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Situation nationale : « Le Burkina n’a rien d’autre à offrir aux terroristes que le combat sans merci », affirme Jean De Dieu Somda, vice-coordonnateur du Haut-conseil du CDP

Publié le mercredi 20 mars 2019 à 23h08min

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Situation nationale : « Le Burkina n’a rien d’autre à offrir aux terroristes que le combat sans merci », affirme  Jean De Dieu Somda, vice-coordonnateur du Haut-conseil du CDP

« Un jeune retraité actif depuis six ans ». Voilà comment Jean De Dieu Somda se définit lui-même. Une carrière pleine, multiple. Avant sa retraite, l’homme a en effet exercé de hautes fonctions gouvernementales et internationales. Au plan national, il a été nommé ministre et reconduit six fois à des postes différents, sous le président Jean Baptiste Ouédraogo, le Premier ministre Thomas Sankara et le président Blaise Compaoré. A l’international, il a présidé la Commission ministérielle spéciale chargée des réformes de la CEDEAO, avant d’occuper le poste de vice-président de la Commission de la CEDEAO pendant cinq ans. Actuellement consultant international, notamment auprès du Club du Sahel à l’OCDE, il est, sur le plan politique, vice-coordonnateur du Haut-conseil du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Il a accepté de se confier à Lefaso.net.

Lefaso.net : Depuis la fin de votre mission à la CEDEAO, on ne vous a plus entendu. Pourquoi ce long silence et pourquoi avoir enfin décidé de parler ?

Jean De Dieu Somda : Je suis diplomate de formation, et pour avoir côtoyé les grands de ce monde tout le long de ma carrière et exercé de hautes fonctions nationales et internationales, je me suis imposé une obligation de réserve et de retenue dans mes prises de position. Et par tempérament, je suis beaucoup plus un homme de consensus que des diatribes puériles. Je crois à la force des arguments plutôt qu’à l’argument de la force.

Avec le temps, plusieurs de mes amis, mes anciens collaborateurs et bien d’autres qui me connaissent bien, ont fini par me convaincre de me livrer un peu et mettre mon expérience à la disposition de la nouvelle génération. Par devoir de redevabilité. Pour la petite histoire, j’ai été ministre à 30 ans.

J’étais à l’époque le plus jeune ministre. Et j’ai occupé de fonctions ministérielles pendant sept ans. J’ai été à la CEDEAO pendant cinq ans et demi. J’ai travaillé dans le secteur privé pendant quatorze ans car chaque fois que je sortais du gouvernement, je prenais une disponibilité pour exercer dans le privé. Ce qui m’a donné une certaine connaissance du secteur public et du secteur privé. C’est une belle expérience qui m’a permis de me réaliser à tous points de vue. Et je souhaite cette chance à mes jeunes frères.

Lors de votre passage à la Commission de la CEDEAO en tant que vice-président, quelles sont les réformes que vous avez insufflées à l’institution ?

Au départ, les pères fondateurs de la CEDEAO avaient voulu créer une organisation d’intégration économique pour booster le développement de la sous-région. Mais face à la situation géopolitique inquiétante qui se développait, ils ont rapidement pris conscience d’étendre les missions de cette organisation aux questions de paix de sécurité, et de promotion de la démocratie.

Dès lors, le secrétariat exécutif, qui avait été mis en place pour gérer au quotidien la CEDEAO, n’était plus adapté à la situation. Les chefs d’Etat, dans leur sagesse, ont décidé, en 2006-2007, de mettre en place une commission ministérielle composée du Nigéria, du Ghana, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Burkina, pour réfléchir et proposer une reforme totale des institutions de la CEDEAO. Et j’ai eu le privilège de présider cette commission.

Nous avons travaillé et avons abouti à des conclusions que nous avons soumises aux chefs d’Etat qui les ont adoptées. Dans nos conclusions, nous sommes parvenus à la nécessité que si on veut une accélération du mécanisme d’intégration, il faut concéder certains pouvoirs exécutifs au Secrétariat exécutif de la CEDEAO.

Or, un secrétariat n’a pas vocation à exercer des fonctions exécutives. La conclusion logique était de transformer le secrétariat en une commission avec un président, un vice-président et des commissaires sectoriels pour mettre en œuvre la politique d’intégration décidée par les chefs d’Etat sur proposition des ministres.

Le président de la Commission de la CEDEAO devient ainsi le chef de l’exécutif de la CEDEAO entre deux sommets des chefs d’Etat, en collaboration avec le président en exercice de la conférence des chefs d’Etat.

