LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Monseigneur Anselme Titiama Sanon, archevêque de Bobo-Dioulasso

Publié le lundi 29 août 2005 à 07h47min

PARTAGER :                          

De Monseigneur Anselme Titiama Sanon, les Burkinabè gardent l’image de ce vieillard frêle mais solide (à l’image du roseau qui plie mais ne rompt jamais) qui a présidé le 30 mars 2001, l’historique Journée nationale de pardon. Un engagement contesté à l’époque jusqu’au sein de sa propre famille, mais que l’homme d’Eglise a justifié par le fait que "nous sommes tous coupables parce que nous n’avons pas fait, mal fait, omis de faire ou laissé faire".

C’est à la rencontre de cet homme de volonté, de ce "puits" de sagesse et de tolérance, pétri de foi et de connaissances que nous sommes allés pour parler des "choses de la vie" qui ne sont en définitive que les choses de Dieu. Ecoutons donc la voix de la justice, de la vérité et surtout de l’humilité sur différents aspects de cette vie terrestre.

Sidwaya (S.) : Le 10 juin 2005, le pape Benoît XVI déclarait que "l’enseignement traditionnel de l’Eglise s’est avéré être le seul moyen infaillible de prévenir l’épidémie du virus VIH". Votre appréciation ?

Monseigneur Anselme T. Sanon (A. T. S.) : Je vous remercie de cette occasion que vous me donnez d’échanger avec vous sur la religion, si tant est que je n’interviens pas comme citoyen car ne le pouvant plus, mais comme homme d’Eglise, pasteur. Pour répondre à votre question, disons que le pape Benoît XVI, c’est-à-dire le théologien Joseph Ratzinger, lorsqu’il s’exprime, c’est tout une science, une somme de connaissances, un condensé de l’expérience intellectuelle, non seulement de l’Allemagne, de l’Occident, mais du monde intellectuel d’aujourd’hui qui parle.

J’ai dit quelque part que Jean-Paul II avançait et qu’il fallait par la suite mesurer les pas qu’il avait parcourus. Le pape actuel pose des affirmations qui traduisent ce que l’humanité sent et vit. Le VIH/Sida a semblé surprendre l’humanité qui n’a pas fini de conjecturer sur ses causes, son origine. Jusqu’à présent le mystère demeure quant à cette origine, du moins en sa forme moderne, endémique.

D’autre part aussi, on sait que beaucoup de personnes ou de groupes d’intérêts ont profité de cela pour faire des propositions souvent de type commercial ou antihumaniste faisant croire qu’ils prévenaient le Sida alors qu’eux-mêmes, intellectuellement ou pratiquement étaient dans le doute. Dans le cas du Burkina Faso, on a présenté au début de la maladie des moyens prétendûment sûrs.

Nous avions abordé le ministre qui était en poste à l’époque en lui demandant si cette "stratégie" n’induisait pas les populations dans l’erreur. Notamment les jeunes, qui vont dire "allons-y", car nous avons un moyen de protection. Quelques trois ans après, un train est parti de Ouagadougou jusqu’à Niangoloko pour dire que c’était le moyen le plus sûr. Du coup, ça déjugeait et annihilait tout ce qui avait été dit auparavant. Nous avons avancé ceci en tenant compte de l’état moral, religieux et scientifique de ce pays.

Nous avons dit que dans toutes nos traditions, la fidélité représente une valeur sûre. Donc le premier moyen infaillible c’est la fidélité. Mais quand une maladie devient endémique, même dans la fidélité on n’est pas protégé. Une infirmière de ma propre famille a ainsi été infectée, tout simplement en soignant à domicile un malade sans prendre les précautions. Donc la fidélité, ensuite les moyens qui sont indiqués. Quand on essaie de voir la provenance de ceux-ci, on se rend compte qu’on a vidé des magasins entiers en Occident pour les écouler ici. Le problème n’est plus de savoir si on peut utiliser tel moyen, mais de s’interroger sur le caractère éthique d’une telle transaction.

Car bien souvent ce sont des produits avariés qu’on a écoulés en Afrique du fait de l’existence d’un marché. Cette interview intervient un peu tôt (ndlr le 19/07/2005) parce qu’avant-hier, une réunion de tous les médecins africains en charge de la maladie s’est terminée à Dakar. Il serait intéressant de savoir à travers leurs conclusions, où est-ce que la réflexion africaine en est par rapport à la maladie. Jusqu’à présent ce sont les autres qui proposent les solutions que nous avalons sans tenir compte du jeu politique et des intérêts qu’il y a derrière ces solutions.

L’Eglise dit qu’elle ne peut pas empêcher un ministre de la Santé de proposer à la population des moyens qui sont des palliatifs dont aucun n’est sûr.

S. : Est-ce que ce discours ne condamne pas ceux qui sont atteints de ce mal terrible ? La religion est-elle là pour nous empêcher de souffrir sur terre ou pour nous soulager au paradis ?

A. T. S. : L’Eglise est prévenue depuis l’Evangile de Jean où il y avait cet aveugle-né. Les apôtres passent avec Jésus et il est là en train de quémander. Et les apôtres de demander à Jésus, si c’est lui ou ses parents qui ont péché ? Le Seigneur répondit que ni lui, ni ses parents n’avaient péché et que son état ne faisait que révéler la gloire de Dieu.

