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Saga des “France au revoir” : Le printemps des sous- vêtements de seconde main

Publié le jeudi 25 août 2005 à 07h16min

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A chacun son « France au revoir ». Si les véhicules automobiles constituent la face visible de l’iceberg, celle cachée est constituée d’articles d’habillement, notamment les soutiens-gorge et les slips.

La rue de l’olympisme située aux abords du stade du 04-Août semble être « le berceau » de ce commerce qui fait son bonhomme de chemin avec, en prime, ses habituées et ses inconditionnelles.

Samedi soir, string, un doigt, voilà moi...autant de noms qui, apparemment, ne représentent rien pour le profane mais pourtant signifient beaucoup de choses dans le jargon des filles et femmes dites « branchées ». Ces dénominations sont attribuées à une catégorie de slips féminins hors pair. Pourquoi de tels noms ? Où peut-on les trouver ?

Carnet secret d’une visite dans une boutique de friperie sise à la rue de l’olympisme aux abords du stade du 04-Août.

Lundi 11 juillet 2005, 10h03 sur la rue de l’olympisme, un homme, Adama Compaoré, la trentaine sonnée, accroupi devant un tas de friperie, s’adonne à un exercice : le tri comme un jeu d’enfants, il remue, secoue, soulève article par article, les contemple et les dispose à côté. Cet exercice, il le fait depuis plus de sept ans. Il lève le regard et croise celui de l’équipe de Sidwaya.

Surpris dans son travail atypique (la fouille de slips et de soutiens-gorge), il abandonne sa besogne et se dirige à l’intérieur de son « bureau ». Là se dégage une odeur d’une salade de parfum.

Des articles de tous genres, des robes de nuit, des pantalons bas-d’Eph mais aussi et surtout des soutiens-gorge et des slips de femme de seconde main sont entassés de part et d’autre à l’intérieur de la petite pièce servant de boutique.

Chaque article est classé par catégorie : premier, deuxième et troisième choix. C’est selon le porte- feuille du client. Cette diversité de choix vise à satisfaire la clientèle quel que soit le statut social. Une cliente est là, Mlle Balkissa Ouédraogo. Elle fouille un tas de soutiens-gorge, celui du premier choix, c’est-à-dire la meilleure qualité. Soudain, elle y soit un soutien-gorge, marchande et le met dans son sac après avoir déboursé la somme de 1 250 FCFA. Sans ambages, elle nous confie que « acheter un slip ou un soutien-gorge de seconde main, n’est pas un signe de pauvreté. C’est plutôt une recherche de qualité.

Les sous-vêtements de la friperie sont généralement de meilleure qualité. On y trouve des articles de haute classe, confectionnés sur mesure. J’ai une forte poitrine et je n’ai j’aimais trouvé sur la place du marché, des soutiens-gorge prêts-à- porter qui me conviennent.En plus, les soutiens-gorge neufs que l’on vend sont conçus à partir des mesures standard. Ce qui ne convient généralement pas à tout le monde. Encore qu’ils ne sont pas résistants, car si ce n’est pas la bretelle qui saute après deux ou trois ports, ce sont les fers qui nous piquent la poitrine.

Alors pourquoi dépenser son argent pour un objet de mauvaise qualité ? » a relevé Mlle Ouédraogo. A la question de savoir si elle ne craint pas de contracter des maladies, Balkissa est formelle : « Vous savez, toutes les grandes dames passent ici. Ce sont des sous-vêtements de « high life » (haute classe). Et lorsque vous les portez, vous en êtes fière et avez envie même de les exhiber. Il suffit de les laver et de les désinfecter à l’eau de Javel. Il n’y a donc pas de honte dans ça ». Un avis partagé par Mme Alice Ouédraogo, une autre cliente venue, elle aussi, acheter des soutiens-gorge.

Pour elle, ces articles sont d’une grande qualité et d’une résistance sans pareille. « Ils sont meilleurs à ceux dits prêts-à-porter. Seulement, il faut songer à les laver et les désinfecter après l’achat, sinon bonjour les allergies », ajoute t-elle. M.O.K. va plus loin : « Toute femme doit apprendre à séduire son homme par sa toilette. Les sous-vêtements vendus ici sont « classés » et sexy. Quoi de plus normal pour une femme que de chercher ce petit ingrédient pour faire plaisir à monsieur ? Il faut l’accrocher » et en la matière, le slip et le soutien comptent beaucoup ». Etre sexy, agréable à voir certes mais pas jusqu’à porter les slips d’autres personnes, Madame. « Ecoutez, ce ne sont pas tous les sous-vêtements qui sont déjà utilisés, en tant qu’avertie, je connais les qualités de ce que j’achète », rétorque Mme O.K. avant d’ajouter : « Qui, dans ce pays ne vit pas au rythme des « France au revoir », du véhicule jusqu’aux montres, nous sommes d’ailleurs tous dans « France au revoir ».

« En tant qu’avertie », oui, l’expression est lâchée. Le commerce des sous-vêtements de la friperie a effectivement ses habitués et ses inconditionnels. Et ce n’est pas Mme O.K. seulement qui le dit. Adama Compaoré l’atteste aussi. « Lorsque les balles arrivent, nous contactons aussitôt nos clients potentiels ». D’où proviennent ces balles, qui les fait venir ?.

Un commerce porteur et organisé

Ce sont des Libanais qui nous approvisionnent, répond Adama. Ces balles proviennent certainement d’Europe, poursuit-il.

Après avoir « ravitaillé » les clientes ponctuelles Adama et son équipe (au moins quatorze personnes) procèdent à la classification des articles par nature (robes de nuit, bas d’Eph, slips, soutiens-gorge) ensuite par catégorie premier, deuxième, troisième choix.

Et le reste (c’est-à-dire les article de basse qualité) sont vendus dans les marchés « atypiques » (marché du lundi, mardi...) par le biais de revendeurs attitrés.

De bonnes affaires certes, des pertes aussi

Les slips et les soutiens-gorge de premier choix sont vendus respectivement à 500 et 1 250 FCFA l’unité, ceux du deuxième choix, à 250 et 500 CFA quant au dernier, il faut juste 200 FCFA pour s’en approprier.

Ce qui permet à « l’entreprise » de Adama Compaoré de faire des recettes journalières de 20 à 50 000 FCFA.

Des recettes qui paraissent assez consistantes pour entretenir le foyer de Adama. Cependant, tout n’est pas rose pour lui car les mauvaises affaires et les vols sont légion dans son activité. Voler un slip ou un soutien-gorge paraît utopique.

Pourtant, c’est ce qui se vit dans la boutique de Adama. Des femmes et souvent pas des moindres, explique-t-il s’adonnent à cette pratique.

Il a fallu, dit-il, la mise en place « d’un comité de surveillance » pour atténuer ces comportements « peu catholiques ».

A ces vols, poursuit-il, se greffent les pertes énormes infligées à « l’entreprise » dues à des haillons que nous recevons de certains balles.

En tous les cas, sous-vêtements « France au revoir » ou pas, chacun sait où trouver son compte.

A. Verlaine KABORE
Sidwaya

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