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Gouvernance forestière : Ce « protocole » qui bloque l’effectivité du transfert des compétences et des ressources aux collectivités

Publié le mercredi 1er août 2018 à 12h35min

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Gouvernance forestière : Ce « protocole » qui bloque l’effectivité du transfert des compétences et des ressources aux collectivités

Le Groupe de recherche-action Burkina sur la gouvernance forestière (GAGF) veut contribuer à protéger et promouvoir les ressources naturelles du Burkina. C’est pourquoi il a organisé une caravane de plaidoyer, du 23 au 26 juillet 2018, dans trois régions du pays. Le périple a conduit les caravaniers à Léo (Centre-Ouest), Kongoussi (Centre-Nord) et Gomponssom (province du Passoré, région du Nord). A Gomponssom, le 26 juillet, l’accent a été mis sur le « transfert des compétences et des ressources aux collectivités territoriales ». C’est le président du Réseau des communes pour la gouvernance forestière locale, Jean Claude Louari, par ailleurs maire de la commune de Fada N’Gourma, qui a présenté la communication principale. Dans l’entretien ci-après, il rappelle la genèse du processus, présente la situation actuelle et fait des propositions à l’ensemble des acteurs. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Veuillez-vous présenter

Jean Claude Louari (J.C.L.) : Je suis le maire de la commune urbaine de Fada N’Gourma et je suis le président du Réseau des communes pour la gouvernance forestière locale. C’est d’ailleurs à ce titre que je participe à cette caravane de plaidoyer.

Lefaso.net : Où en est-on avec le transfert de compétences et des ressources aux collectivités, plus de 10 ans après le début du processus de la décentralisation intégrale au Burkina ?

J.C.L. : La question de transfert est née avec la communalisation intégrale et suite à l’adoption du code général des collectivités territoriales, le 21 décembre 2004. Depuis cette date, il y a eu l’installation des communes rurales, l’installation des conseillers régionaux, mais pour que l’ensemble des collectivités puissent accomplir leurs missions, il est important que l’Etat puisse se dépouiller d’une partie de ses prérogatives au profit des collectivités. Il y a onze blocs de compétences.
Depuis quelques années, les premières compétences qui ont été transférées sont celles relatives à l’éducation, à la santé et à l’hygiène. Aujourd’hui, dans notre communication, nous avons dit qu’il s’agit d’un amorçage.

Quand vous prenez la question de l’éducation, il y a l’éducation, la formation professionnelle et l’emploi pour ce bloc de compétences. Mais, c’est essentiellement le volet éducation qui a été transféré avec le MENA qui donne un très bon exemple. C’est la même chose du côté du ministère de la Santé qui donne aussi un bon exemple. Mais, le volet Formation professionnelle qui fait partie du même bloc de compétences n’est pas encore transféré, de même que le volet Emploi qui est lié aussi à l’aspect jeunesse qui n’est pas non plus pris en compte. C’est pourquoi, nous disons amorçage de transfert des compétences.

Lefaso.net : Qu’en est-il du transfert des compétences dans le domaine de l’environnement et des ressources naturelles ?

forte mobilisation des acteurs locaux

J.C.L. : Jusque-là, le transfert n’est pas effectif dans ce domaine. En ce qui concerne le bloc « Environnement et gestion des ressources naturelles », la loi sur le transfert des compétences existe, les décrets d’application existent aussi. Ce transfert est consacré par deux décrets essentiellement : le décret 2014-928 pour les conseils régionaux et le décret 2014-929 pour ce qui est des communes. Ces décrets sont pris depuis octobre 2014, mais jusqu’à l’heure actuelle, ce n’est pas encore effectif parce que dans leur contenu, particulièrement à l’article 3, il est dit qu’un protocole doit être signé entre les différentes parties pour que ce transfert de compétences puissent être effectif.

Et c’est ce protocole qui n’existe pas encore. Il faut un comité interministériel composé de l’ensemble des acteurs (environnement, mines, eau et assainissement, santé, finances, administration territoriale et décentralisation). C’est l’ensemble de ces ministères qui composent le comité interministériel qui doivent définir un protocole type d’accord et le mettre à la disposition des gouverneurs pour que ce protocole soit ensuite signé par les gouverneurs et les Présidents des conseils régionaux d’une part et entre les gouverneurs et les communes d’autre part. Et c’est ce protocole qui est toujours attendu et qui bloque tout le processus.

Lefaso.net : Que doivent faire les différents acteurs pour accélérer le processus ?

J.C.L. : Qui dit exercice de compétences dit prise de conscience à la base pour que cette compétence puisse être exercée dans sa plénitude. Il faut donc que sur le terrain, nous puissions donner la preuve que nous sommes capables d’exercer cette compétence dans sa plénitude. L’autre volet de la démarche, c’est de pouvoir convaincre l’autorité centrale, l’Etat central à travers ses différents départements ministériels qu’à l’heure où nous parlons, les collectivités territoriales sont capables d’assumer pleinement ces missions.

la salle de conférence de la mairie de Gomponssom a refusé du monde

Ce sont les deux volets. Et c’est ce qui justifie l’organisation de cette caravane : parler avec la base, parler avec les services techniques déconcentrés de l’Etat, parler avec les ONG, parler avec les associations et ensuite parler avec le chef du gouvernement pour que ce plaidoyer soit complet afin que nous puissions bénéficier de ce transfert.

Lefaso.net : Beaucoup de choses ont été dites au cours de cette caravane, que retenez-vous et quelle appréciation en faites-vous ?

J.C.L. : Les différentes interventions sont allées dans le même sens que notre plaidoyer. Il n’y a pas meilleure acteur pour assurer une meilleure gestion des ressources naturelles, pour assurer meilleure gestion de l’environnement que ceux qui sont sur le terrain, ceux qui sont à proximité des préoccupations. S’ils sont responsabilisés, s’ils sont considérés comme acteurs de premier plan, on peut à travers la sensibilisation, à travers une participation active, mieux gérer ces ressources pour leur pérennisation.

Lorsqu’on parle on parle de transfert de compétences, il est question de transfert de pouvoir de décider, de transfert des ressources financières pour permettre d’exercer cette compétence et de transfert des ressources humaines. Très souvent, nous nous retrouvons dans une situation où on transfère une partie des ressources, on transfère le pouvoir, mais les ressources humaines ne suivent pas et on se retrouve surpris que les collectivités ne soient pas capables d’exercer pleinement ses compétences.

Pour nous, pour qu’un transfert soit complet, c’est trois éléments, à savoir : transférer la compétence à travers la prise de textes réglementaires, transférer les ressources financières pour permettre d’exercer pleinement ce pouvoir et mettre à disposition des collectivités les ressources humaines qui exerçaient déjà cette compétence afin qu’ils puissent continuer au niveau des communes.

Propos recueillis par Moussa Diallo
Lefaso.net

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