Quand en 1969, le Pape Paul VI a fait paraître l’encyclique sur la vie, c’était là la position radicale qui disait qu’une autorité ne peut décider d’elle-même de supprimer la vie. Il vous souviendra qu’à l’époque on imposait un seul garçon par famille en Chine. Vous voyez que la Chine est en train de réviser cette position.

C’est cette lecture de Paul VI qui a fait penser que l’Eglise ne voyait que le péché. Depuis ce temps tout ce qui apparaît allant dans le sens de la contraception et de la planification, on dit que l’Eglise est contre. Certains ont même intérêt à mettre cela sur le dos de l’Eglise. Ce qui les amène à empêcher les gens de réfléchir et de prendre leurs responsabilités.

L’Eglise parle de paternité et de maternité responsables, car c’est anormal de faire des enfants au monde, comme si c’était un clapier et ne pas pouvoir s’en occuper. Conscience et responsabilité humaines donc, ce à quoi nous résumons la conscience collective.

Concernant notre jugement sur le VIH Sida, nous savons qu’il y a un égoïsme humain, un mépris de l’humain quelque part. Nous savons aussi qu’il y a un égoïsme des nations, notamment des industries pharmaceutiques pour ne pas trouver ou étouffer ce qu’on a trouvé comme remède. Tout le monde le sait et ce procès non tenu de Pretoria entre l’Afrique du Sud et les industries pharmaceutiques aurait certainement fait éclater certaines vérités.

De même vous voyez que l’on veut empêcher le Brésil de fabriquer les médicaments génériques. Maintenant sur les personnes malades, personnellement avec un groupe de travail, nous disons que c’est une maladie comme les autres.

L’humanité connaît ainsi des moments d’épreuves terribles, en témoignent le fléau de la peste, la maladie du sommeil, la lèpre... L’Eglise ne condamne pas mais assiste au contraire. L’Eglise ne fait pas un bond depuis le péché jusqu’à l’enfer et l’idée que l’on se fait de nous à savoir que nous sommes des moralistes est fausse.

Dans les lectures que nous faisons dans nos prêches nous disons que le responsable doit rester humain et accompagner l’homme dans son cheminement. Du reste, nous faisons des bénédictions par exemple pour des défunts de la religion musulmane ou traditionnelle. Il y a donc longtemps que l’Eglise ne fait plus la leçon.

L’Eglise n’est donc aucunément coupable par ses prétendues lois morales et depuis 1987 nous avons joué un rôle d’éveil et d’assistance dans la lutte contre cette terrible pandémie. Pour terminer je dirai que la prévention contre une maladie qui touche autant l’intimité du malade ne doit pas se mesurer à la quantité d’objets vendus. L’humanité, l’amour de l’autre, la générosité doivent être les seuls leitmotivs.

S. : Abordons un autre sujet qui "secoue" l’Eglise à savoir le mariage des prêtres. N’est-ce pas selon vous un moyen de susciter bien de vocations qui sont chancelantes du fait de l’abstinence prescrite aux prêtres ?

A. T. S. : J’ai envie de répondre à cette question par une autre en vous demandant simplement qui vous a dit çà ? Plus sérieusement, disons que c’est le résultat de tous ces courants anti-cléricaux dont je parlais tantôt. Et ce n’est pas fini car nous aurons des secousses de plus en plus violentes, étant donné que ce sont des groupes qui préparent bien leur "campagne".

Relativement donc à votre question, l’Eglise dans sa tradition, depuis le temps des apôtres, connaissait des mariés parmi ceux-ci. Quand le Seigneur les a pris eux comme les non mariés, ils ont répondu à cet appel prioritaire qui a fait le nouvel axe de leur vie. Ils ont donc laissé leur famille pour aller annoncer l’Evangile. Dès la première équipe des prêtres, il y avait donc des mariés et des non mariés. Dans la situation actuelle de l’Eglise entendue au sens large, à savoir l’Eglise romaine, latine, orthodoxe, maronite, les deux formes sont maintenues à savoir prêtres mariés et non.

J’ai vécu une expérience avec les prêtres maronites qui opèrent ce choix avant le diaconat. Ceux qui se marient sont ordonnés diacres et ceux qui optent pour le célibat reçoivent le diaconat. Ensuite tous deviennent prêtres. Cela veut dire qu’un marié peut devenir prêtre, mais un prêtre ne peut pas se marier. Ce n’est donc pas à travers le mariage des jeunes prêtres que l’on va répondre au problème des vocations. Celui-ci se situe au niveau de l’engagement à vie, total qui est demandé aux prêtres.

Nous avons au Burkina un diocèse où ils ont du mal à trouver des catéchistes. Vous parlez d’abstinence prescrite aux prêtres, mais l’engagement va au-delà. Il recouvre le détachement de toutes choses. Je disais ainsi à des séminaristes de ne jamais désigner telle personne ou telle autre en disant "ma mère" ou "mon frère". Non pas que nous soyons sans cœur, mais parce que comme le disait le Pape actuel, plus le détachement est profond, plus nous trouvons de nouvelles élévations. Devenir le frère de tout le monde donne une famille, beaucoup plus large. En restant attaché à sa famille, on contrefait l’engagement total que nous avons pris. C’est la volonté personnelle qui est ici interpellée.

