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Côte d’Ivoire-Burkina : « Nous devons être solidaires pour combattre le terrorisme, la pauvreté et le sous-développement », exhorte le député ivoirien Kouadio Konan Bertin dit KKB

Publié le dimanche 31 mars 2019 à 23h24min

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Côte d’Ivoire-Burkina : « Nous devons être solidaires pour combattre le terrorisme, la pauvreté et le sous-développement », exhorte le député ivoirien Kouadio Konan Bertin dit KKB

Sous les projecteurs ces dernières années, pour avoir clairement exprimé sa vision d’un nouvel ordre au sein de son parti politique, le PDCI-RDA, Kouadio Konan Bertin dit KKB, ne fait pas de mystère sur son ambition politique pour son pays, la Côte d’Ivoire. Une posture qui lui vaut une ‘’adversité’’ avec le président légendaire du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié. Député et conseiller municipal, candidat à la présidentielle de 2015 en Côte d’Ivoire, l’homme se positionne également comme messager de l’intégration entre peuples africains, surtout ivoiro-burkinabè. C’est d’ailleurs à ce dernier titre qu’il a séjourné au Burkina sur invitation de l’association African Golden pour une communication sur le ‘’rôle de la jeunesse dans l’intégration africaine : cas du Burkina et de la Côte d’Ivoire’’. Par cette interview qu’il a accordée dans la matinée de samedi, 30 mars 2019 à son pied-à-terre, KKB n’a pas fait de la langue de bois sur les questions relatives à sa carrière politique, son rapport actuel avec Henri Konan Bédié, la classe politique ivoirienne, aux relations ivoiro-burkinabè, etc. Interview !

Lefaso.net : Après vous êtes présenté à la présidentielle de 2015, vous êtes aujourd’hui, député et conseiller municipal. Comment appréciez-vous, vous-même, votre parcours politique ?

Kouadio Konan Bertin (KKB) : Il y a une chose qu’il faut déjà observer : c’est qu’il y a une constance qui se dégage dans ma démarche. Tout ce que je fais, je le fais autour du PDCI-RDA, je le fais au nom du PDCI-RDA, je le fais pour le PDCI-RDA. Mais, le PDCI-RDA étant lui-même au service de la Côte d’Ivoire, je le fais donc, par voie de conséquence, pour mon pays, la Côte d’Ivoire. J’ai effectivement créé, à l’époque, la CERAC, quand j’étais étudiant.

Ce n’était pas forcément en opposition à la FESCI. J’ai voulu passer à travers cette action-là, un autre message. C’est vrai, en 1990, il y avait déjà des problèmes à l’Université ; parce que, vous imaginez, le président Félix Houphouët-Boigny, à l’indépendance, s’était donné un défi : former massivement des jeunes Ivoiriens, des cadres ivoiriens pour construire la Côte d’Ivoire de demain (c’est-à-dire aujourd’hui). Il a consacré plus de la moitié du budget de l’Etat à la formation.

A l’époque, c’étaient les Dahoméens (Béninois, ndlr), les Sénégalais qui enseignaient en Côte d’Ivoire, les Ivoiriens. Nous n’avions même pas un seul instituteur ou cadre supérieur en Côte d’Ivoire. Dans un tel contexte, on ne peut pas bâtir et construire la Côte d’Ivoire, on ne peut pas aller au développement. Donc, Houphouët avait déjà comme priorité, la formation. Et il a connu un succès dans ce domaine, de telle sorte que, de 60 à 70, en l’espace de dix ans seulement, Houphouët a renversé toutes les tendances.

Désormais, quand vous regardez bien, tous nos frères de la sous-région, c’est dans nos écoles, nos Universités que tous venaient pour acquérir la connaissance. Formidable ! Mais, les infrastructures n’ont pas suivi à un moment donné ; les cars (transport) étaient gratuits, tous les étudiants étaient boursiers…). Mais tant qu’ils n’étaient pas en trop grand nombre, l’Etat pouvait supporter cela. Mais il se trouve qu’en 90 déjà, nous avons franchi la barre de 100 mille étudiants, et sans qu’il n’y ait de nouvelles universités et amphithéâtres construits.

