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Alban Zoungrana, 2e adjoint au maire de l’arrondissement N°5 de Ouagadougou : « Si l’UPC n’était pas dans l’opposition, peut-être que le Burkina était aujourd’hui dans un chaos »

Publié le mardi 29 mai 2018 à 00h47min

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Alban Zoungrana, 2e adjoint au maire de l’arrondissement N°5 de Ouagadougou : « Si l’UPC n’était pas dans l’opposition, peut-être que le Burkina était aujourd’hui dans un chaos »

Maître de la parole lors des grandes manifestations de son parti, l’Union pour le progrès et le changement (UPC), et même de certaines manifestations de l’opposition politique (meeting du 29 avril 2017), Raogo Alban Zoungrana fait partie des jeunes élus locaux du Burkina. Mieux, le jeune « lion » est porté, à ce titre, deuxième adjoint au maire de l’arrondissement N°5 (ancien Bogodogo) de la capitale. Jovial, courtois et fervent défenseur de la cause de son parti, Raogo Alban Zoungrana a bien voulu, à travers cette interview, scruter la vie de son parti, donner son analyse de l’actualité nationale et informer sur le fonctionnement du Conseil municipal de l’arrondissement 5 (désigné arrondissement le plus propre à la 14e édition de la Semaine nationale de la citoyenneté, en 2017, par le ministère de la Justice, des Droits humains et de la Promotion civique). Interview !

Lefaso.net : Comment êtes-vous arrivé en politique, notamment à l’UPC ?

Raogo Alban Zoungrana (R.A.Z.) : Je peux dire que mes premiers pas en politique ont commencé depuis le lycée à travers les mouvements associatifs (je suis en quelque sorte un pur produit des mouvements associatifs), les bureaux d’établissement, des organisations de la société civile. Mais ma vie politique à proprement dite part de 2005 où j’avais eu envie d’apporter ma contribution à la vie publique. En son temps, je regardais le paysage politique avec beaucoup d’appréhensions (parce que je suis aussi de ceux-là qui sont nés trouver Blaise Compaoré au pouvoir et je rêvais de voir une autre personne au pouvoir).

En 2005 donc, (élection présidentielle, ndlr), parmi les candidats en lice, j’avais opté de soutenir Me Bénéwendé Stanislas Sankara (président du parti sankariste, UNIR/PS, ndlr). J’étais à Réo en son temps et je militais pour accompagner, soutenir sa cause. Mais grande a été ma déception quand j’ai vu qu’au soir du scrutin, le candidat qu’il est (Me Sankara), n’a pas voté pour lui-même. Je me suis posé la question de savoir à quoi ont servi tous ces efforts que nous avons faits (même s’il a avancé des raisons à son acte, j’ai trouvé qu’elles n’étaient pas pertinentes). Dès lors, je me suis retiré un peu de tout ce qui est politique pour désormais me consacrer à tout ce qui était associatif. Je faisais maintenant partie de ceux-là qui ne croyaient plus à l’homme politique (démagogue, vendeur d’illusions…).

Mais, lorsque vous êtes sur le terrain en tant qu’association, vous avez des actions sur le terrain, mais ça se limite à là. Alors qu’on avait toujours critiqué l’action de l’homme politique. Je fais partie même de ceux-là qui critiquaient les actions de l’ancienne équipe de la mairie de Bogodogo (actuelle arrondissement 5), parce que je trouvais qu’elle ne faisait pas assez. Entre temps, je me suis demandé : mais si je pense que les autres ne font pas bien, qu’est-ce que je peux faire pour amener les choses dans le sens que je veux ? C’est bien de rester dehors pour critiquer, mais à un moment donné, c’est encore mieux d’entrer pour apporter ce que tu penses être bien.

Peu importe là où tu te trouves (majorité ou opposition), à un moment donné, ton avis doit compter. Donc, je me suis dit qu’il faut que je quitte un peu le carcan de la critique pour affronter la réalité sur le terrain (que chaque décision qui va être prise, même si elle ne m’est pas favorable, ait aussi ma part de contribution). Raison pour laquelle je me suis engagé en politique. Peu importe le bord, aujourd’hui, je suis dans l’opposition et même dans mon propre parti, s’il y a des critiques à faire, je les formule à qui de droit.

Lefaso.net : On peut retenir que vous avez été sympathisant de l’UNIR/PS à vos débuts. A quel moment avez-vous pris la décision de militer à l’UPC ?