S. : Votre avis maintenant sur l’ordination des femmes.

A. T. S. : C’est un sujet que l’on vient de faire "éclater" à Lyon ce qui me fait dire que c’est là où l’affaire risque d’être vraiment ridicule. En ce sens que l’Eglise de Lyon est la plus ancienne église de France. Les anciens qui utilisaient les voies de communications fluviales se sont d’abord installés à Lyon en remontant le Rhône. L’Eglise de Lyon est donc la mère de toutes les autres églises qui sont venues bien après. Et puis Lyon contrairement à Paris par exemple a une tradition catholique bien pétrie. Certainement que la femme que l’on a ordonnée a les compétences, mais ce n’est pas une simple affaire de compétence mais aussi de mission.

L’autre condition c’est la communion, et Jésus Christ ne peut pas te donner une mission si tu n’es pas en communion avec l’ensemble de l’Eglise donc avec Saint Pierre. C’est donc un débat logique qui est loin cependant de refléter la vérité. De qui ces femmes recevront-elles leur mission dirais-je pour terminer sur la question.

S. : Votre opinion sur d’autres questions telles que l’homoparentalité, la médecine et la culture transgénétique ?

A. T. S. : Il y a un débat sur une radio étrangère où l’on a évoqué les libertés fondamentales pour justifier ou fonder l’homoparentalité. Ce que l’on a oublié c’est que la liberté a des limites. Par exemple, j’ai la liberté de vous tuer ou de vous insulter mais est-ce que je peux le faire ? Est-ce que je reste moi-même en le faisant ? Si un moyen me détruit moi-même non pas seulement physiquement, mais justement dans ma rationalité cela me ramène à un rang inférieur.

Le Lévitique (Ndlr : Lévitique 20 - 13 : "si un homme couche avec un homme comme couche avec une femme ils ont fait tous deux une chose abominale. Ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux)" traitre la question biologiquement et socialement c’est-à-dire la communauté.

Mais Saint Paul dans l’Epître aux Romains pose l’homosexualité en termes de liberté et rationalité. J’ai eu des frissons quand j’ai appris que quelqu’un de très connu en France était homosexuel. Je me suis dit aussitôt qu’il y a quelque chose qui ne va pas là-bas. C’est quand liberté et raison se concilient que l’on a à faire à l’homme plein. Plus nous conjuguons notre liberté avec notre rationalité, plus notre personnalité s’affirme et s’affine. Il ne faut pas perdre cela de vue au nom d’une liberté jacobine.

Et puis, en étudiant l’histoire des civilisations de l’Egypte à la Rome antique en passant par la Grèce, la Mésopotamie, ... on s’interroge sur ces chutes progressives jusqu’à la disparition. Vous remarquerez par contre que les Chinois sont là avec les symboles de leurs divinités. L’Egypte il est vrai a été tellement envahie, mais de Rome ou de la Grèce que reste-t-il ? C’est dire qu’il y a des comportements qui indiquent des fins de civilisation. Dans une société où l’on protège les animaux au point d’en appeler à la mort pour ceux qui les tuent, il y a de quoi s’inquiéter. Et puis, on supporte la présence de huit chats ou de quatre chiens tout en ne tolérant pas celle du voisin d’à - côté. Et le bébé qui crie dans le train dérange comme si cela n’était pas dans l’ordre normal des choses.

Ce sont des comportements de fin de race qui posent en termes politiques et économiques, le problème de l’immigration et celui des vocations pour l’Eglise. Un évêque me disait ainsi qu’il ne peut plus compter sur les vocations venant des familles françaises. Et un archevêque espagnol d’ajouter que le problème des vocations suppose d’abord qu’il y aient des familles. Car un couple, ce n’est pas une famille. Vous voyez ce qu’il y a comme perversion de la réflexion quand on dit que l’on veut s’accoupler sans enfant et adopter des enfants par ailleurs. Que fait-on de la liberté de cet enfant ? Je dis qu’il y a injustice par rapport aux enfants qu’on adopte. Même dans les couples normaux l’adoption peut poser problème. Alors si la liberté doit conduire à l’irrationalité et à l’irresponsabilité et si elle doit brimer celle des autres on doit l’arrêter au nom toujours de cette même liberté jacobine. C’est le B-A BA comme cela, et il ne faut pas en faire un débat religieux.

Par rapport à la culture transgénétique, il y a un certain nombre de sous-entendus qui portent sur la science et ses conséquences sur l’humanité. Sur la question, l’Eglise n’a pas été toujours lucide, mais on est averti. Il y a trois ans que le débat est arrivé chez nous et des intellectuels comme Paul Ismaël Ouédraogo ont, je crois, opiné sur la question. Disons que par réalisme, l’Afrique qui a des millions d’affamés à nourrir, ne chercherait pas, en cas de don de maïs par excellence à savoir si celui-ci est "OGM" ou pas. Personnellement j’ai essayé de mener la réflexion sur un terrain neutre parce que si l’Eglise veut se prononcer là-dessus il faut qu’elle tienne compte des données scientifiques et humaines.

J’ai vu qu’au début c’était le seigle qui était beaucoup répandu. Par le travail des moines qui ont voulu avoir un meilleur froment pour améliorer l’alimentation des hommes, le blé lui a succédé. Le résultat c’est que certaines espèces ont disparu et d’autres ont subsisté. On peut dire la même la chose de la vigne, de la pomme de terre, de la canne à sucre. Il y a donc un moment où l’intelligence de l’homme qui est responsable peu changer l’évolution génétique jusque même dans l’évolution "automatique" de la personne humaine. Mais jusqu’à quel point, devons-nous nous demander.