Nous avions également abouti à la nécessité d’élargir les prérogatives du parlement de la CEDEAO en lui donnant le pouvoir d’émettre des avis non seulement facultatifs mais aussi obligatoires sur les actions des autres institutions. Nous avons préconisé aussi que, progressivement, les députés élus au parlement communautaire le soient au suffrage direct.

Concernant la Cour de justice, nous avons fait étendre ses domaines de compétences à tous les citoyens de la communauté et non plus uniquement aux Etats et aux institutions. De nos jours, la Cour de justice de la CEDEAO est ouverte aussi aux individus de la communauté et elle se délocalise même en cas de besoin quand un justiciable n’a pas les moyens d’aller ester devant elle à Abuja.

Nous avons aussi préconisé la création d’institutions spécialisées pour une CEDEAO des peuples et non plus des dirigeants uniquement. Nous avons abouti à ces résultats et c’est sous cette forme que la CEDEAO continue de fonctionner aujourd’hui. C’est une très grande satisfaction pour moi, pour ce privilège d’avoir été au cœur de cette action.

Vous parlez de « CEDEAO des peuples » mais les citoyens n’ont toujours pas cette impression, notamment en raison des nombreuses entraves à la libre circulation des biens et surtout des personnes.

Vous savez, une organisation comme la CEDEAO, avec ses quelque 300 millions d’habitants, quinze Etats, trois langues de travail, huit monnaies, quinze bonnes et mauvaises habitudes administratives, est d’une complexité que l’on ne peut comprendre que de l’intérieur. Moi qui ai dirigé cette organisation en second, je tire mon chapeau aux agents de la CEDEAO quand je les rencontre. La CEDEAO, c’est comme le train qui arrive à l’heure ou en retard.

Quand le train est en retard, tout le monde est au courant et se plaint mais quand il est à l’heure, cela passe inaperçu. La CEDEAO fait au quotidien des choses fantastiques que le grand public ignore tout simplement par manque de communication efficace. C’est la seule région en Afrique où l’on peut voyager avec la simple carte d’identité. C’est vrai, il y a quelques tracasseries sur les routes mais cela est du fait de l’ignorance des citoyens et de la cupidité des agents de contrôle sur le terrain.

Quand j’étais encore à la CEDEAO, nous avions mis en place des comités de surveillance dans les différents corridors pour suivre la libre circulation des biens et des personnes. Ces comités sont composés de la société civile et de plusieurs personnes ressources (avocats, magistrats, douaniers, etc.) pour se saisir et traiter sur place, des plaintes des citoyens victimes de harassements sur les différents corridors.

Une campagne de communication a été faite en la matière. Mais nous constatons que les citoyens utilisent très peu cet outil. C’est peut-être la peur du gendarme qui fait qu’ils ne vont pas vers ces structures.

Sur d’autres aspects aussi, la CEDEAO avance énormément, beaucoup plus vite que vous ne le pensez. Mais tout est question de volonté politique. Certains Etats sont en avance, d’autres un peu moins.

On est obligé de coordonner tout cela. Il s’agit de questions de souveraineté qu’il faut mettre en concordance pour parvenir à des consensus. Vous savez que toutes les grandes décisions de la CEDEAO se prennent par consensus. Vous ne pouvez pas aller plus vite que la volonté politique collective des Etats membres.

L’un des grands projets de la CEDEAO, mais qui tarde à voir le jour, c’est la monnaie unique. On parle de 2020 comme date de création de cette monnaie. Vous y croyez ?

Je suis un militant convaincu de l’intégration. Mais je ne crois pas que nous parviendrons à la monnaie unique en 2020. Tout simplement parce que la volonté politique consensuelle n’est pas encore acquise. Les études que la Commission avait commandées proposaient trois options possibles pour parvenir à une monnaie unique en dix ans.

Premièrement : le Big Bang, qui consistait à décider souverainement de créer notre monnaie unique tout de suite et d’instruire nos huit banques centrales de s’accorder sur les aspects techniques de cette décision.

Deuxièmement : créer une deuxième zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest qui regrouperait les pays non-membres de la BCEAO. Cette deuxième monnaie devrait cheminer avec le franc CFA et parvenir à une monnaie unique à travers le mécanisme des critères de convergences macroéconomiques bien définis.

