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Relation entre le citoyen et l’Etat : Une décennie de confiance brisée, selon une étude

Publié le jeudi 16 mai 2019 à 14h15min

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Relation entre le citoyen et l’Etat : Une décennie de confiance brisée, selon une étude

C’est une lapalissade de dire que le Burkina Faso va mal. Le front social bout. Les tentacules de l’hydre terroriste se durcissent et s’étendent sur presque l’ensemble du territoire national. Les manifestations de l’incivisme se diversifient et se multiplient. Qui pour le diagnostic sans complaisance de ce grand corps malade ? Pour le chercheur Honko Roger Judicaël Bemahoun, toute recherche de cause qui occulte le malaise entre le citoyen et l’Etat reviendrait à casser le thermomètre pour espérer baisser la fièvre. A travers une étude, il souligne avec force qu’il est difficile de gouverner dans un contexte de méfiance politique. Sur la décennie 2008-2018, la confiance entre le citoyen et les institutions s’est fortement dégradée.

« Confiance institutionnelle au Burkina Faso : Examen en analyse multiniveau sur la décennie 2008 à 2018 », c’est le titre de l’étude qui vient de paraitre. Honko Roger Judicaël Bemahoun diagnostique que la relation entre le citoyen et l’Etat durant cette décennie a pris un sérieux coup. Il entend donc apporter, « en toute humilité, sans aucune prétention, sa pierre à l’édifice en vue de l’érection d’institutions capables de promouvoir le pluralisme, la participation, l’impartialité, la responsabilisation et l’équité ».

Ce ne sont ni vraiment les individus ou les communautés qu’il faut réconcilier entre eux, mais bien l’État avec le citoyen. Entre 2008 et 2018, la confiance des Burkinabè aux différents pouvoirs (exécutif, judiciaire et législatif) s’est progressivement dégradée. Ce déclin est la résultante du fait qu’aux yeux des citoyens, les gouvernants sont contre- performants.

Sur une échelle de 0 (faible confiance) à 3 (forte confiance), la mesure de confiance institutionnelle a enregistré les valeurs de 1.87 en 2008, 1.67 en 2012, 1.52 en 2015, puis 1.75 en 2018. Les résultats indiquent que la confiance aux pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire s’explique structurellement par le niveau d’éducation, le milieu de résidence, la corruption perçue, la satisfaction au fonctionnement de la démocratie, la performance gouvernementale.

Un aspect important à souligner, ce sont les ruraux qui ont relativement plus confiance aux institutions que les citadins. « On trouve ici, une confirmation de la théorie selon laquelle les campagnes votent et les villes s’insurgent », constate Honko Roger Judicaël Bemahoun.

Autre variable, le niveau d’éducation. Le niveau d’éducation affecte la confiance. Comparativement aux non- scolarisés, les scolarisés ont tendance à avoir moins confiance aux institutions. De même, la corruption, qu’elle soit vécue ou perçue, affecte la confiance institutionnelle. Ainsi, sur la décennie 2008-2018, on note que la corruption perçue avait un impact significatif et négatif sur la confiance institutionnelle sauf en 2015, au lendemain de l’insurrection populaire quand les citoyens ont recommencé à rêver-pas pour longtemps- d’une gouvernance vertueuse.

L’étude se termine par des recommandations. A l’endroit des gouvernants, le chercheur note que la manifestation de la crise de confiance institutionnelle est ce que d’aucuns qualifie d’incivisme. Mais il souligne que le mal est plus profond que de simples actes équivoques de citoyens exprimant à leur façon leur indignation. « Bien que le vote confère une légitimité de titre, la légitimité d’exercice est l’autre paire de manche à gagner durant le magistère en ce que la légitimité est ainsi fondée sur la croyance des dominés dans le caractère bien fondé du rapport de domination auquel ils sont soumis ».

