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Procès du putsch : Léonce Koné déballe le sac de 50 millions venu de la Côte d’Ivoire

LEFASO.NET | Tiga Cheick Sawadogo

Publié le mercredi 17 octobre 2018 à 00h30min

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Procès du putsch : Léonce Koné déballe le sac de 50 millions venu de la Côte d’Ivoire

Un politique, et pas des moindres, à la barre ce 16 octobre 2018, dans le cadre du procès du coup d’Etat de septembre 2015. Poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat et de coups et blessures volontaires, celui qui était deuxième vice-président du CDP à l’époque des faits a « récusé » les accusations. Pour autant, il reconnaît avoir applaudi le coup d’Etat, « une œuvre de salubrité publique ». Les 50 millions venus d’Abidjan, des SMS effacés mais restaurés par le truchement d’un expert... autant de faits sur lesquels le ministère public s’appuie pour justifier son accusation.

Assis sur une chaise, Léonce Siméon Koné, né le 16 septembre 1948 à Bobo-Dioulasso, n’a pas caché son soulagement quand le coup d’Etat a été perpétré. Pour lui, c’était une œuvre de salubrité publique, même s’il précise ne pas être putschiste, tout comme son parti. Mais les dérives de la Transition justifiaient cette prise de pouvoir par les armes. D’ailleurs, la déclaration de soutien au CND le 20 septembre 2015, il en « assume tous les termes », même si celle annexée au dossier est incomplète.

Après les rumeurs et les incertitudes du 16 septembre 2015 sur l’arrestation des autorités de la Transition, dès le 17 septembre, Léonce Koné, Achille Tapsoba, Hermann Yaméogo, Maurice Traoré et René Emile Kaboré prennent contact avec le général Gilbert Diendéré. En ce moment, ces leaders de partis politiques savaient déjà qu’il s’agissait bel et bien d’un coup de force, mais voulaient s’enquérir des intentions de la nouvelle junte.

Ils sont reçus entre 18h et 19h par le nouvel homme fort. Le général leur fait savoir que ce sont des jeunes militaires qui ont fait le coup, lui n’a fait qu’endosser. Pour expliquer le coup, l’hôte avance comme arguments le fait que le gouvernement de la Transition ait décidé d’exclure toute une frange de la population des élections à venir, la non-effectivité du vote des Burkinabè de l’étranger et le texte taillé sur mesure pour permettre au Premier ministre Yacouba Isaac Zida de passer du grade de lieutenant-colonel à celui de général.

« Il prêchait à des convaincus », a reconnu Léonce Siméon Koné à la barre. Pour la simple raison, selon lui, que la Transition déviait et trahissait les principes de la démocratie. Pour autant, les visiteurs chercheront à savoir si le général a le soutien du reste de l’armée. Il les rassure. La haute hiérarchie de l’armée est avec lui, mais a préféré être en retrait pour assurer le maintien de l’ordre. En plus, il leur notifie qu’il s’apprêtait à engager des rencontres avec la classe politique pour expliquer le sens du putsch.

Après cette rencontre, le groupe, constitué des partis politiques membres du Front républicain, se retire et continue les concertations. Ils retourneront une fois de plus voir le général Diendéré le 19 septembre, pour connaître « l’évolution » de la situation. Encore, il confirme qu’il avait toujours le soutien de la haute hiérarchie de l’armée. Cette fois, la rencontre est plus brève, a reconnu Léonce Koné. Les dires du président du CND, nouvelle instance dirigeante, sont confirmés par la présence de la haute hiérarchie de l’armée à l’aéroport pour l’accueil des chefs d’Etat venus pour la médiation.

Un sac de 50 millions de F CFA

L’accusé a, par la suite, reconnu avoir reçu un appel téléphonique de Gilbert Diendéré, l’informant qu’il avait un colis venu de la Côte d’Ivoire pour lui. Selon Léonce Koné, il s’agissait d’un sac contenant 50 millions de francs CFA pour lui et Emile Kaboré. Une somme qui, selon lui, résulte d’une collecte de fonds de la part d’amis, en vue de soutenir les actions politiques et faire face à certaines obligations. 30 millions devaient revenir à Léonce Koné, les 20 autres à Emile Kaboré. De l’avis de Léonce Koné, la moitié des 30 millions provenaient de ses propres ressources.

