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Environnement : Les ressources en eau souterraine du continent Africain pourraient être résilientes aux changements climatiques

Publié le jeudi 19 septembre 2019 à 11h25min

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Environnement : Les ressources en eau souterraine du continent Africain pourraient être résilientes aux changements climatiques

Un consortium de 32 scientifiques Africains et Internationaux a conduit un travail de recherche dont les résultats viennent d’être publiés dans le journal Nature (Cuthbert M. et al., NATURE, Volume 572 du 08 Août 2019). Ce travail de recherche montre que l’eau souterraine qui est une ressource vitale pour l’alimentation en eau potable, pour l’industrie et pour l’irrigation en Afrique subsaharienne, présente une certaine résilience aux variations et changements climatiques. En particulier, cette étude montre que le renouvellement des eaux souterraines en Afrique dépend d’évènements de fortes pluies et d’inondations qui pourraient être amplifiés, selon les projections climatiques des prochaines décennies qui prévoient des occurrences de phénomènes climatiques extrêmes (inondations, sécheresse…). Les évènements de fortes pluies et d’inondations qui engendrent un renouvellement des réserves en eau souterraine sont souvent associés aux phénomènes climatiques particuliers comme El Niño et La Niña.

L’eau souterraine joue un rôle central pour alimenter durablement les populations d’Afrique subsaharienne car elle est largement présente, généralement de bonne qualité. Au Burkina Faso par exemple, dans les roches de socle qui couvrent la plus grande partie du territoire représentant environ 80% de la superficie du pays, "l’eau souterraine est une solution potentiellement très intéressante pour répondre durablement aux besoins croissants en eau et atteindre les objectifs 2 (faim "zéro") et 6 (eau potable pour tous) des Objectifs du Développement Durable 2015 - 2030".

Ce nouveau travail est basé sur l’étude de 14 enregistrements de longues durées (de 17 à 63 ans) de niveaux d’eau souterraine et de pluie obtenus dans une zone très étendue avec une variété de climats, du très aride à l’humide. L’équipe de chercheurs a analysé conjointement les données issues de neuf (9) pays Africains au Sud du Sahara (Afrique du Sud, Bénin, Burkina Faso, Ghana, Namibie, Niger, Ouganda, Tanzanie, Zambie) pour mieux comprendre comment le renouvellement des réserves en eau souterraine répondait au climat et à la géologie.

L’étude dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature a été menée à l’échelle du continent africain. Ces travaux ont vu le jour grâce à de nombreux mécanismes de financements de la recherche notamment ceux du gouvernement du Royaume-Uni, du Japon, de l’IRD (France) et l’appui technique d’institutions publiques nationales d’Afrique, d’Europe ou d’Asie.

Les enregistrements des variations de niveau d’eau souterraine sur des durées de plusieurs décennies sont rares en Afrique, mais au Burkina Faso, la Direction Générale des Ressources en Eau (DGRE) et la Direction des Etudes et de l’information sur l’Eau (DEIE) ont mis en place des réseaux d’observation qui montrent tout leur intérêt dans cette étude. En particulier, la longue série d’enregistrement sans discontinuité depuis 1978 du piézomètre Ka-Ouaga-UO, encore appelé « piézo CIEH », est une source d’informations précieuses dans la région soudano-sahélienne.

Justement, Youssouf KOUSSOUBE, Maître de Conférences en Hydrogéologie à l’Université Joseph KI-ZERBO, laboratoire d’hydrogéologie, dirige une étude sur la chronique pluriannuelle de fluctuations de la nappe d’eau souterraine. Les résultats révèlent à la fois les réponses saisonnières de faible amplitude ( 1 m) à pluviométrie de la mousson et les oscillations de plus grande amplitude (plusieurs mètres) pouvant être liée à la variation des précipitations caractérisant la sécheresse sahélienne.

Ces données climatiques ont été judicieusement mesurées par l’Agence Nationale de la Météorologie du Burkina (ANAM). La chronique piézométrique multi-décennale à Ouagadougou démontre une forte relation entre la recharge des eaux souterraines et la variabilité climatique (Koussoubé et al, 2015). L’analyse de ces enregistrements indique que dans le contexte climatique du Burkina, l’eau souterraine est renouvelée essentiellement par l’eau de pluie qui s’infiltre de façon diffuse depuis la surface du sol.

Dans les zones arides du Sahel au contraire, le renouvellement de l’eau souterraine se fait généralement depuis des infiltrations localisées sous les cours d’eau temporaires et les marres des bas-fonds. La géologie joue également un rôle dans les volumes d’eau renouvelée.

Professeur Richard Taylor (Université College London, Royaume Uni), qui a codirigé ce travail, souligne : "les études antérieures qui se sont intéressées aux ressources régionales en eau souterraine à partir de résultats de modèles de grandes échelles ont ignoré l’infiltration localisées sous les cours d’eau temporaires et dans les bas-fonds, et ont ainsi sous-estimé leur renouvellement et leur résilience face au changement climatique".

Professeur Taylor ajoute :"Dans les zones sèches où l’eau souterraine est souvent la seule ressource pérenne, ces stratégies pourraient s’appuyer sur la prédiction des évènements de fortes pluies et d’inondations qui génèrent un renouvellement des eaux souterraines".

A ces conditions climatiques s’ajoutent d’autres facteursA ce sujet, Richard W. Healy (US Geologica Survey, Lakewood, Colorado 80225, USA) souligne que « le changement climatique n’est pas le seul facteur pouvant impacter les ressources en eau en terme de disponibilité et de qualité. Les activités humaines (la déforestation, le reboisement, les exploitations agricoles, les activités industrielles et minières par exemple pourraient avoir un effet négatif sur des eaux souterraines en qualité comme en quantité, limitant ainsi leurs utilisations ».

Il poursuit en disant que « évaluer l’avenir de la disponibilité de telles ressources en Afrique subsaharienne reste une tâche difficile ». Il conclut que M. Cuthbert et ses collaborateurs ont franchi, à travers ce travail, une étape cruciale dans la bonne direction.

Référence : Cuthbert, M. Taylor, R. Favreau, G. … Koussoube, Y. et al. (2019). Observed controls on resilience of groundwater to climate variability in sub-Saharan Africa, N ATURE, VOL 572, 230:244,doi.org/10.1038/s41586-019-1441-7

Pour plus d’informations, merci de contacter

Dr Youssouf KOUSSOUBE , Maître de Conférences en Hydrogéologie, Université Joseph KI-ZERBO, BP 7021, Ouagadougou, Burkina Faso ; email : youssouf.koussoube@univ-ouaga.bf ; Téléphone : +226 70 27 03 86

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