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Les pages du régulateur des medias : la contribution des médias burkinabé au renforcement de l’état de droit

Publié le mardi 1er mai 2018 à 23h43min

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Les pages du régulateur des medias : la contribution des médias burkinabé au renforcement de l’état de droit

Le thème de la commémoration de la journée internationale de la liberté de la presse du 03 mai 2018, choisi par Reporter sans frontière (RSF) est : « Médias, justice et état de droit : les contrepoids du pouvoir ». Aussi, pour sa première publication du mercredi 02 mai, « Les pages du régulateur des médias » a bien voulu s’attarder sur cette invite à l’introspection, contexte oblige, toute chose qui l’inspire à scruter le thème suivant : « La contribution des médias Burkinabé au renforcement de l’Etat de droit ». Cette réflexion qui tombe fort à propos, car elle permet non seulement d’éclairer la jeune génération sur le chemin parcouru, mais aussi de permettre aux seniors de dresser le bilan à travers une évaluation des actions antérieures.

Il n’est aucunement prétentieux de soutenir aujourd’hui, l’effectivité de l’existence d’une liberté de la presse au pays des hommes intègres. Ce, au regard des classements de RSF sur l’état de la liberté de la presse dans le monde qui a de 2016 à 2018 successivement classé le Burkina Faso devant de vieilles traditions démocratiques occidentales comme la France, classée 45ème en 2016 alors que le Burkina Faso était 42ème, encore 42ème en 2017 devant les USA classé 43ème, puis 41ème en 2018 avec les USA à la 45ème place.

D’où vientalors que la jeune démocratie Burkinabé puisse bénéficier d’un positionnement record aussi acceptable en matière de liberté de la presse ? Quels sont les acquis des actions menées pour une plus grande liberté ? Que peuvent être les facteurs limitants de la liberté de la presse au Burkina Faso ? Nous nous proposons d’apporter des esquisses de réponses à ces différentes interrogations tout au long de notre développement.

1. Un long parcours pour le renforcement de l’Etat de droit :

Il serait difficilement concevable de parler de l’apport des médias au renforcement de l’Etat de droit au Burkina Faso, en occultant le chemin emprunté à travers les années pour y parvenir. C’est dire que les résultats engrangés çà et là sont de loin le fruit d’une génération d’hommes et de femmes qui avaient pleinement conscience de l’importance de la liberté de la presse dans l’animation de la vie publique. En effet, la petite histoire de la presse Burkinabé nous permet de dégager quatre temps majeurs qui l’ont marqués :

la période d’avant les indépendances ; la période des indépendances ; la période des états d’exception ; et la période de l’avènement des processus démocratiques de 1990. Il y a donc eu au fil du temps, une interaction réelle entre les pouvoirs établis à ces différentes périodes et le niveau de la liberté de la presse.Dans cette dynamique de l’histoire, certaines dates de repère méritent d’être retenues comme : la création de la radio Haute Volta en 1959, la création de la Volta Vision (ancêtre de la RTB/télé) en 1962 puis sa mise en onde le 05 août 1963, la création du 1er quotidien privé L’observateur Paalga en juin 1973, la création du quotidien d’état Sidwaya en 1984, la création de la première radio libre d’Afrique francophone (Horizon FM) en 1989.
Ces brefs rappels historiques permettent de constater que le pays des hommes intègres a fait,à certains égards, office de pionnier concernant l’avènement de la presse moderne dans la sous-région ouest africaine et même en Afrique. Cet état de fait augure d’une longue tradition de culture journalistique qui pourrait être capitalisée en partie, aux termes des raisons explicatives du raffermissement de l’Etat de droit au Burkina Faso. Car, de façon générale, la presse constitue par essence un espace de liberté où se joue le jeu démocratique, à travers l’expression des opinions contradictoires.

Cependant, cet accroissement des espaces de liberté est loin d’avoir été un long fleuve tranquille comme en témoignent l’incendie du journal l’ObservateurPaalga en 1984 et l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998, alors qu’il enquêtait sur la mort du chauffeur de François Compaoré, petit frère de l’ex-président Blaise Compaoré.Aussi, la conquête de ces différents espaces de liberté ne s’est pas faite sans friction. Nous en voulons pour preuve la mise en onde de la chaîne des radios Horizon FM en 1989, sans autorisation préalable du gouvernement du Front populaire de l’époque ; il en est de même de la reprise des parutions du journal L’observateur Paalga ainsi que du journal Le Pays en 1991.

D’ailleurs, pour le premier quotidien privé Burkinabé, les vicissitudes qui ont entouré sa réapparition nous sont contées par cet écrit pris dans le dossier de presse de la commémoration de son trente cinquième anniversaire en 2008 : « En 1989, le phénix renaît de ses cendres mais sera immédiatement étouffé. En effet, grâce à l’acquisition de matériels d’occasion, L’Observateur refait surface le 27 janvier 1989. Mais cette première édition de la renaissance sera vite saisie par les forces de l’ordre, les locaux du journal mis sous scellés et l’électricité coupée. C’est le deuxième coup dur infligé à Edouard Ouédraogo et son journal.