R.A.Z. : C’est en 2010, à la création du parti. Je faisais même partie des premiers militants dans mon secteur (ex-secteur 30) où j’ai participé à l’assemblée générale de mise en place du bureau UPC du secteur. J’ai été le premier délégué du parti dans la zone A (l’ancien secteur 30 avait été divisé en trois zones).

Lefaso.net : Qu’est-ce qui a plaidé à ce que vous militiez à l’UPC ?

R.A.Z. : Je n’avais jamais eu l’occasion de rencontrer Zéphirin Diabré (président-fondateur du parti, ndlr), je ne le connaissais que de nom. Je connaissais également son parcours. En tant qu’élève/étudiant, c’est un monsieur sur qui j’avais quelques informations qui m’intéressaient beaucoup. Aussi, lorsque je regardais dans l’arène politique, je ne voyais pas le parti pour lequel je pouvais m’engager (je faisais partie de ceux qui s’opposaient au régime Compaoré). Je voulais être de l’opposition pour contribuer à ce qu’il y ait l’alternance.

L’UNIR/PS m’ayant aussi déçu non seulement par l’acte de son président dont je vous parlais plus haut, mais aussi par le modèle véhiculé par ce parti (je pensais que le parti n’incarnait pas vraiment le sankarisme comme on l’aurait souhaité et comme on nous l’a appris à travers l’histoire). Alors, lorsque j’ai participé aux activités du FOCAL (Forum des citoyennes et citoyens de l’alternance), j’ai vu des opportunités de la naissance d’un parti politique et je me suis dit que c’est ici je dois m’engager. Et quand on m’a dit que c’est Zéphirin Diabré qui était à la tête de ce parti, je n’ai pas hésité un instant (je me suis dit que c’est un nouveau souffle qui est venu apporter le changement). J’ai vu en ce parti, la solution (et ce, après avoir pris connaissance du manifeste, de sa vision…, il incarnait le sérieux). Voilà comment je me suis engagé et je ne le regrette pas.

Lefaso.net : Aujourd’hui, quelle position occupez-vous au sein de ce parti ?

R.A.Z.
 : Je suis d’abord un simple militant de base, membre de la sous-section de mon arrondissement. Mais dans les instances du parti, je ne suis pas membre du BPN (Bureau politique national) ou de toute autre instance dirigeante. Mais je participe à toutes les activités du parti quand cela m’est ouvert (parce que je me suis dit que chacun doit apporter sa contribution, quelle que soit sa position). Raison pour laquelle j’anime certaines activités du parti en assurant la maîtrise de cérémonie.

C’est dans cet élan que j’ai eu la chance d’être désigné pour accompagner le président du parti lors de la présidentielle pour gérer un peu la coordination des cérémonies en tant que maître de cérémonie de la campagne. Mais ma contribution ne se limite pas à là, parce que quand il y a une activité du parti, même si je dois faire une course pour déposer un courrier quelque part, je n’hésite pas. Même si c’est pour aller ramasser des chaises pour venir classer, je n’hésite pas à le faire. Donc, je suis un militant engagé du parti, peu importe le poste de responsabilité ; le plus important aujourd’hui est qu’il y ait le vrai changement, et le vrai changement, c’est avec Zéphirin Diabré.

Lefaso.net : A un peu moins d’une décennie d’existence, que retenez-vous du parcours de votre parti, l’UPC ?

R.A.Z. : Quand on se réfère de sa création à ce jour, il sera un peu malhonnête pour certaines personnes de penser que l’UPC n’a pas apporté grand-chose. A sa création, l’UPC a été le seul parti de l’opposition (au moment du régime Compaoré) à avoir faire bouger les lignes. Dès la première participation à une élection (deux ans après sa création), le parti a engrangé 19 députés, plusieurs conseillers et maires. On avait déjà sonné le pas. Lorsqu’on a pris la tête du CFOP-BF (institution Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso, ndlr), vous avez vu aussi les lignes bouger de façon significative. Les premières marches (contre la modification de l’article 37) ont été un succès, surtout le leadership incarné par son premier responsable, Zéphirin Diabré, pour rassembler toutes les obédiences politiques.

