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Médias burkinabè et politique : Abuser du pouvoir des médias est dangereux

Publié le lundi 29 décembre 2003 à 10h58min

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Il n’y a pas de démocratie

sans liberté de la presse. Ce postulat universel fait ainsi de la presse l’un des piliers de la démocratie. Du reste, après

l’exécutif, le législatif et le judiciaire elle est considérée comme le quatrième pouvoir.

En vérité, la presse est plus

qu’un pouvoir. Et comme tout pouvoir qui ne sait pas se donner des valeurs à respecter et des limites de son action vire à

l’autocratie et à la dictature, la presse burkinabè, depuis une décennie, est en passe de se transformer en un monstre qui

dicte sa loi.

Le pouvoir des médias est déjà magique.

Si les uns et les autres en rajoutent, cela devient un

poison. S’il y a une référence biblique qui convient aux médias, c’est celle du "sel et de la lumière". La presse est "sel"

lorsqu’elle donne du goût à l’actualité et aux événements. Mais lorsque le dosage du sel devient incontrôlé, alors les

informations deviennent indigestes. La presse est "lumière", car elle doit apporter la clarté dans les ténèbres des affaires et

maladresses des princes de ce monde. Mais lorsque cette lumière est "cagoulée" elle devient l’alliée de la bêtise

humaine.

Depuis l’annonce du putsch déjoué par le procureur général Abdoulaye Barry, le 7 octobre 2003, des médias

burkinabè sont en ébullition. C’est vrai que la presse se nourrit des affaires, mais elle doit aussi éviter de monter ses

propres affaires.

Aujourd’hui, qui se souvient du putsch manqué du conseil de l’entente (caserne du régiment de la

sécurité présidentielle) qui a conduit à l’exil de l’adjudant Hyacinthe Kafando et provoqué des morts "innocentes ?" Qui se

souvient qu’avant cette affaire, des journaux burkinabè avaient, à tour de manchettes, annoncé une soi-disant brouille entre

militaires au sein de la sécurité présidentielle qui a eu son dénouement avec un règlement dans le sang ?

Et puis, ce

même Hyacinthe Kafando n’a-t-il pas été donné pour mort, "kafaccidenté" ? Ne dit-on pas dans la profession que les faits sont

têtus ? Ce que la presse avait réussi très bien à l’époque c’était de créer un climat de méfiance, une crise artificielle qui

ont eu raison de la ténacité des militaires, au sein de la sécurité présidentielle. Aujourd’hui l’on se rend compte que tout

était montage sorti de l’imagination fertile de journalistes.

Mais à quelle fin ? Politique certainement.

Une

autre affaire, celle de notre confrère Norbert Zongo, est un fait illustratif de la manipulation de l’information. Des

journalistes avaient écrit noir sur blanc qu’ils avaient débusqué le véhicule qui aurait servi à perpétrer le crime. Que ce

véhicule était entreposé dans un garage pour refaire la peinture ... Au jour de vérité, lorsqu’il a fallu confirmer leurs

écrits, ils se sont débinés, ramollis. Des affirmations moins graves que celles écrites, publiées ou diffusées, dans une affaire

aussi grave d’assassinat auraient conduit les auteurs à l’ombre pour une période de méditation. Mais au Burkina Faso, le

journaliste est "roi-dieu".

Partie sur une telle lancée, la presse burkinabè ne pouvait plus s’arrêter. Actualité

oblige, les affaires du putsch de la chance, des "aveux" du sergent Babou Naon et de l’inculpation de Me Prosper Farama sont

traitées avec le même manichéisme et la même suffisance.

Seulement les médias burkinabè doivent savoir que sur ces

affaires, ils jouent la dernière cartouche de leur crédibilité. Des journalistes n’accusent-ils pas déjà d’autres d’avoir

vendu Me Prosper Farama tout en souhaitant que les intéressés soient éjectés de la profession ? Confirmant, sans le savoir,

qu’il y a eu une fuite organisée à destination des médias avec comme conséquence la violation du secret de l’instruction

 ?

Depuis les "aveux" du sergent Babou Naon, l’affaire Norbert Zongo est revisitée. Même ceux qui trouvaient le temps

long, pensent que cette fois-ci, ils ont leur homme des vérités. Si le procès avait déjà eu lieu, ne serions-nous pas en face un

cas compliqué d’erreur judiciaire ?

Personne ne pose la question à savoir si le sergent Babou Naon avait menti par

instinct de survie et de vengeance ? Si d’aventure il revenait sur ses "aveux" et dénonçait une machination orchestrée,

personne ne sortirait gagnant. Ni la justice, ni la politique.

Aujourd’hui, putsch ou pas, les Burkinabè savent que leur

presse est au creux de la vague, avec des mensonges, des non-dit, des demis-vérités et des complicités coupables. Des médias

burkinabè ont réussi la prouesse de convaincre une certaine opinion qu’on peut indexer des "suspects" sérieux en liberté, là où

ils soutiennent qu’il n’y a pas de crime commis (putsch). Et, si nous sommes arrivés à ces extrémités, c’est que la politique

se sert et abuse de la presse. Certains journalistes n’ont plus d’avenir sans la politique. Et leur salut passe par la chute

du pouvoir de la IVe République. Mais de là à vouloir faire la politique à la place des politiciens il y a un pas à ne pas

franchir.

Au Rwanda, des journalistes de la "radio Milles collines" et du journal "Kangoura" en faisant des amalgames

l’ont appris à leurs dépens.

Et ce n’est pas François Mitterrand qui par ses propos devenus célèbres, face à la douleur

du suicide de son ami Pierre Beregovoy a fustigé un certain comportement des médias en les rendant coupables de la mort de son

ancien Premier ministre : "Ils l’ont eu ... les nouveaux chiens de garde ..." Des journalistes avaient franchi le rubicon.

Pierre Beregovoy, n’avait pu résister au harcellement des médias. il s’est donné la mort. Alors prudence, la presse est une

arme dangereuse qui peut tuer, faire tuer, détruire le destin de tout un peuple. Faisons en sorte de ne pas abuser de notre

pouvoir.

Par Michel OUEDRAOGO
Sidwaya

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