LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “La prudence et l’amour ne sont pas faits l’un pour l’autre : à mesure que l’amour croit, la prudence diminue. ” François de La Rochefoucauld

« Je n’avais aucun grief contre la Transition, mon souci c’était la survie du RSP », tempère le Colonel-major Boureima Kiéré

Publié le mercredi 14 novembre 2018 à 09h00min

PARTAGER :                          
 « Je n’avais aucun grief contre la Transition, mon souci c’était la survie du RSP », tempère le Colonel-major Boureima Kiéré

L’audition du colonel-major Boureima Kiéré s’est poursuivie ce 13 novembre 2017. L’officier supérieur a continué à se démarquer du coup d’Etat, même s’il reconnait avoir signé la déclaration qui faisait du général Gilbert Diendéré le président du Conseil national de la démocratie (CND). Il était aussi contre le putsch quand bien même il a ordonné une mission héliportée pour chercher du matériel de maintien de l’ordre. Selon lui, la situation de pourrissement a été exacerbée par l’ancien Premier ministre Yacouba Isaac Zida. Il existait alors trois clans, les pro-Diendéré, les pro-Zida et les non-alignés.

Le colonel-major Boureima Kiéré a continué à se défendre à la barre du tribunal militaire. Au deuxième jour de son passage, le chef d’état-major particulier du président du Faso de l’époque est resté campé sur sa position. Il n’était pas membre du Conseil national de la démocratie (CND). En revanche, c’est bien lui qui a signé la déclaration lue à la télévision pour acter le coup d’Etat.

« Je n’avais aucun grief contre la Transition, mon souci c’était la survie du RSP », a clamé l’homme qui a continué à dire que c’est le 16 septembre qu’il a été mis devant le fait accompli avec l’arrestation des autorités de la Transition. Et pourtant, le parquet a tenté de prouver le contraire. Le 17 septembre, avant même la déclaration à la télé, précisément à 5h59, Boureima Kiéré a reçu un message de la part de « Golf épouse » (présenté comme l’épouse du général Diendéré par le parquet) qui dit ceci : « J’ai besoin de vous pour régler le problème de technicien à la télé ».

Pour le ministère public, c’est bien la preuve que le colonel-major était au parfum de tout ce qui se tramait avant que la situation ne soit rendue publique. Mais pour l’accusé, il n’en est rien ; d’ailleurs, il n’a pas ouvert ledit message et n’a pas répondu. Des messages, Boureima Kiéré en a également reçus en provenance de la Côte d’Ivoire.

Dans l’un d’eux, son interlocuteur lui conseille d’utiliser les réseaux sociaux pour faire croire que 500 militaires venaient de rallier le RSP, sans oublier de couper la lumière, positionner de grosses armes à certains endroits de la ville et tirer quelques coups. A la lecture de ces messages, l’ancien chef d’état-major particulier du président du Faso a noté qu’il ne les a pas lus et n’y a pas non plus répondu.

Le jeu de diplomatie du parquet ne passe pas

Pendant le coup d’Etat, le colonel-major a beaucoup échangé avec des militaires ivoiriens. Le parquet, en lisant lesdits messages, n’a pas voulu citer les noms des correspondants ivoiriens. Me Prosper Farama de la partie civile interpelle le président à ce sujet.

Pour lui, pour la transparence dans les débats, il faut citer les noms, d’autant plus que, quand il s’agit de correspondants locaux, le ministère public ne cache pas les identités. Mais pour le parquet, c’est par souci de sauvegarder les bonnes relations entre les deux pays, « pour éviter de remuer le couteau dans la plaie » que les noms ne sont pas cités.

Il n’en fallait pas plus pour que les avocats tous bords confondus attaquent. « Il faut citer les noms pour éviter un procès ‘mouta mouta’ », clame un avocat de la partie civile. Son confrère de la défense le prend au mot. « C’est maintenant que vous voyez qu’il y a un procès mouta mouta », répond Me Bonkoungou.

