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Obsèques de Bougouraoua à Ouahigouya : "L’homme avait un cœur de lion..."

Publié le lundi 1er août 2005 à 08h47min

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Décédé le 26 juillet 2005 à Ouagadougou, Hamadé Bougouraoua Ouédraogo, communément appelé le doyen repose désormais dans la province qui l’a vu naître, le Yatenga et plus précisément au secteur n° 7 de Ouahigouya.

Son inhumation s’est déroulée le jeudi 28 juillet 2005 dans la matinée en présence de plusieurs membres du gouvernement dont les ministres Salif Diallo, Lassané Savadogo, Boureima Badini, Adama Fofana, le secrétaire général du gouvernement, Odile Bonkoungou, le secrétaire permanent des Engagements nationaux, Alphonse Arzouma Ouédraogo, de l’ancien président du Burkina, Saye Zerbo, du Bourgmestre de Ouaga, Simon Compaoré, des autorités régionales, provinciales, communales, religieuses, des parents et amis venus très nombreux.

L a veuve Mariétou

La nouvelle a été durement ressentie par les Burkinabè qui voient partir ainsi en l’espace de deux mois, deux figures emblématiques, Bougouraoua Ouédraogo, à l’instar du président Sangoulé Lamizana.

Comme le général, il était animé d’un esprit de service, du bien commun plutôt que la poursuite effrénée d’ambitions personnelles ou la soif du pouvoir. Un amour pour sa patrie qui se vérifié à travers le professeur Joseph Ki Zerbo qui s’est adressé à la famille du défunt en ces termes : "Bougouraoua Hamadé Ouédraogo était un homme au cœur de lion, un prince de l’esprit".

L’ambassadeur de France au Burkina, Francis Blondet également dans une lettre, reconnaît le rôle du regretté Bougouraoua, déterminant dans les relations entre le Burkina Faso et la France. Ses qualités physiques et sa fermeté de caractère furent de lui, dans sa jeunesse, le grand champion des compétitions organisées en 1939, au niveau des jeunes de la France et de l’Union française pour désigner le meilleur soldat de demain à l’occasion du 150e anniversaire de la Révolution française. Sur le plan politique, ce jeune instituteur, affecté à l’inspection de l’enseignement de Bamako a participé en 1946 à la création du RDA. C’est lui qui, à la même époque, a sonné l’éveil de l’activité politique dans les vastes cercles de Ouahigouya, de Tougan et de Nouna qui faisaient alors partie du Soudan français.

C’est lui encore qui, avec la communauté du Yatenga, a puissamment mobilisé, conscientisé et incité les premiers fonctionnaires et la chefferie coutumière de cette région à oser se lancer dans l’arène politique. C’est encore lui, en tant qu’enseignant, conscient des bienfaits de l’école, a développé des initiatives pour l’extension de l’enseignement primaire et secondaire dans son cher Yatenga.

N’a-t-il pas œuvré au même moment, et de concert avec ses camarades lettrés, ressortissants de la première colonie de la Haute-Volta, dispersés depuis 1932 au Niger, en Côte d’Ivoire et au Soudan à ce que la France accepte la reconstitution de notre pays ?

Ce patriotisme le conduira à l’intransigeance quand il s’agira de la défense des intérêts et de la fierté du Yadega et du Yatenga, ce qui a fini par lui attirer des ennuis qui ont compromis sa carrière politique et sa carrière professionnelle. Toute sa vie durant, il a prêché l’union des fils du Yatenga. Il fut de 1946 à 1963, successivement conseiller général du Soudan français, grand conseiller de l’AOF au titre du Soudan, conseiller de l’Union française au titre de la Haute-Volta ; député de la Haute-Volta, ministre de l’Information, ministre de l’Economie rurale, ministre des Travaux publics, des Transports et de l’Urbanisme, 1er maire démocratiquement élu de la commune de plein exercice de Ouahigouya. Sur le plan économique, fils de cultivateur, Bougouraoua n’a pas dédaigné ce statut comme la plupart des fonctionnaires de l’époque.

C’est ainsi que, déjà en 1948, pris par sa passion pour les travaux agricoles, il a été le pionnier de la plantation des arbres fruitiers en créant à Baporé, un verger-pilote riche de 1553 arbres au départ, en distribuant des plants de manguiers, de goyaviers et citronniers venus de Bamako à ses compatriotes tout en les encadrant ; il a contribué à guérir ces concitoyens de cette conviction tenace qui dit que celui qui plante un arbre fruitier n’aura pas la chance d’en manger les fruits. Sur la même lancée, il a suscité en 1954, la création de l’Association des maraîchers du Yatenga, branche d’activité qui n’a cessé de prospérer et qui fait vivre aujourd’hui une bonne frange de la population citadine et rurale.

Et a encouragé et appuyé la constitution de SOS Sahel Burkina en 1982. Il a créé lui-même l’Association des groupements Zaï pour un Burkina meilleur en 2002. Bref, à la lumière du survol rapide de ce qu’a réalisé notre doyen sur le plan sportif, politique, économique, social et professionnel, un enseignement se dégage qui semble caractériser sa philosophie existentielle : intrépidé et ténacité dans l’action quel que soit le domaine, refus du découragement, culte de la fierté et de la dignité individuelle et communautaire.

Bougouraoua a aimé l’homme profondément et sincèrement. Que la terre sacrée du Burkina qu’il a tant aimé lui soit légère.

Jean Victorien OUEDRAOGO
AIB/Yatenga


Parcours d’un battant...

