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Mobilisation des recettes : Quand la douane se positionne comme juge et partie

Publié le jeudi 30 août 2018 à 14h30min

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Mobilisation des recettes : Quand la douane  se positionne comme juge et partie

Ceci est une opinion d’un citoyen, Dakissaga Franck, enseignant, sur la résiliation des contrats de vérification des importations avec la société COTECNA, un des points de revendication de la Coordination des syndicats du Ministère en charge de l’économie et des finances (CS-MEF).

Les effets contractuels qui liaient la société COTECNA à l’Etat burkinabè cesseront conformément aux termes du présent contrat conclu en août 2015. Et le 7 septembre (2018), la société d’inspection sera dessaisie de sa prestation contractuelle de conduite du Programme de vérification des importations. Réunis à Ouagadougou le 20 août dernier, l’administration douanière et le personnel ont planché sur les armes à affûter pour reprendre en mains ce pan de leurs, soi-disant, attributions. Arguant d’une « reprise de la plénitude des attributions traditionnelles ». Et c’est le mot d’ordre en vogue chez les paramilitaires de la finance.

Aussi, est-ce la concrétisation de l’écho d’un point de la plate-forme revendicative de la coordination des syndicats du MINEFID qui réclamait à cor et à cri la cessation de la collaboration de l’Etat avec COTECNA ? Ce syndicat qui n’a de raison d’être que la défense des intérêts moraux et matériels de ses membres a fini par enfiler la toge d’un décideur, une mission qui ne leur est pas dévolue. Quoique, le chargé de communication et des relations publiques veuille faire avaler cela à ceux qui le veulent, c’est tous les douaniers qui crient victoire en miroitant l’aube des bonnes affaires.

« Cette non -reconduction du contrat n’est ni un simple caprice d’un directeur général, ni une injonction d’un conseil de direction et n’est pas non plus un trophée de guerre dont une organisation quelconque pourrait se prévaloir », a tenté de justifier le divorce avec la COTECNA. Avant d’ajouter qu’il s’agit de se conformer au nouvel ordre économique mondial édicté par l’OMC à travers la loi sur la facilitation des échanges et des partenaires. En réalité, il ne s’agit là qu’un brouillard communicationnel visant à forger et à rassurer une opinion publique emballée par un engagement à haut risque.

En effet, aucune instance et aucune norme ne fait entrave à la collaboration avec une structure dotée d’expérience avérée et d’impartialité pour aider à la mobilisation des recettes. La vision et la philosophie de l’OMC sont, faut-il le rappeler, trempées dans le système capitaliste où la privatisation des services publics est la règle.
Dès lors, on comprend aisément que les raisons avancées sont d’un piètre argumentaire. Et que les vraies raisons sont à rechercher dans la volonté d’un corps à rompre avec une société qui les empêche véritablement de s’adonner à autre chose. Cela est d’autant plus évident que toutes leurs réquisitions, les douaniers n’ont jamais voulu reconnaître les mérites de COTECNA.

Alors que depuis la prise en main par la société COTECNA du Programme vérification des importations en aout 2004, les chiffres témoignent éloquemment en faveur de ses performances et de la valeur ajoutée à la mobilisation des recettes douanières et de la lutte contre la fraude. En effet, les taux de recouvrement des prévisions sont toujours hissés au-dessus de la barre des 90%.
Autant dire, au regard des justifications, que la société COTECNA a réitéré au Burkina tout le bien qui est dit de lui dans les autres pays. Difficile alors de dissiper l’ombre de doute qui plane sur la capacité de notre administration douanière à relever les défis relevés par COTECNA nonobstant les professions de foi des responsables de ce corps.

Toujours classé en bonne place des mauvais élèves en matière de corruption par le REN-LAC, la douane devrait d’abord rassurer de ce côté-là avant de prétendre accomplir une obligation de résultat dans un domaine qui exige cela. Mais tant que les tenues de ces douaniers seront toujours munies de poches, il sera toujours difficile d’empêcher d’empocher au lieu d’encaisser.
De cette mesure digne de l’Albatros dont les grandes ailes l’empêche de marcher, l’administration douanière devient juge et partie dans le processus de recouvrement des recettes qui, pourtant, doit son efficacité à la présence d’une structure impartiale de contrôle.