Troisièmement : constituer une masse critique en créant une monnaie commune entre les quatre Etats (Nigéria, Ghana, Côte d’ivoire, Sénégal) qui constituent plus de 95% de la masse monétaire de la sous-région. Et cette monnaie absorberait immanquablement les monnaies des petits Etats.

Ma préférence allait à l’option du Big Bang mais la Conférence des chefs d’Etat a décidé de prendre la voie de la convergence macroéconomique qui, à mon sens, ne marchera jamais. Ou, en tout cas, pas de sitôt.

Donc, pour vous, le débat sur le franc CFA n’a pas lieu d’être ?

Effectivement, je m’étonne de tout ce débat entre pro et anti-franc CFA. Pour moi, la solution est simple, les accords qui lient le franc CFA au Trésor français sont clairs : le jour où les Etats de l’Afrique de l’Ouest créeront une monnaie unique, ces accords deviendrons caduques. J’ai été administrateur de la BCEAO au nom du Burkina pendant cinq ans, je sais de quoi je parle.

La balle est donc dans notre camp. Nous avons un énorme potentiel de matières premières stratégiques : pétrole, manganèse, uranium, etc. ; nous avons un marché intérieur de plus de 300 millions de consommateurs, nous avons des ressources humaines jeunes et compétentes. Accélérons tout simplement la création de notre monnaie sous-régionale (l’ECO) et le problème sera résolu.

Tous ces débats entre pro et anti-CFA, je trouve que c’est du temps perdu, qui procure sans doute de la notoriété et quelques per diem à certains, mais qui ne nous avancent pas.

Vous remarquerez d’ailleurs que la plupart de ceux qui pourfendent le franc CFA et la Françafrique à longueur de journée, vivent en France. Qui va se négliger ?

Voulez-vous dire que cette campagne sur la sortie du CFA est soutenue par des officines en France ?

Je n’en sais rien, mais la question mérite d’être posée.

Que pensez-vous de la situation au Sahel ?

Pour ma part, je pense que la situation dans le Sahel nous interpelle à repenser le développement équilibré des différentes parties de nos Etats ouest-africains. Loin de moi l’idée de remettre en cause le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, mais un peu d’audace et de vision pourraient nous aider à aller plus loin et mieux. Je fais là, allusion à la notion de bassin de développement ou de pays frontières si chère au président Konaré.

Quand vous analysez les cartes de la sous-région, vous vous rendrez compte que les voies de communication (chemins de fer, routes, télécommunications, etc.) sont orientées essentiellement Nord-Sud et très peu Ouest-Est. Le colon, quand il est arrivé, il a repris ce que nos ancêtres savaient si bien faire déjà.

Les marchands allaient chercher le sel et les outils du Nord pour venir les échanger contre la cola, l’ivoire et les tissus du Sud. Ce brassage des biens et des personnes avait fait la richesse et la prospérité de ce bassin sahélo-saharien (on peut citer le pèlerinage de Kankan Moussa à la Mecque au 13e siècle).

La balkanisation de nos Etats à l’indépendance, la chute de Kadhafi et l’extrémisme religieux ont cassé cette dynamique et livré la sous-région au banditisme et au terrorisme.
Je milite fortement pour le réchauffement de nos relations ancestrales dans le bassin de développement sahélo-saharien en resserrant les liens entre le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest pour mettre fin à la crise actuelle.

Les Occidentaux, avec qui vous travaillez dans le cadre de l’OCDE, croient-ils encore en l’avenir de cette région tourmentée que vous décrivez avec autant de verve ?

Nous sommes dans un village planétaire. Il ne s’agit pas de croire ou de ne pas croire, mais de savoir où sont les intérêts de chacun. Il est évident que l’Europe perdrait beaucoup dans une Afrique de l’Ouest déstabilisée et nous les premiers aussi. J’ai déjà dit que nous avons un marché de 300 millions de consommateurs qui va passer à plus de 500 millions d’ici à 2050, nous avons toutes les matières premières stratégiques dont les industries des pays de l’OCDE ont besoin.

Sur le plan géostratégique, l’Afrique de l’Ouest à une place de choix entre l’Europe et l’Amérique d’une part, et entre l’Europe et l’Asie d’autre part, le canal de Suez pouvant être obstrué assez facilement en cas de conflit d’ampleur régionale ou mondiale. Autant d’intérêts communs et bien d’autres qui nous unissent aux pays de l’OCDE.

Parlons de la situation nationale. Vous avez été récemment été nommé vice-coordonnateur du Haut-conseil du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Que représente cette structure pour le parti ?

