LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Situation nationale : La réconciliation nationale est-elle une quête véritable des Burkinabè ?

Publié le mardi 27 novembre 2018 à 17h32min

PARTAGER :                          
Situation nationale : La réconciliation nationale est-elle une quête véritable des Burkinabè ?

Ceci est une tribune signée de Boubacar Elhadji. L’auteur dénonce le comportement des Burkinabè qui, selon lui, est aux antipodes d’une réelle volonté de réconciliation nationale. Lisez plutôt !

La réconciliation est l’un des mots (avec le mot pardon) les plus usités au Burkina Faso ces trois dernières décennies. Depuis l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014, et surtout depuis le putsch manqué de septembre 2015, l’usage de ce concept a pris des « galons ». La réconciliation est devenue même, dans notre pays, une source d’inspiration profonde pour certains hommes politiques et certains acteurs de la société civile, au point de susciter, chez ces acteurs, la création de structures dont la vocation unique serait justement d’œuvrer à la réconciliation des Burkinabè.

Cependant, il est possible de douter de la sincérité de notre désir et de notre volonté commune d’aller à une réconciliation véritable et au pardon, de promouvoir la cohésion sociale. Le procès du putsch manqué de septembre 2015 est l’exemple le plus illustratif et le plus récent qui traduit le mieux cette réalité. Personne ou presque jusque-là ne s’est assumé dans ce procès. Excepté, dans une moindre mesure, Léonce Koné.

Soldats comme civils qui se sont succédé pour l’instant au parloir semblent nier jusqu’à la réalité du putsch. L’analyse des comptes rendus faits par exemple par la presse sur le procès tend à montrer qu’il n’y a pas eu de coup d’Etat car, jusqu’à présent, personne ne s’est assumé, personne n’a reconnu avoir posé un acte nuisible à la République et à la cohésion nationale.

Tout notre espoir résidait sur les deux officiers supérieurs de l’armée qui n’étaient pas passés à la barre dans ce procès. Le début de leur audition laisse perplexe. Le Burkinabè devient difficile à définir.
Dans des évènements ayant conduit à des pertes en vies humaines, si personne n’est capable de dire ce qui s’est passé et d’assumer sa part de responsabilité, dans quelles autres circonstances allons-nous nous assumer ? Ne soyons même pas surpris que dans ce pays, l’on nie un jour, devant des tribunaux, l’assassinat et même la mort du président Thomas Sankara ou celle du journaliste chevronné Norbert Zongo.

Dans la vie politique comme dans la vie sociale, et sur les douloureux évènements qui ont marqué et qui continuent de marquer encore hélas notre histoire, la volonté de ne pas dire ce qui s’est passé réellement crève les yeux. Et donc celle de ne pas s’assumer aussi. On a comme l’impression que rien de grave ne s’est passé dans notre pays. Voulons-nous réellement la réconciliation nationale ?

Si oui, alors commençons par reconnaître et dire ce qui s’est réellement passé dans tous les évènements qui poussent justement les uns et les autres à parler de réconciliation et à la vouloir. Pouvons-nous nous réconcilier quand, sur des évènements comme celui des 30 et 31 octobre 2014, nous ne parvenons même pas à nous accorder sur le qualificatif à donner à cet évènement ?

Pouvons-nous aller à une réconciliation si très peu de gens sont prêts à une rupture individuelle et collective dans leur façon de servir le pays, d’assumer leurs responsabilités, de placer l’intérêt supérieur du pays au-dessus de tout ?

Rien n’est moins sûr. La réconciliation commence par le changement de comportement de chacun et de tous, par la reconnaissance et la restauration de l’autorité de l’Etat, par le refus d’adopter, d’admettre, de soutenir et de défendre tout mauvais comportement dans la société comme dans les services publics.

Un peuple - comme un individu - qui n’est pas capable de reconnaître ses erreurs et ses fautes, ne peut pas se réconcilier avec lui-même. Un peuple qui défend les mauvaises manières de servir, qui cautionnent les mauvais comportements chez les citoyens (travailleurs du public comme du privé ou pas) tourne le dos à la réconciliation et sème les graines de sa propre déstabilisation.

