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Gouvernance forestière : Une caravane de plaidoyer pour sauver le karité

Publié le jeudi 26 juillet 2018 à 15h00min

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Gouvernance forestière : Une caravane de plaidoyer pour sauver le karité

Quatrième produit d’exportation du Burkina, le karité occupe une place importante dans l’économie nationale. En 2016, notre pays était le 2e producteur mondial du beurre de karité après le Nigéria. Et ce sont des milliers, voire des millions de personnes, qui vivent des produits dérivés de l’arbre à beurre, encore appelé « cacao du Sahel » ou « or des femmes ». Mais l’arbre à karité se trouve actuellement dans une situation alarmante, du fait de l’action de l’homme et des aléas climatiques. D’où la nécessité de trouver des voies et moyens pour assurer sa pérennisation. C’est dans ce cadre que s’inscrit la caravane de plaidoyer organisée par le Groupe d’action-recherche pour la gouvernance forestière (GAGF), du 23 au 26 juillet 2018, qui était à Léo, les deux premiers jours.

Sur initiative de l’ONG Tree Aid, le Groupe d’action-recherche pour la gouvernance forestière (GAGF) a conduit une caravane de plaidoyer dans trois régions du Burkina, du 23 au 26 juillet 2018. Il s’agit des régions du Centre-Ouest, du Centre-Nord et du Nord. Quatre jours durant, les caravaniers constitués de parlementaires, d’élus locaux, de responsables d’ONG et d’associations, de représentants de projets et programmes nationaux et de journalistes vont sillonner les villes de Léo (province de la Sissili), Kongoussi (province du Bam) et Gomponsom (province du Passoré). Avec pour objectif de mener des messages de plaidoyer, de sensibilisation, d’information et d’échanges sur trois thématiques, à savoir : le karité et sa filière ; la vulgarisation et l’application des textes législatifs et réglementaires en lien avec les activités du secteur agro-sylvo-pastoral ; et le transfert des compétences et des ressources aux collectivités territoriales en lien avec la gouvernance forestière et la gestion des ressources naturelles.

Pour la première étape, c’est la ville de Léo dans la province de la Sissili qui a accueilli les caravaniers. Là, le thème principal était « La survie du karité et la gestion de sa filière ». Et, c’est Korotoumou Ouédraogo, membre du GAGF, qui a présenté la principale communication. « L’arbre à karité, appelé arbre à vie, arbre à beurre, cacao du Sahel, l’or des femmes, est le 4e produit d’exportation du Burkina après l’or, le coton et la filière bétail/viande.
Espèce intégralement protégée, le karité est fortement menacé par la faiblesse de la législation, la coupe du bois pour le ménage et la carbonisation, les feux de brousse, la cueillette des fruits immatures, les mauvaises pratiques culturales, les attaques parasitaires, le non-respect des ressources, les aléas climatiques », a-t-elle soutenu.

De 230 pieds par hectare à 11 pieds par hectare

Etayant ses propos, elle a rappelé qu’en 1960, le parc de karité au Burkina était de 230 pieds par hectare, contre seulement 11 pieds par hectare en 2004. D’où la nécessité d’entreprendre des mesures vigoureuses pour inverser cette courbe alarmante de la situation du karité. La région du Centre-Ouest fait partie des plus nanties, avec le 3e plus grand parc de karité au Burkina, après les Hauts-Bassins et les Cascades. En effet, elle dispose encore d’environ 43 455 260 pieds, soit 19,72 pieds par hectare. Qu’à cela ne tienne, il faut agir pendant qu’il est encore temps, car « la prospérité de la filière karité passe par la pérennisation de l’arbre », a-t-elle rappelé.

Abdoul Manane Nébié, Maire de Léo

L’arbre à karité se raréfie au Burkina. Avec pour conséquence la baisse drastique des quantités d’amandes du fait de cette dégradation importante des peuplements de karité, de leur vieillissement et la difficile régénérescence de l’arbre qui met 15 à 20 ans avant de commencer à produire. À cela s’ajoute la faible organisation des acteurs directs de la filière, le peu de professionnalisme des transformatrices qui utilisent des techniques et technologiques traditionnelles peu performantes et la promotion de la filière sans prégnance de la préservation de l’arbre.

Des mesures fortes pour inverser la courbe

Baba Blaise Sawadogo

Pour inverser la donne, la communicatrice a alors préconisé plusieurs mesures dont la mise en cohérence des textes législatifs et réglementaires relatifs à la promotion du karité et de sa filière, l’application rigoureuse des textes interdisant la coupe de l’espèce, la mise en place d’unités de transformation, l’appui à la recherche pour le développement des techniques et technologies d’amélioration de l’espèce et l’accélération de la croissance du karité, la professionnalisation des acteurs, l’investissement dans le karité ainsi que l’intensification de l’activité de reboisement. Un message bien reçu du côté des acteurs.

Mieux, certains ont pris des engagements fermes. Ainsi, la Fédération Nununa des femmes, qui s’adonne déjà à la transformation semi-traditionnelle, s’est dit engagée à protéger davantage cet « or vert », à travers la dénonciation de la coupe de l’arbre et des techniques insidieuses pour « aider l’arbre à mourir ».

Désiré Ouédraogo

Les autorités décentralisées, tout en s’engageant à jouer pleinement leur partition, ont souhaité être intégrées dans les plans d’aménagement forestier et la perception des textes. Mieux, elles exigent le transfert effectif des compétences et des ressources dans le domaine des ressources naturelles afin d’occuper pleinement la place qui est la leur. Abondant dans le même sens, les autorités déconcentrées ont également pris la ferme résolution de jouer leur partition, tout en invitant les acteurs à occuper toute la place qui leur revient dans ce combat.

