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Vie carcérale : Un vent de liberté dans les cellules de la MACO

Publié le mardi 26 mars 2019 à 23h40min

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Vie carcérale : Un vent de liberté dans les cellules de la MACO

Un vent de liberté a soufflé pendant quelque temps à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Dans cet environnement de questionnements sur soi, de résolutions également en vue de changer la trajectoire de sa vie, l’absence des siens est pesante. Il faut tout réapprendre, et avec des personnes souvent inconnues mais qui partagent le même destin. C’est difficile. Encore plus pour les femmes considérées comme plus fragiles. Pourtant, elles sont bien là, comptant les jours, attendant de franchir le portillon de cette vaste enceinte, humer le vent de la liberté. Mais en attendant, les pensionnaires s’accrochent à ce qui peut leur permettre d’oublier un tant soit peu leur condition carcérale. Les activités artistiques sont de ces échappatoires.

Une matinée ordinaire, fin février 2019, à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). La cour s’anime peu à peu. Des détenus arrosent les planches dans le jardin, d’autres avec des brouettes ramassent des ordures déposées çà et là. Le tout sous le regard inquisiteur des gardes. Le parloir est encore vide en ces premières heures de la journée. Bien au loin, sous des manguiers, un groupe de jeunes femmes casse quelque peu la lourde atmosphère.

Habillées en complet pagne, bien maquillées, une quinzaine de femmes et jeunes filles attirent l’attention des visiteurs que nous sommes. Elles ne se soucient pas des regards furtifs que nous leurs lançons. Visiteuses ou détenues ? nous demandons-nous. La réponse, nous ne tarderons pas à l’avoir quand les sujets de notre curiosité prennent place dans une salle pour une cérémonie.

En réalité, celles que nous dévisagions, font partie de ces détenues qui ont suivi trois mois durant des sessions en art thérapie avec la danse et l’art plastique. Le développement personnel et l’alphabétisation fonctionnelle adaptée au monde du travail et la réinsertion professionnelle. La couture également et les tenues qu’elles arborent toutes joyeuses, ce sont elles-mêmes qui les ont faites.

« Pendant ces ateliers, nous oublions nos préoccupations et nous ne ressassons pas les mêmes idées (…) Ça nous a permis de faire le vide et d’éviter de nous enfermer dans nos pensées », confesse Pascaline Simporé, porte-parole des bénéficiaires. Ce fut donc des séances d’évasion, des instants de liberté pour oublier un tant soit peu sa condition difficile de détenue. Et selon la porte-parole, l’atelier le plus gai, le plus festif et amusant fut celui de la danse. « Dans le groupe, certaines se sont révélées de bonnes danseuses », révèle dame Simporé en citant certaines de ses codétenues. C’est volontairement qu’elles se sont inscrites pour suivre la quarantaine de séances.

Les pensionnaires ont appris ainsi à ajouter d’autres cordes à leurs arcs, en apprenant par exemple à confectionner des petits objets à revendre aux visiteurs. « Dans l’atelier de création des bijoux, nous avons créé des boucles d’oreille, des colliers, des bracelets avec des morceaux de canette et quelques perles, et nous serons très satisfaites de pouvoir les transmettre à notre tour à l’extérieur », a poursuivi Pascaline Simporé.

Emprisonner le corps, pas la créativité

Ces ateliers ont été initiés par le Groupement alternatif d’initiatives artistiques (GAIA/Faso). Selon la présidente Isabelle Bulczynski, l’on oublie le plus souvent que ces personnes sont en détresse psychologique. Et les différentes actions menées en prison permettent de les reconstruire progressivement pour les préparer à une meilleure vie une fois en liberté.

La MACO dispose bien d’un service culturel. D’ailleurs à la cérémonie de clôture des ateliers, il y a eu la prestation d’un artiste musicien, Rolby, qui, dit-on, a sorti son album dans les geôles. Mais de l’avis du premier responsable de la MACO, l’inspecteur de sécurité pénitentiaire Claude Ouédraogo, le service culturel ne dispose pas de moyens conséquents pour mener des activités.

« En administration pénitentiaire, c’est la première fois que je vois l’art se développer en prison. Je suis vraiment émerveillé et je souhaite que cela se poursuive. Parce que cela permet aux détenus de savoir qu’ils ne sont pas délaissés et cela leur permet d’exprimer leurs talents », a dit le directeur qui a ainsi souhaité la pérennisation d’une telle activité.

Les invités ont eu droit à l’expression des talents des stagiaires. Les filles, mais aussi quelques garçons, se sont ‘’déchainées’’ à travers la chorégraphie et le chant. Elles ont également pu vendre des objets fabriqués, comme des sacs, des bracelets, bijoux et autres objets.

C’est donc un petit vent de liberté qui a soufflé sur l’établissement pénitentiaire. Pendant des heures à s’occuper dans les ateliers, Pascaline Simporé et ses camarades ont presqu’oublié les raisons de leur présence en ces lieux, craints de dehors, mais dont nul ne peut avoir l’assurance qu’il n’y séjournera un jour. Au détour d’une interview, elles évitent soigneusement d’ailleurs de répondre à toute question tendant à savoir ce qui les a conduits là.

Les responsables du groupement qui a organisé ces séances d’art thérapie et de développement personnel, comptent mettre des mécanismes pour suivre les pensionnaires une fois qu’elles auront recouvré la liberté. Pour emprisonner à perpétuité tous germes de récidive.

Tiga Cheick Sawadogo
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