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Député Goula Odagou : « Au Burkina, les partis politiques (…) sont l’incarnation des desiderata d’un seul individu »

Publié le mercredi 5 décembre 2018 à 05h27min

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Député Goula Odagou : « Au Burkina, les partis politiques (…) sont l’incarnation des desiderata d’un seul individu »

Mallette à la main, tête baissée, démarche prudente, ton rassurant et modéré, Odagou Goula ne mesure qu’à peine 1m 65. Pourtant, il fait parler de lui depuis le début de la 7e législature. Connu comme un homme humble et discret, cet instituteur à l’origine n’a pas l’apparence d’un homme politique. Pourtant, en 2015, il est élu député de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), où il était l’un des garants de la ligne dure de l’opposition politique burkinabè. Au lendemain de la fraction du groupe parlementaire UPC, ce natif de Gayeri se retrouve à l’Union pour le progrès et le changement/Renouveau démocratique (UPC/RD). Portrait d’un homme doté d’une apparence qui contraste avec sa fonction politique.

L’itinéraire de cet enfant de la province de la Komondjari commence sous les meilleurs auspices, dans une famille polygame, aimante et soudée, issue d’un petit village de Gayeri. Rien ne le prédisposait à cette fonction politique actuelle. « Manque d’école, pas d’électricité, coupé du reste du monde en termes d’accès à l’information », se rappelle-t-il. Plus d’une quarantaine d’années après, il s’écriait dans les murs de l’hémicycle : « Je suis quand même devenu une grande personnalité, alors qu’il n’y avait presque pas de haut cadre à l’époque dans ma localité à qui m’identifier ».

Né un jour du 31 décembre 1976, Odagou Goula, premier fils d’une famille de quinze enfants, débute l’école primaire dans son village, quelques années plus tard. Selon ses proches, il est chaleureux, drôle et sensible. Mais le pouvoir a une fâcheuse tendance à accentuer le côté obscur de la force. Quoi qu’il en soit, « pour avoir une tête rouge, les lézards se terrent », selon un dicton.

Il en vaut de même pour ce fils qui « vient de loin ». Il quitte les siens après le Certificat d’études primaires (CEP). Nous sommes à l’orée des années 1990-1991. Il se rend à Fada pour entamer ses études secondaires au lycée Diaba Lompo. Il s’en souvient : « Vous imaginez ma responsabilité en tant que premier fils, devant donner l’exemple ? Je devais travailler pour aider ma famille et réaliser mes rêves ». Cependant, dans ses rêves, il y a tout sauf devenir un « animal politique ».

A cause de son assiduité, il aime les sciences. Il s’ambitionne même devenir un chercheur en science et technologie. « Je voulais être un cadre dans ce pays », clame-t-il aujourd’hui. Remarqué pour ses talents scientifiques, ces camarades le nomment « Docteur Odagou ».
A entendre ce pseudonyme, il sourit. Mais la donne change rapidement à cause des difficultés économiques. Coincé, il cherche des raccourcis pour survivre. Assurément, il faut « vivre d’abord et philosopher ensuite ». Et Goula, alias Docteur Odagou, ne fera pas le contraire. Après son baccalauréat obtenu au lycée Diaba Lompo en 1996, l’ambitieux Odagou entre dans l’enseignement.

« Les villageois vivaient dans la misère… »

Jeune instituteur, Odagou Goula parcourt plusieurs villages. Il est déçu lorsqu’il côtoie les villageois. « La misère, le manque d’eau, le manque d’écoles, etc. ». Cette situation révolte le jeune enseignant qui se convertit en syndicaliste. Mais il ne fera pas long feu. « Il faut éduquer les gens au changement de mentalités. Voilà ce qui est difficile », note Odagou. Que faire donc pour les communautés vulnérables ? Le jeune instituteur s’adonne à la lecture des philosophes, des théoriciens du développement et se convainc qu’il est fait pour la sociologie.

Ainsi, parallèlement à l’enseignement, il s’inscrit en faculté de sociologie à l’université de Ouagadougou et sort couronné d’une licence, puis d’un master en environnement et développement durable. Homme doué du sens de l’écoute, il s’est toujours souvenu du conseil de son papa : « Il faut toujours être utile aux autres ». Ce qu’il découvre d’ailleurs en lisant Spencer. Mais aussi Bakounine, pour comprendre ce théoricien de l’anarchie. Et pour mettre en œuvre cette volonté de son père (volonté devenue sienne), il s’engage dans des actions humanitaires pour soutenir des populations des villages.

« Je suis opposé à l’attentisme religieux. Les autres peuples qui sont plus avancés que nous, ce n’est pas que Dieu les aime plus que nous, mais c’est parce qu’ils sont plus laborieux et plus organisés. Alors, il ne faut pas attendre et dire que Dieu va tout faire pour nous », martèle Odagou. « Il faut travailler. Mais l’Etat doit aider la population. Jusqu’en 2014, l’Etat était absent de là où on le voulait », constate Goula Odagou.