Toute chose qui favorisera la protection, la préservation et la promotion du karité et de sa filière.
Après Léo, les caravaniers ont mis le cap sur Kongoussi, chef-lieu de la province du Bam. Là-bas, l’accent sera mis sur la vulgarisation et l’application des textes législatifs et réglementaires du secteur agro-sylvo-pastoral.

Moussa Diallo
Lefaso.net


Propos de quelques acteurs

Désiré Ouédraogo, chargé de programme de l’ONG Tree Aid : « Le karité, c’est notre cacao »
Tree Aid se réjouit de voir l’ensemble des acteurs se retrouver pour discuter des questions environnementales, et particulièrement le karité, qui est l’or vert du Burkina. Nous avons une mission qui est d’accompagner les communautés les plus démunis.

Ce cadre d’échanges permet d’interpeller les autorités locales et les structures de base en passant par leurs structures organisées sur l’importance de l’espèce karité dans leur milieu de vie, dans l’amélioration de leurs conditions de vie. Ce sont des aspects sur lesquels, il faudrait insister pour que les gouvernants en tiennent compte car c’est notre cacao

Abdoul Manane Nébié, maire de Léo

Nous, on a répondu présent. On a soutenu la filière karité. La réserve sur laquelle exerce l’Association Nununa, nous avons délibéré en conseil municipal pour leur attribuer ce site-là afin d’améliorer les activités de production de beurre de karité. Aussi, pour préserver l’environnement dans nos communes, nous avons délibéré pour créer nos propres forêts communales dans les 19 villages de la commune.

À quelques kilomètres de Léo, nous avons aménagé environ 80 km de forêt que nous allons classer, en attendant le transfert de compétences et de ressources pour qu’on puisse avoir un regard pointu sur le patrimoine forestier de la commune. Ce qui est fait par l’Etat central est bien, mais il faut que le processus soit accélérer au niveau du ministère de l’Environnement pour nous permettre d’avoir un regard pointu sur les forêts.

Méounata Aouba, membre de la Fédération Nununa

Nous sommes une coopérative qui produit du beurre de karité. Nous sommes interpellées parce que nous faisons partie des premiers à s’engager dans cette filière. Donc, nous demandons aux autorités de nous aider à protéger cette ressource qui fait la fierté de la femme rurale au Burkina.
On s’est engagé à protéger l’arbre à karité à travers une journée de plaidoyer organisée en 2006 déjà sur les mauvaises pratiques c’est-à-dire la cueillette des fruits immatures, la coupure abusive du bois…

Nous n’avons fait qu’une petite partie, il y a toujours beaucoup à faire pour protéger davantage l’arbre à karité et les pratiques qui permettent de le régénérer. Nous voulons aussi des moyens pour aménager les espaces sur lesquels nous produisons, car nous produisons aussi du fourrage pour les éleveurs, on veut aussi produire du miel dans ces parcs, on veut également mettre en place des diguettes pour empêcher l’érosion au niveau de ces espaces…
C’est autant d’activités que nous menons et nous voulons davantage d’appui de la part des autorités. C’est six zones que nous avons identifié, si nous pouvions étendre davantage ces activités à d’autres zones, ça va aider à la protection de notre ressource.

Baba Blaise Sawadogo, membre du GAGF

Nous accompagnons le Centre pour la gouvernance forestière que nous avons créé en 2016. Les échanges de ce matin répondent complètement à nos attentes. Nous avons organisé la caravane de plaidoyer pour attirer l’attention sur des préoccupations liées à la gouvernance et à l’exploitation des ressources forestières, notamment les produits forestiers non ligneux et pour l’étape de Léo, c’est le karité parce que nous voyons l’importante richesse que comporte le karité, mais nous voyons également les menaces sérieuses qui pèsent sur l’espèce.

Ce que nous voulions, c’est de faire prendre conscience et partager avec les acteurs sur ce qu’il faut faire, sur l’engagement que chacun doit prendre pour qu’on préserve cette espèce et pour qu’on valorise les richesses qu’elle peut apporter à nos femmes, nos jeunes et à toutes les populations. Les partages ont été riches et nous pensons que c’est bien parti pour cette caravane de plaidoyer.

Les échanges ont fait ressortir ce qu’il faut faire pour redresser la barre. D’abord, il faut revisiter les textes pour s’assurer qu’ils sont pris, compris et vulgarisés. Il faut ensuite que ceux qui sont chargés des contrôles soient sans complaisance. Le karité est une espèce intégralement protégée et il ne faut pas se cacher derrière de faux-fuyants tels que cet arbre est mort, donc je peux le couper. Donc, même mort, on ne doit pas le couper sans autorisation préalable.

Un autre aspect, c’est que les femmes bénéficiaires de ces ressources ont aussi attiré l’attention sur ce qu’elles peuvent faire pour contribuer à la préservation de l’arbre. Enfin, les collectivités qui, avec l’Etat doivent concourir à la préservation de la ressource et à la mise à disposition de ces ressources pour l’amélioration des conditions de vie de la population. Et les communes de la province, particulièrement celle de Léo, s’engagent à faire tout ce qu’il faut pour que l’arbre soit préservé et pour que les ressources soient valorisées.

Propos recueillis par M.D.

Portfolio

  • photo de famille des caravaniers
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Vos commentaires

  • Le 1er août 2018 à 10:08, par Kalifa traore En réponse à : Gouvernance forestière : Une caravane de plaidoyer pour sauver le karité

    Il faut sauver le karité. Les autorités doivent prendre des decisions courageuses et la recherche doit mettre á la disponibilité des pepineristes et des producteurs les technologies prouvées de regeneration et de plantation du karité

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