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Marcellin Yaméogo : "Ils voulaient ma peau, ils semblent l’avoir eue"

Publié le mercredi 10 août 2005 à 08h24min

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Koudougou s’est farcie le mercredi 03 août 2005, après celle du vendredi 29 juillet 2005, sa deuxième marche de mécontentement suite à la révocation, le mercredi 27 août, du maire Marcellin Noraogo Yaméogo. L’exigence centrale des marcheurs : le rétablissement de ce dernier dans ses fonctions. Le débat sur cette "naréfication" fait toujours des gorges chaudes à Koudougou et ce n’est pas demain qu’il s’arrêtera.

... Chacun y va de son point de vue, de son analyse et autres commentaires. Mais alors, que dit le premier concerné à savoir M. Marcellin Yaméogo lui-même ? Eh bien, l’interview que nous avons réalisée avec l’intéressé le mercredi 03 août 2005 alors que ses troupes battaient le pavé koudougoulais répond à ces questions. On lira aussi un petit entretien sur cette même question que nous a accordé Saïdou Banworo Sanon, le gouverneur de la région du Centre-Ouest.

Bonjour M. Marcellin N. Yaméogo. Comment doit-on vous appeler maintenant ? M. le maire ? M. l’ex-maire ? le maire révoqué de Koudougou... ?

• Comme il plaira aux gens de m’appeler. Moi je n’ai pas de choix particulier. Quelle que soit l’appellation, moi je réponds. C’est comme il vous plaira donc.

Et vos administrés d’alors, comment vous appellent-ils ?

• Jusqu’à présent tout le monde m’appelle M. le maire.

Cela étant, dans quel état d’esprit êtes-vous une semaine après votre révocation de la mairie de Koudougou ?

• Moi je suis serein. D’autant plus que ne reconnaissant pas les fautes qui me sont reprochées, je n’ai pas à me troubler pour des choses que je n’ai pas faites. Vous avez d’ailleurs pu voir l’opinion publique me soutenir à bras-le-corps depuis que je suis là. Ça me donne le courage et me réconforte de savoir que les citoyens ont apprécié positivement ce que j’ai fait.

Comment avez-vous appris la nouvelle ?

• C’est un copain qui est à Paris et qui, le matin en consultant internet, est tombé sur l’article et m’a alors téléphoné pour m’informer.

Mais déjà dans l’Observateur paalga du mardi 26 juillet nous titrions : "Mairie de Koudougou : les jours de Marcellin sont-ils comptés" ? Cet article ne vous a pas mis la puce à l’oreille ?

• De toutes les façons, la volonté de révoquer le maire de Koudougou ne date pas de maintenant. C’est un truc qui s’est tramé depuis le mois de janvier. Et la rumeur à Koudougou faisait état de la révocation du maire. Sinon comment voulez-vous que l’Inspection d’Etat vienne faire un travail et l’Inspection technique du MATD trouve que c’est mauvais et vienne recommencer le même travail. Ce que l’Inspection d’Etat ne nous a pas reproché, c’est ce que celle du MATD reproche au maire de Koudougou. C’est dire qu’il y a anguille sous roche. Sinon deux inspections en 5 mois d’intervalle alors que le premier rapport avait déjà été fourni, c’est quand même bizarre.

Mais pourquoi n’avoir pas dénoncé cette façon de faire en son temps si vous la trouviez injuste ?

• J’ai posé le problème aux inspecteurs qui m’ont dit que l’Inspection d’Etat n’a rien à voir avec celle du ministère parce qu’elles sont indépendantes. Sinon j’ai souligné le caractère insolite de ces deux inspections successives.

Cela veut dire que vous sentiez les choses venir ?

• Oui parfaitement. Souvent dans les réunions, il y en avait qui disaient que votre maire c’est fini, certains me le disaient face à face. Je me disais que c’est une chose que les gens avaient préparée. A la veille de la révocation, le 1er adjoint du maire a appelé Mme Gandéma (1) pour lui dire que votre maire risque de démissionner. C’est dire que tout le monde était au courant. Beaucoup de gens que je connais en avaient été informés.

Ayant appris cela, ne pensez-vous pas que si vous aviez fait un tapage tout autour, informer vos administrés, prendre l’opinion à témoin, les choses auraient pu se dérouler autrement ?

• Les informer de quoi ? Des rumeurs ? Des propos que les gens relayaient ? Non ! Mais à partir de l’article de l’Observateur paalga du mardi 26 juillet, on s’est dit que comme ça devenait officiel, on allait réagir. Mais tout est allé trop vite puisque la révocation a été prononcée 24 heures après.

