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Détention de Naïm Touré : Le Comité d’initiative pour la défense et la protection des utilisateurs des réseaux sociaux exige sa libération

Publié le mercredi 18 juillet 2018 à 18h48min

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Détention  de Naïm Touré : Le Comité d’initiative pour la défense et la protection des utilisateurs des réseaux sociaux exige sa libération

Reconnu coupable d’« incitation de troubles à l’ordre public », l’activiste Naïm Touré a été condamné à deux mois de prison ferme par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou, le mardi 3 juillet 2018. A travers cette déclaration, le Comité d’initiative pour la défense et la protection des utilisateurs des réseaux sociaux exige la libération de l’activiste et le retrait des projets de lois en gestation sur l’encadrement des réseaux sociaux.

Le 14 juin 2018 Naïm TOURE, activiste et lanceur d’alerte connu de beaucoup d’utilisateurs de Facebook au Burkina Faso s’est rendu volontairement à la gendarmerie de Paspanga sur convocation. Il sera gardé à vue dans les locaux de cette gendarmerie avant d’être présenté au juge seulement dans la matinée du mardi 19 juin 2018 soit cinq jours de garde vue ! À la suite de cela l’activiste sera immédiatement écroué à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). L’opinion publique nationale et internationale seront alors informées des présomptions qui pèsent sur l’activiste :
- Participation à une opération de démoralisation des forces de défense et de sécurité (FDS) ;
- Proposition aux forces de défenses et de sécurité de former un complot contre la sûreté de l’Etat et ;
- Incitation de troubles à l’ordre public.

Au vue de ces chefs d’inculpation beaucoup de citoyens de bonne foi et partisan de l’Etat de droit ont jugé qu’il devrait certainement avoir autre chose que le seul post de Naïm qui était mis en avant comme étant la cause de son arrestation. En effet, ce post ne contenait rien d’autre qu’une indignation normale face au sort d’un soldat qui a risqué sa vie pour sa patrie dont l’évacuation trainait anormalement.
Cette indignation accompagnée d’un appel, tout aussi normal, à se préoccuper de leur sort adressé aux FDS peut – elle conduire à de tels chefs d’inculpation ? Assurément non ! Si cela devrait être le cas, alors beaucoup de ceux qui dirigent ce pays en ce moment et même certains utilisateurs de Facebook seraient en prison car il y a eu « pire » dans ce pays.

C’est donc légitimement que des citoyens de bonne foi attendaient le débat contradictoire au procès pour y voir clair ! Malgré les déclamations de beaucoup d’utilisateurs des réseaux sociaux et d’organisations diverses qui avaient anticipé un dossier vide et qui avaient exigé la libération immédiate et sans condition de l’activiste – lanceur d’alerte, le procès tenu finalement le 27 juillet 2018 gardait tout son intérêt.

C’est sans grande surprise qu’au terme du procès le procureur a finalement requis la peine minimale possible au regard des chefs d’inculpation. Il ne pouvait en être autrement puisque le dossier est vide ! Ce qui était censé être un flagrant délit s’est révélé être un dossier sans contenu, une coquille vide, un cirque ! Malgré cela le tribunal a trouvé le moyen d’acquitter Naïm TOURE pour les deux premiers chefs d’inculpation et le déclarer coupable de trouble à l’ordre publique par « provocation non suivi d’effets » ! Pour cela il lui sera collé deux (02) mois de prison ferme !

En résumé, pour un poste sur Facebook s’indignant sur ce qui s’apparente à une négligence et un appel à ce que les premières victimes se prennent en charge, des juges ont trouvé une acrobatie pour priver de sa liberté un citoyen burkinabè ! De bout en en bout le cirque auquel on a assisté a donné l’impression que Naïm TOURE avait posé des actes très graves !
Un juge a même osé parler de « flagrant délit » ! Une garde – à vue prolongée, une incarcération immédiate après audition et inculpation ! Bref ! On aura eu l’impression que M. TOURE était sur le point de renverser le pourvoir du mouvement du « peuple » pour le « progrès » et alliés ! Pourtant il n’en était absolument rien ! Ni le procureur dans ses réquisitions, ni les juges en le condamnant n’apportent d’éléments contre l’activiste Naïm TOURE !
Que retenir de tout cela ?

Il apparait clairement au regard de tout ce qui précède que c’est l’opinion exprimée par Naïm TOURE et qui était ou qui aurait pu être le nôtre qui a été punie ! En effet il s’agit belle et bien d’une punition et non d’une condamnation d’un délit car il n’y a aucun délit ! La décision des juges telle qu’elle est libellée prend une dimension à laisser tout citoyen pantois quant à l’avenir des libertés au Faso, en particulier la liberté d’expression.

Quand on relaxe quelqu’un pour des faits de participation à une entreprise de démoralisation des FDS, et pour des faits de proposition non agréée à fomenter un complot contre la sureté de l’Etat et qu’on le déclare coupable d’incitation de trouble à l’ordre public non suivi d’effet, il y a une incohérence évidente ! En effet la formulation des préventions par le parquet montre à souhait que ces infractions sont liées.
En clair, ce sont la démoralisation des FDS et le complot contre la sureté de l’Etat qui à priori devraient être à l’origine des troubles à l’ordre public. En l’espèce, l’infraction d’incitation de trouble à l’ordre public n’est pas autonome. Elle est liée et dépend de la constitution des deux premières.

Comment peut – on innocenter l’accusé pour les deux premiers chefs d’inculpation et le trouver coupable pour le dernier. Au-delà de cet état de fait qu’est-ce qui dans le poste de Naïm est une incitation de troubles à l’ordre public ? Comme indiqué plus haut, si ce post tombe sous le coup de ce délit fourre-tout, arme des dictatures, alors la majorité des utilisateurs des réseaux sociaux feront des aller – retours en prison et nous pouvons faire le deuil de la liberté d’expression chèrement acquise.

C’est donc une attaque sans précédent contre la liberté d’expression sur les réseaux sociaux qu’on vient de vivre ! Par ricochet, il s’agit d’un recul démocratique car comme indiqué dans l’arrêté Handyside du 7 décembre 1976, portant sur une affaire de presse en Grande- Bretagne "La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun.
Sous réserve des restrictions mentionnées, notamment dans l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, elle vaut non seulement pour les informations ou les idées accueillies avec faveur, ou considérés comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles

qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’y a pas de société démocratique."

Face à cette attaque sans précédent, au-delà de Naïm TOURE dont il faut condamner la séquestration par une justice visiblement acquise aux ennemis de la liberté d’expression, tous les démocrates, tous les patriotes, en particulier utilisant les réseaux sociaux doivent s’organiser et opposer la résistance qui sied. Ce précédent extrêmement dangereux ne doit pas passer et il ne passera pas.

Ainsi au regard du développement de cette affaire, nous appelons toutes les organisations de la société civile qui ont manifesté leur soutien à Naïm TOURE, tous les démocrates sincères à se démarquer de la campagne mensongère entreprise par le pouvoir en place sur le cas Naïm TOURE. Par ailleurs nous appelons tous les démocrates, tous les patriotes à :

- Rejeter cette condamnation de Naïm TOURE qui est de fait une condamnation de la liberté d’expression ;
- Exiger la libération sans condition de Naïm Touré ;
- Exiger l’arrêt des harcèlements des activistes et lanceurs d’alerte en particulier Naïm TOURE,
- Exiger le retrait pur et simple des projets de lois en gestation sur l’encadrement fasciste des réseaux sociaux ;
- Exiger que tous les responsables militaires et civiles impliqués dans la mauvaise prise en charge du soldat Henry TRAORE soient traduits devant les juridictions compétentes pour répondre de leur acte.

Non aux atteintes des droits du citoyen, en particulier sur les réseaux sociaux !
Non à l’utilisation de la justice pour assurer le recul démocratique !
Non aux harcèlements et aux intimidations des utilisateurs des réseaux sociaux en particulier les activistes et lanceurs d’alerte !
En avant pour la défense et le renforcement de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux !

Pour la liberté, la vérité et la justice véritable, en avant !
Ouagadougou, le 13 juillet 2018
Signé
Pour le Comité d’Initiative, Almamy KJ, porte-parole
Tel : +226 71 61 64 51

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