Cette nouvelle période d’hibernation durera 7 ans. Mais grâce au vent de démocratie qui a soufflé sur les Etats africains, les dirigeants politiques permettent une libéralisation relative de l’espace médiatique. L’Observateur met son pied à l’étrier pour réapparaître le 15 février 1991, sous une nouvelle appellation, car c’était l’une des conditions fixées par les autorités du Front Populaire pour délivrer l’autorisation de publication. Le journal devient donc L’Observateur Paalga. »

2. Les acquis d’un engagement pour plus de liberté :

Les bravades successives des tenants de la plume vont amener les autorités étatiques, avec l’adoption de la constitution du 02 juin 1991 et la proclamation de la IVème République, à l’élaboration d’un code de l’information en 1993 et à la création d’une autorité de régulation des médias, en l’occurrence le Conseil supérieur de l’information (CSI) en 1995. Cette dernière connaitra une mutation pour devenir Conseil supérieur de la communication en 2005. En tant que faîtière de la régulation des médias, le CSC œuvra à l’accroissement de la liberté de la presse, en corrélation avec les associations professionnelles de médias. Ainsi, de concerts avec elles, plusieurs victoires seront remportées comme :

l’adoption de la convention collective sur les traitements salariaux des professionnels de l’information du privé ; la création du comité technique de la carte de presse et du laissez-passer dans le but d’assainir l’exercice du métier de journaliste ; la dépénalisation des délits de presse à travers la relecture du code de l’information ayant abouti à des lois sur la presse :laloi 057 portant régime juridique de la presse écrite, la loi 058 portant régime juridique de la presse en ligne, et la loi 059portant régime juridique de la radiodiffusion sonore et télévisuelle. De même, il faut prendre en compte l’adoption de la loi sur la disponibilité de l’information publique en 2015. A ce renforcement du cadre réglementaire et législatif de la presse, il faut ajouter l’accroissement du nombre de médias.

De nos jours, le Burkina Faso compte près de 200 médias audiovisuels privés disséminés sur tout l’ensemble du territoire national ; plus de 70 organes de presse écrite, toutes périodicités confondues, et plus d’une trentaine de médias en ligne. L’on ne saurait passer sous silence au titre des acquis, certaines initiatives entreprises par les associations professionnelles de médias qui sont : la création du festival international de la liberté d’expression et de la presse (FILEP), par la société des éditeurs de la presse privée (SEP) et le Centre national de presse Norbert Zongo (CNPZ) ; la célébration d’une journée nationale de la liberté de la presse le 20 octobre de chaque année ; l’élaboration d’une charte déontologique des journalistes du Burkina par l’association des journalistes du Burkina (AJB), la création de l’Observatoire Burkinabé des médias (OBM), structure d’autorégulation et véritable tribunal des pairs ; l’instauration d’un prix Norbert Zongo du journalisme d’investigation… Il est donc loisible de constater qu’au Burkina Faso l’on baigne dans un fourmillement médiatique difficilement égalable en Afrique.

3. Les limites à la liberté de la presse au Burkina Faso :

Les facteurs limitants de la liberté de la presse au Burkina Faso sont surtout à rechercher au niveau du manque de moyens conséquents pour faire face aux défis de plus en plus grandissants. Cet état de fait a pour corollaire de maintenir certains journalistes dans une certaine précarité existentielle.Dans les faits, la mise en œuvre de la convention collective connait des fortunes diverses.

D’autre part, avec la floraison fulgurante de l’offre médiatique, se pose de plus en plus avec acuité, la question de la viabilité des entreprises de presse. En effet, à l’échelle d’une ville comme Ouagadougou, l’on compte près d’une dizaine de chaînes de télévision et près d’une quarantaine de chaînes de radios, pour une population estimée à peu près à 2,5 millions, selon le RGPH 2006. Partant de l’approche économique initiée par Emile de Girardin,qui consiste pour un organe de presse d’engranger des ristournes en vendant ses espaces, il est à se demander si la manne publicitaire nationale suffit à nourrir un si grand nombre de médias. D’où, le danger permanent de voir certains organes sombrer dans l’escarcelle des puissances d’argent, pour ensuite servir de caisses de résonnances des voix de leurs maîtres, au détriment des principes déontologiques élémentaires.

Et sous un autre angle, compte tenu de la précarité qui sévit autour du métier, on dénombre très peu de journalistes de carrière dans notre contexte national. En réalité, à peine quelques années d’exercice du métier, beaucoup de journalistes se reconvertissent dans d’autres professions, laissant une presse jeune, inexpérimentée et sans grande mémoire.

Un autre chantier en suspens pour la presse Burkinabé dans son ensemble est celui de la numérisation et de l’entrée dans l’économie numérique. Un tour d’horizon de la presse Burkinabé permet de voir que la plupart des organes possèdent des extensions numériques. Cependant, le hic est que beaucoup de ses pages numériques sont des reflets parfaits des éditions classiques. Pourtant, de par le monde, compte tenu des exigences de l’instantanéité des supports numériques, de plus en plus d’organes doublent les équipes de rédactions, une pour le journal numérique et l’autre pour le journal classique. L’exemple du « Figaro.fr », dont la rédaction numérique compte plus d’une vingtaine de journalistes pourrait inspirer plus d’un. C’est dire que beaucoup d’organes de presse Burkinabé passent actuellement à côté d’une opportunité d’accroître leurs revenues.

Au niveau législatif et réglementaire, la prise du décret d’application de la loi sur la disponibilité de l’information publique se fait toujours attendre, consacrant du même coup l’omerta au sujet des affaires publiques.Pour ce qui est des contenus, la persistance de certains manquements comme la diffamation subsiste, ainsi que la diffusion d’images attentatoires aux bonnes mœurs.
Il y a donc encore des défis à une plus grande affirmation de la liberté de la presse au Burkina Faso, qui interpellent tous les acteurs institutionnels et non institutionnels.

La direction de la communication
et des relations publiques du Conseil supérieur de la communication (CSC)

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