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Marchés financiers : S’endetter à l’infini, c’est possible, mais prudence !

Publié le jeudi 27 juin 2019 à 08h45min

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Marchés financiers : S’endetter à l’infini, c’est possible, mais prudence !

Des économistes ont établi une théorie économique qui avance que des pays ont le pouvoir de s’endetter indéfiniment sans jamais faire faillite ou créer une crise de confiance avec leurs prêteurs, car demeurant toujours solvables. Cette théorie dénommée « Théorie monétaire moderne (TMM) », développée dans « Leblogpatrimoine », stipule qu’un pays qui crée de la richesse nette, a le pouvoir de s’endetter aussi longtemps que durera cette période de croissance nette.

La Théorie monétaire moderne (TMM) qui vient d’être élaborée par des économistes, ouvre de nouveaux horizons pour les marchés financiers. Selon un article du « Leblogpatrimoine », le concept de cette théorie monétaire moderne, qui fait tache d’huile actuellement aux États-Unis, puise ses fondements des travaux de Keynes et a été implémentée par des économistes comme Stéphanie Kelton, professeur à l’université du Missouri à Kansas city et chroniqueuse dans Bloomberg opinion.

Des hommes politiques tels les présidents Donald Trump des États-Unis et Emmanuel Macron de la France, semblent opter pour cette nouvelle théorie économique, du fait de son potentiel d’opportunités de création perpétuelle de richesses pour l’économie. Nonobstant ces opportunités, les risques de catastrophes inflationnistes peuvent susciter des retenues et l’État est seul décideur de la quantité monnaie à mettre en circulation. Dans les pays en développement, la prudence est pour le moment observée, quant à la pertinence de cette théorie de l’endettement continuel.

Les postulats de la théorie

Selon cette théorie monétaire moderne, « celui qui emprunte à moins de 1% pour créer des richesses de plus de 1% alors que l’inflation est à 1 %, celui-là s’enrichit ». C’est donc dire que celui qui emprunte à un taux en dessous de l’inflation alors que la croissance est supérieure à l’inflation, celui-là voit sa dette s’éteindre d’elle-même à terme. Il est donc possible de s’endetter à l’infini, puisque l’on ne rembourse jamais le principal mais seulement les intérêts. Vu sous cet angle, il ne fait aucun doute que les créanciers resteront confiants, quand on sait que l’on réempruntera pour rembourser l’emprunt. Et les particuliers n’auront pas l’impression de s’appauvrir, puisque l’inflation est somme toute presque négligeable.

Si la croissance venait à ralentir, passant en dessous de l’inflation, il suffit de réemprunter davantage à la fois pour accroître la consommation et l’investissement (politique de l’offre et de la demande simultanément) pour rétablir de nouveau la croissance. L’excès de dépense publique qui était jusqu’ici considérée comme un mal endémique (le cas des PAS en Afrique) devient alors une solution bénéfique, acceptable et même nécessaire. Car selon cette théorie, il y a toujours possibilité d’endettement continu lorsque la croissance est toujours supérieure à l’inflation. Reste que le pays dans cette situation doit garantir un minimum de conditions pour pouvoir créer des richesses au profit de ses citoyens.

Le cas du Burkina Faso suscite des interrogations

Selon Jacques Gueda Ouédraogo, professeur de macroéconomie et de monnaie à l’Université Ouaga II, « l’économie burkinabè n’est pas une économie de marché mais plutôt de monopole ou d’oligopole pour la plupart des secteurs stratégiques ». En considérant le domaine de l’énergie, le secteur bancaire, celui du textile et du transport ferroviaire, l’on réalise que ces marchés ne sont pas concurrentiels. Or, pour des économies qui aspirent au progrès et au développement, le marché doit, au maximum possible, être concurrentiel au risque d’enrichir les mêmes individus au détriment de la plus grande partie de la population.

Un pays comme le Maroc déclare avoir atteint 100% d’électrification rurale. Ce qui constitue une prouesse et est une conséquence de conditions favorables créées dans ce domaine ! Selon l’économiste Jacques Gueda Ouédraogo, « le marché bancaire de la sous-région est un oligopole. Les conditions non-souples de ce marché le rendent rigide et monopolistique. Ce qui contribue à enrichir très considérablement les propriétaires de capitaux bancaires. Si ce marché était concurrentiel, le taux de rémunération de l’épargne serait un peu plus élevé et les prêts faits à des conditions plus souples et favorables à l’investissement ; ce qui constituerait un gain pour les économies de la sous-région ».