Quoi qu’on dise, c’est l’UPC qui a sonné la fin du régime Compaoré (certaines personnes s’arrogent la paternité de l’insurrection, mais elles ne seraient pas arrivées au pouvoir aujourd’hui s’il n’y avait pas eu l’avènement de l’UPC). Moi, je caricature l’avènement de l’UPC comme des gens qui sont sortis dans la rue, où tout est obscur, et qui ne savent plus quelle direction prendre. Puis, à un moment donné, ils voient une étincelle quelque part, qui va devenir une flamme et les gens commencent à se diriger vers cette lumière. Ça n’a pas été un feu de paille, ça a éclairé les gens et c’est à travers cela que les gens ont vu ce qu’ils n’avaient jamais rêvé voir un jour. Aujourd’hui, étant dans l’opposition, l’UPC contribue à maintenir un certain équilibre.

Lefaso.net : Vous évoquiez le rôle de votre parti, l’UPC, dans l’alternance au Burkina, qui a vu l’arrivée au pouvoir du régime Kaboré. Partant de cette « réalité », des Burkinabè, dont certains de vos militants, pensent qu’il était plus logique que vous contribuiez à la gouvernance avec le régime actuel. Votre avis ?

R.A.Z. : Si l’UPC était parti à la majorité, peut-être qu’aujourd’hui je n’étais plus militant du parti. Si l’UPC était à la majorité, quel allait être le contre-pouvoir actuel ? Quelle allait être la gestion du pouvoir en place ? Il faut que les gens fassent attention, on ne va pas à la majorité parce qu’il faut y aller. Quand votre objectif est l’intérêt supérieur de la nation, vous oubliez un peu vos intérêts partisans pour éviter d’aller à la soupe (parce que si vous êtes là-bas, vous ne pouvez plus critiquer).

Je pense donc que l’UPC a bien fait de rester dans l’opposition, parce qu’aujourd’hui, ce qui fait que ce régime-là n’a pas encore trop déraillé, c’est parce qu’il y a un parti comme l’UPC dans l’opposition. A supposer que c’était seulement le clan de l’ancien régime (CDP, ADF/RDA, NAFA ...) qui formait l’opposition, pensez-vous que les Burkinabè les auraient sérieusement écoutés sur certaines questions relatives à la vie du pays ? Non. Mais, lorsque l’UPC parle, on sait que c’est un parti qui est constant et logique dans sa démarche. Si l’UPC n’était pas dans l’opposition, peut-être que le Burkina était aujourd’hui dans un chaos (je ne le souhaite pas, mais on allait se rendre complice d’un certain nombre de forfaitures et ça n’allait pas rendre service au pays).

Lefaso.net : L’actualité, c’est aussi ces commentaires sur le discours prononcé par le président de votre parti au VIIe du CDP. Quel est votre commentaire sur cette brèche ?

R.A.Z. : Avant de venir sur ce point précis, il me plaît de rappeler qu’au congrès du MPP (Mouvement du peuple pour le progrès, parti au pouvoir, ndlr), Zéphirin Diabré a fait un grand discours encore là-bas. Ensuite, aux obsèques de feu Salifou Diallo, si vous avez écouté l’intervention de Zéphirin Diabré, personne dans la salle n’a fait le même discours. Et quand il dit, dans la même salle (palais des sports de Ouaga 2000), qu’il se rappelle avoir partagé les bancs du Conseil des ministres sous le magistère de Blaise Compaoré avec Salifou Diallo, il ne renie pas son passé.

Lorsqu’il audit au congrès du MPP, que : « vous c’est nous, nous c’est vous ; nous sommes un et indivisibles », personne ne s’est plaint. Mais quand il se retrouve au congrès du CDP et que dans son discours, il prononce des phrases qui puissent heurter la sensibilité de certaines personnes, elles veulent faire de cela l’opinion générale ; ça c’est leur manière de penser. Que Zéphirin Diabré dise qu’il n’a jamais nié le fait d’avoir été ministre de Blaise Compaoré…. Quand même ! L’histoire ne ment pas et l’histoire sait qu’il a été ministre de Blaise Compaoré. Ce n’est pas parce que des gens renient aujourd’hui leur passé (ce qui est malhonnête) qu’il faut saper l’histoire. C’est honnête et courageux pour un homme politique de reconnaître qu’à un moment donné, j’ai été ici.

