se mène aujourd’hui puisse être en réalité une tentative pour s’accaparer l’entreprise pour avoir plus de plus-value.
Mais avant d’en arriver là, Telecel risque d’enregistrer à nouveau une saignée de sa clientèle dont une bonne partie risque de migrer chez ses concurrents.

Par Bangba Nikiema
Bendré

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