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L’année 2003 dans le monde : Bagdad - Cancun - Maputo

Publié le mercredi 31 décembre 2003 à 11h53min

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Trois villes à notre sens, ont symbolisé l’actualité internationale en 2003. Bagdad parce que la crise irakienne aura été le "plat de résistance" de cette actualité, avec comme entrée, le brûlot afghan et la poudrière proche-orientale en dessert.

Cancun parce que les pays dits émergents y ont célébré de concert avec les altermondialistes, le refus de la marchandisation et du diktat de l’Occident Maputo enfin, parce que l’Afrique y est "créée" après moult tergiversations.

Flash - black.

Lorsque George W. Bush décidait, en mars 2003, de frapper la "dictature" de Saddam Hussein au cœur, (raison invoquée, la possession par l’Irak d’armes de destruction massive), il ne mesurait certainement pas toutes les conséquences de cette "aventure".

Par ailleurs, il est tout aussi plausible que le fils Bush ne nous ait pas dit toute la vérité sur les véritables motifs de cette guerre, théorisée par des néo-conservateurs proches des milieux pétroliers et de l’armement.

Sur le premier point, le calvaire vécu par les troupes anglo-américaines et plus généralement, tous les "étrangers" en Irak, est symptomatique de l’erreur commise par le Pentagone et les services secrets américains dans l’évaluation des effets de la "campagne" d’Irak. Obnubilés par la menace du terrorisme et désireux de venger l’affront du 11 septembre 2001, ceux-ci ont en effet épousé les thèses de Bush et de ses faucons, convaincus que la chute de Saddam Hussein et "l’invasion" dans la foulée de la Syrie porteraient un coup d’arrêt au terrorisme. Un terrorisme qui devrait être totalement "nettoyé" avec la "normalisation" de l’Irak, qui a du reste commencé avec les contestations sociales qui ont secoué le pays au cours de 2003. Il n’en a rien été, car la chute de Saddam Hussein, précédée de celle du régime taliban en Afghanistan, ont "éclaté" la nébuleuse terroriste, la disséminant à travers le monde.

Les villes comme Islamabad au Pakistan, Bali en Indonésie, Mombassa au Kenya qui ont tous subi les foudres des terroristes, sont là pour illustrer toute la vivacité du terrorisme. Pire, ni l’Afghanistan, ni l’Irak ne sont sécurisés, ce qui fait du Proche et Moyen-Orient, ainsi que de l’Asie (en partie) le "ventre mou" de la paix dans le monde. Il y a plus que jamais nécessité de revoir les méthodes de lutte, car les causes du terrorisme sont plus à rechercher dans l’inégalité et l’iniquité qui caractérisent les relations internationales, plus que dans l’islam fondamentaliste qui génère, selon certains esprits "bien pensants", la haine de l’Occident.

De quoi donner raison à ceux qui arguent que cette guerre a de forts relents pétroliers, surtout que trois mois après son déclenchement, des compagnies américaines "opéraient" déjà en Irak. Avec la nouvelle donne libyenne (Khadafi coopère de plus en plus avec l’Oncle Sam) l’Amérique étend sa mainmise sur le pétrole mondial, au grand dam des Français et des Russes, les "dindons" de la farce. Cette "farce" néolibérale dans laquelle chacun roule pour ses intérêts, les pays émergents ne veulent plus en entendre parler, et ils l’ont fait savoir à Cancun au Mexique.

Le Sommet de l’OMC qui se tenait dans cette ville, a été un échec, le "groupe des 23" (avec en tête le Brésil, l’Inde et la Chine) ayant refusé de céder au chantage des puissants de la terre. Face à la volonté des Occidentaux de pénétrer leurs marchés à peu de frais (désarmement douanier, ouverture des marchés publics aux firmes occidentales ...) sans compensation en retour (refus de cesser les subventions agricoles), le Tiers-monde a fait front pour préserver ses intérêts. De quoi rappeler l’époque homérique de l’affrontement Est-Ouest sauf que que cette fois, on a affaire à une "guerre" économique teintée d’idéologie contestataire.

L’altermondialisme en somme, qui refuse cette volonté de "marchandiser" toutes les valeurs, clochardisant ainsi culturellement nombre de peuples, par ailleurs voués à la misère.

Enfin l’Afrique ?

Ce refus ne pouvant se réaliser que dans l’unité, les Africains semblent l’avoir compris après quatre décennies d’indépendance, en "officialisant" l’Union africaine à Maputo. "Enfantée" à Syrte le 9/9/1999 par le colonel Khadafi et certains de ses pairs, "popularisée" par le guide libyen à travers ses mémorables tournées ouest-africaines, cette Union africaine, ambitieuse dans le fond comme dans la forme, a été officialisée cette année lors du Sommet des chefs d’Etat à Maputo. L’Ivoirien Amara Essy, qui assurait en effet la présidence de la Commission, a cédé son fauteuil au Malien Alpha Oumar Konaré, qui aura la lourde tâche de mettre en branle les ambitieux programmes de l’Union.

Un choix judicieux, l’homme s’inscrivant dans la lignée des grands panafricanistes tels que Kwamé N’Krumah, Nasser, Senghor ... qui ont, en 1963 à Addis-Abeba, sorti cette unité des larges. Reste que le chantier est délicat, les "convulsions" ivoirienne, burundaise et dans une moindre mesure, de la RD Congo et de la Corne de l’Afrique venant nous rappeler l’immaturité politique du continent. Toutes choses qui ont amené l’historien Joseph Ki-Zerbo à s’interroger sur le devenir du continent. Pour autant la nouvelle foi qui habite les leaders politiques conjuguée aux exigences de l’heure, incitent à l’optimisme, sauf pour l’Afrique à vouloir se laisser irrémédiablement distancée.

Pour l’heure, le continent se bat pour préserver ses intérêts et la croisade entreprise par Blaise Compaoré et trois de ses pairs africains (Bénin, Mali, Tchad) contre les subventions agricoles occidentales, permet d’espérer.

L’Afrique veut occuper toute sa place dans le concert des Nations et est décidée à le faire savoir. En définitive, Bagdad, Cancun et Maputo, ne sont que le reflet d’un monde où la concurrence est impitoyable, et dans lequel, en plus du droit, il faut aussi avoir la force. Rien de nouveau, en somme, sous le soleil.

Boubakar SY
Sidwaya

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