Justement par rapport à cet article votre camp n’a pas apprécié que ce soit l’Observateur qui ait levé le lièvre ?

• Je crois qu’il y a eu maldonne le jour de notre conférence de presse à Ouaga (c’était le jeudi 28 juillet) entre les journalistes et Adama Ouédraogo qui a lu le texte préliminaire. On n’a pas dit que ce n’était pas normal. On s’est posé plutôt la question à savoir pourquoi une source étatique n’est pas ressortie par un journal étatique comme Sidwaya mais plutôt par l’Observateur paalga qui est une source privée. Nous n’avons pas dit que c’est mauvais, on s’est étonné du caractère de l’information et du statut du journal qui l’a révélée au grand jour. Peut-être on s’est fait mal comprendre mais si cela a blessé le journal, nous tenons à lui présenter nos excuses et réaffirmer que ce n’était pas pour nuire à l’Observateur paalga.

Les Koudougoulais sont partagés sur votre culpabilité. Que répondez-vous point par point aux accusations formulées contre vous ? Exemple : le lotissement a été initié sans autorisation préalable.

• Ici le ministère s’est trompé de cible. Je dis et je le répète, je n’ai jamais fait de lotissement. Jamais. Le lotissement a été effectué par le conseil que nous avons remplacé, les attributions dans six (06) secteurs étaient achevées avant notre arrivée. Où donc ai-je procédé à un lotissement ? Je n’ai jamais initié et fait un lotissement. C’est mon précedesseur Emmanuel Zoma qui a conduit le lotissement des neuf secteurs (sauf le secteur 5) de Koudougou et ça, c’était en 1998 ; moi je suis arrivé en 2000.

On dit aussi que le lotissement n’a pas respecté les limites communales...

• En répondant à la première question je réponds aussi à celle-ci. Cela étant, j’ai demandé que le MATD envoie des experts afin qu’on voie ensemble si on a dépassé les limites. Je dis et redis aujourd’hui qu’on n’a pas dépassé les limites communales. Renseignez-vous avec Emmanuel Zoma ou avec El hadj Dramane Ouédraogo du secteur n° 9 qui a suivi ce débat point par point. Je réaffirme que les limites communales n’ont pas été débordées.

Que l’organisation administrative du lotissement a été faite en violation des règles édictées par la RAF...

• Voyons ! je pense que si en son temps le haut-commissaire qui représentait le pouvoir a présidé la CPAT (Commission provinciale d’attribution), c’est parce que le haut-commissaire et le MATD avaient estimé que cette organisation était légale. Je vous informe qu’Emmanuel Zoma dans son rapport à l’Inspection d’Etat dit que toutes les règles ont été respectées, qu’un dossier a été introduit en conseil des ministres et que ce dossier existe toujours.

Que les attributions ont été faites sans demandes formulées par les postulants

• En son temps, il y avait des fiches de recensement qu’on devait remplir et c’est avec celles-ci qu’on a travaillé jusqu’à notre arrivée et jusqu’à aujourd’hui. Nous, nous pensions que ces fiches étaient en même temps des demandes. Sur ces fiches on cochait la case selon que vous êtes résidant, non résidant ou propriétaire terrien. Mais une fois de plus, je soutiens que tout cela a été initié par l’ancien conseil et nous n’avons fait que poursuivre, mais là où les attributions n’étaient pas finies.

Il semble que la gestion financière du lotissement est caractérisée par une gabegie organisée

• Je ne sais pas où se trouve la gabegie. J’ai dit au ministre et à l’Inspection que les secteurs étaient responsables de leurs comptes. Il y a trois signataires. Chaque fois qu’un dossier était approuvé, c’était le président, le trésorier et moi en dernier lieu. Ensuite le régisseur va prendre l’argent qu’il remet aux conseillers pour les dépenses approuvées. Après, les reçus relatifs auxdites dépenses nous étaient ramenés. L’Inspection a vu tous ces justificatifs. On nous a reproché d’avoir payé beaucoup de perdiems. A ce sujet, je sais qu’Emmanuel Zoma qui était le maire touchait par jour de travail 10 000 F, le receveur des domaines qui était le rapporteur touchait 10 000 F, l’urbaniste et le topographe touchaient chacun 7 500 F et les conseillers 5 000 F.

Le lotissement a-t-il effectivement entraîné un endettement de la commune à plus de 106 000 000 FCFA.

• Quand Emmanuel Zoma partait, ce que les secteurs devaient était de l’ordre de 98 millions. Je ne pouvais pas faire des dépenses en plus quand je suis venu car il y avait des montants arrêtés et moi je ne pouvais en faire plus. Je ne sais pas où ils ont trouvé les 106 millions mais quand Emmanuel Zoma partait, ils devaient aux entrepreneurs autour de 98 millions.