« L’argument du parquet n’est pas juridique. Il n’est pas question de faire de la diplomatie dans un procès », relancera Me Farama. Le président du tribunal, Seydou Ouédraogo, décide alors une suspension pour statuer.

A la reprise, il note qu’il n’est pas du rôle d’une partie au procès de dicter la conduite à tenir à une autre dans sa façon de présenter les éléments à charge. C’est au parquet de choisir de présenter tous les éléments ou de retenir certains, s’il ne juge pas opportun de les rendre publics.

On apprendra que parmi les contacts de Boureima Kiéré en Côte d’Ivoire, il y avait le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro ; et surtout le général de Brigade Vagondo Diomandé, chef d’état-major particulier du président de la République de Côte d’Ivoire.

L’armée a-t-elle vraiment soutenu le coup ?

Lors de sa déposition et pendant les séances de questions du parquet militaire et des avocats de la partie civile, le colonel-major Boureima Kiéré a insisté sur le fait que la haute hiérarchie militaire, le Chef d’état-major général des armées (CEMGA) en tête, avaient décidé d’accompagner le coup d’Etat en assurant le maintien de l’ordre. Mais pour le parquet, cela n’est pas exact.

Le commissaire du gouvernement, le commandant Alioune Zanré, a ainsi lu les dépositions de certains membres de la CRAD (Commission de réflexion et d’aide à la décision), devant laquelle ces accompagnements auraient été promis.

Il n’en est rien, selon lui. Par exemple, monseigneur Paul Ouédraogo a confié qu’après avoir fait le point de la situation, le général Diendéré a effectivement demandé à l’armée d’assumer le coup. Le général Pingrenoma Zagré aurait répondu que depuis son arrivée à la tête de l’Etat-major, il a travaillé à l’unité de l’armée.
Il ne se voyait donc pas se présenter devant le peuple pour dire qu’il assume un coup d’Etat. Ce fut la même réaction chez l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo qui ne dit pas que l’armée a accordé son soutien au CND.

Mais le colonel-major est resté sur sa position. Le CEMGA a donné son accord pour l’accompagnement du coup d’Etat et a même cédé son fauteuil au nouveau président du CND. Le chef d’état-major de la gendarmerie nationale a dit, à la réunion de la CRAD, qu’il ne disposait pas de matériel de maintien de l’ordre. Et c’est ce qui a occasionné la mission à la frontière avec la Côte d’Ivoire pour récupérer du matériel qui a été remis à la gendarmerie et à d’autres corps.

Ce qui ressort également, c’est que le colonel-major Boureima Kiéré a lu la déclaration devant la CRAD avant qu’elle ne soit diffusée à la télé. « Pourquoi avoir accepté de lire une telle déclaration, alors que vous dites que vous n’étiez pas d’accord avec le coup ? », ont insisté les avocats de la partie civile.

En réponse, l’accusé estime que c’était dans un cadre militaire et que c’était à la demande du général Gilbert Diendéré à qui il ne pouvait dire non, puisque c’est son supérieur hiérarchique. Mieux, il a ajouté que c’est en lisant la déclaration qu’il a découvert, en même temps que les autres membres de la CRAD, son contenu.

En tout cas, l’accusé a tenté de prouver son innocence. Pendant le coup d’Etat, il a plutôt joué le rôle de médiateur pour une sortie de crise, d’interface entre la haute hiérarchie de l’armée et le général Diendéré. C’est d’ailleurs dans ce sens, a-t-il expliqué, que le 21 septembre, il a demandé au président du CND, sur instruction du CEMGA, de rendre le pouvoir.

Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 14 novembre 2018 à 06:55, par Traoré Lassina En réponse à : « Je n’avais aucun grief contre la Transition, mon souci c’était la survie du RSP », tempère le Colonel-major Boureima Kiéré

    Est ce qu’un jour on saura vraiment ce qui s’est réellement passé dans cette histoire de putsch ? Des sous officiers, officiers et officiers supérieurs incapables de s’assumer. Chacun vient et essaie de jeter la faute sur l’autre. Quelle honte pour notre armée. Personne n’a rien fait, le coup d’État a été commis par des anges et extraterrestres. Quel pays ?

