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Conflits agriculteurs-éleveurs : Sur les pistes de transhumance de l’axe Fadji-Kompienga

Publié le jeudi 23 août 2018 à 23h47min

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Conflits agriculteurs-éleveurs : Sur les pistes de transhumance de l’axe Fadji-Kompienga

Que de morts chaque année dans les conflits qui opposent agriculteurs et éleveurs ! Les épisodes sanglants se multiplient, malgré les mesures prises au lendemain de chaque drame. Zone agricole mais aussi d’élevage, la région de l’Est n’est pas à l’abri de tels conflits. Du 14 au 16 juillet 2018, sur l’axe Fadji-Kompienga, nous étions en « transhumance ». Bienvenue dans les zones de pâturage, sur les pistes de la transhumance.

En cette période d’hivernage, les conflits entre agriculteurs et éleveurs ne manquent pas dans certaines contrées du Burkina en général, et dans la région de l’Est en particulier. De Fadji, un hameau de culture dans la province du Gourma, à la Kompienga, les difficultés des acteurs sur le terrain sont légion. Pour Boubacar Maïga, coordonnateur du Réseau de la communication sur le pastoralisme (RECOPA) de la région de l’Est, la sécurisation d’une zone de pâture se fait à la demande du village, d’un groupe de villages ou d’une collectivité. Les demandes peuvent concerner l’accompagnement à sécuriser une zone de pâture ou un couloir de transhumance.

À l’issue de cette demande, « nous allons sur le terrain et effectuons un diagnostic qui permet d’identifier le couloir de transhumance, les acteurs avec lesquels il faut travailler. C’est sur la base du diagnostic que se fait la planification des négociations, pour aboutir à la mise en place des infrastructures (pistes à bétail, couloirs de transhumance, points d’eau, etc.) », explique Boubakar Maïga.

C’est tout un processus qui inclut, par la suite, la création d’un comité de négociations au niveau local ; lequel comité regroupe les représentants des éleveurs, des agriculteurs, de la chefferie coutumière dans une ou plusieurs localités, avec également l’implication des conseillers et les Comités villageois de développement (CVD).

« Pendant les négociations, et à chaque fois qu’il y a un accord, un procès-verbal, qu’on appelle accord social, est signé. Ainsi, la personne s’engage à libérer la zone et à accompagner le processus. Cet accord social est le document qui nous permet d’avancer vers une autre étape, qu’on appelle un forum de validation des accords sociaux qui est officié par le maire de la commune concernée, en présence des représentants des différents villages concernés pour la validation », a poursuivi le coordonnateur du Réseau de la communication sur le pastoralisme.

Boubakar Maïga précise par ailleurs que le représentant de chaque village lève la main en signe d’approbation de la nouvelle piste rurale et, ce, en présence des autorités (maire, préfet ou son représentant), des différents services techniques, les chefs coutumiers concernés. Un procès-verbal est alors dressé pour acter le forum de validation des accords sociaux.

De ses explications, il ressort qu’au forum succède la sortie de reconnaissance officielle avec les collectivités, les services techniques, pour toucher du doigt l’infrastructure, visiter ses limites, etc. À l’issue de cette visite, un procès-verbal sur les reconnaissances est signé. Par la suite, une entreprise est recrutée sur la base du document pour poser les balises qui vont matérialiser les limites de l’infrastructure. « Mais après, nous procédons à la mise en place d’un comité de gestion qui reçoit un certain nombre d’outils qui vont leur permettre d’assurer la surveillance… », a-t-il conclu.

Malgré cette précaution dans la mise en place des zones de pâture, les conflits entre agriculteurs et éleveurs ne manquent pas dans la région. À Fadji, où il existe une aire de repos pour animaux et une zone de pâture, la réalité sur le terrain n’est pas toujours reluisante, selon El hadj Abdoulaye Boly, personne-ressource auprès des éleveurs. « Ici à Fadji, nous rencontrons un certain nombre de difficultés, notamment l’insuffisance d’eau pour l’abreuvage des animaux et des populations qui y vivent, malgré la réalisation d’un forage, par RECOPA, qui est d’ailleurs géré par un comité. Sur l’aire de repos que vous voyez, chaque vendredi, les animaux transitent par-là pour la commercialisation ou la transhumance et notre propre bétail n’a pas accès à l’eau ce jour. Il faut que les autorités se penchent sincèrement sur la question afin de nous soulager », a-t-il déploré. El Hadj Abdoulaye Boly a, toutefois, précisé que les relations avec les agriculteurs sont « quand-même acceptables ».