Nous vivons la période la plus difficile de notre histoire d’Etat indépendant et malgré cela, tous les jours que Dieu fait, nous multiplions, individuellement et collectivement, les actes qui paralysent le pays, qui nous divisent et donc qui nous éloignent de la réconciliation.

Quand une société est occupée à se quereller avec elle-même, elle se présente en proie facile pour des prédateurs intérieurs et extérieurs. Elle laisse des failles, ouvre des brèches pour ces prédateurs, pose les jalons de la division, consacre celle-ci et repousse toute perspective de réconciliation et de pardon.

Notre devenir tient à notre capacité à nous unir, à ne jamais cautionner et défendre ceux qui foulent aux pieds les lois de la République, qui manquent de pudeur en toute circonstance. Et tous les calculs que nous faisons tirent leur sens de l’existence du Burkina Faso en tant qu’Etat. Ne l’oublions pas.

Et n’oublions pas que c’est la vérité qui réconcilie les individus et les peuples. Tant que nous n’aurons pas le courage de nous assumer et de nous dire la vérité, de dire la vérité tout court, la réconciliation sera un vœu pieux. On peut marcher, danser, courir…pour la réconciliation.
On peut s’inscrire à l’école de la France, ce pays qui s’illustre en Europe par des mouvements sociaux récurrents, par des querelles politiques incessantes, par la politisation de tout, pendant que les autres nations de cette même Europe sont occupées à se construire. On peut le faire.

Du reste c’est ce que nous faisons malheureusement de plus en plus. Mais cela ne contribuera qu’à nous diviser et à nous opposer surtout si dans nos marches, danses et courses nous ne chevauchons pas la vérité et la mesure.
Quand on a le courage de mentir, de voler, de détourner, de torturer ou de tuer, de faire ou de participer à un putsch ou à…, on doit avoir aussi le courage de dire un jour, quand il le faut, j’ai menti, j’ai volé, j’ai torturé ou c’est moi qui ai tué x ou y.

Tous ceux qui veulent une réconciliation véritable des Burkinabè, doivent commencer par DIRE LEUR PART DE VERITE ou œuvrer à la manifestation de la vérité sur les évènements malheureux intervenus jusque-là dans notre pays et pour lesquels CETTE VERITE s’impose.
C’est la vérité qui est le pont d’accès à la réconciliation avec nous-mêmes et entre nous. On ne construit pas sur du faux. Encore moins dans la justification, la défense et la promotion des mauvais comportements des citoyens dans leurs rôles/missions/responsabilités au sein de la société.

De toutes les façons, aucun régime ne peut être fort ou promouvoir le développement avec un peuple divisé. Aucun régime ne peut lutter efficacement contre toute forme de menace avec un peuple qui creuse chaque jour le fossé entre ses membres. Aucun régime ne peut réconcilier un peuple ingénieux dans des actions qui divisent.

Tout régime tire sa légitimité, son inspiration, sa sérénité, sa foi, sa puissance, sa capacité à faire face et à répondre à tous les fléaux, dans la capacité de son peuple à s’unir, à promouvoir la cohésion et la vertu, à se démarquer de toute attitude contraire à ses valeurs et à ses lois. Dieu sauve le Burkina Faso.

Boubacar ELHADJI
boubacar.elhadji@yahoo.fr
Tél : 70 10 05 50/78 64 08 70

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 27 novembre 2018 à 17:48, par Dosso En réponse à : Situation nationale : La réconciliation nationale est-elle une quête véritable des Burkinabè ?

    Que faut-il dire ? Sinon rien, que ceux qui ont des oreilles entendent. Si nous devons faire des commentaires, ça sera une répétition à vos dires. Néanmoins personnellement j’attends la réaction et les commentaires du grand frère Ka.

  • Le 27 novembre 2018 à 21:57, par Ka En réponse à : Situation nationale : La réconciliation nationale est-elle une quête véritable des Burkinabè ?

