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Apolline Traoré, cinéaste : « Pour moi, le plus gros succès d’un film, c’est l’engouement du public »

Publié le mercredi 13 février 2019 à 10h14min

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Apolline Traoré, cinéaste : « Pour moi, le plus gros succès d’un film, c’est l’engouement du public »

Elle est l’un des trois réalisateurs burkinabè à aller à la conquête de l’Étalon d’or de Yennenga au Fespaco 2019. Elle est celle que d’aucuns considèrent comme la capitaine des Étalons cinéastes, en référence à sa constance au Fespaco. Elle, c’est Apolline Traoré. Dans l’entretien qu’elle nous a accordé en fin de semaine dernière, elle nous parle de son film « Desrances ». Pour elle, en allant au Fespaco avec ce film, le plus gros succès qu’elle attend, c’est l’engouement du public.

Lefaso.net : Que veut dire « Desrances » ?

Apolline Traoré (A.T.) : Desrances, c’est un nom. C’est le nom d’un ancien esclave haïtien qui s’appelait Lama Desrances. C’est l’ancêtre du personnage principal du film. Le film se passe dans la période 2010-2011 de la crise ivoirienne. Ça ne parle pas de politique. Mais, c’est une période dans laquelle je voulais déposer mon histoire.

Le film parle des séquelles que les guerres peuvent causer à un être humain. C’est l’histoire d’un père et de sa fille dans une période critique en Côte d’Ivoire. Il s’agit de la transmission du nom. C’est-à-dire, quelle est l’importance qu’il transfère son nom à une fille ou à un garçon. Est-ce qu’il y a une différence ? Est-ce que c’est plus important que l’on ait un garçon parce que ce nom doit être perpétué ? Une fille est-elle aussi capable de porter le nom ? Par rapport à l’éducation qu’elle a, qu’est-ce qu’elle peut faire de sa vie ? Mais il était aussi important pour moi, car l’acteur principal est d’origine haïtienne. L’histoire commence à Haïti, après, on arrive en Côte d’Ivoire. Il a vécu une guerre en Haïti. Il fuit cette guerre pour arriver dans un autre pays. Malheureusement, il tombe dans une autre guerre civile. Il y a tout cela.

Lefaso.net : La majorité des artistes crient à tout vent qu’ils ont des problèmes pour faire leurs films. Vous, quelles sont les conditions dans lesquelles vous avez tourné ce film ?

A.T. : Les conditions de tournage sont les conditions habituelles d’un tournage. Vous savez, on trouve toujours des difficultés. Les problèmes majeurs du tournage sont les finances. Est-ce que les finances arrivent à temps ? Est-ce suffisant ? On s’est battu là-dessus. Évidemment, pour tenir et surtout pour terminer le film. De fois, on commence un tournage et puis ça rentre dans des difficultés assez énormes. Mais avec toutes les contraintes qu’on a pu avoir, on a pu terminer.

Lefaso.net : En 2017, avec « Frontières », vous avez remporté des prix au Fespaco. Est-ce que pour cette présente édition, vous êtes confiante ?

A.T. : Quand on fait un film, on a toujours de l’espoir dans le sens où on espère aller le plus loin possible. Mais, un prix, c’est la cerise sur le gâteau. On fait un film tout d’abord pour toucher les gens et pour amener le public à aimer votre rêve. Le plus gros succès pour moi, pour un film, c’est l’engouement du public. C’est lui qui vous nourrit, qui vous fait et qui vous défait. Un prix, c’est un plus. Maintenant, c’est sûr que nous sommes à la 50e année.

En 50 ans, une femme ne l’a pas encore reçu, cet « Étalon ». Je me suis battue du mieux que je pouvais pour représenter mon pays avec un film de qualité. Avec tous les efforts que le gouvernement a faits, déjà, je suis fière de ce que j’ai fait. Je suis ravie de mon équipe, de la manière dont elle s’est battue pour arrive là où on est. Le reste, c’est seul le jury qui peut décider. Mais, c’est sûr que quand on va en compétition, on ne peut pas être confiant.

Lefaso.net : Vous êtes trois femmes à rêver du prestigieux « Étalon d’or de Yennenga ». On a constaté que les femmes sont sous représentées. Que vous inspire cet état de fait ?

A.T. : On est moins représentée parce qu’il y a moins de réalisatrices dans le monde. Non seulement en Afrique et dans le monde entier, il y a peu de femmes réalisatrices. C’est difficile de percer dans ce métier. C’est difficile de convaincre, en tant que femme, qu’on est capable. Je me suis toujours battue pour ne pas me limiter en disant que je ne peux pas y arriver. (…) Ce que je n’aimerais pas non plus, c’est qu’on me félicite ou on me donne un prix parce que je suis une femme. Si je le mérite, donnez-le-moi. Si je ne le mérite pas, ne me le donnez pas.

Lefaso.net : Le Fespaco célèbre cette année ses 50 ans. Quel bilan tirez-vous de ces 50 ans passés ?

A.T. : Pour moi, c’est une grande évolution. Vous savez, on regarde un peu aussi le thème de cette année qui est la mémoire de tout ce qui s’est passé. 50 ans, c’est un petit vieux bonhomme. Je pense que déjà, il faut qu’on soit fier du fait que le Burkina ait tenu tout ce temps. On espère que nos petits-fils célèbreront plus. Je pense que l’effort a été fait. Je ne peux que féliciter et encourager.

Lefaso.net : Le Fespaco, c’est dans quelques jours. Comment appréciez-vous l’organisation ? Il y a des cinéastes qui estiment il y a trop peu d’implication des artistes.

A.T. : Tout festival a une organisation spécifique. Quand on va en compétition, il faut faire très attention en ne mêlant pas les choses qu’il ne faut pas. On part en compétition avec le reste de l’Afrique. Qu’on le veuille ou pas, le Fespaco a une grande part de politique au niveau de l’organisation. C’est dû au fait que c’est en grande partie financé par l’État.

Maintenant, c’est sûr que chaque réalisateur et cinéaste voudrait peut-être participer d’une certaine manière. C’est une organisation et ce sont des fonctionnaires. Je pense quand même qu’il y a beaucoup de cinéastes dans l’ancienne génération et de la nouvelle génération qui sont inclus dans cette organisation. Ce n’est pas à la veille du Fespaco qu’il faut qu’on se plaigne.

Le Fespaco est préparé deux ans à l’avance. C’est dès la fin d’un Fespaco qu’il faut essayer de s’associer. Maintenant, il y a des failles dans toute organisation quel que soit le budget mis. Donc, pour moi, le bilan est positif. À chaque fois, il y a des gens qui se plaignent. À chaque fois aussi, il y a beaucoup de monde. Ça veut dire qu’il y a quelque chose qui marche.

Propos recueillis par Dimitri OUEDRAOGO
Lefaso.net

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