Je suis effectivement le vice-coordonnateur du Haut-conseil du CDP depuis le dernier congrès. C’est une structure composée de personnalités capables de partager leur expérience et leur savoir-faire avec l’ensemble des structures du parti pour apporter la sérénité, en prodiguant des conseils de sagesse en cas de besoin. Le Haut-conseil peut s’autosaisir également de toutes autres questions pour réfléchir et proposer des solutions et des conseils à la direction du parti. En un mot, le Haut-conseil est la conscience du parti.

Justement, vous ne devez pas chômer par ces temps qui courent avec les tensions nées notamment des critiques contre la gestion du parti par le président. La sérénité ne semble pas de mise…

Eh bien, détrompez-vous. Dans tout grand parti comme le CDP, c’est normal qu’il y ait des avis divers, voire contradictoires. C’est ce foisonnement d’idées qui crée la dynamique. Vous avez étudié la dialectique des choses. Le CDP est un parti actif, dynamique, où les individus sont libres d’exprimer leurs positions. Et à travers les débats, nous arrivons à arrondir les angles.

Vous constaterez qu’actuellement, c’est l’un des partis les plus démocratiques du Burkina. La preuve en est que lors du dernier congrès, le président a été, non pas désigné, mais élu. Il y a eu une bonne vingtaine de candidatures et finalement le choix s’est porté sur le camarade Eddie Komboïgo.

Vous estimez donc qu’Eddie Komboïgo est à la hauteur pour diriger le parti…

Il est plus qu’à la hauteur puisqu’il a été non seulement reconduit de façon démocratique, par voie élective, mais aussi il préside toutes les grandes instances du parti sans problème. Nous en sommes très satisfait.

Est-ce alors le candidat naturel du parti pour la présidentielle de 2020 ?

Le CDP est un parti organisé et discipliné. Le dernier congrès a dit clairement qu’en temps opportun, des critères seront élaborés et des primaires seront organisées. Tout militant qui remplirait les conditions pourra compétir librement, y compris le camarade Eddie Komboïgo ; il y a droit. Pour le moment, tout bon militant doit travailler à la dynamisation des structures du parti.

Que pensez-vous de la candidature affichée de Kadré Désiré Ouédraogo, un de vos camarades de parti ?

J’ai appris effectivement qu’il a proclamé sa candidature suscitée par des associations à Bobo sans se référer au parti. En tant que militant du CDP, je n’ai pas de position particulière concernant ce sujet mais je trouve que cela manque d’élégance même si l’élégance et la courtoisie ne sont pas les meilleures vertus en politique. J’attends de savoir ce qu’en pense la direction du parti.

Vous voulez dire qu’en tant que vice-coordonnateur du Haut-conseil, Kadré Désiré Ouédraogo ne vous a jamais notifié son intention de se porter candidat ?

Cette question n’a jamais été débattue au sein du Haut-conseil.

Un peu plus de trois ans après l’avènement du MPP au pouvoir, comment jugez-vous l’état du pays ?

Dieu merci, malgré toutes les attaques et toutes les embûches, le pays tient toujours debout et je m’en réjouis. Le Burkina est un pays qui n’est pas extraordinairement riche mais je refuse de dire que c’est un pays pauvre. La première richesse, c’est le capital humain et le Burkina a des ressources humaines de valeur.

Je rends grâce à Dieu, le pays reste debout, les institutions fonctionnent. Bien sûr, la situation est difficile. Tout Burkinabè digne de ce nom doit apporter sa pierre d’une manière ou d’une autre pour que nous puissions ensemble nous en sortir. En la matière, il n’y a pas 36 solutions. Il faut nous donner la main, nous réconcilier entre nous et essayer d’y faire face de façon résolue.

Les gens discutent à n’en pas finir sur la notion de négociation. Je trouve qu’il y a beaucoup d’incompréhension à propos de cette question. La négociation, c’est le rendez-vous du donner et du recevoir. Le Burkina n’a rien d’autre à offrir aux terroristes que le combat sans merci.

Mais je dis aussi qu’un conflit se gère sur plusieurs aspects : l’aspect militaire et sécuritaire, diplomatique, économique et autres, mais tout grand stratège vous dira que les conflits se gèrent aussi et surtout par le réseautage, les connexions utiles qui permettent de mieux connaître son ennemi et peut-être de régler le différend plus efficacement et sans compromission. Le Burkina d’aujourd’hui dispose de toutes les compétences pour ce faire.