D’ailleurs, s’il n’y avait pas cette reconnaissance, on n’allait même pas écouter le mea culpa de certaines personnes, à plus forte raison oser leur confier les rênes de ce pays. Donc, dire dans un cadre qu’il y a trois baobabs, et que si deux s’unissent, un va tomber, et que des gens disent déjà que l’UPC et le CDP font alliance, c’est absurde. Sinon, qu’est-ce qui prouve que les deux baobabs qui vont s’unir ne sont pas l’UPC et le MPP ? Qui dit forcement que c’est l’UPC et le CDP ? Peu importe ce qui va arriver… Aujourd’hui, l’UPC et le CDP sont unis par une chose : l’opposition politique. L’UPC et le CDP sont distants dans une autre chose : l’idéologie politique (le CDP est la social-démocratie et l’UPC est socio-libérale).

Donc, aujourd’hui, que des gens trouvent des proximités entre l’UPC et le CDP, c’est normal, parce que tous deux sont dans l’opposition. Mais, que les gens ne sachent pas comment faire marcher les choses, comment répondre aux attentes des Burkinabè et qu’ils veillent trouver des poux sur un crâne rasé, cela aussi est leur choix de gouvernance. Mais, c’est à l’heure du bilan que le peuple burkinabè répondra à ce qu’ils pensent être leur ruse. Aujourd’hui, laissons ces éléments qu’on veut prendre pour distraire les Burkinabè et parlons du fond du problème ; le fond du problème, c’est l’incapacité notoire du régime et son gouvernement à apporter des solutions au peuple burkinabè. C’est face à cette réalité qu’ils veulent distraire la masse.

Lefaso.net : Dans le contexte actuel…, notamment avec la création d’un deuxième groupe parlementaire UPC (UPC/RD), comment percevez-vous l’avenir de votre parti ?

R.A.Z.  : L’avenir de l’UPC est tout tracé. L’UPC est un grand parti et comme tout grand parti, ce qui est arrivé n’est pas atypique. Je ne vois pas ce grand parti qui n’ait pas été traversé à un moment donné par ces difficultés internes. Il y a des gens qui, à un moment donné, ont estimé que parce qu’on a été ensemble pendant l’insurrection avec le parti au pouvoir, on devait partager le pouvoir. Mais ils oublient que ces gens-là (les dirigeants actuels, ndlr) sont ceux-là qui ont été à la base de l’insurrection populaire ; parce que c’est leur mal-gouvernance qui a irrité le peuple burkinabè et qui l’a conduit dans la rue. Et vous voulez encore aller vous asseoir avec ces gens qui ont mal-gouverné hier-là pour gouverner quoi encore aujourd’hui ? Parce qu’il y a deux choses : quand vous vous associez à une personne, soit vous devenez comme la personne soit vous parvenez à changer la personne. Mais ces gens-là, tel qu’on les connaît, si en 25 ans ils n’ont pas changé, ce n’est pas en cinq ans ils vont changer.

Je pense donc qu’aujourd’hui, qu’il y ait au sein de l’UPC des dissensions, c’est normal, c’est le corollaire des grands partis. Mieux, cela va même permettre d’enlever la gangrène pour laisser la bonne graine. Ceux qui sont partis ne sont pas des militants convaincus de l’UPC, ce sont des gens qui sont venus avec des calculs politiques (c’est vrai qu’en politique, ce sont des ambitions, mais il faut des ambitions faites de morale). La morale doit avoir sa place en politique. Aujourd’hui, s’ils renient l’UPC, ça n’engage qu’eux (mais je ne pense pas qu’ils ont quitté l’UPC d’abord, s’ils étaient assez courageux, ils devaient aller à la mouvance ou quitté carrément l’UPC pour créer un autre parti ou même milité directement au MPP). Il y a des gens parmi eux pour qui j’avais vraiment de l’admiration, mais qui m’ont déçu de par leur comportement (pas pour dire que je n’entretiens pas de relations avec eux, mais au plan politique, je suis déçu d’eux).

Lefaso.net : Comment entrevoyez-vous la présidentielle de 2020 ?

R.A.Z. : Avec beaucoup d’espérance ; parce que je suis convaincu avec cet artiste qui dit que nous avons aujourd’hui les yeux ouverts. A l’époque, nous avions les yeux ouverts, mais nous n’avions pas l’esprit éclairé. Aujourd’hui, le peuple burkinabè, en plus d’avoir les yeux ouverts, a l’esprit éclairé. Les gens sont déçus. Votre journal a fait un sondage dernièrement qui donne 51% des Burkinabè qui ne veulent même pas voir le président se présenter à nouveau. Je pense que si lui-même est assez conséquent avec lui-même, il ne commettra pas l’erreur de se présenter à nouveau.

