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ADF/RDA pour Blaise Compaoré : Un soutien aux multiples conséquences

Publié le vendredi 8 juillet 2005 à 08h20min

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Blaise Compaoré peut boire du petit lait. Les rangs de ses partisans s’étoffent chaque jour un peu plus. Deux des trois partis qui ont tenu leur congrès le week-end dernier lui apportent leur soutien. Si celui du Rassemblement pour la Prospérité populaire (RPP/Gwassiri) est très quelconque, l’appui de l’Alliance pour la Démocratie et la Fédération/Rassemblement Démocratique Africain (ADF/RDA) suscite bien de commentaires.

De fait, que le principal parti d’opposition déclare son soutien au candidat du pouvoir dès le premier tour d’une élection présidentielle est simplement inouï.

Il est certainement trop tôt pour mesurer l’impact de la décision de l’ADF/RDA de soutenir la candidature de Blaise Compaoré

D’emblée on ne peut que prendre acte de cette allégeance et des commentaires y relatifs ; et les commentaires il y en a beaucoup. Le président d’honneur à vie de l’ADF/RDA M. Gérard Kango Ouédraogo qui n’en doute pas s’est défendu devant les congressistes "d’avoir vendu l’ADF/RDA à Blaise Compaoré". Le vieux tribun a-t-il convaincu les congressistes ? Peut-il couper cours aux interprétations les plus diverses qui courent au sujet de ce soutien du parti de l’éléphant au président sortant ? Pas dans l’immédiat. Dans le cas d’espèce, seuls les résultats sur le terrain peuvent démentir les mauvaises interprétations.

Ces résultats sous forme d’impact de la décision du 03 juillet seront visibles sur le court, le moyen et le long terme.

Les conséquences à court et moyen termes

Dans le court terme on attend de voir comment la base de l’ADF/RDA dans les provinces va accueillir les conclusions du congrès. Va-t-elle entériner ce soutien qui ressemble fort à un accord politique dont tous les contours ne sont pas connus ? A l’évidence si cet appui à la candidature de Blaise Compaoré n’est pas pour des espèces sonnantes et trébuchantes, il n’est pas non plus gratuit pour les beaux yeux de la "Princesse-Nation". On rappellera à bon escient que dans ses "consultations" des candidats à la présidentielle ayant un groupe parlementaire autonome le staff dirigeant de l’ADF/RDA a été reçu par Blaise Compaoré.

Cette audience suivant le compte rendu qui en a été fait par les confrères a consisté en un échange de points de vue sur la situation nationale. Audience prélude à des marchandages ultérieurs pour la formation d’un gouvernement ? Possible et logique. Car s’il devait concourir à faire élire celui qui est désormais son candidat, on voit mal l’ADF/RDA ne pas exiger de participer à la mise en œuvre de son programme de gouvernement. Cette éventualité détermine l’attitude mitigée de certains militants du parti majoritaire qui ne voient pas d’un bon œil ce soutien inattendu du parti de l’éléphant à son ex adversaire. Au nombre des questions que ces derniers se posent, il y a celle lancinante sur la spontanéité où les tractations qui ont entouré cette déclaration de soutien. L’Eléphant au lendemain du scrutin et de la victoire attendue ne serait-il pas trop gourmand dans le partage du gâteau ? Par ailleurs Blaise Compaoré avait-il besoin de cet allié encombrant à leurs yeux pour gagner une présidentielle largement à sa portée ? Pour eux, l’ADF/RDA est loin d’être un foudre de guerre pour empêcher le CDP de gagner la présidentielle et de gouverner en rond. Ces interrogations qui fusent maintenant auront assurément un impact sur l’organisation de la campagne électorale.

A tous les niveaux, la direction de la campagne du CDP doit désormais tenir compte de tous les alliés du président : Les ABC, l’AJCBC, le GSCBC, l’AMP et maintenant l’ADF/RDA en attendant d’autres relais...La tâche de coordination s’annonce ardue.