Qu’en est-il des contrats frauduleux passés avec des géomètres avec à la clé 40 000 000 F reçu par la société "l’Œil du géomètre".

• Il faut qu’on soit clair : je n’ai jamais passé de contrats. Tous les contrats ont été passés par l’ancien maire Emmanuel Zoma, Seulement pour le cas de "l’Œil du géomètre" au secteur n° 2, ce secteur a enregistré une insuffisance de parcelles criarde (idem aux secteurs 3 et 4). On a sollicité une extension avec les vieux qui ont accepté. On s’est renseigné sur cette possibilité avec "l’Œil du géomètre" qui avait en son temps eu le marché et signé le contrat avec le conseil municipal précédent. Cette société a marqué son accord tout en soulignant qu’elle ne pouvait plus travailler sur les accords de financement de 1998 car on était en 2003 et les prix avaient évolué. Il nous a informé que pour faire l’extension que nous voulions, il fallait 53 000 000 F. On lui a dit d’équilibrer la somme pour qu’on ait les 53 millions, ce qui a été fait avec la somme de 32 019 360 F. Là où nous avons pêché par ignorance, je le reconnais, c’est de n’avoir pas fait un papier. Tout ce que je vous dit "l’Œil du géomètre" l’a déjà dit aux inspecteurs ; il leur a montré les différents reçus. Pour commencer on lui a lui donné 35 millions ; Entre-temps, le responsable de la société était malade ; il était aux Etats-Unis et il a sollicité qu’on lui envoie 5 millions sur le montant qu’on lui reste redevable, chose qui a été faite avec l’accord des conseillers. Les factures, reçus, photocopies des chèques et autres pièces ont été produits par "l’Œil du géomètre" et présentés aux inspecteurs. Où alors ai-je passé de contrat tacite avec les géomètres ? Je n’ai jamais signé de contrats tacites avec qui que ce soit. C’est avec "l’Œil du géomètre" seul et en voilà l’explication. (Ici, M. Marcellin a interrompu momentanément l’interview pour nous présenter différentes pièces et papiers pour attester et illustrer ses dires. NDLR).

Pourquoi le lot 11 de la Zone appartenant au CEGECI a-t-il été parcellé et frauduleusement affecté comme on dit ?

• Je n’ai jamais su qu’il y a eu un parcellement de la cité du "4-Août" (cette cité est située au secteur 8 en face de l’ONEA). Un jour un directeur régional (nous taisons volontairement le nom de l’intéressé car nous n’avons pas pu recueillir sa version des faits. Nldr) qui y a eu un lot m’amène des factures et me dit qu’on devrait les payer, car on est venu parceller la cité et ils ont dit que c’est la mairie qui doit honorer les factures. Ensuite, la cité a été vendue sans que la commune n’en soit informée. Je l’ai appris de façon fortuite : un jour je suis allé voir le directeur de l’Urbanisme pour une toute autre raison. Ce jour c’est le directeur de la Topographie que j’ai pu voir car le premier n’était pas là. Après avoir réglé ce qui m’a amené, il m’a montré un dossier relatif au morcellement de la cité du "4-Août". Il m’a montré un lot vide me disant que c’est pour la mairie. Je ne pouvais pas douter de ce qu’il m’a dit. Je lui ai alors dit d’enlever quelque chose pour lui. Il a pris deux parcelles. Quand je suis revenu, j’ai demandé au haut-commissaire d’alors, M. Bara Kalhil s’il était intéressé ; il a dit oui et je lui ai attribué une parcelle ; j’ai fait de même avec le régisseur des Domaines en son temps, M. Darga Basile, et moi-même j’en ai pris une. Alors où et quand j’ai parcellé la Cité du "4-Août" appartenant au CEGECI ? Où se trouve la fraude ? Si je voulais faire de la fraude je n’allais pas en donner au haut-commissaire qui est la 1re autorité de la province ni au régisseur des Domaines... J’allais vendre tout simplement les trois lots tout en me sentant tranquille car celui qui les a mis à ma disposition en a prélevé deux, donc plus que chacun de nous trois.

Où se trouve l’os alors puisque vous ne vous sentez responsable de rien ?

• L’os, je l’ai dit, est politique. Pas besoin de tourner. Les gens voulaient ma peau, ils semblent l’avoir eue. Donc je le dis et je le répète, ce n’est pas administratif. Si c’était administratif, beaucoup plus de maires seraient tombés avant moi.

