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Ve rencontre gouvernement-secteur privé : optimiser les perspectives de relance

Publié le mardi 12 juillet 2005 à 07h43min

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Les acteurs économiques du secteur privé ont reçu, vendredi 8 juillet 2005, le Premier ministre et son gouvernement. Ensemble, ils ont examiné la situation économique, leur partenariat et les perspectives d’avenir.

Les échanges ont été surtout dominés, lors de cette cinquième rencontre consécutive qui se tient à Bobo-Dioulasso, par le marasme que vivent nos industries et entreprises privées. S’il faut à tout prix sortir du naufrage, il faut aussi optimiser les perspectives de relance. C’était cartes sur table, en toute objectivité, dans un langage franc et direct.

La rencontre gouvernement-secteur privé, en sa cinquième édition, semble avoir connu plus d’entrain cette année, avec la participation d’une quinzaine de ministres, des patrons des grosses industries de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso notamment et d’une foule de représentants d’entreprises de moindre taille, de structures économiques diverses.

pouvait reconnaître El Hadj Oumarou Kanazoé des Entreprises des travaux publics O.K., président national de la Chambre de commerce, El Hadj Barro Djanguinaba des huileries SOFIB, président régional de la Chambre de commerce de Bobo-Dioulasso, Alizèta Ouédraogo PDG de la société Tan-Aliz, Lazare Soré PDG de SAP-Olympic ci-devant premier vice-président de la Chambre de commerce. Poser les problèmes du secteur privé à l’heure actuelle, c’est tout simplement discuter d’un engagement collectif à conduire pour le développement et la lutte contre la pauvreté. Il s’est agi en effet, des questions d’aménagement urbain, de transformation et conditionnement, de fiscalité, de législation, d’emploi, d’approvisionnement, de fraude, de facteurs de production, d’appui au développement et commerce international, de problèmes de routes, etc.

L’engouement, remarquable cette année, il faut le lier au contexte. A l’heure actuelle, le Burkina voit fleurir les actions d’investissements privés comme le dira le Premier ministre. La communauté internationale (partenaires techniques) a un regard positif vis-à-vis du Burkina. Il y a ces redispositions africaines et internationales qui s’opèrent et pour lesquelles chaque acteur de la rencontre veut être au fait de l’information utile. Il n’y avait pas que les industriels et entrepreneurs. Ont également pris part à cette rencontre, de nombreux partenaires sociaux, tous ceux-là dont on ne peut nier l’engagement direct ou indirect dans la promotion du privé.

Au privé, une place primordiale

La promotion du secteur privé est plus que jamais à l’ordre du jour. Au cœur de cette préoccupation, un thème : « La relance de l’investissement dans les secteurs productifs : contraintes, attentes, perspectives ».

Quel visage aura la relance, quelles voies empruntera-t-elle pour être une réussite ? On sait pourtant, comme l’ont dit nos industriels, que la plupart des entreprises sont au bord de la faillite, avec cette raison essentielle qu’est la fraude qui impose ici et là des tonnes de méventes, comme le soulignera Lazare Soré, PDG de la Société africaine de pneumatiques, convaincu pour sa part que l’Etat fait très peu dans le sens du relèvement des entreprises. Il sera contredit par le ministre des Finances qui, impassible, dira par la suite qu’il détient la liste, les statistiques de tous ceux qui, parmi les acteurs du privé, ont fait usage de faux documents administratifs, des fraudeurs en somme. Personne n’a nié la santé chaotique des entreprises ou tout simplement de l’entrepreunariat. Cela du gouverneur de la région des Hauts-Bassins en passant par le président de la Chambre de commerce, le Premier ministre et les opérateurs privés.

Le document de base porté devant l’assemblée par le ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat Benoît Ouattara souligne dès ses premières pages :

« D’abord, sur un bassin de 14 000 entreprises administrées dans le fichier de la Chambre de commerce, près de 4 000 d’entre elles pratiquent à titre principal le commerce général. Ensuite, sur les 201 entreprises agréées au code des investissements depuis 1995, seulement 28 unités (soit 16,4%) opèrent de la transformation incorporant les matières premières locales : riz, huilerie, fruits séchés, production de fil de coton, laiterie. Par ailleurs les goulots d’étranglement du secteur industriel demeurent importants aujourd’hui. Les problèmes d’écoulement des produits du secteur agricole sont une réalité douloureuse. Ils se manifestent notamment par des difficultés des producteurs de fruits et légumes, et des entreprises comme la SOSUCO qui peine à reconquérir son marché domestique, face à la concurrence effrénée de produits subventionnés.

Plusieurs études ont montré la tendance de la production importée à évincer l’offre locale... ». Manque de dynamisme ou de compétitivité ? Il y a aussi de cela, mais comme souligné, il appartient aux opérateurs honnêtes de dénoncer ceux-là qui ne suivent pas les règles de l’art et qui pénalisent le développement. Le marasme en appelle à une stratégie urgente. Il a donc été question d’un « plan de mobilisation de l’initiative privée » susceptible de tenir compte des opportunités offertes dans le cadre de l’UEMOA, de l’OHADA, de l’AGOA.