  • Le 14 novembre 2018 à 06:58, par LE VILAIN En réponse à : « Je n’avais aucun grief contre la Transition, mon souci c’était la survie du RSP », tempère le Colonel-major Boureima Kiéré

    Franchement je vois que le parquet ne veut pas de la vérité dans cette histoire de coup d’Etat avorté. Non seulement il lit les messages pour incriminer un accusé sur ces messages et ne veut pas dire qui est l’auteur de ces messages. Alors il faut retirer ces messages dans le procès en plus le Colonel Major KERE vous dit que le Général Pingrenoma ZAGRE avait au départ soutenu le coup d’Etat mais vous voulez pas prendre au sérieux des choses. C’est après que le Général ZAGRE a su que les choses ne vont plus aller loin qu’il s’est retirer. C’est un caméléon ce Général

  • Le 14 novembre 2018 à 09:36, par Bado N Jérôme En réponse à : « Je n’avais aucun grief contre la Transition, mon souci c’était la survie du RSP », tempère le Colonel-major Boureima Kiéré

    Bonjour à tous
    Tiga Cheick Sawadogo, j’admire beaucoup votre façon de rapporter le procès du putsch, pas de parti pris, neutre, franchement en vrai professionnel.
    il y’en a certains journaux quand tu lis ; tu ne t’en empêche de poser la question de la déontologie journalistique.
    Beaucoup de courage à vous,continuer a excellé,ainsi un jour vous serrez reconnu.
    Cependant, je trouve que en narra-tant au passé simple les faits, comme on l’a appris tous,donnera plus de fonds au contenu.
    Réf ; Sacré Saydou OUEDRAOGO (votre ainé)
    Merci

  • Le 14 novembre 2018 à 12:33, par Le réaliste En réponse à : « Je n’avais aucun grief contre la Transition, mon souci c’était la survie du RSP », tempère le Colonel-major Boureima Kiéré

    Pourquoi KERE tenait à tout faire pour empêcher la dissolution du RSP qui s’est retrouvé inutile pour le Peuple ? C’est justement son choix de passer par le Coup d’Etat pour atteindre son objectif. Au moment des faits, DIENDERE n’était pas son supérieur hiérarchique immédiat ; pourquoi l’obéir jusqu’à signer la déclaration le consacrant Président du CND ? Il n’avait qu’à demander au CEMGA (Général ZAGRE) de signer. Voilà des Officiers qui n’avaient de considération ni de respect pour leurs collègues des autres entités de l’Armée. C’est plus digne d’assumer vos bêtises.

  • Le 14 novembre 2018 à 12:44, par kado En réponse à : « Je n’avais aucun grief contre la Transition, mon souci c’était la survie du RSP », tempère le Colonel-major Boureima Kiéré

    Avec la Cote D’ivoire, disons le nett : c’est une relation hypocrite. Soro e ouattara ont un devoir de reconnaissance vis a vis de Blaise et du RSP car c’est grace a eux qu’ils sont ce qu’ils sont aujourd’hui. Le RSP et Blaise ont versé du sang innocent pour leur donner le pouvoir et la gloire. Eux meme savent que c’est immoral et sadique de soutenir des delinquants qui, pour de l’argent et des richesses de ce monde ici bas sont prets a oter des vies humaines sacrées. soro, vagondo, diendere, bassole, korogo, kere ... sachez que vos vies ne sont nullement superieures a celles des nos enfants (Ivoiriens comme Burkinabes) que vous avez tragigement otées.