Dans son propre gouvernement, ceux qui ne sont pas politiques, qui ne sont venus de nulle part, ont une côte plus élevée que les vrais leaders du MPP. Cela nous amène à réfléchir. On pense que c’est une catégorie d’intellectuels qui ont été la cible de ce sondage. Soit ! Mais c’est aussi cette catégorie d’intellectuels qui influencent les décisions. Donc, je suis convaincu qu’en 2020, vous pouvez compter certainement avec le candidat de l’UPC pour la présidence. Je suis convaincu qu’en 2020, l’UPC sera le parti au pouvoir et va apporter le vrai changement au Burkina Faso.

Lefaso.net : Venons-en maintenant à vous-même, élu local, et à la vie de votre Conseil municipal. Cela fait deux ans que vous êtes conseiller municipal, porté deuxième adjoint au maire. Jeune, et à votre première expérience à un tel niveau, quelles sont les premières leçons que vous tirez, d’ores et déjà ?

R.A.Z. : Je retiens entre autres que la vision qu’on a de dehors n’est pas celle qu’on a, lorsqu’on y est. Quand on venait, on avait beaucoup d’espoir et d’ambitions (pas que les ambitions sont abandonnées, elles ont été plutôt renforcées). Vous venez par exemple dans une mairie où on vous dit que le budget total est de 41 millions l’année. En 2016, lorsque nous sommes arrivés, nous avons trouvé que la délégation spéciale avait un budget de 41 millions, que nous avons pris en cours (de juillet pour terminer l’année). Donc, un tel budget pour quatre secteurs et pour environ 150 mille habitants à gérer (des Centres de santé et de promotion sociale, des écoles, etc.). Pendant ce temps, le budget de la mairie de Ouagadougou faisait 55 milliards.

En 2017, nous sommes à 71 millions (pour la mairie de l’arrondissement 5). Les douze arrondissements regroupés n’avaient pas un milliard, mais font une recette de plus de quinze milliards. Regardez un peu le paradoxe. Pire, on vous transfère les charges, mais pas de ressources. On a espéré voir le changement, mais hélas. Le maire Armand Béouindé (maire de Ouagadougou, ndlr) fait partie de ceux qui ont participé à l’insurrection, mais, malheureusement, aujourd’hui, il ne travaille pas à répondre à l’esprit de la chose, en permettant par exemple aux maires des arrondissements de pouvoir agir en faveur des populations…

Lefaso.net : …pourquoi les mairies d’arrondissement sont-ils les parents-pauvres à ce niveau ?

R.A.Z. : Parce que l’opposition a beaucoup plus de mairies. Qu’à cela ne tienne, nous avons décidé de travailler à ce que la participation citoyenne au cours de notre mandat soit une réalité. Aujourd’hui, nous travaillons également à ce que nos partenaires extérieurs puissent nous accompagner. Grâce à cet élan, nous allons procéder bientôt à la remise de deux ambulances aux CSPS (Centres de santé et de promotion sociale) de notre arrondissement.
Cela, grâce au maire qui a, lors d’un de ses voyages en Italie, pu les obtenir avec ses partenaires. Deux autres ambulances sont en route. Notre objectif, c’est d’avoir au moins une ambulance pour chaque secteur. Nous allons donner également du matériel médical aux CSPS. Ce sont des initiatives personnelles pour permettre de pallier un tant soit peu à ces insuffisances. Bien avant, nous avons remis du matériel scolaire d’une valeur d’environ douze millions aux établissements de l’arrondissement (une somme qui ne provient pas du budget de la mairie).

En 2017, on avait que 15 millions pour les investissements. Je ne vois pas ce que cette somme peut faire. Dès lors, nous avons fait appel à des personnes de notre arrondissement pour nous accompagner. Il y a des personnes qui sont-là, qui veulent apporter leurs contributions, mais ne savent pas comment procéder. Donc, lorsque vous les approchez au nom de la population, elles sont prêtes à répondre. Des gens ont donc apporté des contributions pour nous permettre de payer des manuels scolaires pour l’arrondissement (environ 250 tables-bancs, une trentaine d’armoires, des chaises, des bureaux, etc.).
Donc, à chaque étape, il y a la participation citoyenne que nous travaillons à mettre en exergue et aussi à tisser des relations autour du conseil municipal pour permettre de pallier certaines difficultés. Notre combat principal aujourd’hui, c’est de permettre à ce que les années à venir, le budget des arrondissements puissent grimper. Il faut qu’on fasse en sorte que ceux qui vont venir après nous puissent avoir la possibilité de mieux travailler.