« La politique, c’est un engagement à servir les autres »

A l’origine, Odagou voit la politique comme un milieu austère. Il s’y intéresse peu. Mais il se rend compte que sans politique, les actions sont limitées. A partir de mars 2010, il épouse les idéaux de l’UPC et se convainc que c’est le parti de l’avenir. Malheureusement, ses proches ne voient pas en lui un politique, plutôt un humaniste, voire un syndicaliste. Il réfute leurs positions et décide de faire montre d’un engagement politique basé sur « la vérité, et non le mensonge ». Ces discours politiques qu’il qualifie de « sincères et vrais » sont pronostiqués d’échecs.

Minutieusement, il travaille à la base et se fait connaître comme militant de première ligne de l’UPC en 2012. En 2014, il fait partie des meneurs de la région de l’Est, opposés à la modification de l’article 37. Il mobilise les foules sur fond d’affrontement dans les rues. Mais Odagou résiste au péril de sa vie.

Une entrée triomphale à l’Assemblée nationale

Au lendemain de l’insurrection, il est candidat au poste de député sous la bannière de l’UPC. Elu, il décide de siéger pour défendre les idéaux des insurgés. Pourtant, les anciennes pratiques politiciennes basées sur la corruption, le clientélisme, ont la peau dure, reconnaît-il. L’homme de Gayeri, qui s’est dit « déçu » de la politique post-insurrectionnelle, croit dur comme fer que cela était nécessaire pour amorcer la liberté. Il s’oppose aux actions d’incivisme contre l’autorité en place.

Mais sa plus forte déception se résume au fait qu’il a l’impression que « certains leaders de partis considèrent les partis politiques comme des entreprises d’individus, qui pensent qu’ils ont créé leur affaire et ils recrutent les gens pour les accompagner ». Là, Odagou est furieux et bombe le torse en disant « non ». Sans doute, cette impression qu’il a eue est la conséquence de la naissance de l’UPC-RD dont il est membre.

La contradiction doit être la sève qui nourrit la société et la politique

Après son passage au poste d’instituteur, puis de professeur de français, Odagou Galou dit n’être pas le détenteur du savoir. Tout comme Socrate, il fait preuve d’humilité en matière de savoir. Tout comme Socrate, il a enseigné. En effet, il a gardé des traits de pédagogue, « patience, méthode, logique et conviction », lorsqu’il exprime ses points de vue. Mais il se dit partisan des contractions d’idées.

Aujourd’hui membre du groupe parlementaire UPC-RD dont il fut l’un des fondateurs, le natif de Gayeri ne regrette pas son choix. « Malheureusement, au Burkina Faso, les partis politiques sont l’émanation d’un groupe d’individus (…), l’incarnation des desiderata d’un seul individu ». Pour lui, ces critères sont aux antipodes d’un parti politique.

Toutefois, il se réjouit des liens de respect qui n’ont pas disparu depuis la division de son parti politique d’origine. Certes, il n’apprécie en rien les chefs de partis politiques qui s’érigent en donneurs de leçons. Très critique à l’endroit du copinage politique, il voit les partis politiques comme des cadres d’expression d’idées contradictoires. Et en aucune façon, il n’autorise toute négation aux débats démocratiques.

Il est jeune. Il en croit comme André Maurois que « la jeunesse n’est pas source de plaisir, mais d’héroïsme ». Certes, il souhaite que la confiance soit accordée aux jeunes pour la gestion du pays. Convaincu que les jeunes peuvent assumer des postes de responsabilité, il les exhorte à plus d’engagement politique. Téméraire, ferme, il réfute toute ambition politicienne qui fait de la politique le dernier endroit pour se faire de l’argent, lorsque tout a échoué. « L’engagement politique est pareil à tout autre engagement à servir sa nation. Lorsqu’on a échoué, on ne peut pas réussir en politique », lance-t-il.

Odagou Goula est ambitieux. Toutefois, cette ambition politique dépend de la confiance dont il bénéficie de sa base. « Si à la fin de mon mandat, je suis satisfaisant, je pourrais me représenter. Mais dans le cas contraire, j’irai faire autre chose. Ceux qui m’ont confié les responsabilités en jugeront. Je crois qu’il y a beaucoup d’opportunités dans ce pays », soutient-il. Triste devant les attaques répétées dans sa région, cet homme lié à sa terre natale demande un sursaut « national contre les forces du mal ».

Odagou, l’homme aux ambitions inavouées

Lorsqu’on parle de ses ambitions post-mandature, le natif du Gulmu reste dubitatif. Sourire aux lèvres, les yeux voyageurs, il baisse la tête et murmure : « J’ai plusieurs compétences ». Sans doute, il pourrait reprendre la craie. Mais la craie a une poussière qui salit les vestes.[ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]

Edouard K. Samboé
samboedouard@gmail.com
Lefaso.net/ledeputemetre.net

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