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Musique : Salif Widiga, la coqueluche des commerçantes

Publié le jeudi 7 mars 2019 à 18h00min

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Musique : Salif Widiga, la coqueluche des commerçantes

Il est la nouvelle coqueluche des femmes, surtout des commerçantes des marchés et yaars. Il chante en langue nationale mooré. Il est adulé par ses fans. Sa musique est rythmée de sonorités « salou » qu’il a modernisées. C’est un genre musical de la communauté yarga dont il est issu. Il preste à toutes les cérémonies. Du haut de ses 30 ans, il est bien coté et perçoit même des droits d’auteur bien consistants au BBDA. Lui, c’est Salif Widiga. Lefaso.net est allé à sa rencontre.

Lefaso.net : C’est la première fois pour nous de vous rencontrer. Nos lecteurs veulent vous connaître.

Salif Widiga : Je m’appelle, à l’état civil, Taoko Salfo. Je suis marié et père de quatre enfants. Salif Widiga, c’est mon nom d’artiste. Au début, on m’appelait Salif Junior. Mon surnom, je le dois au titre d’une de mes chansons. Je parlais de « widiga » (commérages en mooré). Je demandais dans cette chanson ce que les commérages peuvent bien nous faire. Il y a des critiques inutiles que nous ne pouvons pas empêcher. Cela ne doit pas nous empêcher de vivre non plus. C’est ainsi que les uns et les autres ont commencé à m’appeler Salif Widiga. C’est resté tel depuis.

Des artistes avancent que c’est la musique qui est venue en eux. D’autres soutiennent que c’est l’amour de la chose qui les a motivés. Il y a plein de justifications. Certainement que vous aussi, vous avez suivi une voie.

Il y a un proverbe moaga qui dit que ce que Dieu a prédit, c’est ce qui sera réalisé. Nul n’échappe à son destin. Moi, j’ai fait le foyer coranique. C’est de là que je suis venu à la musique. J’ai commencé avec le salou (musique du terroir yarga). J’ai fait mes premiers pas avec Sinyir naab Madi (un autre artiste de salou). C’est lui qui m’a appris à faire mes premiers pas dans la musique.

J’ai été sous sa coupe durant 12 ans. Nos relations étaient cordiales. Quand j’ai décidé de voler de mes propres ailes, il m’a autorisé. Il m’a même béni. Depuis 5 ans, je progresse en solo. Il est toujours près de moi. Il me donne de bons conseils. J’ai modernisé le genre salou pour aller à la conquête du marché discographique.

Votre musique est prisée par les femmes, surtout les commerçantes. On entend bien des dédicaces à l’endroit des femmes commerçantes de Self-service, du secteur 30… Vous avez sûrement une explication sur l’attachement de ces femmes à votre musique.

On dit souvent chez nous, que quand le jour du marché se passe bien, c’est qu’il y a des femmes qui ont apporté leur touche. Ce que je fais, et qui plaît aux mélomanes, ce n’est pas ma force. C’est Dieu qui est derrière tout cela. Dans l’une de mes chansons, je dis que le mariage, c’est le pardon. J’ai demandé dans ce morceau aux femmes de toujours bien s’occuper de leur foyer.

Je crois que c’est cette chanson qui a plu aux dames. Je leur ai demandé de me bénir. Les femmes sont mes mamans. Elles m’aident. Quand elles ont une activité, elles m’invitent. Les femmes des marchés et yaars du Burkina me soutiennent.

Pour chanter, il faut de bonnes cordes vocales. Vous disposez de cet atout. Seulement, vous soutenez que même si les pouvoirs mystiques vous réussissent, vous avez aussi le pardon. C’est un ton guerrier… Vous avez peut-être des assurances quelque part pour avancer ce genre de dicton.

Dans la vie, quel que soit ce qu’on a, il faut être tolérant. Quand on a la force, peu importe ce dont on dispose, il faut savoir que le pardon est très important.

Pour conquérir le cœur des mélomanes, vous avez sûrement produit des albums. En tout cas, en cinq ans de carrière, vous devez avoir fait des sorties discographiques.

Je suis indépendant depuis 5 ans, c’est vrai. Mais pour faire un album, il faut de la préparation. Aujourd’hui, j’ai trois albums à mon actif. A l’intérieur, il y a plusieurs morceaux. Mon premier album est intitulé « Wakato » ou le temps. Dans cet album, j’invite la jeunesse à profiter de son époque. Le deuxième parle du fait que le temps passe. Le titre c’est « Duuni looda ».

Mon troisième album, la dernière, demande à chacun de faire ce qu’il a à faire. Je dis que la richesse provient de Dieu. Même si tu es riche, il y aura des gens pour te critiquer. Si vous êtes pauvres aussi, il y aura toujours des gens pour dire quelque chose.

A voir l’engouement des fans autour de vos chansons, on peut deviner aisément que Salif Widiga tire grandement profit de ses œuvres.

Sincèrement dit, si je ne rends pas grâce à Dieu, j’aurais fauté. Depuis que je chante, je trouve mon compte. Je nourris ma famille grâce à la musique. J’ai acquis des moyens roulants, des maisons grâce à la musique. Seulement, les albums ne s’achètent pas. Internet et les cartes mémoires tuent notre marché. Mais grâce aux concerts que je donne, j’arrive à avoir des cachets.

J’ai une troupe composée d’au moins 22 personnes. Quand je sors souvent pour des cérémonies (mariages, baptêmes), lors des prestations, des gens paient pour nous voir. Ils nous donnent aussi des billets de banque sur la piste. Des gens nous paient également pour qu’on chante. En plus du cachet, pendant que nous chantons, ils donnent encore de l’argent.