Du coup, ça a commencé à être exigu et posait problème (peu de bus pour le transport pour trop d’étudiants, peu de logements, d’amphithéâtres pour accueillir les étudiants). Dans ces conditions-là, naît la contestation. Alors, l’opposition naissante, le FPI (Front populaire ivoirien) et autres, qui n’avaient visiblement pas d’arguments contre Félix Houphouët-Boigny, se sont donc arc-boutés sur les revendications des étudiants, pour essayer de mettre à mal le pouvoir (de Félix Houphouët-Boigny).

Et les étudiants, dans ce syndicat appelé FESCI, à l’époque, donnaient un autre message : tous les jours on cassait, on bloquait l’école, on brûlait. Je n’ai jamais compris cette logique qui veut qu’en voulant revendiquer beaucoup de bus, on brûle déjà l’existant. Je n’ai jamais compris cette logique qui veut qu’en voulant revendiquer plusieurs amphithéâtres, on brûle déjà l’existant. Je n’ai jamais compris cette logique qui veut qu’en revendiquant et en voulant la sécurité sur le campus, on tue des policiers. Je n’ai jamais compris cette logique comme moyen de communication, je me suis opposé à cela ; parce que, pour moi, l’université, c’est la première industrie d’une nation.

Quand on la met au service du mal, elle produit ce qu’on a connu récemment : la guerre. Quand vous regardez, la guerre que nous avons connue, quand la Côte d’Ivoire était coupée en deux, qui sont ceux qui ont alimenté la guerre ? Au nord, ce sont les éléments de la FESCI (Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire), au sud ce sont les éléments de la FESCI.

Mais, si on leur a appris à manipuler les couteaux, les machettes sur le campus, il ne faut pas s’étonner par la suite de les voir manipuler des kalachnikovs. C’est ce que je redoutais. Et c’est pour cela que j’ai essayé de communiquer derrière autre chose, en disant aux jeunes ivoiriens qu’on peut se faire entendre autrement. Non, pas en brûlant. Non, pas en cassant. La braise et la casse ne sont pas un bon moyen, un bon langage de communication. Et ça, je m’y suis toujours opposé. Je n’aime pas la violence. J’ai hérité cet esprit de la philosophie politique de Félix Houphouët-Boigny ; j’aime la paix, j’aime le dialogue.

Dans le dialogue, tout est possible, on peut tout obtenir. Et c’est à cela que je crois et qui fonde ma démarche. En fin de cycle, il y a un coup d’Etat militaire en Côte d’Ivoire, et c’est mon parti qui en est victime, le président Henri Konan Bédié. A cette époque, je ne dis pas forcément que Bédié était irréprochable ; il peut se faire qu’on ait des choses à lui reprocher à cette époque.

Mais, je dis, dans une démocratie, et dans un peuple civilisé, ce n’est pas par les armes qu’on assure l’alternance. J’ai été malheureux, de voir des milliers de jeunes Ivoiriens, danser pour célébrer le coup d’Etat de 99 (coup d’Etat qui a renversé le président Henri Konan Bédié, ndlr). Voyez-vous, Houphouët-Boigny aimait dire : je préfère l’injustice au désordre.

Parce que l’injustice, quand on s’en rend compte, on peut la réparer. Mais, le désordre, on sait quand il commence, mais on ne sait jamais quand il s’arrête. La preuve, depuis 99 qu’on a ouvert la boîte de pandore, nous voici aujourd’hui : coup d’Etat manqué, des rébellions, des crises…, plein de morts.

C’est cela que nous ne voulons pas dans notre pays. La Côte d’Ivoire a une culture de paix, un peuple de tolérance, une terre d’hospitalité, terre d’espérance. On ne peut pas inviter les gens à venir prospérer sur notre sol, en les effrayant chaque fois avec des couteaux, des machettes, en faisant la guerre, etc. Non, ce n’est pas ça notre destin. Donc, comme vous voyez, j’ai une ligne, un parcours politique, un profil de carrière, que je veux donner aux Ivoiriens. C’est pourquoi, je ne veux pas être parmi les transhumants ; je ne connais qu’un seul parti : le PDCI-RDA. Et mon souhait, c’est de rester, définitivement, dans ce parti.