Jacques Gueda Ouédraogo, professeur de macroéconomie et de monnaie à l’Université Ouaga II

Le marché ferroviaire est aussi un monopole total, empêchant le pays d’acheminer une quantité importante de produits. Une société française est en train de se voir confiée l’exploitation de ce marché pour 50 ans, ce qui va hypothéquer le développement de ce secteur. Il aurait fallu morceler le marché du chemin de fer en tronçons, pour les attribuer à des opérateurs économiques qui désirent s’y investir. Cette manière de faire doit s’étendre à tous les domaines du secteur des transports. L’État a pour rôle de créer les conditions de la concurrence dans certains secteurs stratégiques et non de se positionner en investisseur.

Retard technologique

Un autre frein au développement du Burkina Faso, selon le professeur Jacques Gueda Ouédraogo, c’est « son retard sur le plan technologique. Tout ce que le pays consomme dans ce domaine est importé. Que ce soit dans la métallurgie (le fer et l’acier), dans l’agriculture (fabrication de tracteurs, de pesticides et d’insecticides et mêmes de semences), dans la médecine (fabrication de produits pharmaceutiques), dans le domaine électronique et de l’informatique, dans le domaine du transport (les moyens de locomotion), etc., le pays dépend totalement de l’extérieur.

Cette situation fait que les richesses produites à l’intérieur sont toujours utilisées pour l’achat des biens et services consommables de l’extérieur. Pour s’y soustraire, le pays doit créer le personnel qualifié nécessaire, les conditions pouvant se créer elles-mêmes en fonctions de potentialités de l’économie ».

Si le pays décide de former 100 ingénieurs en agronomie, 100 autres en électronique, 100 en pharmacie, 100 en métallurgie, tout de suite des entreprises en intrants agricoles, en textile, en télécommunication, etc. se formeront, et à partir de cet instant, l’économie pourrait connaître un décollage et prendre petit à petit son indépendance formelle vis-à-vis de l’extérieur. Bien sûr qu’il n’existe pas de nation indépendante au sens strict du terme (guerre commerciale entre États-Unis et la Chine populaire) mais chaque pays peut au moins affirmer une certaine autonomie technologique, source de développement.

Par exemple, l’Arabie Saoudite a essayé de reconvertir ses richesses pétrolières en richesses industrielles et touristiques. Les ressources minières étant tarissables, ce pays utilise les gains du secteur pétrolier pour développer le tourisme et l’industrie, de sorte qu’après épuisement de cette ressource, ces secteurs prennent le relai et continuent de pourvoir aux besoins de l’économie nationale.

Le Burkina Faso peut à son tour décider que les richesses tirer de l’exploitation minière, soient exclusivement destinées à développer le secteur des transports (le ferroviaire) et celui de l’agriculture, si bien qu’après épuisement des ressources minières, l’agriculture et le chemin de fer soient assez performants à remplacer au mieux les mines.

« Le développement n’est possible qu’endogène »

Un dernier frein au développement du pays est l’incivisme de sa population et le déséquilibre de développement entre ses différents confins, dû à la mauvaise répartition des investissements publics qui sont concentrés beaucoup plus au Centre. Après, l’on s’étonne du surpeuplement du Centre, du manque d’emplois et de la prolifération du grand banditisme dans les zones défavorisées. L’incivisme, pour sa part, mérite un sérieux diagnostic national et des corrections de comportements.

La Théorie monétaire moderne vaut son pesant d’or certes, mais la prudence recommande des pays de ne pas s’endetter à l’infini, sans précautions de création de richesses nettes, sans garantie de capitaux internes stables et sans résorption des inégalités sociales. Car l’on peut être créateur de richesses, mais demeurer pauvre. Le professeur Joseph Ki-Zerbo le dit si bien : « Le développement n’est possible qu’ endogène ». Et ce, exclusivement.

Etienne Lankoandé
(etiennelank555@gmail.com)
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 26 juin 2019 à 16:37, par FasoLible En réponse à : Marchés financiers : S’endetter à l’infini, c’est possible, mais prudence !

    Vous avez écrit : "Si le pays décide de former 100 ingénieurs en agronomie, 100 autres en électronique, 100 en pharmacie". le pays dispose actuellement de plus que cela dans ces domaines cités. Pour moi, pour un décollage économique réel du Faso, il faut :
    - des patriotes intègres et éclairés au sommet de l’état ;
    - des patriotes intègres et bien instruits à la tête de la plus part des grandes entreprises privée (cela évite la propension à l’importation, surtout de produits de mauvaise qualité parfois, cela évite le rapatriement des bénéfices par les multinationales, etc) ;
    - des patriotes intègres dans les structures de contrôle ;
    - l’appui du privé, par l’état, de la mise en place de firme nationales dans les secteurs stratégiques avec un actionnariat populaire. L’appui de l’état est nécessaire au cour des 5 à 7 premières années.
    Sinon actuellement, nous avons essentiellement des commerçants importateurs de produits étrangers et exportateurs de notre richesse.

