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Burkina Faso : Des grandes batailles du passé, au terrorisme d’aujourd’hui

Publié le vendredi 20 avril 2018 à 15h10min

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Burkina Faso : Des grandes batailles du passé, au terrorisme d’aujourd’hui

Ceci est une contribution de Sidiki Aboubacar ZERBO, Spécialiste en Management de l’Achat International et en Ingénierie Logistique.

De prime abord, triomphaux sont ces temps reculés où les fiers guerriers Mossis dans la savane burkinabè, à califourchon sur leurs puissants étalons, la lance à la main, l’allure fière et la chevauchée majestueuse, repoussèrent héroïquement les sempiternels assauts des empereurs du Mali, des conquérants bambaras de Ségou, et des guerriers sonraïs de Gao. Ensuite, glorieux sont ces siècles précoloniaux où à l’est du Burkina Faso, les Gourmantchés, cousins des Mossis, croisèrent victorieusement le fer contre les haoussas du Niger et les dagombas du Togo.

En outre, chevaleresque et anthologique est cette année 1896, au cours de laquelle le grand conquérant Samory TOURE, qui après avoir complètement saccagé la ville de Kong au nord de l’actuelle Côte d’Ivoire, entreprit de s’emparer de la belle ville de Bobo-Dioulasso. C’est au cours de cette expédition en terre burkinabè que l’illustre conquérant essuya sa première défaite militaire, plus précisément dans la zone de l’actuelle Noumoudara, face aux intrépides combattants de Tiefo Amoro, qui lui opposèrent une farouche résistance d’une semaine.

Par ailleurs, impressionnante est la fameuse « guerre du Bani Volta » de 1916, déclenchée par les tribus Bwaba, Marka, Samo, Sambla, Minianka, Fulbé, Toussian, Lela et Bobo, qui, excédés par l’injustice coloniale, s’insurgèrent et réussirent avec des arcs, des gourdins et autres armes rudimentaires, à dérouter 800 hommes de l’armée coloniale française armés de canons et autres armes à feu. Il a fallu un renfort de 700 hommes disposant d’un attirail sophistiqué pour venir à bout de la fougue et la détermination des insurgés. Les historiens spécialistes de la colonisation, retiennent unanimement la guerre du Bani Volta menée par les grands parents des burkinabè contre l’hégémonie coloniale française, comme « l’une des plus grandes batailles anticoloniales menée dans toute l’Afrique ».

De plus, dans les temps coloniaux, une bataille non pas militaire, mais revendicative mérite d’être surlignée. En effet, quand la France supprima la Haute –Volta et la partagea entre le Mali, le Niger et la Côte d’Ivoire en 1932, braves et dignes furent ces monarques voltaïques, qui refusèrent la soumission et l’apatridie, transcendèrent leur particularisme ethnique et leur ethnocentrisme naturel, pour s’unir et exiger à l’occupant français de reconstituer leur patrie, « la fière Volta de leurs aïeux », dans ses frontières de 1932. Cette reconstitution devint une réalité en 1947, après la seconde guerre mondiale, au cours de laquelle la Haute-Volta, « Terre des Hommes » selon le Général de GAULLE, avait pris une part active à la libération de la France.

Finalement, à une époque plus récente, face aux provocations du jeune et bouillant Capitaine Isidore Noël Thomas SANKARA et du fait surtout de la « bande d’Agacher », cette portion de terre convoitée par le Mali et le Burkina Faso, le Général Moussa TRAORE du Mali lança 150 chars à l’assaut du Burkina Faso le 25 Décembre 1985. Les objectifs principaux du Général TRAORE étaient premièrement de faire taire à jamais « le petit impoli ou l’enfant blakôrô de Ouagadougou » en lui donnant une belle fessée militaire, et deuxièmement, prendre Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays, en tenaille.

En face, l’armée burkinabè, dont les grands officiers militaires étaient soit embastillés, soit mis à l’écart ou au garage par la révolution sankariste, était sous-équipée, mal organisée, impréparée et surtout, commandée par de très jeunes capitaines inexpérimentés (entre autres les capitaines Blaise COMPAORE et Boukary KABORE dit le Lion). Malgré tout, ces jeunes militaires, tous logés dans la trentaine d’âge, rejetèrent l’option de l’armistice, livrèrent bataille et parvinrent même à contenir l’offensive malienne. Apropos de cette guerre, l’écrivain malgache ANDRIAMIRADO écrivit ceci : « des combattants burkinabé attaquent les chars maliens à la roquette, et parfois même à la grenade ou au couteau, après avoir ouvert les écoutilles ».