Lefaso.net : Le diagnostic que vous faites de l’université ivoirienne peut s’observer dans la quasi-totalité des universités africaines. Est-ce un échec des dirigeants ?

KKB : Oui, on peut le dire ainsi ; parce qu’on juge l’arbre à ses fruits. Si considère que ces jeunes gens qui cassent sont les fruits de l’éducation de nos aînés, oui, c’est leur responsabilité. Mais, c’est une réalité partagée, elle est collective. Vous suivrez qu’en France, ces derniers temps, il y a l’avènement des « gilets jaunes ». Mais avant ça, vous n’allez pas me dire dans les sociétés françaises, occidentales, il n’y a pas aussi de difficultés ! Mais pourquoi, eux, ils ne cassent pas, ne brûlent pas. Peut-être maintenant ont-ils essayé de copier ce qui se passe chez nous, je n’en sais rien.

Lefaso.net : Vous êtes convaincu que les dirigeants actuels du parti, PDCI-RDA, doivent passer la main dans la dynamique d’un rajeunissement. Qu’est-ce qui fonde votre perception ?

KKB : Déjà, le dernier congrès, auquel j’ai participé, a eu pour thème : « Le PDCI-RDA face aux nouveaux défis : renouveau, rajeunissement et renaissance ». Le thème du congrès reflète les aspirations d’une partie des militants. Ça veut dire que le parti a un besoin de renouveau, de rajeunissement, de renaissance.

Mais, si on parle de « renaissance », ça veut dire que dans notre conscience, le PDCI-RDA est mort. Est-ce que ceux qui l’ont tué sont ceux-là qui peuvent le faire renaître ? Non. On ne peut pas toujours prendre les mêmes et continuer. Et j’ai toujours pensé qu’on ne peut pas faire son temps et faire le temps des autres.

Il y a un temps pour tout. Notre pays, la Côte d’Ivoire, est composé de plus de 75% de jeunes, un pays potentiellement jeune. Comment expliquez-vous que c’est la petite minorité d’anciens qui soient à la tête ? Ces jeunes gens que vous avez passé le temps à former, qui ont acquis des connaissances, qui veulent les mettre au service d’un pays qui est en difficulté (un pays qui a besoin de ses bras valides pour le relever), où est-ce que vous les mettez ? C’est ma vision, c’est ma conviction : la classe politique ivoirienne doit maintenant songer à se rajeunir.

Lefaso.net : Quelle est la légitimité de votre combat au sein de votre parti, notamment au sein de la frange jeune ?

KKB : Il n’y a qu’à regarder un peu le malaise qui se vit aujourd’hui un peu partout. Qu’est-ce qui divise Soro Guillaume et Alassane Ouattara ? Regardez vous-mêmes, je n’invente rien du tout.

Lefaso.net : Quels sont aujourd’hui vos rapports avec Henri Konan Bédié ?

KKB : Ce sont des rapports de père à fils. Nous resterons toujours de telle façon, on ne peut pas les modifier, on ne peut pas les changer ; parce que je n’ai pas demandé à naître à Bocanda, lui non plus n’a pas demandé à naître là. Il est mon père et il restera ainsi, tout le temps.

Lefaso.net : Il y a ce média international qui, parlant de vous, disait que KKB est « le fils qui veut tuer le père » !

KKB : Jamais ! Chez nous, le fils ne tue jamais le père. Et le président Bédié sait que je n’ai jamais été animé de la volonté de le tuer. Tout ce que j’ai toujours fait, je l’ai fait dans son intérêt, dans l’intérêt du PDCI-RDA, dans l’intérêt de la Côte d’Ivoire, parce que ce qui va dans l’intérêt d’Henri Konan Bédié va dans l’intérêt du PDCI, ce qui va dans l’intérêt de la Côte d’Ivoire, va dans ses intérêts. C’est ce Bédié-là que j’ai aimé, que je continue d’aimer. Pas autre chose.