A mon avis les savants doivent savoir qu’il y a une limite. Cette limite n’est pas à déterminer par les chercheurs mais par les responsables de la société. Il y a tout un champ d’expérimentation à explorer en commun, c’est-à-dire pays développés et pays en voie de l’être. Sur ce point par exemple le cas du coton est devenu comme un parachute ce qui n’est pas normal. Et puis vous voyez que là où il y a des champs de coton et de l’engrais, il n’y a plus de chenilles et je ne dis pas cela pour rire. Plus encore on n’a plus de karité comme jadis, alors que la noix de karité représentait le premier produit commercial de la Haute-Volta.

Il ne faut donc pas que la recherche se fasse au détriment de l’environnement et de nos produits premiers. Le bénéfice doit être évident pour l’ensemble de l’équilibre naturel, végétal et humain.

S’agissant enfin de la médecine transgénétique, ma foi de croyant me fait dire que le créateur qui est bon ne peut pas mettre une humanité quelque part, sans lui donner tout ce qu’il faut pour ne pas mourir de faim, pour se soigner, etc. Lorsqu’au Burkina Faso on dit qu’il y a la famine cela n’est pas dû au manque de pluies uniquement mais réside aussi dans le fait que nous n’évoluons pas dans notre façon d’utiliser la nature. Par exemple, la médecine traditionnelle peut être d’un grand secours dans la lutte contre le Sida. Mais ils n’ont pas tout l’équipement voulu. Et actuellement vous verrez qu’il se développe en Europe, un courant pour repartir aux sciences essentielles.

Aujourd’hui, c’est vrai que la connaissance globale a évolué et il faut en prendre acte tout en souhaitant que ce ne soit pas une science qui devienne folle au profit des individus qui ne voient que leurs intérêts. Il faut qu’il y ait une espèce de conseil mondial qui apprécie ces choses - là. Attention donc, car il s’agit de l’homme et la liberté et la raison doivent se conjuguer.

S. : Abordons maintenant les questions politiques pour dire que vous avez dirigé le Collège de sages enfanté dans la douleur en 1999 et que vous avez agi en homme de pensée et pensé en homme d’action en traçant un sillon clair pour sortir de la crise. Quelle analyse rétrospective faites-vous au "sort" fait à votre travail de collégien, selon vos propres mots ?

A. T. S. : Je n’en dirais pas grand chose si tant est que nous avons répondu à un appel au secours de "quelqu’un" qui se trouvait au fond du puits, en lui disant de faire désormais attention à là où il mettait les pieds. C’est dire que la personne est libre de sa marche à charge pour elle d’éviter d’autres trous.

J’ai l’impression que ces temps-ci, avec l’approche des élections, les uns et les autres se posent la question de savoir si l’on ne va pas se retrouver dans le même bourbier. On doit se poser cette question en ce sens que les mêmes causes produisent les mêmes effets. En politique, il y a un certain nombre de conditions à réaliser en Afrique pour parler de démocratie véritable. Souvent la concentration des pouvoirs nuit à celles-ci, si tant est que les décisions tardent à être prises, mais aussi à être répercutées au niveau des populations. Cela crée des frustrations.

Dans notre rapport nous avons insisté sur la nécessité pour tous de cultiver l’esprit républicain, ce qui signifie le respect du bien commun, la citoyenneté. Il faut être fier de son village, de sa ville et de son pays, parce que la citoyenneté et la nationalité se retrouvent à condition qu’ils y aient des citoyens. Ce sont des problèmes généraux dont les acteurs politiques sont conscients, ce qui nous fait espérer qu’ils en tiendront compte à tous les niveaux.

Pertinemment, ce sont les villages qu’il faut aider à se développer pour être des lieux habitables. Nous allons voir à cet effet ce que les différents partis vont mettre dans leurs programmes. Il faut les interpeller sur l’état de nos campagnes. Et même nos villes sont des "villes - villages" où l’opulence côtoie souvent la misère crasse. Cela peut expliquer l’absence de civisme, car les populations ne sont pas impliquées dans la prise des décisions qui les concernent. Pour parler comme les grecs "civis" c’est la cité, différent de "urbanus" qui ne se référait qu’à quelques urbains. Chez nous, l’Etat, la Nation sont nés d’un Sommet qui petit à petit atteint la base.

Pendant la Révolution, même si on sait ce que je pense de celle-ci, le fait de rapprocher l’administration de l’administré était une bonne chose, car chacun comptait sur l’Etat. En définitive, chacun de nos dirigeants doit être digne de confiance.

S. : Plus près de nous, vous avez justifié votre récente adresse aux populations par la nécessité de leur rappeler "les implications morales que suppose une bonne préparation des élections". Le champ politique s’accommode - t - il de la morale et celle-ci n’a-t-elle pas déserté le champ social avec tout ce qui se passe sous nos cieux ?

A. T. S. : Comme disaient les hérauts dans les villages quand ils annonçaient des nouvelles, que celui qui est dedans écoute et que celui qui ne se sent pas concerné écoute deux fois.

