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Situation nationale : Un deuxième quinquennat perdu ?

Publié le jeudi 9 mai 2019 à 23h10min

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Situation nationale : Un deuxième quinquennat perdu ?

L’observation de l’actualité nationale a inspiré à Maix cette réflexion appelant à la mobilisation des Burkinabè pour s’enrôler sur le fichier électoral.

Pour n’avoir pas voulu comprendre que le premier quinquennat post-insurrection devait être celui de la vraie Transition, nous sommes en passe de perdre cinq ans en plus de l’année de transition.

Comment imaginer qu’après 27 de règne d’un président, un virage à 180° soit possible en un an, au motif que nous avons fait une insurrection ?

Beaucoup de Burkinabè regardent avec envie le Rwanda de Paul Kagamé, ce président à poigne qui dirige son pays comme une caserne militaire.

Combien de Burkinabè pourraient supporter la discipline de fer que Kagamé impose à son peuple pour obtenir les résultats spectaculaires que nous envions ?

Ces policiers qui bloquent l’ONI pour exiger le départ de son DG ?

Ces GSP qui attaquent le domicile de leur ministre de tutelle ?

Ces salariés de la Sonapost qui molestent leur DG, l’expulsent du siège de la société et exigent son départ parce qu’il essaie d’assainir la gestion de l’entreprise ?

Ces salariés du MINEFID qui se targuent d’avoir eu la tête de leur ministre de tutelle et de mettre l’État à genoux en sabotant impunément les finances publiques ?

Ces écoliers qui battent leurs enseignants, saccagent leurs domiciles et brûlent le drapeau ?

Ces commerçants véreux qui exigent la fin des contrôles qualité sur les importations en tout genre ?

Ces populations qui attaquent les commissariats et les gendarmeries soit pour en extraire et lyncher des détenus, soit au contraire pour en libérer ?

Ces populations qui lynchent des policiers venus interpeler un contrevenant qui n’a répondu à la convocation de la justice ?

Ces populations qui envahissent les palais de justice, armes au point, pour soutenir des prévenus ?

On peut avoir quelques doutes.

Mais attendons de voir le Rwanda après le long règne de Kagamé pour savoir si cela se passera comme le Ghana de Jerry J. Rawlings ou la Côte d’Ivoire de Houphouët et le Zaïre de Mobutu.

Revenons au quinquennat actuel. Dès lors où les partis politiques du CFOP de 2014 ont été incapables de former une coalition gouvernementale afin de réaliser une alternance bloc à bloc, l’idée d’un quinquennat de transition était enterrée et on entrait de facto dans la politique politicienne en ce qu’elle a de pire !

Exit donc le quinquennat de transition. La bataille pour le match retour de l’insurrection et de la résistance au putsch du CND durera 5 ans.

Qu’importe le débordement du terrorisme du territoire malien au nôtre !

Qu’importent les exactions et le racket des Kogl-wéogo !

Qu’importent les affrontements et les massacres intercommunautaires !

Qu’importe la déstructuration de notre économie !

Qu’importe la désorganisation de nos Forces de sécurité et de défense, de nos services de renseignements !

Seule cette bataille pour le pouvoir compte. Et c’est la puissance financière respective de chaque camp qui pèsera.

Le piège est en place et la trappe va bientôt se refermer sur nous.

L’UPC de Zéphirin Diabré ayant fait une mauvaise analyse de son échec cuisant de 2015 semble désormais dans la posture du FPI de Gbagbo « l’essentiel, c’est d’arriver au pouvoir ».

Le CDP semble dans l’obstination de retrouver le « paradis perdu », avec l’argument massif « voyez, en notre temps c’était mieux ».

Ils n’ont pas exercé de droit d’inventaire sur les années Compaoré et fait leur aggiornamento. Dans la mesure où les autres n’ont pas pu faire mieux, cela valide de fait et, a posteriori, leur pratique de pouvoir. De ce fait, le temps les a vengés, ils attendent maintenant la formalité des urnes pour retrouver leur chose.

