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Drame de Yirgou : Une marche-meeting pour que, « plus jamais, un Burkinabè ne soit inquiété du fait de sa spécificité culturelle, ethnique ou confessionnelle »

LEFASO.NET | Oumar L. Ouédraogo

Publié le mardi 8 janvier 2019 à 23h45min

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Drame de Yirgou : Une marche-meeting pour que, « plus jamais, un Burkinabè ne soit inquiété du fait de sa spécificité culturelle, ethnique ou confessionnelle »

Une semaine après les évènements malheureux survenus à Yirgou, dans la commune rurale de Barsalgho (région du Centre-nord), le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) a animé ce mardi, 8 janvier 2019 à Ouagadougou, une conférence de presse sur ce qu’il a convenu d’appeler « massacre de Yirgou ». C’est pour condamner ces actes, demander justice et appeler à mettre fin à la récurrence de violences contre certaines communautés, qu’a été annoncée une marche de protestation pour le samedi, 12 janvier 2019 à Ouagadougou et à Dori (région du Sahel).

Le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) se veut un cadre de lutte et d’échanges entre filles et fils du Burkina, dans le but de protéger et défendre les droits des communautés à vivre et à s’épanouir en pleine symbiose, lutter contre toutes les formes de stigmatisation des communautés et dénoncer l’impunité des crimes qui y sont liés. L’organisation vise aussi à exiger vérité et justice sur les crimes commis sur les communautés ainsi qu’à promouvoir une véritable cohésion tel qu’il ressort de l’ensemble des normes régissant la République.

C’est à ce titre que le Collectif a condamné ce qu’il a qualifié de « massacre à Yirgou », survenu le 1er janvier 2019 et dont le bilan officiel fait état de 46 décès. En leur mémoire, une minute de silence a été observée par les conférenciers et l’ensemble de l’assistance.

(De gauche à droite) : L’avocat Ambroise Farama ; Hassan Barry (personne- ressource) ; le porte-parole du CISC, Daouda Diallo et Issaka Ouédraogo (responsable d’organisation scolaire et estudiantine )

Pour camper le contexte, les responsables du CISC ont fait observer que le contexte socio-politique actuel est marqué par une culture de défiance vis-à-vis de l’Etat, le développement de l’incivisme et de la justice privée (les populations ne se référant plus à la justice pour régler leurs litiges, la violence et l’intolérance gagnent du terrain).

« Très souvent, il suffit qu’un membre d’une communauté soit suspecté d’un délit pour que le courroux s’abatte sur toute le communauté. Ainsi, la communauté peulhe a payé un lourd tribut dans notre pays », ont illustré les conférenciers dans la déclaration liminaire. Le constat, c’est aussi la perte des valeurs de respect et de considération mutuelle qui caractérisaient les Burkinabè et la récurrence des conflits présentés comme la conséquence de la concurrence dans l’exploitation des ressources naturelles.

Face à la généralisation des conflits qualifiés de « conflits agriculteurs-éleveurs », le collectif s’interroge aujourd’hui sur leur caractère « socio-professionnel », au regard des victimes qu’ils laissent et de la « localisation des hécatombes ». Tout en revenant sur quelques-uns de ces conflits et leurs conséquences en vies humaines, les responsables du CISC ont révélé que de 2004 à 2015, le nombre officiel de victimes liées à ces violences est estimé à plus de 200 morts.

« Au regard de ce contexte difficile, source d’un malaise profond, plusieurs communautés du Burkina s’interrogent sur le devoir de l’Etat à accorder la même considération et la même protection à l’ensemble de ses citoyens », retient le porte-parole du CISC, Daouda Diallo, dans la déclaration liminaire.

Après avoir décrit le drame du 1er janvier dans le village de Yirgou, les conférenciers ont relevé que l’intervention des autorités publiques en charge de la sécurité et de l’ordre est intervenue « tard et de façon non déterminée à la hauteur de la menace ». Ce qui explique le bilan effroyable de perte en vies humaines.

« A la date du 3 janvier, malgré l’annonce d’un déploiement plus important des Forces de l’ordre dans la zone de conflit, la situation restait volatile et très préoccupante. Plusieurs survivants, femmes, enfants et personnes âgées restaient introuvables, beaucoup errant dans la brousse, exposés aux intempéries de cette période d’harmattan, à la faim et à tous les dangers », déplore Daouda Diallo, qui relève également que les mesures de prise en charge sont insuffisantes.