Justement au cours de votre conférence de presse vous avez parlé de maires qui auraient fait des indélicatesses et vous avez même dit que si telle était le cas, M. Simon Compaoré, entre autres, ne serait plus maire de Ouaga...

• Si j’ai dit cela, c’est en référence par exemple à Boulmiougou où il y a des marches tous les jours ; les conseillers se sont même réunis pour éjecter le maire et là on n’en parle pas. A Koudougou également, tout le monde reconnaît que ce sont les conseillers qui ont manipulé et les parcelles et l’argent et c’est moi qu’on enlève. Alors dans cette logique comme c’est Simon Compaoré qui coiffe les maires d’arrondissements de la capitale, alors c’est lui qui doit donc porter le chapeau.

Alors qu’elle suite allez-vous donner à cette affaire ?

• Nous sommes en discussion au niveau du parti pour voir la suite à donner ; donc je ne peux pas vous en dire plus pour le moment. C’est le parti qui décidera.

Pendant la tempête ayant suivi la révocation, vous avez appelé vos citoyens au calme. Qu’est-ce qui vous a motivé ? • J’ai toujours répété que mon souci majeur c’est le développement de la ville de Koudougou. Je m’y suis investi pendant cinq ans. Si tous mes objectifs ne sont pas atteints, il y a tout de même un début d’amélioration. Si nous n’appelons pas au calme, des gens peuvent profiter de la tambouille pour encore détruire la ville. Au moment de la crise, nous avons surpris des gens qu’on débarquait par cars et trains et qui ont commis des dégâts énorme à Koudougou. C’est quand nous avons découvert cela que nous avons décidé qu’il n’y aura plus de casses à Koudougou ; et cela, pas à nos militants seulement mais à l’ensemble de la population. J’ai dit "ne faisons pas quelque chose que nous allons regretter demain".

Une partie de l’opinion dit qu’au-delà de vous, de votre parti et de son président, que c’est Koudougou qui est visée, que le pouvoir en place ne veut pas que Koudougou émerge. Etes-vous de cet avis ?

• Je suis de cet avis mais je ne dirai pas que c’est le pouvoir en place. Ce sont les enfants de Koudougou qui se mangent entre eux. Ce n’est pas la peine d’incriminer le pouvoir en place. Ce sont les enfants de Koudougou qui ne s’aiment pas et qui se mangent entre eux et le pouvoir en profite. Si nous étions soudés, le pouvoir ne pouvait pas nous diviser. Nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous-mêmes. Sinon, même si les modestes personnes de Marcellin ou Hermann prennent des coups c’est Koudougou qui est visé. N’accusons pas le pouvoir ; mais nous-mêmes les enfants de Koudougou.

Vous personnellement, quel est votre avenir politique ?

• Je suis là. Je suis UNDD, je reste UNDD. Je suis là.

Allez-vous battre campagne pour votre parti en octobre pour la présidentielle du 13 novembre ?

• Si rien ne m’empêche de faire la campagne je la ferai. Comme d’habitude.

Marcellin Yaméogo sera-t-il candidat aux municipales de 2006, malgré ce qui lui arrive ?

• J’ai été révoqué avec poursuites judiciaires, j’attends de voir la suite et au moment opportun on avisera.

Malgré votre plaidoyer pro domo, vous ne vous reprochez vraiment rien après ces 5 ans à la tête de la commune de Koudougou ?

• Je me reproche de n’avoir pas pu tenir toutes les promesses électorales que j’ai faites parce que je n’avais pas les moyens. Je me reproche comme dit plus haut de n’avoir pas eu la présence d’esprit et l’intelligence de signer ce contrat qui, aujourd’hui, devient la pierre angulaire autour de laquelle on me met tant de choses sur le dos. C’est contre ma nature et les gens qui me connaissent saient que je ne fait pas de telles erreurs. Ce que je regrette ce sont ces deux choses.

Votre dernier mot pour clore ce débat ?

• C’est vraiment regrettable ce qui est arrivé. Ici il n’y a eu ni soulèvement de la population, ni écrit des conseillers, ni mécontentement au sein du conseil municipal pour qu’on me jette la pierre. M. le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a parlé d’inspection spéciale mais la question est la suivante : qu’est-ce que Koudougou a fait pour mériter une inspection spéciale. A Ouahigouya, Zorgho, Ziniaré et autres il y a eu des écrits, des crises... à Koudougou rien, le calme plat et on nous envoie une inspection spéciale. C’est la raison pour laquelle je soutiens que c’est un règlement de comptes

Note : (1) Sœur (UNDD) du premier adjoint au maire, lui par contre ayant migré du parti de Me Hermann vers le CDP.

Observateur Paalga

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