Après Fadji, une escale à Yamba a permis de constater ce qui a été fait. Pour Moumouni Sondé Rouga, berger, grâce au RECOPA, les éleveurs disposent d’un magasin d’aliments à bétail. Il note cependant que la difficulté majeure est le manque de stocks. « Nous avons un marché à bétail, mais il faut que les collectivités nous aident pour la bonne gestion de ces infrastructures.
Nous avons beaucoup d’animaux qui sont en transhumance et les éleveurs préfèrent y rester, malgré les agressions et les conflits qu’ils rencontrent dans ces zones de transhumance », a-t-il fait savoir. Concernant les agriculteurs, il a expliqué que « ce n’est pas facile ».
« Nous essayons de faire de notre mieux pour ne pas se manquer, mais les provocations existent chaque fois », regrette-t-il.

Cap sur la Kompienga, le 16 juillet 2018. Là, le constat est amer. En effet, la plus grande piste à bétail, une piste internationale, qui taverse la Kompienga, zone frontalière de deux pays côtiers (Togo et Bénin) jusqu’au Sahel en passant par les provinces du Gourma et de la Gnagna, a été obstruée par des champs et des populations qui y enlèvent (creusent) de la terre pour vendre. Cette piste a connu quelques modifications, notamment la déviation au niveau du commissariat de police et du lycée départemental Lumière de Kompienga.

Mardja Namoano, agriculteur sur la piste, a indiqué que c’est par manque d’espace qu’il cultive sur la piste « juste pour survivre ». Et de renchérir que les animaux, de passage, broutent ses cultures. Cependant, il reconnaît qu’il occupe illégalement une piste à bétail. Salam Kaboré, cet autre résidant de la localité depuis 20 ans et père de 30 enfants, admet également que son champ a obstrué la piste. Il précise, à cet effet, qu’il n’a pas d’autres alternatives, car pratiquant une agriculture de subsistance.

Selon Salif Sawadogo, correspondant de RECOPA dans la province de la Kompienga et membre du comité de gestion du marché à bétail, entre un champ et une piste à bétail, il faut, en principe, 150 mètres, hors agglomération. « Quand nous constatons que des gens sont en train d’obstruer la piste, nous le signalons à l’autorité compétente, car nous-mêmes n’arrivons plus à les contrôler. Je puis vous dire que c’est la police, elle-même, qui les surveille actuellement », note-t-il.

Salif Sawadogo suggère la prise de mesures plus fortes, parce que le phénomène prend de plus en plus de l’ampleur malgré les sensibilisations du RECOPA et celles des services des ressources animales. « Il faut appliquer les textes avec vigueur et rigueur », a-t-il insisté.

Pour sa part, Seydou Barry, un berger, qui intervient dans les pays frontaliers, notamment le Togo et le Bénin, estime qu’il faut des actions concrètes et fortes de la part de l’État pour libérer les zones de pâture illégalement occupées et pour lutter contre le phénomène d’obstruction des pistes. Lire la suite

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Vos commentaires

  • Le 24 août 2018 à 09:55, par Kôrô YAmyélé En réponse à : Conflits agriculteurs-éleveurs : Sur les pistes de transhumance de l’axe Fadji-Kompienga

    - Mes amis, disons-nous la vérité, tout ça c’est la faute des politiques et des agriculteurs :

    1/- Les Politiques  : Ils n’ont jamais eu une vision concrète du développement de l’élevage depuis l’indépendance du pays. Ils ont vu l’élevage à travers le prisme dominant de leurs sociétés agricoles dominantes d’où ils sont venus. Alors, concept d’habitus de Pierre Bourdieu oblige, ils ont construit des politiques d’élevage en ne pensant qu’aux petits ruminants, aux porcins et aux volailles qu’ils ont connu dans leur enfance aux villages. Ils ont négligé le côté élevage bovin avec ses exigences qu’ils ignorent totalement. Et comme parmi les agents d’élevage ils y avaient très peu de peuls dans le temps, ils sont restés inaudibles et donc n’ont pas pu alerter ni orienter de ce que les politiques d’élevage sont inadaptés à l’élevage bovin notamment. Et à la longue, les nomades sont devenus comme des parias qu’il faut éloigner. Même de nos jours les agents d’élevage ignorent royalement que l’élevage pastoral nomade contrairement À tout qu’on peut penser, ne détruit pas l’environnement mais l’entretien du fait de la répartition de l’exploitation des ressources