Né vers 1918 à Ouahigouya, Hamadé Bougouraoua Ouédraogo a fréquenté l’école primaire élémentaire de Ouahigouya, l’école primaire supérieure de Terrasson de Fougères à Bamako avant de rejoindre l’école normale Frédéric Assomption de Katibougou d’où il est sorti avec le diplôme d’instituteur, le 24 juillet 1940. C’est tout naturellement que commence pour lui, une carrière d’instituteur à Bamako au Mali dès 1940. Tour à tour détaché à la direction générale de l’enseignement à Bamako et surveillant général de l’école Terrasson de Fougères, il a exercé en qualité de secrétaire administratif en République de Haute-Volta de 1956 à 1965. Très grand athlète, il a remporté de prestigieux trophées dont la "Coupe du meilleur soldat de demain" en juillet 1939, deux médailles d’or et 3 médailles d’argent dans diverses compétitions.

Membre fondateur du Rassemblement démocratique africain (RDA) en octobre 1946 à Bamako, l’homme a eu une riche carrière politique et syndicale et une présence constante dans les organisations de la société civile pour l’épanouissement des populations et la promotion des droits humains. On peut notamment citer :

- Membre de la commission des finances et de la 1re Assemblée territoriale du Soudan français en décembre 1956,

- Membre de la 1re Assemblée territoriale de la Haute-Volta reconstituée qui siège de 1948 à 1952 au sein de laquelle il a occupé les fonctions du président de l’importante commission des finances en sa qualité du conseiller général du Yatenga élu le 6 décembre 1946,

- Grand conseiller de l’AOF au titre du Soudan du 03 novembre 1947 au 28 juillet 1948 et grand conseiller de l’AOF au titre de la Haute-Volta de juillet 1948 au 30 mars 1952,

- Conseiller de l’Union française au titre de la Haute-Volta du 28 juillet 1948 au 10 octobre 1953,

- 2e vice-président du RDA lors du congrès constitutif le 7 septembre à Ouagadougou,

- Sénateur de la communauté en 1958,

- Député de la Haute-Volta en 1959,

- Ministre de l’Information en 1960,

- Ministre de l’Economie rurale en 1961 et vice-président de la délégation voltaïque aux négociations des accords franco voltaïques à Niamey et à Paris en 1961,

- Ministre des travaux publics, de l’Urbanisme et des transports de 1962 à 1963 ;

- Membre de la délégation voltaïque à la conférence constitutive de l’Organisation de l’unité africaine, créée le 25 mai 1963 à Addis Abéba.

- 1er maire démocratiquement élu de la commune de plein exercice de Ouahigouya de 1960 à 1965 ;

- Président fondateur de l’Union nationale des indépendants (UNI) en 1970

- Membre fondateur du Front progressiste voltaïque (FPV) en 1980 et du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) en 1989.

- Président d’honneur de la CNPP/PSD

- Président d’honneur de l’Association burkinabè des anciens parlementaires (ABAP) depuis sa création en 2003.

- Lauréat de la 1re édition du prix de la Fondation Aimé Nikiéma en 1993.

Au titre des décorations, il a reçu la médaille nationale.

Hamadé Bougouraoua Ouédraogo laisse derrière lui, une veuve et neuf (9) enfants.

Jean Victor OUEDRAOGO
AIB/Yatenga


Témoignages

Joseph Konombo, ancien 1er ministre de la Haute-Volta

Je garde de lui une image d’un homme sincère. Je le répète, sincère. Et comme vous le savez, il a parfaitement réalisé tout son programme et effectivement, il a fait tout ce qu’un homme peut faire, que la terre du Yatenga lui soit légère et que le Seigneur le bénisse abondamment au ciel.

C’est une personnalité vraiment digne du pays. C’était une grande personnalité, il était un vieux très sage qui a l’expérience car il est toujours prêt à donner des conseils. Donc les mots me manquent pour le qualifier. Qu’il repose en paix.

Gérard Kango Ouédraogo

Bougouraoua était un frère, c’est un homme qui s’est dévoué corps et âme pour le Yatenga, pour le Burkina Faso et pour l’Afrique. Maintenant tout le monde sait que je suis l’un de ceux qui le connaît le mieux. Il a fait tout ce qu’il a pu. Je le reconnais et c’est pour cette raison que nous regrettons sa disparition, sa brusque disparition. Nous n’avons pas appris qu’il est malade. Tout récemment encore, nous étions ensemble et nous parlions tel que je viens de le dire de la nécessité de l’union, de la réconciliation dans le Yatenga et dans le Burkina Faso. Son départ comme vous le savez cause un vide. D’abord au niveau de sa famille et puis au niveau du Yatenga. Il faut reconnaître qu’au niveau de la politique, il s’était mis un peu en retrait. A un moment donné, il était de la CNPP mais depuis que la CNPP a ralliée d’autres formations il s’est retiré.

C’est un homme qui est resté digne, qui a entretenu de très bonnes relations notamment avec moi-même. Tout à l’heure de nombreuses personnes ont parlé de ce qu’il fut au RDA. Lorsque nous avons tenu le congrès du RDA, il était là avec tous nos camarades venus du Mali, les Madeira Kéïta, les Gologo etc. C’était un grand homme. Qu’il repose en paix.

Saye Zerbo, ancien chef d’Etat

Je ne le connais pas en tant qu’homme politique, mais quand j’ai eu à l’aborder dans les années 62-63 au camp Guillaume, j’ai trouvé un homme qui sait ce qu’il veut et qui avait de l’avenir pour son pays. C’est ce que je peux dire pour le moment.

Quand il était en détention, je l’ai gardé pendant plus de deux (02) ans au camp Guillaume en tant que commandant de compagnie. C’est à cette occasion que j’ai eu l’occasion de connaître ce grand homme. Que la terre du Yatenga lui soit légère.

Propos recueillis par Jean Victor Ouédraogo
AIB/Yatenga

Sidwaya

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