Un certain nombre de propositions ont été évoquées dans ce sens par le document de base. En faveur des travailleurs du privé et même des fonctionnaires (retraite anticipée), l’on pourrait favoriser des créations d’entreprises, des retraites anticipées, des comptes d’épargne, etc. Toutes choses qui du reste touchent à la philosophie d’organismes tels le PAPME, le FAPE, le FASI, le FAARF voulant favoriser les PME/PMI. Il faut bien susciter la création d’entreprises privées. Mais il faut aussi sortir le secteur privé de la seule « consommation locale » pour le rendre rentable. C’est le lieu de jeter la pierre à ces commerçants de produits du cru qui, bien qu’exportateurs sur les marchés des pays voisins, sont ceux-là qui contribuent à affamer les Burkinabè en vendant cher ici, au même prix qu’ailleurs.

Par exemple, on vend à plus de 20 000 F CFA un sac de maïs de 100 kg autant au Niger qu’au Burkina. Question évidente de gain, de jeu d’intérêt. On dira peut-être que c’est la loi des marchés ? Oui, au constat.

Mais le marché d’un pays sous développé a besoin d’assainissement, de moralisation, d’hommes de bonne volonté, sinon la relance du privé dont il est question ne sera toujours qu’un « moulin à vent ». Le Syndicat national du bâtiment et des travaux publics s’est engagé à ne défendre aucun fraudeur avéré.

on a réclamé plus de professionnalisme, là l’exigence des productions sous licence. On a dénoncé des marchés de gré à gré préjudiciables à la qualité des ouvrages publics. Comme l’année dernière, la question des dédommagements exorbitants pour certains travailleurs est revenue sur le tapis, montrée comme facteur d’achèvement des entreprises en situation de conflit de travail avec les employés. Une grille catégorisée des dommages et intérêts est désormais à entrevoir et à mûrir. Presque tous les intervenants ont souhaité des exonérations de taxes et impôts, des réductions de taux d’intérêt bancaires, des facilités d’accès au crédit à l’entreprise. Ont-ils d’autres ouvertures que le recours à la force d’intervention de l’Etat à laquelle on les a habitués depuis l’indépendance ? Mais on voudrait un esprit d’entreprise conquérant à souhait dans le sens évoqué par le directeur général de la BICIA, tout comme pour dire qu’il ne faut pas tout réclamer de l’Etat. Il y a quelque part un écheveau à démêler : les ressources fiscales sont la substance budgétaire de l’Etat, et cependant on réclame des réductions, des exonérations et détaxations à tout vent. Il y a engrenage. La contradiction a été relevée par le ministre des Finances et du Budget, Jean-Baptiste Compaoré. Le ministre Bouda, répondant à un certain nombre d’intervenants, lancera un « appel à candidature pour l’établissement de contrats d’objectifs par branche d’activités ». L’efficacité passe par-là.

A l’issue du forum, la zone industrielle a reçu la visite du Premier ministre et de tout le gouvernement. Il a notamment visité la SIPAM, entreprise de production d’engrais, ainsi que Winner-industrie, la fabricante de piles actuellement en perdition.

Jean-Luc BONKIAN


Regard en sous-main

La rencontre gouvernement-secteur privé a été une véritable séance de sensibilisation. Chacun y est allé de son savoir et de son expérience d’homme d’affaires. L’échange a été fructueux. La fraude est ce qui a le plus retenu l’attention. Mais on saura désormais qu’elle n’est pas seule responsable de la faillite. L’arriération de certaines infrastructures industrielles y est pour quelque chose, héritées qu’elles sont des temps pré et post indépendance avant d’être reconduites en des mains non expertes à la faveur des privatisations.

La créativité et l’innovation sont un esprit à posséder aussi. Les entreprises nationales doivent mettre en œuvre la complémentarité, le partenariat. La gestion rendue familiale a, elle aussi, ses conséquences négatives en voulant éviter le recours onéreux à des spécialistes. Les entreprises X et frères, Y et fils sont légion. Que dire quand ce sont des personnalités qui usent de leur influence pour demander de relâcher un frère fraudeur épinglé, ce qui est courant. Ces mêmes qui, par le fait de pourcentages sombres défalqués pour leurs comptes créent des entreprises en prête-nom, souvent au mépris des réglementations. Peut-être est-ce là aussi une forme de résistance politique qui ne dit pas son nom.

La rencontre nous a encore permis d’apprendre qu’au moins 100 marques différentes de pneus et chambres à air circulent sur le marché, que plus de 120 marques d’huile sont vendues, qu’une soixantaine d’huileries clandestines ont été dénombrées à Bobo, que SOFAPIL dispose d’un stock de six mois de production non écoulée d’une valeur de 200 millions de F CFA et que l’usine marche au tiers de sa capacité de production.

Promouvoir le privé ? D’accord. Mais des privés à la pelle, question ! Ne faudrait-il pas mieux asseoir des grands « choix sélectifs » mondialisés et subventionnés ?

J.L.B.
Sidwaya

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