    2/- Les agriculteurs  : En réalité dans ce pays, les conceptions des politiques de développement ont surtout mis l’accent sur l’agriculture. L’élevage a toujours été le parent pauvre et ce n’est que récemment qu’il a eu un ministère entier. Allez demander au Dr Boubacar LY de Dori pour quelle raison il a démissionné. Sinon il fut même Directeur d’ORD ! Il n’a jamais pu faire imprimer sa vision de l’élevage au Burkina aux décideurs politiques, et pour ne pas se rendre complice de la destruction du secteur élevage, il a quitté et est allé créer son APESS ! Notre État a privilégié l’agriculture. Dans les années 70 on a distribué en masse des charrues bovines (CH9), asines (CH6) et des houes Manga aux agriculteurs pour qu’ils intensifient l’agriculture, c’est-à-dire mieux travailler le sol pour faire une bonne récolte par unité de surface et ne pas avoir besoin de défricher beaucoup pour avoir la même récolte. Et c’est exactement le contraire qu’ils ont fait ! Ils ont eu les charrues ? Alors ils ont agrandi les champs, rendant impossible la pâture des animaux car ces agriculteurs ont occupé tout l’espace. Ensuite l’introduction de la culture du coton a encore accentué la destruction de l’élevage nomade (ça j’en parlerai un autre jour !) tout en introduisant la monétarisation dans les économies aux villages. Ainsi au lieu d’une calebasse de lait troquée contre une calebasse de mil, l’argent est devenu l’intermédiaire. L’individualisme et devenu plus grand et le chacun pour soi a dominé tout et a déstructuré la société dans les villages. Les champs collectifs de famille ainsi que les greniers collectifs ont progressivement disparus. Désormais pour agrandir les champs, on chasse les peuls, on abat leurs animaux parce qu’ils n’ont de bases territoriales fixes c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas indexer un village et dire que c’est le leur. Aucun peul ne peut le faire dans ce pays même s’il a fait 100 ans dans un village ! Le peul n’est autochtone nulle part ! Ils sont tous de la société d’adhésion et non de la société d’appartenance, ce qui les fragilise partout. Et comme les agriculteurs sont les plus nombreux, donc plus électeurs, les politiciens ont tendance à les favoriser. Voilà la vérité !

    Conclusion : Crachons-nous la vérité : les agriculteurs (cultivateurs) sont la pègre de ce pays ! Trop d’investissements pour eux, Trop nombreux car 80% de la population active et incapables d’assurer l’autosuffisance alimentaire. Il faut cesser d’être complaisant avec eux désormais et exiger d’eux des résultats !

    Par Kôrô Yamyélé

  • Le 24 août 2018 à 15:39, par un gondwanais En réponse à : Conflits agriculteurs-éleveurs : Sur les pistes de transhumance de l’axe Fadji-Kompienga

    Même si je comprend mal, le lycée départemental et le commissariat, des structures étatiques, ont été construits sur l’emprise de la piste.Et on accuse les agriculteurs de s’y installer ? par ailleurs, où cultivaient Mardja Namoano et Salam Kaboré avant d’occuper la piste ? Qu’ils y retournent ; ou bien c’est la piste qui a empiété leurs domaines ? Le respect des textes nous aurait épargné ces conflits.

  • Le 25 août 2018 à 12:23, par Juste Vision En réponse à : Conflits agriculteurs-éleveurs : Sur les pistes de transhumance de l’axe Fadji-Kompienga

    Kôrô Yamyélé, Rien à redire !
    Vous avez si bien peint le tableau qu’il n’y a plus besoin d’aller voir un peintre.

    Le non respect des textes en matière de transhumance est de loin la principale source conflictogène entre éleveurs et agriculteurs : Force doit rester à la loi !

    Ceci dit, aujourd’hui, l’élevage est le troisième produit d’exportation du Burkina Faso avec une contribution de 12% au PIB avec plus de 26% aux recettes d’exportation, pour seulement moins de 1,5% de budget alloué au ministère en charge de l’élevage !

    A t-on besoin d’être un diplômé hautement qualifié venu directement de Harvard pour savoir qu’il y’a maldonne ???

    Pour un réel essor économique et social du Burkina Faso, il faudrait que nos intellectuels politiques se départissent de la politique politicienne et des préjugés de tous ordres, puis travailler sur la base d’éléments objectifs guidés par une juste vision de ce que nous voulons pour l’ensemble des Burkinabè.

    C’est bien possible ! Il faut juste une bonne dose de clairvoyance et de volonté.

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