Le nom de l’ex-président Compaoré revient très souvent, que ce soit sur la question du terrorisme que sur celle de la réconciliation. A votre avis, comment doit-on gérer le cas Blaise Compaoré ?

Le Burkina d’aujourd’hui est infecté par un virus qui s’appelle la haine ; il se caractérise par une incapacité de dépassement. Nous oublions souvent que si nous sommes incapables de vider nos rancœurs pour l’intérêt supérieur de la patrie, nous avons l’obligation de le faire pour notre jeunesse et nos enfants qui ont besoin d’un avenir serein pour leur épanouissement.

Pour ce qui est de Blaise Compaoré, je suis convaincu que dès que les conditions d’une justice juste et équitable seront réunies pour lui, il reviendra au pays. Du peu que je connaisse de lui, c’est quelqu’un qui aime le Burkina. Il a dit qu’il n’est ni ange ni diable.

Donc il reconnaît qu’il a fait du bien et du moins bien pour le Burkina. Je souhaite donc que tous les Burkinabè de l’intérieur et de l’extérieur, y compris Blaise Compaoré, reviennent nous aider à continuer de bâtir ensemble notre chère patrie dans la paix des cœurs.

Malgré les hautes fonctions que vous avez occupées, vous êtes resté très attaché à votre terroir. Quelle conception avez-vous du développement à la base ?

Je suis convaincu que lorsqu’on a une expérience comme la mienne, on devient redevable à son peuple. L’expérience acquise, les capacités intellectuelles, les moyens financiers font de vous un obligé du peuple. Et d’ailleurs, dans beaucoup de pays, les gens sont encouragés à entreprendre ce qu’on appelle une troisième carrière.

Il y a la carrière estudiantine, la carrière professionnelle et celle des séniors. Quand on a eu la chance d’arriver dans la classe des seniors en bonne santé et avec quelques moyens, on doit beaucoup au pays et aux autres, surtout les plus jeunes qui sont sans emploi et sans ressources.

Pour ma part, j’y ai pensé plusieurs années avant ma retraite. Je suis à la tête d’un groupement d’entreprises qui s’appelle Argoutar qui veut dire « solidarité » en langue dagara, basé à Dissin chez moi et qui comprend quatre branches : la consultation internationale, l’hôtellerie, la communication (radio Argoutar) et l’agrobusiness.

Mon groupement est l’un des plus gros contributeurs et employeurs du Sud-Ouest. Mon plus grand souhait, c’est que ce modeste exemple soit contagieux.

Fort de cette expérience et de cet esprit de service, est-ce que l’idée de briguer la magistrature suprême vous a effleuré l’esprit un jour ?

C’est vrai, beaucoup de mes anciens collaborateurs et certaines de mes relations qui me connaissent bien, m’ont approché à plusieurs reprises, pour me suggérer de tenter l’aventure présidentielle. Mais vous savez, je suis quelqu’un de très pragmatique et discipliné. Je suis au CDP et le parti n’a pas encore déterminé les critères d’éligibilité à la candidature.

Pourquoi aller si vite en besogne ? Le CDP regorge d’hommes et de femmes de grande valeur qui peuvent faire l’affaire. Peut-être que j’en fais partie. Mais pour le moment, j’écoute et j’observe. Pour moi, la cohésion et la bonne marche du parti priment sur tout. Nous avons beaucoup de travail à faire pour réorganiser nos structures. Chaque chose en son temps. Et surtout, ne vous inquiétez pas pour moi ; le soleil se lèvera toujours à l’Est.

Le nouveau Premier ministre est originaire de votre région. C’est une bonne nouvelle puisque vous avez un fils à ce niveau de responsabilité. Mais en même temps, n’est-ce pas aussi un concurrent redoutable pour vous ?

En effet, la nomination d’un fils du Sud-Ouest pour la première fois dans l’histoire de notre pays, à ce très haut poste est un grand honneur qui est fait à toute la région. C’est aussi un grand challenge qui nous est lancé, car le succès a toujours beaucoup de parents et d’amis, mais l’échec est toujours orphelin.

Notre plus grand souhait est qu’il réussisse brillamment malgré la conjoncture difficile, et pour cela, il sait qu’il peut toujours compter sur nous et sur moi en particulier. Son succès sera le succès de tout le Burkina, mais son échec éventuel sera vu par certains mauvais esprits comme celui du Sud-Ouest. Nous sommes plutôt des coéquipiers et non des rivaux.

Propos recueillis par Mahorou KANAZOE
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