Lefaso.net : Depuis le dernier congrès auquel vous avez participé, en 2013, avez-vous échangé avec le président Henri Konan Bédié ?

KKB : Oui, plusieurs fois. Nous nous voyons quand c’est possible. Nos rapports ne peuvent pas changer. J’ai connu véritablement le président Bédié dans les moments difficiles. Je ne suis pas de ceux qui ont bénéficié de ses largesses dans la vie, j’aurais été heureux, si j’avais eu cette occasion. Donc, je n’ai pas aimé Henri Konan Bédié pour ce qu’il m’a fait comme bien, je l’aime parce que je l’aime. Je l’aime parce qu’Houphouët l’a choisi pour lui succéder, et je ne veux pas faire partie de ceux qui contestent le choix de Félix Houphouët-Boigny.

C’est comme cela que, quand il y a eu le coup d’Etat de 99, alors que tout le PDCI-RDA, y compris les anciens collaborateurs d’Henri Konan Bédié, ceux-là mêmes qu’il avait élevés au rang de ministres, l’avaient rejeté et mis en congés du PDCI-RDA, j’ai créé effectivement le MNG (Mouvement de la nouvelle génération) du PDCI-RDA, parce qu’à l’époque, je n’appartenais à aucune structure du parti.

Il me fallait donc un instrument, un creuset pour rassembler les jeunes du PDCI-RDA, pour revendiquer que Bédié reste à la tête du parti, et qu’il revienne d’exil ; parce qu’il devait demeurer une réalité vivante et incontournable en Côte d’Ivoire. On a réussi cette mission, Bédié est rentré d’exil, de façon extraordinaire. Lui-même le sait, l’accueil qui lui a été réservé ; parce qu’à cette époque, les Ivoiriens considéraient, en quelque sorte, qu’il était un martyr.

Or, vous savez que les peuples ont toujours un faible pour les martyrs. Il est donc rentré d’exil, seulement deux ans après (1999-2001), de façon triomphale. Le boulevard était donc ouvert. Malheureusement, à cause de la guerre, on a dû attendre dix ans pour aller à des élections, qui n’ont pas marché. Lui-même dit avoir été spolié de 600 mille voix, en 2010.

Pourtant, le président de la CEI (Commission électorale indépendante) a été désigné par le président Henri Konan Bédié. Comment est-ce donc possible qu’on spolie 600 mille voix au président Bédié, alors que le président de la CEI est supposé être son homme ? C’est possible qu’il le fasse. Mais, quand le temps vient de renouveler les hommes, le président Bédié ramène encore le même à la CEI, qui va encore diriger.

Ça me pose un problème. Le divorce (pour ne pas dire les incompréhensions) est intervenu entre nous au dernier congrès ordinaire auquel j’ai participé (octobre 2013, ndlr). Je suis de ceux qui pensent qu’un militant doit être discipliné, et il faut respecter les décisions du congrès, qui est l’instance suprême du parti. Nul n’a le droit de contester les décisions d’un congrès. Si vous avez des idées, c’est au congrès qui, une fois adopte une décision, il faut y obéir.

C’est parce que le président du parti a été élu au congrès, que nous le respectons. Si nous respectons le président du parti, qui tire sa légitimité du congrès, nous devons aussi veiller à appliquer strictement les résolutions du congrès. C’est ce qui nous a opposés. En 2015, le congrès décide que nous ayons un candidat, un militant actif. On présente le président Bédié, nous l’avons tous acclamé.

Nous sortons de là, et le président, que je respecte pourtant, se retire seul dans son village, et il décide de piétiner les décisions du congrès, pour faire d’Alassane Ouattara, le candidat du PDCI-RDA. J’ai beau aimé Alassane Ouattara, il n’est pas militant du PDCI-RDA, encore moins militant actif de ce parti. Donc, il ne rentre pas dans le canevas que le congrès a décidé, il ne peut pas être candidat du PDCI-RDA. C’est aussi simple que cela.

