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Prestations de services : L’Etat mauvais payeur

Publié le vendredi 12 août 2005 à 07h34min

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Ils n’en pouvaient plus et ils ont décidé d’exprimer leur colère. Des locataires de véhicules, qui ont contribué à la réussite de la CAN junior 2003, attendent toujours d’être payés. Deux ans et six mois sans un centime.

Plutôt obligés de faire d’autres dépenses et d’arpenter les couloirs des institutions concernées, dans l’espoir que l’Etat dénoue le cordon de la bourse. Morceau choisi d’une lettre de détresse parvenue à notre rédaction : "Le président du COCAN junior nous a fait savoir que les dossiers sont au ministère des Finances. Là-bas, point de renseignements, pas de traces.

Au ministère des Sports, on nous fait savoir que c’est la signature du président qui manque ; alors que c’est ce dernier qui devait être notre porte-parole. Parce que c’est lui qui est le responsable de l’organisation". Jusqu’à quand durera cette routine ? Combien sont-ils les prestataires de service confrontés à ce type de casse-tête ? Nombreux sont ceux qui se plaignent. Des marchés attribués sur la base d’un contrat, le travail exécuté mais au bout du rouleau, point de récompense.

Or, les lenteurs administratives entraînent bien souvent la corruption et le clientélisme. Un Etat ainsi gangrené ne peut résolument prendre date avec le développement humain durable.
S’il en est ainsi, c’est que la mauvaise foi s’est greffée à toutes ces affaires. Sinon, comment comprendre que, pour donner un bon coup de pub et de réussite aux grandes manifestations, l’on fasse appel à des acteurs privés et qu’au moment du partage du gâteau, ils soient royalement occultés ?

Pourtant, on ne tergiverse pas sur les moyens lorsqu’il s’agit des prestataires étrangers. Cette façon d’exploiter l’expertise nationale porte un réel coup à l’initiative privée et à l’économie du pays. Surtout que certains prestataires de services sont obligés de s’endetter au préalable pour que le travail demandé soit de qualité. Surtout aussi que le sérieux des prestataires finit par s’effriter, l’Etat ayant été considéré finalement comme le champion des factures impayées.

Plus grave encore, il n’hésite pas à brandir l’arme des sanctions, notamment celle des impôts et des taxes, lorsque ces mêmes prestataires de service ne sont pas à jour vis-à-vis du fisc. D’ailleurs, les locataires de véhicules le disent si bien : "L’Etat ne tarde pas à pénaliser et même à saisir les biens des contribuables, mais quand il leur doit, rien ne bouge et il n’y a rien. Si c’est le contraire, on évoque les lois. Mais vous oubliez que la loi ne dit pas de payer les fournisseurs plus de deux ans après".

Ainsi, de nombreux citoyens ploient sous le poids de la dette intérieure, estimée à 80 milliards de FCFA. Ce n’est pourtant pas tout l’appareil étatique qui pose problème. Ce sont des individus et des groupes d’individus sans scrupule qui font grincer la machine. Ils veulent accaparer le beurre et l’argent du beurre.

Ce sont bien souvent eux qui sont au coeur des attributions de marchés, qui traitent des "deal" souvent mafieux, allant même jusqu’à bloquer les dossiers de certains prestataires honnêtes. Ils se permettent aussi, sans coup férir, de dépasser les délais de paiement. Souvent même, à force de revendiquer votre dû, vous finissez par être lassés, tellement cet exercice engendre des dépenses énormes.

Paradoxalement, les entrepreneurs qui entretiennent des relations privilégiées avec les tenants du pouvoir sont souvent même payés à l’avance. Une sorte de deux poids deux mesures. Comme si l’Etat était seulement la propriété d’un groupe ou d’un clan. C’est une erreur extrêmement grave qui met à nu la mauvaise gouvernance. N’empêche, les acteurs de ces pratiques ne cessent d’user de stratégies pour cacher ces plaies béantes, de sorte que les partenaires extérieurs soient satisfaits de ce que certains ont appelé l’"exemple burkinabè". Même si, au plan interne, l’Etat est un mauvais élève, comme aime à l’affirmer un entrepreneur du secteur privé.

A cette allure, le "pays des hommes intègres" risque de perdre des maillons essentiels en matière de développement. Car, sans confiance entre acteurs privés et publics, il est difficile de mettre en selle les éléments essentiels susceptibles d’apporter une plus-value à l’économie nationale et, partant, au bien-être des populations. C’est pourquoi, l’éthique profesionnelle doit être de mise dans tous les secteurs de la vie nationale. Sinon, la morale, depuis longtemps mourante, pourrait être bientôt conduite au cimetière. Et ce serait bien dommage.

Le Pays

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