Quand vous prenez la commune de Ouagadougou, aucun arrondissement n’a un seul camion ben pour le ramassage des ordures, alors que les populations nous interpellent à tout moment sur la question. Mais cette année, nous avons décidé de lancer une campagne de ramassage des ordures sauvages dans notre arrondissement ; nous avons voté une ligne budgétaire dans notre maigre ressource pour le faire. Nous avons approché de bonnes volontés qui se sont aussi engagées à le faire. Nous allons aussi faire appel aux populations pour que nous puissions, ensemble, ramasser les ordures et les sensibiliser également à ne plus les jeter comme cela se voit.

Aujourd’hui, le conseil municipal a la possibilité d’avoir des bacs à ordures. Mais, si on les dépose dans les secteurs que les gens viennent y jeter les ordures, et sans capacité d‘enlèvement, ce sera créer un autre problème de salubrité (parce que la gestion des ordures est du ressort de la commune de Ouagadougou à travers des contrats qu’elle a signés avec des sociétés). Donc, ces sociétés n’ont pas de contrats avec les arrondissements, qui n’ont pas d’autorité sur elles. Donc, si on déposait des bacs à ordures sans possibilité d’enlèvement régulier, on crée d’autres problèmes en voulant en résoudre un. Donc, notre combat, c’est aussi qu’on puisse permettre aux arrondissements de pouvoir gérer directement leurs déchets. Cela allait permettre aux conseillers de suivre à travers les secteurs. Voyez-vous, quand le travail est décentralisé, il y a de l’efficacité et cela permet de répondre aux attentes des populations.

Par contre, quand ce genre d’actions sont concentrées entre les mains d’une seule personne, même si elle veut, à un moment donné, elle ne peut plus être efficace. C’est parce que les gens n’ont pas d’endroits pour déposer les ordures que nos caniveaux sont remplis. S’il y avait des endroits précis, vous verriez que nous ferions de Ouagadougou une « capitale à visage humain ». La salubrité est la principale préoccupation aujourd’hui de notre arrondissement. Nous avons la chance d’avoir la voirie, à ce niveau, nous sommes gâtés par rapport à plusieurs arrondissements. Si nous avions un seul camion ben, le cadre de vie des populations se verrait amélioré.

Mais au lieu de penser à cela, on est plutôt prêt à doter certaines directions de véhicules de luxe, qui n’ont pas d’impact direct sur les conditions de vie des populations. Mais si aujourd’hui, la commune de Ouagadougou dotait chaque arrondissement d’un camion ben, vous verrez que tout allait aller vite. Nous avons des brigadiers qu’on met à notre disposition, mais leur travail est limité parce qu’ils vont aller collecter les ordures déposer, mais faute de ramassage le vent vient encore les éparpiller. Voilà pourquoi nous luttons pour que l’on puisse donner des moyens aux arrondissements, de sorte que la mairie de Ouagadougou puisse se contenter des investissements lourds et /ou transversaux.

Lefaso.net : Vous semblez fustiger le maire central, et pas plus tard qu’il y a quelques jours, l’opposition municipale allait dans le même sens. Ne pensez-vous pas que le problème est plutôt imputable aux textes de la décentralisation (qui organisent tout au niveau du maire central) qu’au maire Armand Béouindé ?

R.A.Z. : C’est une question de volonté, ce n’est pas une question de textes. Les textes parlent de décentralisation. Partout où vous allez, en communes urbaine ou rurale, les gens se plaignent que la décentralisation, telle que prônée, n’est pas celle qui est pratiquée sur le terrain. Ouagadougou et Bobo-Dioulasso sont des communes à statut particulier, subdivisées en arrondissements. Mais, n’oublions pas que ces arrondissements contribuent à la recette de leur commune. Ils peuvent même aujourd’hui être des points principaux de recettes de la commune.
Ce sont les arrondissements qui ont les difficultés à la base ; lorsqu’il y a un problème dans un arrondissement, aucune personne n’ira voir le maire de la commune de Ouagadougou pour se plaindre. On ne travaille pas à résoudre cela, mais plutôt pour qu’on puisse relever le seuil de passation des marchés publics, pour leur permettre de gérer facilement les ressources. Pourtant, on aurait pu permettre aux arrondissements de pouvoir exprimer leurs besoins réels.

