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Laurent Bado, un destin de libre penseur

Publié le vendredi 8 juillet 2005 à 08h18min

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Laurent Bado est-il fait pour la politique ? La question mérite d’être posée après son grand déballage, celui qu’il a lui-même qualifié de "dire tout puis mourir tranquillement". Des étudiants n’avaient-ils pas écrit, il y a peu : "Quitte dans ça Professeur". Même si les termes et le procédé de cette adresse ont choqué, force est de reconnaître que cet appel avait quelque chose de sacrément réaliste.

L’esprit simple et la naïveté, le professeur doit le savoir, cadrent mal avec l’engagement et le combat politiques. Pour avoir cru qu’il s’agit d’un monde d’anges, Laurent Bado s’est lui-même indiqué la sortie. Peut-on vraiment en douter ? Laurent Bado croit fermement qu’il a été investi par une force divine pour avoir un destin de président de la République. Il pense naïvement et le dit avec force conviction, qu’il est fait d’une autre étoffe, celle qui veuille qu’un homme soit l’élu parmi les élus.

De son parcours, de tout ce qu’il a jusque-là posé comme actes, rien que du très spécial, cette sorte de hors du commun qui met lui, le grand Laurent Bado, au-dessus des autres.

L’introduction de son long et fleuve discours d’investiture a de quoi troubler la conscience des cartésiens, tant elle renvoie à une sorte de délire du mysticisme le plus absolu. Mais connaissant l’homme, ses prises de position, son rapport à la religion et son envie forcenée de se distinguer des uns et de tous, on peut facilement comprendre et admettre cette mise en scène grandiloquente.

Il a toujours eu ce besoin de marquer sa venue dans la politique par ce sceau de la différence. Il ne fait jamais rien comme tout le monde. N’a-t-il pas créé un reroupement de partis, l’OBU pour s’en défaire de la tête et la confier à Emile Paré, devenu aujourd’hui un adversaire farouche ? Un exemple plus éloquent que n’importe quel discours.

La réalité a rattrapé la fiction

Bado, c’est en résumé, vouloir toujours se défaire de l’ordinaire. Il ne peut pas, il ne saurait être comme la faune politique ambiante. Mais à l’épreuve du terrain est-il si différent de ces autres-là ? Ces autres dont il s’efforce de se démarquer, démonstration à l’appui. La parole seule, la déclaration et les professions de foi, il l’aura compris espérons-le, ne suffisent pas. Avoir beau crier sa différence a vite été mis à mal par tous les sorts contraires qui s’acharnent sur lui.

L’opposition burkinabè a une caractéristique majeure, c’est celle d’être une spécialiste es-scission, mariages et divorces avec fracas. Bado s’y est essayé au regroupement et il s’y est cassé les dents. Initiateur du groupe parlementaire, c’est lui qui le dit, "Justice et démocratie", aujourd’hui, il ne s’y trouve plus. Quant à l’OBU, une autre de sa création elle a volé en éclats. Sans parler du PAREN où tous les autres députés ont mis les voiles. Au total, la réalité de la politique burkinabè a laminé les rêves de celui qui est venu indiquer le chemin grâce au fait de défier les pratiques en cours.

Quand à croire que la démocratie de type libérale peut s’exercer sans le sou , les 20 millions reçus et qu’il a balancés, là aussi un peu naïvement, prouvent tout à fait le contraire. Les partis se financent, en tout cas jusque-là, par le procédé des caisses noires plus que par celui de la transparence. S’il était, selon sa démonstration, si différent, il n’aurait pas fait comme tous les autres, en prétextant que c’est pour combattre le CDP. Il sait et il a compris que sans argent, sa différence, fut-elle lumineuse, n’éclairera aucune chaumière encore moins chapelle. Comment avoir cet argent, that is the question.

C’est par ici la sortie

Nous avons beaucoup de sympathie pour Laurent Bado et de respect pour son parcours, surtout celui avant 1999. C’est pourquoi, il doit pour son propre épanouissement, le vrai, s’aménager une porte de sortie honorable. Il est temps à notre avis. Reprendre son rôle, que lui-même qualifie de très prisé, de libre-penseur serait sa meilleure décision. Son destin a eu un sens "pendant tout le temps où je suis resté en dehors des partis politiques, pour mieux faire la politique, cherchant à éveiller la conscience de mes concitoyens par les écrits, les interviews et les conférences techniques, j’étais bien estimé, considéré et jugé. On avait une excellente opinion de moi". Il doit revenir à cette époque bénie, qu’il semble amèrement regretter. Car quoi qu’il dise, fasse, pense, écrive dans le milieu politique, il doit savoir qu’on n’aura jamais une excellente opinion de lui. C’est un choix.

La politique a ses règles, ses us et coutumes à nuls autres pareils. S’il veut rester dans le choix opéré, celui où en 1999, il a décidé de porter le PAREN sur les fonts baptismaux et d’en prendre le gouvernail, il a été naïf de ne pas savoir qu’il entrait dans une zone de très hautes turbulences. Il devrait comprendre que les jeunes ne viendraient pas se prosterner à ses pieds parce que lui Laurent Bado, celui dont "on avait une excellente opinion" est entré dans la fosse aux lions.

défaut d’avoir les crocs nécessaires pour prendre et supporter les coups, les accusations d’être mouvancier, d’être un égaré en politique, encore que, d’être silencieux depuis son arrivée à l’Assemblée nationale, d’être après des postes juteux, de vouer un culte à X ou Y et enfin d’être un vendu-corrompu, "Quitte dans ça" et plus vite sera le mieux.

Sinon, il aurait compris que la démocratie existe depuis avant lui et que l’argent circule à flot pour les campagnes et tutti quanti.

Mais personne n’a balancé parce que c’est la loi du milieu. Bonne ou mauvaise, tout le monde s’y fait et vive la démocratie !

Souleymane KONE
L’Hebdo

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