Quand nous intervenons, c’est toujours la conscience des personnes, des communautés et de la Nation que nous interpellons. Seulement quand nous parlons, on dit aussitôt que l’Eglise fait de la morale. Or l’analyse anthropologique des choses nous dit que pour que la morale soit elle-même, il faut d’autres conditionnalités. Voyez par exemple la bonne gouvernance qui bien que ressortissant du champ politique a des enjeux moraux. L’économie aussi avec les privatisations ou la fraude par exemple. L’autre jour à la télévision nous avons vu que le Japon a offert des tonnes de riz au Burkina Faso parce que nous sommes affamés. C’est bien, mais, moi qui suis producteur de riz et qui n’arrive pas à écouler celui-ci, comment vais-je m’en tirer ?

Sans y répondre, je dirais qu’il y a la dimension religieuse, ethico-morale et la dimension sociale. Sans allier cela, nous disons que si chacun tient compte de ces facteurs, il devient digne de se présenter à une candidature. C’est sur ces points que nous intervenons. C’est pourquoi nous disons que ce n’est pas à nous de lire les programmes mais nous donnons des critères. Si la règle du jeu est bien menée, on peut arriver à des élections qui fassent honneur à tout le monde.

S. : Dans vos critères de choix vous semblez régler vos vieux comptes avec le marxisme, tout en faisant preuve de naïveté.

A. T. S. : Pour nous, depuis mai 68 le sort du marxisme était réglé comme idéologie. Malheureusement, on tombait dans un ensemble sans idéologie. A ce point de vue, le libéralisme économique a pris une espèce de relais et est devenu une idéologie qui régente le monde aujourd’hui. Quand c’est l’économie qui devient la philosophie, voyez ce que cela fait pour la raison humaine, pour l’organisation de la société. C’est comme un nouveau rideau qui est là et vous voyez que l’Eglise ne peut pas cautionner cela. L’Eglise depuis Léon XIII en 1893 ne peut pas "baptiser" le libéralisme. Que ce soit en économie ou en politique ou dans la recherche s’il y a une liberté qui galope comme cela ce n’est pas bon.

Si une même personne a le capital, dirige la production, a les circuits de structuration et l’argent, elle ne peut que mettre la dépendance la plus absolue sur les autres. Le communisme à ce point de vue n’avait pas totalement tort au plan économique, même s’il avait beaucoup de défaillances idéologiques. Il faut un système de balancier sinon ce sera des groupements d’intérêts tel que c’est le cas aujourd’hui. Déjà en conscience donc l’Eglise ne peut pas être pour le libéralisme parce que l’individualisme est souvent égoïste.

Il y a deux mois, j’étais avec l’actuel directeur de l’OMC qui a reconnu qu’il faut tenir compte des pays émergents. Cela ne peut se faire dans un cadre de monopole de la pensée et de l’action.

S. : Aussi, il y a comme un appel aux chefs coutumiers à se mettre hors du champ politique. Ne leur déniez-vous pas ainsi certaines libertés ?

A. T. S. : On a connu le temps où les chefs de famille, de villages, de cantons, les "Nabas" orientaient l’électorat dans tel ou tel sens. Les choses ont quand même évolué et une certaine éducation de la population fait que ceux qui sont à des postes sensibles comme les chefs coutumiers ou religieux et certains leaders doivent être attentifs à ne pas exercer la pression sur leurs "sujets". Chacun est citoyen et doit exercer son droit de citoyen sans diktat. Ce n’est pas être hors du champ politique que de montrer qu’on est averti et que l’on respecte la liberté des autres. Quand on dit que la politique s’accommode mal de la morale, c’est son état actuel qui est mis en cause.

Sinon des grands hommes politiques comme de Gaulle ou les précurseurs de l’Union européenne ont fait preuve de vertus morales dans la gestion de la chose politique. Il faut donc apprendre à nos enfants, le sens de la communauté de pays...

L’enseignement de la géographie humaine me parait primordial à cet effet. C’est le point de départ de la formation à la vertu, à la géopolitique.

S. : En 1991, un plan de réhabilitation économique de la région de l’Ouest et de la ville de Bobo avait été lancé avec la bénédiction des autorités religieuses, politiques de l’Ouest. Quel est l’état des lieux 15 ans plus tard.

A. T. S. : Deux des personnes qui ont travaillé à l’élaboration de ce plan étaient de mes connaissances. On peut dire que le problème est d’abord national. On ne peut pas dire qu’il y a un poumon politique et un autre économique, les deux allant de pair. Ce projet a rencontré beaucoup d’obstacles objectifs. Pour ne citer que le dernier, à savoir ce qui est arrivé au chemin de fer, même si de ce côté il y a de bonnes nouvelles. Il y a aussi l’environnement à savoir la Côte d’Ivoire d’un côté et le Mali de l’autre, dont la politique "barbotait" à un moment donné.

Le problème numéro un pour moi demeure cependant l’enclavement de la ville de Bobo-Dioulasso. Quelqu’un me disait à Ouagadougou que si la route de Kongoussi était goudronnée, on pouvait sortir de la capitale sans avoir la poussière rouge. C’est encore loin d’être le cas de Bobo-Dioulasso. L’axe qui était vital au temps de Kwamé N’Krumah à savoir l’axe Ouessa-Diébougou jusqu’à Bamako via Sikasso est en état défectueux. Quant à l’axe Dédougou son bitumage est prévu depuis le temps de la Révolution. On attend toujours alors que la vie sociale, politique, économique, commerciale est liée au transport, à la possibilité de se déplacer.