Lefaso.net : On sait aussi qu’au sein du Conseil municipal de Ouagadougou, les choses n’ont pas été faciles pour Armand Béouindé, avec vous de l’opposition !

R.A.Z. : C’est la démocratie et l’intérêt des populations qui s’expriment, il n’y a pas d’animosité. C’est vrai que des gens me voient souvent comme celui-là qui aime beaucoup déranger le maire de la commune de Ouagadougou, mais je dis que je ne dérange pas le maire. Une fois j’ai dit au maire, au cours d’une session, que je l’apprécie beaucoup et en tant que tel, qu’il me permette de lui dire ce que je pense ; parce que je voudrais un jour aller le voir chez lui à la maison, prendre des conseils et tirer de ses expériences en tant que maire de Ouagadougou. Quand ce sera bien, je serai le premier à dire que j’ai contribué à ce que ce soit bon.

Mais, quand ce ne sera pas bon, je serai aussi le premier à tirer à boulet rouge sur lui pour dire que c’est lui qui a été à la cause de tel ou tel dérapage. Mais des gens ne comprennent pas, ils pensent que lorsque vous critiquez, c’est parce que vous êtes d’un autre bord (politique). Même si c’était Nathanaël Ouédraogo qui avait été le maire de Ouagadougou, comme l’avait voulu l’UPC, en sessions, je lui aurais dit la même chose que je pense. Donc, nous critiquons parce que nous voulons que ça change, que ça avance. Et si ça avance, ce ne sont pas nous, conseillers, les premiers bénéficiaires, ce sont les populations.

Lefaso.net : On a envie de dire qu’au Conseil municipal de Ouagadougou, il y a plus de politique que d’actions !

R.A.Z. : Oui, parce qu’on travaille d’abord à satisfaire sa chapelle politique avant de satisfaire les Ouagavillois. Lorsqu’on porte une action, on pense d’abord à ce que l’action va nous apporter politiquement sur le terrain …

Lefaso.net : … comportement imputable aussi bien à la majorité qu’à l’opposition !

R.A.Z.  : Bien sûr ! Mais, l’opposition ne critique pas seulement pour avoir l’assentiment du peuple, elle critique parce qu’elle estime que telle ou telle autre idée/action n’est pas bonne. Et quand nous émettons ce genre de critiques, vous constaterez que les populations s’y retrouvent. Quand on positionne des conseillers à tout bout de champ à des niveaux de responsabilité, on prend des actions pour répondre à des visées purement politiques, on refuse de poser telle autre action ici parce que la mairie est gérée par l’opposition. Non ! On ne doit pas agir parce que le maire de tel arrondissement est du même bord politique que le maire de Ouagadougou ou parce que tel maire épouse la même vision que lui. Ça, c’est très dangereux.

Quand nous contestons que le maire de Ouagadougou ne puisse pas signer un marché de plus d’un milliard sans consulter le conseil municipal, on ne dit pas de consulter l’opposition ; on dit « Conseil municipal de Ouagadougou » (donc, majorité y compris). Si la majorité décide qu’il peut le faire, tant mieux ! Mais si demain, il se fait épingler pour mauvaise gestion, ce ne sont pas ses techniciens qui l’ont conseillé d’aller à ce niveau-là qui seront sanctionnés, mais plutôt lui, Armand Béouindé. Donc, quand nous critiquons, ce n’est pas contre lui, mais plutôt pour lui-même d’abord ! S’il est exempt de tout reproche, notre conseil sera exempt de tout reproche.

Mais si ça ne va pas, on va dire que c’est une délibération du Conseil municipal et là, nous serons tous responsables. Pourquoi après l’insurrection populaire, tous les ministres qui ont participé au Conseil des ministres qui a donné quitus pour l’acheminement à l’Assemblée nationale du projet de modification de l’article 37 ont été épinglés pour répondre des conséquences ? Alors, qu’on nous permette de critiquer. Quand nous critiquons, ce n’est pas forcement politique.

Combien de fois avons-nous applaudit à rompre les doigts, des décisions du Conseil municipal ? Nous avons adopté des décisions à l’unanimité ! Mais quand ce n’est pas correct, qu’on nous permette donc de dire ce qu’on pense ; ils peuvent faire un passage en force, mais au moins, l’opinion aurait compris que des conseillers se sont opposés. C’est simplement cela notre action et c’est aussi cela le jeu démocratique.