Parlant de cachet, il y a des artistes qui peinent à obtenir des rémunérations consistantes. Vous, vous êtes bien loti ?

Vous savez, nos prestations passent par des négociations. Souvent, je donne des prestations à 200 000 F CFA. Il n’y a pas de prix fixe. Je peux même prester gratuitement. Il y a des moments où le cachet n’est pas consistant. Mais, je vous le disais tantôt, lors des prestations, nous recevons des gratifications en billets de banque. Je gagne des contrats, c’est vrai. Mon plus gros cachet est de 500 000 F CFA. Je l’ai signé à Ouahigouya.

A vous entendre, la musique nourrit bien son homme. Or, il n’y a pas longtemps, des artistes ont organisé un sit-in pour exiger l’amélioration de leurs conditions de vie. C’est donc dire que c’est tout de même difficile !

C’est vrai, il y a des difficultés. Mais le plus souvent chez nous, ce sont les sorties pour aller faire les concerts. Il faut de la logistique. Nous louons souvent des véhicules. Il y a des fois où on nous indique mal le lieu. Mais une fois en route, on se rend compte que le lieu de la prestation est beaucoup plus loin.

Le syndicat des artistes pointait du doigt la gestion du Bureau burkinabè du droit d’auteur (BBDA). En tant qu’artiste, vous devez en principe être affilié à l’institution. De ce fait, vous devez avoir des droits.

Je remercie Dieu. Je perçois beaucoup de droits au BBDA. Si je dis que je ne gagne pas de l’argent, j’aurais menti. J’ai déjà été payé pour mes droits à plus de 1 700 000 F CFA. Je dirais que c’est le travail qui paie. Si tu t’appliques, si tu fais ce que les gens veulent, tu vas manger. Si tu vas même au BBDA, tu te rendras compte que tu as des droits.

Si ton travail est bien, les radios et télévisions vont diffuser. C’est sur ça que le BBDA va nous payer. Ce que je demande aux jeunes musiciens comme nous, c’est d’être unis. C’est pour que nous ayons des idées qui peuvent nous aider à avancer. Nous devons faire en sorte que même si quelqu’un est malheureux, s’il écoute notre musique, qu’il oublie un tant soit peu ses soucis.

On a souvent vu Salif Widiga avec d’autres artistes dans des chansons. Pour un grand artiste comme vous, on aurait pu dire que le featuring n’était pas nécessaire.

Vous savez, si une personne vous considère, en retour, il faut avoir du respect pour elle. Si on me demande de l’aide, je le fais aussi pour le futur. Les Mossé disent que lorsqu’on quelqu’un t’invite à venir l’aider à manger son âne, il ne te considère pas comme un gourmand. C’est pour les autres viennent aussi t’aider demain si tu as le même problème. Si nous faisons des feats, c’est pour nous aider entre nous.

On sait que vous n’êtes pas seul dans votre domaine. Un autre artiste, Alassane Zorgho, vous fait quelquefois de l’ombre. Il y a donc visiblement une concurrence.

Il n’y a pas de concurrence entre nous. Je fais des featurings avec Alassane Zorgho, Miss Maya… nous nous aidons. Nous avons fait un défi à la Maison du peuple. On l’a fait plusieurs fois sans animosité.

Des conseils pour les jeunes qui désirent se lancer dans la musique ?

Celui qui veut faire la musique, je l’encourage. Mais il doit savoir qu’il faut du sérieux dans le travail. Il faut aussi avoir les bénédictions de Dieu et de ses parents. Ça devrait aller.

Propos recueillis et traduits du mooré par Dimitri OUEDRAOGO
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 8 mars 2019 à 11:27, par Nomyidin En réponse à : Musique : Salif Widiga, la coqueluche des commerçantes

    Quand c’est bien ça se vend très facilement. Proposons de bons produits musicaux et le public consommera . il ne s’agit donc pas de consommer tout produit parce que c’est simplement ’made in Burkina". C’est ce que le Ministre Sango a dit et il y’en a qui lui cherche des noises.
    Si ton travail ne te nourrit pas cherche un autre travail ou fait mieux que ce que tu fais actuellement. C’est valable pour tous les métiers y compris la musique sinon à commencer par la musique.
    Courage à toi jeune frère ; il faut aller au delà des frontières du Burkina et porter très haut notre drapeau.

  • Le 10 mars 2019 à 13:06, par Bigbalè En réponse à : Musique : Salif Widiga, la coqueluche des commerçantes

    Bien d’accord avec ce jeune musicien ! Il faudrait que les Burkinabè apprennent à comprendre que seul la qualité peut attirer la clientèle et si les musiciens burkinabè ne font rien pour gagner en qualité, les burkinabè consommeront de la musique chinoise à défaut, s’ils y trouvent leur compte ! Le ministre de la Culture n’a fait que répéter ce que le bon sens recommande ! Bon courage, jeune musicien !

  • Le 11 mars 2019 à 07:50, par HUG En réponse à : Musique : Salif Widiga, la coqueluche des commerçantes

    Ce monsieur fait de la bonne musique. Courage à vous et surtout ayez une santé de fer pour encore faire avancer la musique du pays.

  • Le 11 mars 2019 à 08:43, par Lompo Tass En réponse à : Musique : Salif Widiga, la coqueluche des commerçantes

    Merci à Dimitri OUEDRAOGO pour ce reportage formidable qui valorise la musique burkinabé et encourage les jeunes talents à la persévérance.
    Bon vent à l’artiste. On constate que ses concerts ont seulement lieu à Ouahigouya. Il a peur d’aller à Fada ou quoi ?

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