Le CDP avait droit à entre 20 et 25 millions, 5 millions devaient être affectés aux autres partis de la coordination de l’alliance des partis politiques de l’ancienne majorité et le reste gardé par Emile Kaboré qui est d’ailleurs allé récupérer le sac aux alentours du Trésor, entre la Télévision BF1 et la présidence.

« Ces millions ne devraient-ils pas servir à mobiliser les militants pour soutenir le coup d’Etat ? », demandera le parquet militaire. « C’est possible, je ne vois rien de répréhensible en cela », répond l’accusé. « Comment l’argent est-il arrivé à Ouagadougou ? », questionne le parquet. « Aucune idée », réplique l’accusé.

Les chefs d’Etat de la CEDEAO, l’autre soutien

Dans le cadre des concertations entreprises par les chefs d’Etat de la CEDEAO, les partis membres de l’ancienne majorité sont reçus. Hermann Yaméogo, qui parle au nom de la délégation, fait savoir qu’au regard des dérives du gouvernement de la Transition, ils approuvaient le coup d’Etat.
En réponse, les présidents sénégalais et béninois, Macky Sall et Yayi Boni, leur retournent qu’ils ne sont pas surpris du coup d’Etat, eu égard à la volonté des nouvelles autorités de maintenir la loi d’exclusion, malgré la décision de la Cour de justice de la CEDEAO. Mais ils précisent qu’ils ne peuvent pas entériner un coup d’Etat.

Les esprits s’échauffent quand les téléphones parlent

La narration des faits par Léonce Siméon Koné s’est déroulée dans un climat apaisé, la salle tout ouïe, pour entendre sa part de vérité. Mais quand vint la phase des questions du parquet militaire, l’accusé a sorti les griffes. « On ne peut pas caresser pour accuser », note le commissaire du gouvernement, Alioune Zanré, qui reconnaît qu’il est toujours difficile pour le parquet qui est dans la position de l’accusateur, de trouver les mots qui siéent à l’accusé. « Ne me caressez pas, posez-moi des questions », renvoie l’homme politique.

Le discours va encore se corser quand vint l’étape de la lecture des SMS qu’il avait pris le soin de supprimer. Mais pour les besoins de l’instruction et par l’entremise d’un expert, lesdits messages ont été restaurés. « Je n’ai pas peur de ce que je dis, je n’ai pas peur des positions que je prends », va pourtant rassurer l’ancien deuxième vice-président du CDP, tout en émettant des réserves quant aux messages qui seront lus.

Dans l’un des messages envoyés le 20 septembre par Léonce Koné à un certain HY (Hermann Yaméogo ?), il dit ceci : « Je crois qu’il va céder. Les Roch exigent une reddition complète. Je ne comprends pas pourquoi il les laisse se comporter en vainqueurs ».
En ce moment, les heures du coup d’Etat étaient comptées et l’étau se resserrait autour des putschistes. Son correspondant (HY) répond : « Oui, ça ne va pas m’étonner. Il est faible ». Alors que le parquet demande à l’accusé s’il a un commentaire, il se demande bien où est le problème avec le message ; il n’en voit pas et ne veut pas spéculer.

Dans un autre message, un contact de l’accusé dit ceci : « Boss, envoie-moi un bon transfert d’argent pour que je puisse mobiliser les jeunes pour une manifestation ». Et Léonce Koné aurait répondu : « Combien êtes-vous ? De combien avez-vous besoin ? ».

L’audition de Léonce Koné reprend ce 17 octobre. Il a à ses côtés entre autres deux anciens bâtonniers du Burkina et du Sénégal. Respectivement, Me Antoinette Ouédraogo et Me Yérim Thiam.

Tiga Cheick Sawadogo
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