Ce d’autant que, un parti politique n’a de raison d’exister que parce qu’il veut aller à des élections présidentielles. Si nous mettons nos militants en ordre de bataille, qui vont consentir des sacrifices, et quand le moment arrive, on dit qu’ils ne vont pas aux élections. Un parti qui ne va pas à des élections présidentielles est appelé à mourir.

Or, je suis attaché au PDCI-RDA, je ne veux pas qu’il disparaisse. C’est pourquoi, malgré moi (je dis bien, malgré moi), j’étais obligé d’aller contre les décisions du président du parti, et croyez-moi, ça a été, dans ma jeune carrière d’homme politique, une des décisions que j’ai eues du mal à prendre.

Mais j’ai dû prendre cette décision pour le PDCI-RDA et pour la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, les faits sont là, ils me donnent raison, je ne regrette pas. Cela ne fait pas de moi, un militant indiscipliné, encore moins un militant impoli ; ça fait de moi un militant éclairé, qu’on gagnerait à écouter de temps en temps.

Lefaso.net : Des noms de personnalités, tels que l’ancien Premier ministre Charles Konan Banny et même Soro Guillaume (qui viserait 2020) sont associés à votre combat. Quelle est votre réaction sur ces observations ?

KKB : Non, je suis toujours autonome. Je suis autonome dans ma tête, je ne suis pas un instrument, on ne me manipule pas. Quand je pense quelque chose, je le dis. Quand je pense quelque chose, je le fais. Personne ne me manipule. Derrière mon combat, se trouve le PDCI-RDA, tout court. Et Je dirai, les Ivoiriens.

Lefaso.net : Dans quelle posture souhaiteriez-vous être en 2020 (candidat) ?

KKB : Ce que je souhaite, c’est que mon parti revienne au pouvoir. Le PDCI-RDA a longtemps végét, je souhaite qu’il revienne maintenant au pouvoir. Des cadres pour ramener le PDCI au pouvoir, il y en a au sein du parti, ils sont nombreux. Pourvu qu’on respecte simplement les règles au sein du parti pour désigner un candidat et que tous les autres se mettent autour de lui et le tour est joué.

Lefaso.net : Des organisations internationales disent craindre un cas similaire à 2010-2011. Comment voyez-vous l’élection présidentielle à venir ?

KKB : Notre peuple est capable de sursaut. Notre classe politique doit être aussi capable de sursaut et de génie. Plus jamais, la Côte d’Ivoire ne doit servir au monde, ce qu’elle a servi en 2010. C’est notre responsabilité, nous sommes condamnés à réussir cela. Ce qui passe par une CEI véritablement indépendante, au moins consensuelle, de sorte que tout le monde accepte le verdict qu’elle va donner en 2020. Si nous réussissons à le faire, et dans une gestion transparente, cela fera du bien à notre pays.

Alors, tous ceux qui ont des ambitions pour la Côte d’Ivoire, c’est leur droit. Que chacun aille à la compétition et que le meilleur gagne. Si le meilleur gagne dans ces conditions, c’est la Côte d’Ivoire qui aura gagné. On n’a pas le droit de vouloir laisser en héritage à nos enfants, la guerre. On ne peut pas présenter ce visage où à la veille de chaque élection, ce sont des angoisses pour nos populations. A cette allure-là, on ne va pas rassurer les investisseurs, qui doivent nous aider à relever le pays. Il y a une certaine embellie, me semble-t-il.

Mais ça ne peut continuer que si nous continuons à soutenir la paix et la stabilité. C’est notre responsabilité, la responsabilité de la classe politique ivoirienne. Nous sommes condamnés à offrir ça au monde et à rassurer nos enfants sur leur avenir. Cela veut dire que la question de la CEI ne doit plus être biaisée ou politisée. Il faut donner à la Côte d’Ivoire, un instrument pour des élections crédibles, transparentes, qui apaisent définitivement. Ça, nous sommes obligés, qui que nous soyons, de regarder ces choses-là avec sérénité et par amour pour la Côte d’Ivoire.