En clair, désormais, la douane échappe à tout radar de contrôle, sauf sa plus haute responsabilité citoyenne, plutôt si elle en a. De toutes les façons, dans une administration publique où la sanction pour faute ou à fortiori pour insuffisance est rare comme l’éclipse solaire, sans paraitre un oiseau de mauvais augure, il apparaît dans l’opinion qu’il faut attendre la preuve du maçon. A travers cette mesure, le gouvernement a encore brillé par son incohérence qui risque de donner du crédit à d’autres luttes.

En effet, dans le même département des finances, alors que l’idée très controversée de recruter une structure privée pour le recouvrement des impôts, entraine une levée de bouclier, voici qu’une structure privée est mise en touche pour soit disant permettre à l’administration de revêtir l’intégrité de ses attributions traditionnelles. Ainsi, le gouvernement fait-il plus de confiance au corps de douane qu’à celui des impôts ? Selon le directeur général des douanes, Adama Sawadogo, il n’est pas question qu’avec cette sortie que l’on assiste à une diminution des recettes du budget de l’Etat.

Mais l’on s’attend mieux encore, à ce que la douane n’occupe pas encore le premier rang de la liste du REN-LAC et fasse mieux que la COTECNA. Chose qui n’est pas évident dans un domaine où l’orthodoxie financière est la moins partagée. En rappel, la mission de la société COTECNA s’étendait à un volet de transfert de technologie consistant à former l’administration douanière en matière de technique de recouvrement des recettes. Ce transfert a-t-il été effectif ?

A défaut d’une évaluation préalable, on est fondé à s’en douter. C’est dans ce sens que, nonobstant le caractère déterminé du contrat qui la liait à COTECNA, l’administration douanière a pris une décision subite et contre-productive. On aurait dû planifier cette rupture, le temps de s’assurer, de la disposition technique et morale de la douane à s’émanciper pleinement. Mais, alors que le vin est tiré, il ne reste plus qu’à la boire jusqu’à la lie.

Dakissaga Franck, enseignant

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Vos commentaires

  • Le 30 août 2018 à 19:15, par Razambia En réponse à : Mobilisation des recettes : Quand la douane se positionne comme juge et partie

    Tres belle analyse et felicitation.C est pour cela que j ai peur pour nos pays.Tant que nos dirigeants n auront pas le courage de sanctionner les fonctionnaires verreux on ne peut pas esperer pour ce pays.Il faut auter l envie de tricher aux agents de l etat dans l exercice de leur fonction.On comprend pourquoi ils sont contre toute modernisation.Pour le syndicat des douane c est une victoire et allez y comprendre.

  • Le 30 août 2018 à 20:39, par Ouedraogo En réponse à : Mobilisation des recettes : Quand la douane se positionne comme juge et partie

    Exvellente analyse. En réalité COTECNA gène un peu les deals opérés par la Douane en complicité avec les importateurs. La valeur certifiée par COTECNA laisse des traces dans le système informatique qui peut aider à tracker les corrompus en cas d’audites. C’est pourquoi nos douaniers champions dans la corruption pretexte l’indépendance pour en decoudre avec cette société d’inspection. Si la Douane était pour l’intérêt general, elle allait prendre le temps nécessaire pour un transfert de compétances afin de préserver les acquis du programme de vérification des importations au lieu de militer pour rupture brutale qui risque de compromettre les recettes. Un autre aspect purement social est que COTECNA emploie plus d’une centaine de nos compatriotes et la douane ne semble pas se soucier de la situation précaire de ces travailleurs. Or cette ressource formée par COTECNA pourrait servir utilement la douane même en l’abscence de COTECNA. Espérons que les bonnes décisions seront prises dans l’intérêt de tous et non pour satisfaire un groupe dejà richissime à cause de la corruption. Dieu bénisse le Burkina

  • Le 31 août 2018 à 08:10, par AHMED En réponse à : Mobilisation des recettes : Quand la douane se positionne comme juge et partie