Le MPP et sa majorité ne semblent plus avoir comme seul programme que d’acheter la paix sociale y compris en donnant satisfaction aux revendications les plus illégitimes, les plus révoltantes.

Pour eux, c’est une question de survie. Ils savent que ce parti construit à la hâte en un an disparaîtra s’ils perdent les élections de 2020.

Les Rouges comme on les appelle, eux, continuent à dire de ne pas participer aux élections. D’abord parce qu’ils savent que s’ils y participaient, ils seraient laminés, que l’on pourra enfin mesurer leur faiblesse réelle. Ensuite, parce que le statu quo les arrange bien ! Ils ne vont pas tuer la poule aux œufs d’or !

Lorsque l’on prospère grâce à un problème, on n’a objectivement aucun intérêt à ce que ce problème soit résorbé ! C’est assez simple à comprendre !

C’est cette vacuité programmatique qui est le plus gros danger pour l’avenir.
Et dans cette situation désespérante, les OSC (syndicats et organisations de défense des droits) ne font pas mieux. Chacun broute là où il est attaché.
Les politiques cherchent le pouvoir pour manger.

Les OSC exigent de manger en contrepartie de la tranquillité sociale.
La réflexion structurante et prospective n’intéresse plus personne. Et ceux qui s’y aventurent sont férocement combattus, de la plus vile des manières.

Le piège qu’ils ont mis en place pour geler la situation, je vous en parle régulièrement depuis août 2018, et à chaque étape décisive, chiffres à l’appui, mais en vain.
Ce piège est désormais en place et le compte à rebours est lancé.

Nous n’avons pas été collectivement assez intelligents pour soutenir les innovations à la CENI qui auraient permis de s’enrôler toute l’année, et sans même avoir à se déplacer. L’enrôlement à l’ancienne sera donc employé.

Pour cette méthode d’enrôlement, le pays est divisé en 6 zones.
L’enrôlement par zone dure une semaine, soit 7 jours. 7x6 = 42 jours. Pas un jour de plus !
De sorte que seuls ceux qui se sont bien organisés en amont puissent s’enrôler. Et cette farce coûte 9 milliards, rien qu’à la CENI.
Cela, sans tenir compte du coût des autres intervenants :
 CSC : environ 2 milliards,
 Sécurité : environ 3 milliards,
 Justice : environ 500 millions, etc.

Les partis classiques, eux, ont une procédure bien huilée pour profiter de cette situation. Je vous l’ai déjà décrite en détail dans un précédent article.
Tout est donc en place pour qu’en 2020, on reprenne les mêmes et on recommence. Ou plus exactement, on prolonge le statu quo, l’immobilisme qui s’est transformé en régression depuis l’installation du terrorisme armé et administratif.

Mais tout n’est pas encore perdu.
Le fichier électoral, malgré l’enrôlement exceptionnel de 800 000 nouveaux électeurs en 2015, ne compte que 5,5 millions d’électeurs dont seulement 3,5 millions ont voté en 2015.

J’ai déjà attiré votre attention sur le fait que ce fichier n’ayant jamais été expurgé des morts depuis sa création, en tenant compte du taux de mortalité naturel du Burkina, il contient entre 300 000 et 500 000 morts qui ne voteront plus jamais.
Il reste donc 5 millions d’électeurs réels dans ce fichier.

Mais il y a un gisement de 4 millions d’électeurs non-inscrits au Burkina, dont une grande partie dans les villes et leurs non-lotis. Et ceux-là n’ont, à l’évidence, pas les mêmes préoccupations que les électeurs ruraux...

Si nous voulons donner une chance à une nouvelle offre politique d’émerger dès 2020, c’est dans ce combat-là et dans ce combat seul que nous devons désormais jeter toutes nos forces.

Maix

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