J’ai toujours conseillé le dialogue. Les marches, les sit-in, les agressions, les oppositions, les lacrymogènes…, ça suffit. Nous pouvons nous parler. Nous ne sommes pas des ennemis. Ne donnons pas l’impression qu’en C’ôte d’Ivoire, si on fait la politique, on ne peut pas fraterniser. Avant d’être militants de parti politique, nous sommes d’abord Ivoiriens. Que faisons-nous de notre fraternité ? Parlons-nous. Le dialogue, c’est l’arme des forts.

Lefaso.net : Le concept d’« ivoirité » refait progressivement surface ces derniers temps en Côte d’Ivoire dans les débats. Comment expliquez-vous cela, quand on sait qu’il a été à la base des crises ces dernières années ?

KKB : Mais c’est un concept qui ne peut plus affecter le débat. Quelques nostalgiques peuvent en parler, peut-être, mais c’est loin derrière nous. La Côte d’Ivoire n’a jamais été un pays xénophobe. Celui qui est assis à côté de vous là, c’est un Burkinabè, qui ne vit pas ici, il vit à Abidjan, c’est mon photographe (Jean-Baptiste Bado, membre de son service de communication, ndlr).

Demandez-lui si on a des problèmes de ce type en Côte d’Ivoire. Bien au contraire, ce pays-là, qui a ouvert ses bras, qui a accueilli tout le monde, qui a éduqué, ne peut pas être payé en monnaie de singe. La Côte d’Ivoire, ce n’est pas ce qu’il faut retenir d’elle, ce n’est pas un pays xénophobe. C’est une terre d’hospitalité, elle reste une terre d’hospitalité. C’est une terre d’espérance et elle reste une terre d’espérance.

Lefaso.net : On ne sait pas s’il faut le qualifier de xénophobie, mais n’empêche que le concept d’ « ivoirité » est une réalité !

KKB : Le concept d’ « ivoirité », on ne va pas remuer le couteau dans la plaie. Oui, ceux qui l’ont créé disent que c’est un concept culturel. D’autres en ont fait un autre instrument. Ceux qui l’ont créé disent qu’il a été galvaudé. On ne va pas rester éternellement dans ce faux débat. Je pense qu’il faut qu’on avance, parce que la réalité est là et pour l’attester, les gens vivent bien en harmonie en Côte d’Ivoire.

Je ne connais pas de peuple qui fuit le pays parce qu’il est xénophobe. Tous les jours, les gens vont à Abidjan, venant de partout. Mais quel est ce pays qui est considéré comme un enfer et les gens continuent toujours d’y aller, c’est quand même curieux et paradoxal. Faisons la politique autrement. On se cache derrière ces faux débats quand on n’a pas d’arguments politiques.

Lefaso.net : Les hommes politiques doivent-ils arrêter donc de tirer sur ces ficelles !

KKB : Il faut arrêter ça. Ça ne grandit personne, ça ne nourrit personne (enfin, ça peut nourrir quelques-uns, mais pas toute la Côte d’Ivoire).

Lefaso.net : En séjour au Burkina, vous avez rencontré de nombreuses personnalités burkinabè, notamment politiques (de la majorité comme de l’opposition). Qu’est-ce qui justifie une telle démarche et quel enseignement tirez-vous de vos différents échanges avec les politiques surtout ?

KKB : D’abord, je suis un enfant d’Houphouët. Je suis PDCI-RDA. Quand vous interrogez notre histoire, elle est commune. Il n’y a pas de Côte d’Ivoire sans Burkina. Il n’y a pas de Burkina sans la Côte d’Ivoire. Nous sommes un peuple, comme je le résume, au même destin. De sorte que je considère que vous ne pouvez pas proposer à la Côte d’Ivoire, un projet politique crédible qui n’intègre pas le Burkina Faso, et vice-versa. La Côte d’Ivoire ne peut pas servir de base arrière pour déstabiliser le Burkina.