    CETTE ANALYSE EST TOTALEMENT FAUSSE ET PLEINE DE PREJUGES. LA DECISION DE RECONFIER LA VERIFICATION DES IMPORTATIONS A LA DOUANE FAIT SUITE A UNE RECOMMANDATION DE LA BANQUE MONDIALE APRES UNE MISSION DE CETTE DERNIERE DANS NOTRE PAYS. C’EST VRAI QUE CE POINT ETAIT DANS LEUR PLATEFORME MAIS TU TE TROMPES SUR LE MOBILE DE LA DECISION GOUVERNEMENTALE. EVITONS LA HAINE ET LA JALOUSIE DES LORS QU’ON N’EST PAS CONCERNEE.
    JE NE CONNAIT PAS TA PROFESSION MAIS IMAGINE QU’ON TE RECRUTE ET ON TE FORME POUR EXECUTER UN TRAVAIL . ET ON DECIDE PAR LA SUITE DE CONFIER TON TRAVAIL A UN PRIVE QUI VA LE FAIRE A COUT DE MILLIARDS. VA TU L’ACCEPTER DU MOMENT OU C’EST TON EMPLOI MEME QUI EST MENACE DE SUPPRESSION ?
    BURKINABE ARRETONS TOUT ça et DIEU BENIRA CE PAYS.

  • Le 31 août 2018 à 08:41, par SAAFI En réponse à : Mobilisation des recettes : Quand la douane se positionne comme juge et partie

    TANT QUE RIEN NE SERA FAIT CONTRE LES DÉLITS D’APPARENCES, LES SALINIERS N’AURONT JAMAIS PEUR DE VOLER. CE SYSTÈME VA AMENER A TRAVAILLER SUR DE L’A PEUT PRES. MAIS ATTENDONS DE VOIR.

  • Le 31 août 2018 à 16:08, par Amédée En réponse à : Mobilisation des recettes : Quand la douane se positionne comme juge et partie

    Encore un enseignant. Ton réveil sera douloureux. Une chose est sure, le niveau de l’enseignement est fortement en baisse. Propose plutôt des solutions dans ce sens au lieu de se mêler de ce qui ce qui te regarde pas.

  • Le 1er septembre 2018 à 04:07, par Konkona En réponse à : Mobilisation des recettes : Quand la douane se positionne comme juge et partie

    C est méritant d avoir pris le temps d une contribution mais cet analyse n est pas juste. La Douane a toujours existé sans l assistance d une société d inspection. Tout a commencé dans les années 1991 avec l arrivée de la société d inspection SGS qui a fait ses preuves au Burkina Faso et qui a véritablement été un assistant technique pour l administration douanière au point que cette administration douanière avait été mécontente lorsque les nouvelles autorités ont décidé de son remplacement par la COTECNA. Il aurait fallu à notre enseignant d accepter faire une enquête au sein de cette structure avant de s en prendre à l administration des douanes. Faites des enquêtes et vous serez mieux situés sur la grande nécessité de changer cette société ou tout simplement de laisser la douane s occuper de sa mission. La société en elle même peut disposer de compétences techniques utiles pour notre administration mais il reste à connaitre comment ces competences sont gérées. Monsieur l enseignant, il n y a pas que des douaniers qui construisent des villas ou qui achètent de grosses voitures. Renseignez vous bien. Au bout du compte, c est nos commerçants qui payent très cher et c est nous les consommateurs qui payons plus cher. Mieux encore, le contrat avec la douane était un contrat à durée déterminée. Vous dites que COTECNA réitère au Burkina tout le bien dit de lui dans les autres pays. En êtes vous sûr ? Quel pays par exemple ? Renseignez vous bien monsieur l enseignant. Les administrations des douanes de manière générale sont celles qui communiquent et échangent mieux. Elles connaissent les pratiques opérées par certaines sociétés d inspection. Quand vous parlez de transfert de compétences, c est à quel moment ce transfert devait se faire et comment devait t il se faire ? Vous declarez je cite : "En clair, désormais, la douane échappe à tout radar de contrôle, sauf sa plus haute responsabilité citoyenne, plutôt si elle en a." Fin de citation. Si vous êtes un patriote de ce pays, vous avez aussi le devoir de dénoncer les pratiques qui compromettront l avenir de notre pays. C est ensemble dans la dénonciation que nous y parviendrons. Votre contribution est attendue. Monsieur l enseignant le dernier paragraphe de votre si gentil lettre fait des doutes sur votre véritable connaissance de l administration des douanes. Faites y un tour et vous vous rendrez compte qu il y a une École Nationale des Douanes qui forment bien ses hommes. En conclusion, il faut peut être vous lire sous les lignes. Vaillants douaniers, courage.

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