Il y a ensuite la mise en cité, c’est-à-dire l’urbanisation à laquelle je ne crois pas trop. Je me demande par exemple si on peut faire des 800 000 habitants que comptera bientôt Bobo-dioulasso, des gens de la ville, ou bien s’ils ne seront pas seulement des gens du village aggloméré, ce que l’on a actuellement. Il y a même encore des quartiers où on n’a pas l’électricité ou l’eau courante. Il faut par contre aider les villages qui sont dynamiques à être des cités en les aidant à avoir l’eau et l’électricité. Puis l’école, les soins de santé etc.

Et puis Bobo-Dioulasso manque cruellement d’infrastructures et j’en veux pour preuve la gare routière qui n’est plus loin de ressembler à un serpent de mer.

Presque tout à Bobo-Dioulasso est donc au stade de projets. Il faut donc des gens compétents, intéressés, car les programmes sont là. Qu’on ne parle pas de moyens, car les premiers moyens sont humains et cette ressource ne fait pas défaut.

S. : Cela n’est-il pas dû au fait que la vie politique bobolaise est rythmée par des querelles au sein des différents partis notamment le CDP ?

A. T. S. : Tout le monde le dit, mais je réponds innocemment qu’au temps du RDA, la cohérence d’un parti faisait que ces tensions de personnalités de points de vue étaient secondaires. Il faut donc voir si les partis politiques sont cohérents. Je vais élargir la question ne demandant avec les défenestrages, les décoiffages ou les transhumances qui ont cours, avec quels hommes nous allons aux prochaines élections. Est-ce qu’il y a des objectifs et des conditions, des idéologies tels qu’il faille ce luxe de groupes partisans et de finances, car un parti suppose aussi une armature financière. Ne faut-il pas faire preuve d’économie ici, aussi, pour gagner davantage en crédibilité ? Sinon dans nos villages les populations vont se demander de quoi il retourne. Si un village a cent habitants et cent partis politiques viennent se présenter, c’est détruire le village en question.

L’autre élément c’est que l’on peut se demander s’il y a un lien réel entre ces politiciens et les gens des campagnes. Bobo, comme vous l’avez dit, semble être une illustration de cela. Trop de médecins tuent forcément le malade. La division ne doit pas occulter le fait que l’homme est un être social et si on l’oublie, tout devient querelles de personnes d’intérêts et c’est dommage.

S. : En 2000, les événements consécutifs aux élections municipales avaient coûté la vie à un de vos "fils" Sou Roger Sanou. Avez-vous pardonné ce qui s’est passé ?

A. T. S. : (Rires) La question n’est pas là en ce sens que lorsque l’événement s’est passé j’étais en Côte d’Ivoire. A mon retour, j’ai écouté la famille et nous avons décidé qu’on ne va pas suivre la coutume qui veut qu’on enterre quelqu’un au bout de trois ou quatre jours, sans connaître les causes de la mort de notre cousin et de l’autre infortuné, car il y a eu deux morts.

Il ne fallait pas se contenter de la version facile servie , surtout que parmi les cousins, c’était le plus calme. On a mis 35 jours pour que la médecine légale nous dise de quoi il est mort.

Le volet qui a suivi c’était la Journée nationale de pardon dans laquelle j’étais impliqué. A mon retour, mes frères et cousins ont fustigé ma position au prétexte que je suis allé présider cette journée alors qu’à Bobo, "on nous tue et puis y a rien". Je leur ai répliqué qu’au cours de cette journée on a vu des victimes garder leurs ressentiments dans leur cœur, pour accepter le pardon.

A la célébration de la messe du défunt j’ai tout simplement remercié les gens pour leur compassion et leur soutien. Le déclic provenant de la JNP a fait qu’il figurait parmi les dernières démarches et ils ont fait les démarches pour venir saluer la famille. Il ne convient donc pas de me demander si j’ai pardonné d’autant plus que ma position personnelle par rapport aux événements de la vie, me fait dire que je suis trop petit, pour être offensé. Comme on dit, l’éléphant, ne peut pas écraser la fourmi.

Concernant ce fait, il y a une seule personne qui n’est jamais venue pourqu’on s’explique et je pense que cela est dommage. Je n’ai jamais su ce que l’intéressé pensait de l’événement, ni ce qu’il pense que moi-même j’en pense. Ma porte reste cependant ouverte. Mais nous avons tellement dépassé cela dans la famille que nous disons qu’il y a un certain comportement qu’il faut avoir par rapport aux autorités car nous aussi nous sommes des citoyens de cette ville. Beaucoup de terres du côté Ouest sont les nôtres et nous ne comprenons pas qu’au fur et à mesure, on envoie les gens beaucoup plus loin. Surtout quand on détruit des richesses naturelles comme la forêt de Kokoroé ou la zone de Nasso. Cela préfigure la mort de notre famille et de la ville tout entière. Car si on ne fait pas attention, le Houet va devenir sec.

S. : Monseigneur, le débat politique est actuellement focalisé sur l’opportunité de la candidature de Blaise Compaoré à la présidentielle de 2005. Pensez-vous que celui-ci peut briguer un troisième mandat ?