  • Le 14 novembre 2018 à 14:09, par le choco En réponse à : « Je n’avais aucun grief contre la Transition, mon souci c’était la survie du RSP », tempère le Colonel-major Boureima Kiéré

    Le chef d’état major de la gendarmerie qui dit qu’il n’a pas de matériel pour assurer le maintien de l’ordre..laisser moi rire. était il sérieux ?. Ou se trouve le matos qu’ils utilisaient pour nous chicoter en ville lors des marches meeting des scolaires et étudiant du mouvement trop c’est trop ? les lances à eau de Blaiso et autres arsenal de répression. Mauvaise foi oui....Voila bien un "non " INTELLIGENT d’une personne intelligente à un homme craint. Il ne voulait pas participer à la mascarade du CND. Mais aujourd’hui tous le monde fait comme si on pouvait oser tenir tête a golf en son temps sans y risquer sa peau. ....Le chef des pandores a bien fait de dire qu’il n’a pas de matos et même quand le matos est venu de la RCI il ne l’a pas utilisé contre le peuple...c’est les assassins du RSP qui nous ont plutôt mater dans les rues de Ouaga..Heureusement que les jeunes officiers de l’armée, la vraie, sont entrée dans la danse en osant défier les délinquants de la bande armée des très très craint du RSP..

  • Le 14 novembre 2018 à 15:43, par fyt En réponse à : « Je n’avais aucun grief contre la Transition, mon souci c’était la survie du RSP », tempère le Colonel-major Boureima Kiéré

    salut à tous !
    Je pense que le coup ,d’état est un fait ! nous l’avons tous vécu senti ; mais à écouter des officiers supérieurs se comporter et de rependre de la sorte ! !! c’est pas la peine ! au Burkina cela veut dire qu’on n’avait pas véritablement de soldats comme Thomas Sankara pour oser dire :" je ne serait pas la à la prochaine conférence si le Burkina Faso à lui seul décide de pas payer sa dette au FMI". Et portant Thomas Sankara n’était qu’un officier et déjà il assumait ce qu’il disait ! à cette allure aucun soldat ne voudrait effectuer une mission dangereuse si le lendemain son commandant le plus haut gradé changer de langage ! Comme disait quelqu’un : " le matin ( j’ai dit...), à midi il dit( peut-être) ! et le soir il nie tout en bloc ! je pense qu’on a pas besoin de telles officiers supérieurs pour diriger notre pays ! sinon bonjour les dégâts et tant pie pour nos concitoyens ! merci !

  • Le 14 novembre 2018 à 16:10, par fyt En réponse à : « Je n’avais aucun grief contre la Transition, mon souci c’était la survie du RSP », tempère le Colonel-major Boureima Kiéré

    écouter !
    Il y a une chose que je ne comprend pas ! Comment en tant que militaire on peux braver la mort c’est à dire affronter les dangers et en même temps craindre la prison ! ou bien on pensait comme par le passé et que le Burkina était paisible ; qu’être militaire c’est venir s’assoir et appeler les petites filles à gauche à droit ! qu’ils se renseignent ! tous les grands chefs militaires de ce monde ont connu la prison :( DE Gaulle..Lénine etc).

  • Le 14 novembre 2018 à 18:48, par SOME En réponse à : « Je n’avais aucun grief contre la Transition, mon souci c’était la survie du RSP », tempère le Colonel-major Boureima Kiéré

    "Pour lui, pour la transparence dans les débats, il faut citer les noms, d’autant plus que, quand il s’agit de correspondants locaux, le ministère public ne cache pas les identités. Mais pour le parquet, c’est par souci de sauvegarder les bonnes relations entre les deux pays, « pour éviter de remuer le couteau dans la plaie » que les noms ne sont pas cités." Tout est dit dans ces phrases. Le proces n’est qu’une mascarade qui entre dans la ligne directe de la solution diplomatique decidee par Roch. N’attendons rien de ce proces : il n’ensortira aucune verité. Si les accusés ont adopté cette sstature arrogante et nier tout, on comprend bien pourquoi. L’autre me tue et continue de me tuer et moi je dis qu’il faut eviter de lui faire mal ?§ ! C’en est trop ! Mes freres preparons nous encore aux batailles de rue et nous debarrasser de ces traitres usurpateurs. Les kam faarama etc ne laissez pas faire si vous cautionnez cela tant pis pour vous !
    La patrie ou la mort nous vaincrons
    SOME

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Putsch de septembre 2015 : Minata Guelwaré est décédée
La problématique de la liberté chez Jean-Jacques Rousseau