Il est impérieux, pour la survie de la nation, de reconstruire cette confiance brisée. « Il faudra envisager de donner un rôle plus participatif aux citoyens afin qu’ils trouvent de l’influence sur les décisions politiques qui les concernent », suggère le chercheur Honko Roger Judicaël Bemahoun (honkoroger@gmail.com).

Cette confiance institutionnelle à tendance baissière a été obtenue suite à une enquête sur un échantillon de 1200 personnes réparties dans les 13 régions du pays.

Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 16 mai 2019 à 15:59, par sidbala En réponse à : Relation entre le citoyen et l’Etat : Une décennie de confiance brisée, selon une étude

    Analyse pertinente, c’est vrai que la crise de confiance qui est la base de que l’on qualifie aujourd’hui d’incivisme, on vous le concède.

    Le résume de tout cela montre que les pays africains devraient réinventer leur démocratie, la démocratie telle que perçu par ceux qui nous devancé est difficile à cerner par les bas peuples, et même ceux qui prétendre dire qu’ils comprennent finissent par tomber dans la démagogie et terminent par le populisme.

    Depuis la déclaration de la Baule les premières démocraties ont connus des sursis, c’est pour cela qu’on arrivait tant bien que mal à colmater les brèches. Avec la prise en main de certaines places laissées par l’État aux OSC , le malheur est venu de là, en plus certains politiciens et homme d’influence ont alimenté leur ambitions avec ces OSC, qui a pourri d’avantage la situation socio politique et bonjour le KO.

    Résultat personne ne fait plus confiance à l’État et ceux qui devraient servir l’État le dessert, corruption gabegie, clientélisme, même pour avoir audience avec Roch il faut payer, on est où ? Au Burkina.

  • Le 16 mai 2019 à 16:11, par gohoga En réponse à : Relation entre le citoyen et l’Etat : Une décennie de confiance brisée, selon une étude

    Enfin on commence à comprendre le vrai problème du Burkina. Notre pays a problème de confiance entre une Administration inadaptée à la réalité des citoyens. Une école qui refuse de prendre son indépendance vis a vi du colonisateur, une justice néocoloniale. Un pays à 2 vitesses : la grande majorité du peuple observe le partage des ressources du pays entre ceux qui ont fait l’école française. Un pays ou les salariés de l’Etat et leurs amis (-1 000 000 de personnes) se partagent les 3/4 des ressources du pays en salaire, en FC, en frais de mission, en séminaires et ateliers...Sans se soucier du reste de la population. Il n’est pas étonnant qu’une partie du peuple fini par perdre confiance à ces pillards.

  • Le 17 mai 2019 à 07:53, par HUG En réponse à : Relation entre le citoyen et l’Etat : Une décennie de confiance brisée, selon une étude

    Ah mon ami goyoga, pour l’une des rares fois, je suis d’accord avec vous. Les privilégiés de ce pays sont certains fonctionnaires (enseignants, agents de santé, financiers, magistrats.....) grâce à l’injustice instaurée par ce pouvoir du MPP et acolytes à travers leurs résolutions des revendications cas par cas. Pourtant le paysan comme tout autre citoyen à droit aux avantages car dans un Etat de droit les choses se passent ainsi.

  • Le 17 mai 2019 à 11:04, par Mme Yaméogo En réponse à : Relation entre le citoyen et l’Etat : Une décennie de confiance brisée, selon une étude

    Depuis 2015, on ne fait que parler des fonctionnaires comme si au Burkina, tout le monde ou la majorité des citoyens sont des travailleurs de l’état.
    Les agriculteurs qui nous fournissent le pain quotidien sont rarement estimés et on ne parle même pas des chômeurs et des employés du privé.
    A l’allure ou vont les choses, si on ne se ressaisit pas vite,les burkinabés vont se révoltés les uns contre les autres.
    Nos autorités doivent maintenant parler investissement pour créer de la richesse et des emplois. Rien ne sert de percevoir un gros salaire aujourd’hui et que ses enfants soient des chômeurs demain. Combattons l’égocentrisme pour penser aussi aux autres. On ne peut pas être heureux tout seul.

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