A. T. S. : A propos d’élections il faut dire que c’est le champ libre des candidats.

Pour le Burkina Faso la question est de savoir si vous partez de la nouvelle Constitution, c’est-à-dire celle qui a été reformée en son article 37 ou bien d’autre chose. Si on part de la Constitution réformée, tout le monde peut se présenter pour peu qu’il se sente compétent.

S. : Maître Gilbert Ouédraogo, le président de l’ADF/RDA vient de porter son choix sur Blaise Compaoré pour la présidentielle à venir. Cette décision a été diversement interprétée dans les milieux politiques comme lourde de conséquence pour l’opposition burkinabè. Votre avis là-dessus. ?

A. T. S. : Autrefois, vous vous rappelez que Maurice Yaméogo a été élu dans ces conditions. Disons donc que la politique, ce sont des négociations et quand on négocie, il faut avoir les capacités en ressources humaines, financières et morales.

Ensuite, il faut mesurer ce qui sera mieux pour le bien commun, puis pour les partenaires de la négociation. C’est ce qui s’est passé par exemple dans le cadre des Accords de Marcoussis entre protagonistes de la classe politique ivoirienne. On négocie donc et selon la capacité de négociations on arrive à quelque chose. Il faut laisser aux politiciens cette liberté, cette capacité de négociation d’autant plus que on a à faire dans certaines situations à des chefs de partis politiques. Il y a quand même toute une conscience de leurs partisans qui est là. Bien sûr certains d’entre eux peuvent refuser , mais un politicien qui ne négocie pas, ne peut pas être un bon politicien comme l’a dit Daniel Ouézzin Coulibaly.

J’élargis pour dire qu’aujourd’hui dans la société, les décisions, les décrets, les constitutions sont comme des choses en l’air. Ça ne suffit pas parce que presque tout aujourd’hui est sujet à négociation. Pour moi c’est un principe acquis pour les politiciens.

Je n’interprète donc pas autrement cet acte qui fait partie du jeu politique.

S. : Venons-en aux questions plus personnelles pour dire que l’on connaît Monseigneur Anselme T. Sanon sans le connaître véritablement. Qui êtes-vous ?

A. T. S. : Je suis né à Bobo-Dioulasso en 1937. Mon père est de Sya-Dioulassoba et ma mère de Tounouma. Et les deux masques que vous voyez sur mon emblème sont des signes du village. J’ai grandi dans la religion traditionnelle et on m’accuse parfois d’être resté un fétichiste même si je m’en défends. La famille n’était pas chrétienne à l’exception d’un oncle militaire.

C’est l’ouverture de l’école Farakan qui allait tout "bouleverser". Il était demandé à chaque chef de famille de donner au moins un élève, et, mon grand-père a donné mon cousin. Entre-temps, mon oncle militaire qui était revenu de ses campagnes a convaincu mon grand-père de m’y envoyer aussi.

On y suivait le catéchisme sans plus, jusqu’à ce que le même oncle convainque le grand-père pour que je me convertisse au catholicisme.

Mais, à la fin de l’année je devais revenir, ce qui a mal fonctionné car j’ai passé ma dernière année à Dano, où j’ai été pour la première fois au contact d’une grande famille cléricale. Là on nous a orientés à Nasso et depuis ce temps j’ai suivi mes "humanités religieuses". Pour le BEPC, on a été jusqu’à Ouagadougou pour le passer en 1953.

Puis ce furent les deux Bacs (à l’époque il y avait deux Bacs) en 1955 (ceux du lycée Ouézzin et de Nasso) à Bamako. Pour la première partie et en 1956 à Ouagadougou pour la seconde. Ensuite ce fut la formation au grand séminaire avec ceci de spécifique que je me suis intéressé très tôt aux langues ce qui m’a amené à l’Institut français d’Afrique Noire (IFAN) de Dakar, devenue maintenant Institut Fondamental d’Afrique Noire. Ce qui fait que j’essaie depuis de mener des études sacerdotales et ecclésiastiques dans le domaine de la culture.

En 1962 j’ai été ordonné prêtre. Après , mon évêque m’a nommé à Banfora qui était en fondation. J’ai retrouvé quelques camarades là-bas et on échangeait beaucoup sur la culture. L’année suivante l’évêque m’a envoyé à Paris pour une formation pédagogique.

En 1964 je suis allé à Rome chez les Pères blancs. Les plus grands penseurs de l’Eglise catholique dont l’actuel Pape se trouvaient à l’époque à Rome. Il y avait également un ethnologue jésuite qui m’a initié à l’anthropologie.

Après ma licence en théologie je suis revenu à Paris à la Sorbonne avec une bourse de la Coopération française. Il avait parmi mes condisciples Bakary Coulibaly, premier linguiste burkinabè, qui a du reste ouvert le département de linguistique du Burkina Faso. Sur instruction de l’évêque, je suis revenu au pays pour enseigner au grand séminaire de Nasso de 1967 à 1975. Entre-temps j’ai rédigé ma thèse (1) pour la présenter à la Sorbonne à Paris. Je suis ici depuis 30 ans comme évêque de Bobo-Dioulasso.

Je dois ajouter que depuis 1965, date du décès de mon père, qui a été suivi de celui de mon oncle quelques années plus tard, j’assiste et conseille mes frères en tant qu’aîné dans certains rites coutumiers. Actuellement celui qui est chef d’initiation est un cousin et même si je ne suis pas "dedans" je l’éclaire de mes conseils. J’essaie donc de faire survivre les choses selon l’esprit des fondateurs.