« S’il faut saluer le réveil tardif, des Forces de l’ordre et des plus hautes autorités du pays, il faut regretter et déplorer l’absence de mesures déterminées de l’autorité publique pour retrouver, rassurer et sécuriser les survivants », recensent les conférenciers, qui notent que de l’ensemble des Burkinabè, les Peulhs sont ceux qui ont payé jusque-là le plus lourd tribut au terrorisme et à l’extrémisme violent.

Du chapelet de faits égrenés, l’on retient que « dans la région du sahel, des villages ont cessé d’exister, des milliers de populations ont été contraintes à l’exil, des écoles, des services sociaux de base, des centres de santé et administrations publiques ont été fermés ou démantelés ». On note aussi que l’économie de la région est « complètement sinistrée » (les marchés étant contraints de fermer ou de se transformer en tremplin de trafics illicites de toute sorte).

« Les Peulhs sont ceux qui enregistrent le plus de pertes en vies humaines. Combien de Conseillers municipaux ont été assassinés dans la région du Sahel depuis ? Combien de simples citoyens ont été assassinés dans cette région ? Ce sont aussi eux qui sont stigmatisés comme étant des terroristes et traités comme tels. Pourtant, il est établi que la radicalisation touche l’ensemble de nos communautés. Autant il y a des Dicko radicalisés, autant il y a des Sawadogo, des Sanogo, des Ouédraogo, des Konaté, des Maïga, des Lankoandé… radicalisés. L’extrémisme violent et le terrorisme ne sont pas circonscrits à une communauté spécifique, ni ethnique, ni religieuse », interpelle le Collectif.

Le CISC rappelle donc que ‘’lorsque la pluie vous bat, il faut arrêter de vous battre’’. Face la menace qui « pèse gravement » sur la cohésion sociale, le Collectif invite les services compétents de la justice à se mettre en branle pour rechercher, documenter l’ensemble des preuves et poursuivre sans ménagement, les auteurs et les commanditaires des assassinats. « Le massacre de Yirgou ne doit pas rester impuni. C’est l’impunité qui est en grande partie responsable du sentiment que la commission des crimes de masse et contre une certaine communauté nationale est normale », appellent les conférenciers.

C’est en soutien à cet appel également à la justice et à des actions visant à mettre fin à ces dérives que le CISC organise une marche-meeting de protestation le samedi, 12 janvier 2019 à partir de 8h. Cette initiative qui vise « à dénoncer les manœuvres divisionnistes des terroristes et les groupes d’auto-défense koglwéogo » se tiendra à la fois à Ouagadougou (Place de la nation) et à Dori (chef-lieu de la région du Sahel). « Le Collectif appelle le peuple burkinabè, sans distinction ethnique et religieuse, les autorités, les forces démocratiques, les structures de droits humains, les OSC (organisations de la société civile), les syndicats, les coutumiers et les religieux, à se mobiliser » pour cette marche-meeting.

Selon les organisateurs, il s’agit, par-là, d’exiger « l’arrêt immédiat des crimes odieux et l’arrestation immédiate et sans délai des Koglwéogo criminels afin qu’ils soient jugés et sanctionnés à la hauteur de la gravité de leurs crimes ». La marche-meeting vise également à exiger le désarmement de tous ceux qui détiennent illégalement des armes de guerre, les « milices Koglwéogos » et la prise en charge gratuite des survivants et blessés.

La conférence de presse a enregistré la présence de l’avocat des victimes, Me Ambroise Farama. Celui-ci a annoncé la mise en place d’un collectif d’avocats dans le cadre de cette affaire. L’avocat a aussi, entre autres, invité le gouvernement à œuvrer à la réparation des préjudices et à faire toute la justice sur ce drame.

Constitué d’une trentaine d’associations de la société civile et d’acteurs engagés en faveur de la cohésion, le CISC vise à faire en sorte que, plus jamais, un Burkinabè ne soit inquiété du fait de sa spécificité culturelle, géographique, ethnique ou confessionnelle.

« Nous condamnons l’assassinat barbare du chef de Yirgou et de cinq autres personnes. Nous condamnons l’odieux carnage qui s’en est suivi. Notre organisation lance un vibrant appel à la retenue et au calme à tous les habitants et à tous les acteurs », ont lancé les responsables du CISC en guise de conclusion.

Oumar L. Ouédraogo
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