Elle le sera davantage si ceux commis à son exécution doutent de la pertinence de certains soutiens, les récusent ou ne les utilisent pas. La campagne électorale du président sortant sera aussi dure à conduire si ses alliés, les partis de l’AMP ou l’ADF/RDA ne jouent pas franc jeu. Cela s’est vu par le passé où des alliés du parti majoritaire se sont servi du nom du président pour s’implanter sur le terrain et contre son parti. Il se pose alors la question de savoir comment les partis alliés pour la circonstance de la présidentielle peuvent-ils ensemble défendre le bilan du septennat écoulé, mobiliser dans le même vivier électoral sans croc-en-jambe dans la perspective des municipales de 2006 et des législatives de 2007. A moyen terme, le point de ralliement de tout ce beau monde, Blaise Compaoré sera bien obligé de jouer les arbitres d’abord dans la formation du gouvernement de l’après 13 novembre et surtout dans les batailles rangées pour les municipalités et les sièges de député à l’Assemblée nationale.

Un arbitrage qui ne sera pas sans grincements de dents, car bon gré mal gré, le parti majoritaire devrait encore faire des concessions aux autres partis de l’AMP ou alliés de l’AMP.

Mais quoi qu’il en soit, l’arbitrage présidentiel ne pourra pas empêcher des compétitions électorales âprement disputées entre les mouvanciers. Compétitions d’autant plus rudes que les partis alliés membres du gouvernement pourraient utiliser les avantages et le prestige de leur situation pour renforcer leurs assises. Cela s’est déjà vu par le passé avec l’Union des libéraux du Burkina et l’ADF/RDA.

L’usure du pouvoir aidant, le CDP pourrait renoncer à son slogan du "touk guili", synonyme de "à nous tout le pouvoir". Au demeurant, c’est une perspective qu’on ne peut pas exclure dans le long terme.

Une cohabitation en 2007 ?

Psychologiquement, le soutien de l’ADF/RDA au président sortant devrait préparer le CDP à une éventuelle cohabitation. La cohabitation est entendue ici dans la logique de la jurisprudence française, celle qui autorise le président d’une majorité précédente à désigner comme Premier ministre le chef de file d’une nouvelle majorité, précédemment dans l’opposition.

Les cas les plus récents sont ceux de Jacques Chirac, Premier ministre de François Mitterrand et de Lionel Jospin Premier ministre de Jacques Chirac. La cohabitation n’a jamais encore été expérimentée au Burkina depuis la Ire république en passant par la IIe et la IIIe. Le record de longévité de la IVe pourrait amener la classe politique à ne pas exclure cette éventualité. Du reste, au nom du "Large rassemblement" cher au président du Faso, des gouvernements ouverts à toutes les forces politiques qui le désiraient ont été formés en 1991, 1999 et en 2000.

D’ailleurs le gouvernement actuel de Paramaga Ernest Yonli n’est pas exclusivement CDP. C’est un gouvernement en alliance avec d’autres partis qui renforcent la majorité parlementaire (ULD, PAI). Alors devrait-il y avoir des raisons contre l’élargissement du champ de cette alliance à l’ADF/RDA ? A priori non ! Mais sait-on jamais si par exemple l’ADF/RDA ne joue pas franc jeu lors de la campagne présidentielle ou si elle se montre trop gourmande à l’issue du scrutin, elle pourrait confirmer les craintes exprimées ici et là par des militants du partis majoritaire.

Mais le CDP aurait tort de penser qu’il peut éternellement faire cavalier seul avec quelques écuyers d’accompagnements. Par principe tout soutien à son candidat naturel est bon à prendre, chacun des alliés gardant à l’esprit qu’il faudra être souple dans les équilibres à rechercher dans la conduite de l’exécutif. Au delà même de la conduite de l’exécutif, il faut avoir à l’esprit la recherche d’une plus grande cohésion nationale. Elle commence par la tolérance, les alliances et les programmes communs de gouvernement entre partis politiques.

C’est une méthode efficace pour assainir l’adversité politique pour n’en retenir que le choc des idées. La paix est la première richesse du Burkina et la base de tout développement ; aucun compromis politique ne devrait être au dessus d’aucun acteur politique pour la préserver et la renforcer au bénéfice de tous.

Djibril Touré
L’Hebdo

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