S. : A quoi occupez-vous votre temps libre ?

A. T. S. : Cela dépend de l’organisation que l’on donne à sa semaine. Mais, je suis viscéralement un paysan.
Je crois à la terre comme élément de la création parce que si tu l’interroges elle répond. Tu t’en occupes, elle te dit "Je suis là" . L’autre aspect c’est le regard sociologique sur la nature, les hommes à travers mes voyages.

Cela fait que je ne m’ennuie jamais et mieux je m’instruis. Il y a aussi la lecture qui me prend beaucoup de temps.

S. : Quelles sont vos attentes et vos rêves pour vos compatriotes et votre pays ?

A. T. S. : Les catholiques ne seront peut-être pas contents, mais je citerais ce grand penseur africain qui a dit "Chrétien, sois digne de ton nom". Je crois que ce pays s’est rebaptisé Burkina Faso, c’est-à- dire affranchi, libre et fier. Il faut donc que nous soyions fiers d’être de ce pays et je crois profondément aux capacités de ce peuple. Non pas en comparaison avec d’autres mais pour sa capacité à vaincre l’adversité, la nature. Cela signifie qu’il y a des énergies humaines profondes dans ce peuple. Tout y est pour que l’homme évolue , même s’il y a des tensions vite atténuées par la parenté à plaisanterie.

Il faut donc que les dirigeants aient à l’esprit que les Burkinabè ne sont pas des ressorts amortis. Les ressources sont là, mais les gens sont pacifiques. Ce n’est pas difficile d’être responsable au Burkina Faso. Il faut seulement savoir mériter la confiance des autres. En résumé, Burkinabè sois Burkinabè.

S. : Depuis la disparition du cardinal Paul Zoungrana le Burkina Faso n’a plus eu de cardinal. Comment l’expliquer pour un pays de foi comme le nôtre. ?

A. T. S. : A propos du cardinal Zoungrana je dirais d’abord que c’est un météore. Un signe lumineux qui apparaît et qui repart sans que l’on sache comment ni pourquoi. Ensuite, les Burkinabè ne reconnaissent pas toujours leurs grands hommes. Notre Eglise qui est l’une des plus jeunes de la sous-région a eu avec lui, l’un des premiers cardinaux. Si c’était en carrière professionnelle, on aurait dit qu’il a eu une montée foudroyante car il a été sacré cardinal seulement en 1960. Mais c’est la volonté du Seigneur.

Il faut cependant dire que le choix des cardinaux obéït à une goépolitique qui vous échappe. Sinon, lors de la dernière élection de cardinaux, nous avons dit que les pays de la CEDEAO étaient sous-représentés. Et même l’Afrique est sous-representée parce qu’à Rome il n’y a qu’un seul cardinal qui a presque 75 ans.

C’est pourquoi lorsqu’on parlait d’un Pape africain j’ai répondu que la représentativité de l’Eglise n’était pas suffisante. Et puis il y a les mentalités car l’image que l’on se fait de l’Eglise d’Afrique est souvent aussi noire que notre peau. Mais avec l’évolution de l’histoire de l’Eglise, il n’y a pas lieu de désespérer.

S. : Comment se porte l’archidiocèse de Bobo-Dioulasso ?

A. T. S. : J’aimerais qu’elle se porte bien. Nous avons des critères de présentation et pour les ressources humaines, nous venons d’avoir cinq nouveaux prêtres. On a donc une bonne croissance du côté du clergé.

Du point de vue des équipements et des institutions, nous sommes assez dotés également. Du côté de la vie économique et sociale nous avons des initiatives intéressantes telles que cette antenne du CILSS qui s’occupe de la maîtrise de l’eau.

Cela nous permet de former des catéchistes qui ont le sens de la mise en valeur de la terre toute l’année. L’élément difficile ce sont les finances. Mais avec nos différentes activités nous arrivons à joindre les deux bouts. Je souhaite donc que l’évêque soit saint mais surtout que les familles, les communautés soient solides. Car la Nation, l’Eglise, y gagnent.

Propos recueillis par Frédéric Ouédraogo et Boubakar SY
Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 1er septembre 2005 à 19:48, par Amadou En réponse à : > Monseigneur Anselme Titiama Sanon, archevêque de Bobo-Dioulasso

    A quand un pape noir ???
    Même pas en rêve, cette religion qui a une époque l’égitimé l’esclavage, les noirs chrétien n’ont aucune mémoire !!!

  • Le 15 septembre 2005 à 16:03, par Ferdinand Ouédraogo En réponse à : > Monseigneur Anselme Titiama Sanon, archevêque de Bobo-Dioulasso

    Monseigneur,
    Tous mes respects pour la personalité que vous êtes. J’ai été content de vous lire et surtout de tirer encore quelque chose de vous. Car chaque fois que je vous lis, je gagne toujour en enseignement. Aussi j’aimerais que vous passiez le temps à écrire sur tout afin de mettre à notre disposition assez de bagage pour affronter la vie avec courage.
    Puisse Dieu vous donner la santé et assez de force pour que vous nous faciez bénéficier de vos connaissances combien diversifiées. Amen
    Ferdinand OUEDRAOGO
    (ex président de la COCEB ; Communauté Catholique des Etudiants de Bobo)

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique