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Analyse critique du programme d’enseignement de ECM

Publié le vendredi 17 mai 2019 à 15h39min

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Analyse  critique du programme d’enseignement de ECM

Cette recherche fonde son approche sur la conviction que l’éducation civique et morale fait partie intégrante des fonctions de l’école et constitue l’un des principaux vecteurs de l’inclusion sociale et culturelle des générations d’apprenants. Mais comment outiller les apprenants de l’école primaire à pouvoir réinvestir les valeurs civiques et morales au Burkina Faso ? Ce papier donne des pistes à travers l’analyse du dispositif formel en termes de programme d’éducation civique et morale en vigueur au cours préparatoire et moyen au Burkina Faso. Comme indiqué dans le titre, l’analyse se limite au cours préparatoire et moyen.

Introduction

La nécessité d’instruire et d’éduquer les élèves de l’école primaire aux valeurs morales et civiques n’est pas une chose nouvelle. Elle fait depuis longtemps partir des préoccupations des citoyens du monde entier en général et des burkinabè en particulier. C’est pourquoi dans les buts et finalités de l’éducation au Burkina Faso la question des valeurs apparait explicitement dans la loi n°013-2007/AN du 30 Juillet 2007 portant loi d’orientation de l’éducation au Burkina Faso. Cette loi précise en son titre II article 61 que « le système éducatif burkinabé a pour finalité : de permettre au jeune Burkinabé d’assimiler les valeurs spirituelles, civiques, morales, culturelles, intellectuelles et physiques de la société ainsi que les valeurs universelles, fondement de l’éducation au Burkina Faso ; d’assurer un développement intégral et harmonieux de l’individu ».

L’enseignement de l’éducation civique et morale est prévu dans le dispositif du système éducatif burkinabé depuis la réforme des programmes de 1962. Il consistait à transmettre aux enfants des valeurs civiques et morales jugées nécessaires à une vie communautaire harmonieuse. Ce programme est jugé inadapté aux réalités de l’éducation et le ministère a adopté un nouveau programme d’éducation civique et morale par arrêté n° 93-090/MEBAM/CAB du 14 Octobre 1993.
À l’école primaire, les notions enseignées en morale et en éducation civique ont pour but de former des hommes et des citoyens capables de participer de manière consciente et positive à l’œuvre de construction de la nation. Ces notions sont entre autre les vertus individuelles, les bonnes habitudes, l’hygiène alimentaire, l’hygiène du milieu, l’organisation des activités de l’école, l’écocitoyenneté, le Burkina Faso (drapeau et l’hymne), la circulation routière et les droits et devoirs de l’enfant. Cependant force est de constater que certains élèves restent insensibles aux valeurs qu’on leur inculque c’est-à-dire que leurs comportements restent sans changement. Les pratiques courantes en termes d’incivilités que l’on constate çà et là dans les villes au Burkina Faso ont un effet d’entrainement dans le milieu éducatif où les valeurs morales peinent à s’imposer. Indiscipline, discourtoisie à l’égard du personnel enseignant, ignorance et non-respect des règles de la circulation routière, environnement physique insalubre, tels sont entre autres les maux qui minent l’école. Cette recherche analyse les points faibles du programme d’éducation civique et morale dans le développement des compétences des élèves en éducation civique et morale. La méthode adoptée pour la rédaction de cet article repose sur l’analyse du contenu du programme d’enseignement au cours préparatoire et moyen au Burkina Faso

1- Analyse critique du programme au cours Préparatoire (CP)

À propos de l’éducation morale, au Cours Préparatoire (CP), il est prévu deux chapitres. Le premier étudie les bonnes manières et le second les vertus individuelles à travers les thèmes suivants : la propreté, l’ordre, la politesse, l’obéissance, la franchise, la charité et l’amour des plantes. En éducation civique, trois chapitres sont au programme. Le premier chapitre qui porte sur l’étude de l’organisation de la classe et de l’école traite les thèmes sur : le règlement intérieur, la coopérative scolaire, le bien commun. Ensuite le deuxième traite du code de la route et des notions élémentaires de civisme à travers les thèmes suivants : où marcher, comment traverser une route, les panneaux de signalisation (feux tricolores, stop). Enfin, le troisième chapitre sur le civisme étudie la reconnaissance du drapeau, les attitudes à adopter lors de la montée et de la descente du drapeau, de l’exécution de l’hymne national.

Nous remarquons qu’en éducation civique et morale les bonnes manières et les vertus individuelles sont enseignées au cours préparatoire sauf le respect de l’autorité de l’État et les droits et devoirs de l’enfant qui sont des notions essentielles qui permettent de former des citoyens dignes et responsables. Par l’étude du respect de l’autorité de l’État, l’enfant saura qu’en insultant ou en lapidant son enseignant, en brûlant une école il s’expose à des sanctions disciplinaires. Notons que dans les écoles, ces actes sont récurrents d’où la nécessité de les intégrer dans le programme dès le Cours Préparatoire pour vraiment éviter l’indiscipline grandissante dans les écoles et atteindre les objectifs de l’enseignement de l’ECM. 

2- Analyse critique du programme au cours moyen

Au Cours Élémentaire et au cours moyen, nous avons pu retenir comme thèmes d’étude, l’organisation des structures traditionnelles et modernes dans l’environnement immédiat de l’enfant, les principales vertus individuelles et sociales, l’étude de l’organisation des activités de la classe et de l’école, le Burkina Faso, les devoirs du citoyen, la solidarité nationale. Signalons que dans ses deux cours les thèmes sont presque les mêmes d’où l’accumulation de leur étude. Pour l’organisation des structures traditionnelles et modernes dans l’environnement immédiat de l’enfant, les notions enseignées sont : la famille, le village et le secteur. Ces notions enseignées permettent à l’apprenant d’avoir une idée sur les différentes composantes de la société mais ne l’enseignent pas sur les règles qui régissent la vie en société. Or l’un des objectifs de l’enseignement de l’ECM est d’amener l’apprenant à intégrer harmonieusement sa société par le respect des principes de celle-ci. Ce thème pour être complet devrait aborder le respect d’autrui par l’enseignement des rapports inter-individus dans les structures traditionnelles et modernes en ce sens que dans chaque structure le respect n’est pas compris ni vu de la même façon. A titre illustratif, dans la société moderne, un enfant qui est à côté des adultes au moment où ceux-ci mènent un débat n’est pas mal perçu. L’on dira que cela lui permet de développer l’esprit de curiosité. Par contre dans la société traditionnelle quand des adultes s’entretiennent, l’enfant doit être loin d’eux pour ne pas les écouter et connaitre leurs secrets. Quant aux principales vertus individuelles et sociales, nous avons pu retenir comme notions enseignées, l’ordre, la franchise et la tempérance. L’enseignement de la notion de l’ordre est scindé en quatre (4) thèmes qui sont : la propreté, l’assiduité, la politesse et l’obéissance.

Nous constatons qu’une notion très capitale est occultée et n’est pas enseignée dans ce chapitre qui est le droit d’aînesse. Il est l’ensemble des comportements qu’un frère ou une sœur doit avoir vis-à-vis de l’ainée de la famille. L’enseignement de cette notion inculque des attitudes responsables au sein de la famille. Dans la famille si l’ainé est respecté, cela évite le désordre et impacte positivement la société entière étant donné que la famille est la première entité sociale ou l’enfant doit apprendre à respecter les personnes âgées. Toutes les bonnes manières doivent être inculquées à l’enfant par ses parents mais il est du devoir de l’école de sauvegarder ces valeurs en les enseignant. Pour l’enseignement de la franchise, les notions telles que le mensonge, la modestie, la charité, la gourmandise sont enseignées aux apprenants. Il est aussi enseignées les notions de la colère, tempérance, bonté et méchanceté. Pour l’étude de l’organisation des activités de la classe et de l’école il est à noter que les notions étudiées sont le règlement intérieur et la coopérative scolaires qui sont des notions en lien avec la citoyenneté. L’étude du règlement intérieur permet une gestion responsable de l’école et de la classe. Cependant, ce thème ne fait pas mention des principes que l’élaboration d’un règlement intérieur doit respecter c’est-à-dire impliqué les apprenants dans son élaboration. Or le respect du règlement intérieur dépend de l’implication de tous les acteurs.

Le thème traitant les notions sur le Burkina Faso s’est reparti en neuf chapitres qui sont : le sens de l’appellation Burkina Faso, les couleurs nationales, la devise qui consiste en une explication sommaire, l’hymne nationale, l’explication sommaire de hymne national, explication du titre ditanye, savoir chanter le ditanye, organisation administrative du Burkina faso. Nous constatons que l’étude de ces notions fait fi d’une notion capitale qui est le respect des couleurs nationales. L’étude du respect des couleurs nationales devrait être une priorité au cours élémentaire en ce sens qu’il apprend à l’enfant les attitudes qu’il doit adopter quand il est en face du drapeau. Aussi nous remarquons que les étapes de la montée et de la descente des couleurs nationales ne sont pas étudiées. Ensuite, les devoirs du citoyen ont été abordés dans les chapitres comme suit : le paiement des impôts et taxes, la participation au développement de son pays, la connaissance et le respect du code de la route, l’équipement du véhicule ou de l’engin, les panneaux de signalisation, comment rouler sur la voie publique, comment franchir les intersections, comment virer à gauche, comment effectuer un dépassement, la priorité à droite, le véhicule prioritaire.

L’étude des devoirs du citoyen ne fait pas cas du devoir de respect mutuel des individus. Elle guide le comportement de l’enfant dans tous les domaines de sa vie. Quel qu’en soit le milieu dans lequel il se trouve, l’enfant doit savoir qu’il a le devoir de respecter son prochain surtout les adultes. De ce chapitre, nous remarquons également l’absence des droits fondamentaux de l’enfant à savoir le droit à la vie, le droit à un acte de naissance, le droit à la santé et à l’alimentation. Pour ce qui est du droit à un acte de naissance, en apprenant l’importance de la détention de cet acte, l’enfant lui-même réclamera son acte de naissance à ses parents car dans les villages, le plus souvent les enfants n’ont pas d’actes de naissance quand il s’agit de les scolariser. Enfin, le dernier thème de ce cours traite les notions suivantes : les sans familles, les migrations, les catastrophes naturelles, les handicapés. À ce niveau également nous constatons l’absence de l’étude des notions comme la justice, l’équité et l’égalité qui peuvent accompagner l’étude de la notion de handicap. De l’étude de ces notions découlent la reconnaissance et le respect des droits et du mérite de chacun toute chose qui pourra aider les apprenants à vivre ensemble sans aucune ségrégation du moment où l’éducation intégratrice est prônée de nos jours dans l’enseignement apprentissage.

En résumé, il ressort de l’analyse des notions d’ECM prévues par le programme dans les écoles élémentaires de 1989-1990 qu’au cours préparatoire et moyen, l’école n’enseigne pas toutes les notions susceptibles de permettre à l’apprenant d’avoir des attitudes responsables vis-à-vis de ses pairs et de l’autorité de l’État, chose qui entre en contradiction avec les finalités de l’éducation et plus précisément l’ éducation civique et morale à l’école.

Conclusion

On le voit bien, le programme en vigueur dans les écoles primaires au Burkina Faso ne contient pas toutes les notions essentielles dont les élèves ont besoin pour une formation complète en éducation civique et morale. En effet, les contenus d’enseignement de l’ECM sont incomplets car certaines notions essentielles telles que le droit d’ainesse, le respect de l’autorité de l’État, les étapes de la montée et de la descente des couleurs nationales… ne sont pas prises en compte dans le programme. En l’état actuel, il est difficile que le programme puisse enraciner les élèves dans leur culture car certains éléments de cette culture ne font pas objet d’enseignement en ce sens qu’ils sont absents dans les contenus. Le dispositif formel d’enseignement à l’école primaire est donc limité en ce qui concerne la mise en œuvre de l’éducation civique et morale.

BONANÉ Rodrigue Paulin,
Chargé de recherche en philosophie de l’éducation,
Institut des Sciences des Sociétés (INSS) du Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) – Ouagadougou, Burkina Faso
Mail : rodbonane@yahoo.fr

Bibliographie

Ministère de l’Éducation Nationale et de l’alphabétisation, 1993, Programme d’enseignement des écoles élémentaires de 1989-1990. Ouagadougou
Ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation, 2009, Guide d’Éducation Civique et Morale sous cycle CM. Ouagadougou
Ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation, 2009, Guide d’Éducation Civique et Morale sous cycle CE. Ouagadougou
Ministère de l’enseignement de Base et de l’Alphabétisation, 2009, Guide d’Éducation Civique et Morale sous cycle CP. Ouagadougou

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