Le Burkina non plus ne peut pas servir de base arrière pour déstabiliser la Côte d’Ivoire. J’aime prendre une image simple. Vous savez, sur terrain de football, il y a deux équipes qui s’affrontent. On prend soin d’habiller les deux équipes. Chaque équipe dans un maillot, et les maillots sont de couleurs différentes. Tous ceux (joueurs, ndlr) qui portent le même maillot de même couleur, sont appelés des partenaires, et entre partenaires, il n’y a pas de tacles. Entre partenaires, on se fait la passe, on va vers le même but. La Côte d’Ivoire et le Burkina Faso sont deux peuples partenaires, il ne doit pas y avoir de tacles entre eux.

Nous devons donc nous faire la passe, être solidaires pour combattre le terrorisme, combattre la pauvreté, la misère, le sous-développement. C’est cela nous devons faire ensemble, dans la solidarité de nos intelligences, dans la conjugaison de nos efforts. C’est cela qui nous lie. Donc, je suis ici, pour me mettre à l’école de la démocratie burkinabè.

Je suis ici pour venir connaître, véritablement, le peuple burkinabè ; parce que moi aussi, j’aspire un jour, diriger la Côte d’Ivoire. J’ai un projet pour mon pays, mais qui doit intégrer le Burkina. Cela suppose que je dois connaître le Burkina. Houphouët-Boigny a réussi parce qu’il avait ici des relations solides : Maurice Yaméogo, Ouezzin Coulibaly et j’en passe ! Nous devons perpétuer cela à travers les générations.

Moi aussi, je dois avoir ici, notre Maurice Yaméogo, notre Ouezzin Coulibaly…, de sorte à renforcer nos liens. Des liens qui sont naturels, par la géographie, par l’histoire. Je suis donc venu, dans le droit fil du chemin de Félix Houphouët-Boigny. Là, je peux dire que je suis sur les traces de Félix Houphouët-Boigny.

Lefaso.net : D’aucuns pensent que le Burkina et la Côte d’Ivoire doivent être la locomotive en matière d’intégration dans la sous-région. Mais la réalité est que Burkinabè et Ivoiriens sont considérés comme des co-épouses dans un foyer, un vivre-ensemble caractérisé par des crises. A votre avis, quels sont les leviers (les mécanismes) à promouvoir pour que l’intégration entre ces deux peuples répondent à l’idéal que vous prônez dans votre discours ?

KKB : Ensemble, il faut qu’on trouve ces mécanismes. Je n’en dirai pas plus.

Lefaso.net : Depuis l’insurrection populaire, octobre 2014, l’ancien président Blaise Compaoré vit en Côte d’Ivoire. Partagez-vous cette présence en terre ivoirienne ?

KKB : Ce n’est pas la première fois qu’on accueille. La Côte d’Ivoire, c’est une terre d’espérance, terre d’hospitalité. Tous ceux qui ont des difficultés dans leur pays peuvent trouver refuge en Côte d’Ivoire. Et c’est cela notre tradition, ça ne date pas d’aujourd’hui. Donc, Compaoré ne fait pas l’exception. Cela fait cinq ans qu’il est en Côte d’Ivoire, s’il n’y est pas à l’aise, je pense qu’il allait chercher une autre destination.

Lefaso.net : L’avez-vous déjà rencontré ?

KKB : Pas encore.

Lefaso.net : A vous de conclure l’interview !

KKB : Je souhaite que nous puissions, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, réchauffer nos liens d’amitié. Nous convaincre mutuellement que nous sommes condamnés à avancer ensemble, à regarder dans la même direction. Laisser derrière nous les erreurs du passé. Reconstruire et donner espoir à nos deux peuples, qui attendent beaucoup de leur classe politique. C’est notre obligation morale de conduire ces deux peuples vers des lendemains meilleurs. C’est possible. Mais cela ne peut se faire que dans la concorde, l’entente, la fraternité. Laissons derrière nous, ces passés douloureux. Construisons l’avenir avec beaucoup plus de sérénité, dans la confiance retrouvée.

Interview réalisée par Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

Crédit photo : Jean-Baptiste Bado, service communication KKB

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