Lefaso.net : Quelle est la coloration politique de l’arrondissement 5 et comment jugez-vous la collaboration entre conseillers ?

R.A.Z. : Notre Conseil a une coloration tripartite : l’UPC, le CDP et le MPP. Il y a des moments où nous avons des divergences, parce que, quoi qu’on dise, lorsqu’il y a des décisions à prendre, chacun travaille aussi en fonction de la ligne de sa chapelle politique. Mais, quoi qu’on dise, nous avons toujours travaillé à ce que le consensus puisse prévaloir. Rarement, nous sommes passés à un vote pour les délibérations par manque de consensus. On trouve toujours le juste milieu. Cela est dû au fait aussi que nombre de membres du Conseil sont assez responsables, même s’il y a quelques personnes qui travaillent toujours à saper l’élan d’ensemble, l’action collective. On peut vraiment se réjouir du fait qu’on a toujours des personnes responsables qui mettent toujours en avant l’intérêt général ; ce qui nous facilite la tâche dans notre action au quotidien.

Lefaso.net : Vous êtes deuxième adjoint au maire. Premier poste de responsabilité à ce niveau, votre jeunesse, est-ce un atout ou une insuffisance dans ce contexte ?

R.A.Z.  : C’est vrai, au début, j’avais quelques appréhensions, je me demandais comment on allait pouvoir gérer les choses. Mais, en réalité, quand on est jeune à un certain niveau de responsabilité, il faut avoir l’oreille attentive. Il faut énormément écouter les conseils des uns et des autres, apprendre des erreurs des autres, apprendre de l’expérience des anciens, ne pas être hostile à la critique surtout ; parce que lorsqu’on est hostile à la critique, on se dit tout de suite que c’est parce qu’on est jeune que les gens vous traitent comme ci ou comme cela. Sinon, au contraire, notre jeunesse est une force.

Aujourd’hui, si je me trompe, les gens diront que je me suis trompé par inexpérience et par jeunesse. De ce fait, ils pourront mieux me pardonner par rapport à une autre personne d’un certain âge. Donc, moi je fonce sans me soucier des conséquences, mais en étant conscient que ce que je suis en train de faire c’est pour le bien-être commun, de sorte que lorsqu’il y a une erreur, je l’assume. Je le fais en toute bonne foi et après avoir pris conseils auprès de devanciers ; quand il s’agit d’un aspect technique, je demande d’abord au responsable du service technique concerné. Quand il s’agit d’un aspect politique, je demande aussi à ceux qui sont dans la chose politique bien avant moi.

Aujourd’hui, moi je côtoie des gens qui sont au MPP (je salue au passage Moussa Boly (5e vice-président chargé des relations avec les autorités coutumières et religieuses, ndlr), qui était un ancien démissionnaire du CDP avant de rejoindre le MPP à sa création ; j’ai eu plusieurs fois à discuter avec lui et il m’a donné de sages conseils). Je discute avec mon maire pour avoir son avis, je discute avec les membres de mon bureau de secteur et avec des personnes-ressources (des grands-frères dans le quartier, des anciens conseillers, des jeunes-frères …

Pour savoir un peu ce qu’ils pensent de telle ou telle autre situation). En tant jeune, en deux ans, j’ai énormément appris. Et dans cette dynamique, je n’ai pas le droit d’échouer ; parce que si j’échoue, je ferme la porte à d’autres jeunes. Donc, j’ai une obligation de rester un exemple pour permettre à d’autres jeunes de pouvoir bénéficier de la confiance des populations et des aînés.

Lefaso.net : Quel peut être votre message aux habitants de votre arrondissement ?

R.A.Z. : Le message est que nous puissions nous donner main pour pouvoir agir ensemble. L’insalubrité dans notre arrondissement crée des problèmes pour les populations. Si nous avons des enfants malades, du fait des eaux usées dans nos cours et nos six-mètres, c’est parce que nous sommes aussi à la base de cette situation. Notre bonheur viendra de nous-mêmes ; le président Roch Kaboré ne quittera Kosyam pour venir nettoyer devant notre porte. Il faut qu’on fasse le minimum pour nous-mêmes, c’est pour nous-mêmes, notre bien. Que l’ensemble de nos énergies puissent concourir à l’édification de notre arrondissement pour le bien-être de tous.

Oumar L. Ouédraogo
(oumarpro226@gmail.com)
Lefaso.net

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