    • Le 26 juin 2019 à 18:15, par Asso En réponse à : Marchés financiers : S’endetter à l’infini, c’est possible, mais prudence !

      Fasolible comment l’Etat peut-il fabriquer des patriotes intègres ? Tu semble vouloir tirer la conclusion qu’il n’y a pas de bon dans nos pays ! Je pense qu’il y a du bon en chacun, même en nos dirigeant et je pense aussi que l’auteur de cet article sait qu’une gestion harmonieuse est possible pour nos pays même sans changement de personnes au sommet de l’Etat. On parle de création de richesse au profit de tous les citoyens sans distinction de classe sociale.
      C’est dans le même élan qu’on parle volonté politique et de bonne gouvernance. L’article parle d’une théorie et des précautions pour nos pays qui reçoivent toujours de l’aide de l’extérieur, sans jamais pouvoir s’en sortir. Sankara l’a dit : “Nous encourageons l’aide qui nous aide à nous passer de l’aide. Mais en général, la politique d’assistance et d’aide n’aboutit qu’à nous désorganiser, à nous asservir et à nous déresponsabiliser.”" Alors apprenons que la conclusion de cet article qui exclu toute possibilité de développement sur appui extérieur, est la bienvenu mais sur un horizon futur. La question de la monnaie sera résolue tôt ou tard avec des hommes intègres ou pas, celle du sous-développement aussi. Je salue en tout cas ce article à sa juste valeur qui a beaucoup de symbolismes.
      Cordialement

    • Le 27 juin 2019 à 15:05, par TIENFO En réponse à : Marchés financiers : S’endetter à l’infini, c’est possible, mais prudence !

      Bien dit FasoLible. Le Burkina a mal a ses dirigeants et à leur gestion démagogique. Déjà qu’on s’endette un taux antipatriotique, ensuite des retenues de 10% à 20% pour la poche des premiers responsables, enfin le détournement tout azimut et à tous les niveaux sur les différents chemins dans l’exécution des projets. Laissons les théories et travaillons à changer les mentalités. Guéda Jacques a été ministres chargé de la question monétaire après la dévaluation du franc CFA sous le régime de Blaise COMPAORE et rien n’a changé à l’époque. L’intégrité, l’intégrité, rien que l’intégrité et le Burkina amorcera son Take Off. En témoignent les 4 ans du régime SANKARA.Comment peut-on se développer si l’on ne croit pas soi-même à ce développement.

  • Le 26 juin 2019 à 21:36, par Xi En réponse à : Marchés financiers : S’endetter à l’infini, c’est possible, mais prudence !

    Selon cette théorie monétaire moderne, « celui qui emprunte à moins de 1% pour créer des richesses de plus de 1% alors que l’inflation est à 1 %, celui-là s’enrichit ». C’est donc dire que celui qui emprunte à un taux en dessous de l’inflation alors que la croissance est supérieure à l’inflation, celui-là voit sa dette s’éteindre d’elle-même à terme. Il est donc possible de s’endetter à l’infini, puisque l’on ne rembourse jamais le principal mais seulement les intérêts.
    C’est faux ce que vous raconter,ceci n’est pas l’essence de la théorie. Il faudrait savoir qu’aucun prêteur ne serait prêt à prêter sans argent à un taux inférieur au taux d’inflation sinon il perdrais son pouvoir d’achat.L’essence de la théorie est quand période de récession l’Etat à travers sa politique fiscale augmente sa demande, réduit la taxation pour maintenir l’activite économique et vice versa en période de croissance !
    La conséquence serait alors un grand déficit budgétaire pour État. En plus cette politique est praticable que dans les économies qui ont une totale indépendance pas celle qui sont en régime de change fixe !

  • Le 26 juin 2019 à 21:40, par gohoga En réponse à : Marchés financiers : S’endetter à l’infini, c’est possible, mais prudence !

    Bonjour à tous, pour moi, il faut éduquer la population dans leurs langues Maternelles. Ces 40 dernières années aucune éducation n’est dispense a la population, excepter les 4 ans de la RDP. Il faut que les enfants sachent qui ils sont, qui est voisins , qu’est-ce qui est légal ou illégal.

  • Le 27 juin 2019 à 19:37, par Zimm En réponse à : Marchés financiers : S’endetter à l’infini, c’est possible, mais prudence !

    Pour information, emprunter à des taux d’intérêts Négatifs (càd payer moins que l’emprunt) existent actuellement et certains pays ( crédibles) en profitent présentement et aussi certains particuliers peuvent en bénéficier comme par exemple en Allemagne.
    C’est assez contre-intuitif comme concept et à date personne ne connait les conséquences positives ou négatives à long terme.

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