    Petit frère Dosso je confirme : J’ai parcouru de long en large la belle analyse fondée de Boubacar ELHADJI, qui reste impartiale et simplement citoyenne. Et je le tire mon chapeau. En effet, "L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité ; seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine, seul l’amour le peut". Martin Luther King. Et pour compléter l’analyse pertinente de notre frère Boubacar, nous devions en prendre compte ce que Roch Kaboré a dit au début de sa prise de pouvoir au peuple Burkinabé concernant la réconciliation. Voilà ce qu’il a dit mot pour mot.

    "Nous devons tout faire pour que la justice soit rendue dans toutes (les) affaires sensibles pour aider notre peuple à se réconcilier avec son histoire, pour ramener la paix des cœurs et créer les conditions propices à la contribution de tous les Burkinabè à l’œuvre de construction nationale, la réconciliation nationale reste un enjeu majeur que nous devons réussir, dans l’intérêt supérieur de la nation a t-il dit pendant son discours radiotélévisé à la veille de la célébration du 57e anniversaire de l’indépendance du Burkina Faso.’’ Et pour confirmer que sans la justice il n’y a pas de réconciliation, il a dit ceux-ci ‘’’la justice militaire, une juridiction d’exception, doit solder une longue série de dossiers, dont principalement ceux du putsch manqué de septembre 2015 et de l’assassinat du "père de la révolution" burkinabè, le capitaine Thomas Sankara, tué lors du coup d’Etat qui porta l’ex-président Blaise Compaoré au pouvoir en 1987.Également en instance, le dossier du journaliste d’investigation Norbert Zongo, tué en 1998 avec trois compagnons, a connu une évolution avec la mise sous contrôle judiciaire de François Compaoré, frère du président déchu Blaise Compaoré, poursuivi pour "incitation à assassinats".

    Ici je joins au frère Boubacar pour dire que tous ceux comme les responsables de la CODER qui prennent la réconciliation sans la justice pour leur fonds de commerce pour exister ne sont que des diviseurs pour rallumer la haine.
    Pour ma part comme Boubacar vient de le confirmer, ‘’’personne au pays des hommes intègres n’a la clé de la réconciliation sans la justice. La réconciliation est l’œuvre de tous, elle n’est pas l’apanage ni l’exclusivité du microcosme politique, qu’il soit ou non représentatif. S’il y a une volonté ferme et clairement revendiquée du peuple à se réconcilier, la réconciliation s’imposera d’emblée aux décideurs et il leur suffira d’en prendre acte.

    Le peuple Burkinabé attendait que ces généraux de pacotille assument leurs actes afin que la justice soit dite pour une réconciliation nationale, apaisée et durable. Malheureusement celui qui au début du coup d’état a la maternelle, dont L’objectif était de mettre un coup d’arrêt à la Transition dirigée par le président Michel Kafando assumait pleinement : Avec ce procès de fiction, Gilbert Diendéré joue le caméléon. Et si ce jugement qui devienne un fiasco, la haine entre le peuple se multipliera : Et tant qu’il subsistera des foyers de haine profonde et viscérale comme on en voit encore, la réconciliation ne pourra avoir lieu.

    Conclusion : Ou bien on est réellement réconcilié, ou bien on n’est pas réconcilié du tout, et cette affaire de "réconciliation démagogique instrumentale devienne de la foutaise.

  • Le 27 novembre 2018 à 22:15, par Agir En réponse à : Situation nationale : La réconciliation nationale est-elle une quête véritable des Burkinabè ?

    Mon cher monsieur, tu as du mal à qualifier une prise de pouvoir par suite de mise à sac, d’incendie des institutions suivis de déclarations de prise du pouvoir par autoproclamation à la télé par plusieurs personnes à tour de rôle dont l’un se retrouvera à la fin des courses avec un pied cassé ?
    Tu as du mal à comprendre l’arrestation de ces autoproclamés avec pour objectif le rétablissement du droit et des institutions incendiés ?
    J’avoue que je ne vous comprend pas

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Gaoua : L’ONG MERCY CORPS dresse le bilan de son projet PILAND