Ainsi, à la lumière des faits historiques susmentionnés, le constat suivant est irrévocable : la capacité à défendre leur territoire ; la disposition à se rebeller contre l’arbitraire ; la faculté à se rebiffer contre la domination ; et surtout, à s’ériger contre tout ce qui touche à leur fierté et leur dignité, constituent la principale caractéristique de l’Homme burkinabè, et représentent la substance, l’essence et la quintessence des ressortissants du « Pays des Hommes Intègres ».

Le « Ditanyè ou chant de la victoire », l’hymne national du Burkina Faso, l’évoque pertinemment en ces termes :

« Contre la férule humiliante, il y a déjà 1000 ans,
Contre la rapacité venue de loin les asservir, il y a 100 ans.
Contre la cynique malice métamorphosée en néocolonialisme et ses petits servants locaux,
Beaucoup flanchèrent, et certains résistèrent.
Mais les échecs, les succès, la sueur et le sang ont fortifié notre peuple courageux, et fertilisé sa lutte héroïque ».

De nature sobre, le profil toujours bas, les valeurs de respect dans l’ADN et d’humilité dans l’âme, le Burkinabè devient méconnaissable, tombe dans une colère foudroyante et adopte une posture belliqueuse une fois ses limites atteintes, sa patience entamée et son amour-propre bafoué.

Enfin, à l’heure actuelle, face aux assaillants terroristes, le Burkina Faso n’est plus une citadelle infranchissable. Ainsi, relativement aux grandes batailles victorieusement livrées par les Burkinabè d’autrefois contre leurs envahisseurs, un commerçant Mossi balafré de Rood Wooko dirait ceci à juste raison : « tout ça, c’était le hier ». En effet, cet héroïsme appartient à l’Histoire. Aujourd’hui, l’armée burkinabè échoue lamentablement face aux terroristes. Les descendants des fiers guerriers Mossis, des courageux combattants Gourmantchés, des vaillants Gourounsi, des intrépides Bissa, des redoutables archers Lobis, Dagara, Bwa et Bobo, des géants et robustes lutteurs Samo et des braves peulhs, subissent une défaite cuisante face au terrorisme.

Le comble du fiasco, le paroxysme de la foutaise est que les terroristes ont réussi à frapper le centre névralgique et le noyau décisionnel de l’armée burkinabé, à savoir, l’Etat-major Général des Armées. Aussi, le summum de la déception et de la honte, est que des Burkinabè ont été des acteurs cooptés par l’ennemi pour meurtrir leur propre patrie et endeuiller leurs compatriotes. Alors, qu’est-ce qui n’a pas marché, pour que des jeunes burkinabè, biberonnés dès l’enfance dans la tolérance religieuse et l’amour de la patrie, puissent retourner leurs armes contre le pays qui les a vu naître, et verser le sang de leurs concitoyens sur cette terre qui les a vu grandir ?

L’armée burkinabé, qui est républicaine, multi-ethnique et pluri-religieuse, et qui a toujours été proche de son peuple dans les heures les plus sombres de son histoire, serait-elle truffée de taupes, de félons et d’éléments en connivence avec l’ennemi ? Les Généraux Aboubacar Sangoulé LAMIZANA et Baba SY ; les Colonels Yorian Gabriel SOME et Saye ZERBO ; le Lieutenant-Colonel de gendarmerie Badembiè Pierre Claver NEZIEN et les Commandants Moumouni OUEDRAOGO et Fidèle GUEBRE entre autres, qui ont sacrifié leur vie pour cette belle armée, ont surement, dans leur demeure éternelle respective, pleuré amèrement ce 02 Mars 2018. En revanche, le terrorisme, le mal du présent siècle, n’est pas invincible. Le Burkina-Faso le vaincra.

Premièrement, le terrorisme se fortifie des fissures inter-religieuses et se nourrit des oppositions ethniques. A la lumière de la réalité anthropologique, sociologique et historique du Burkina Faso, le terrorisme aura du mal à s’y imposer. En effet, au « Pays des Hommes Intègres », les mariages inter-religieux et inter-ethniques sont naturels et légions, et l’ethnicisme y est quasi inexistant. Pour preuve, dans une Afrique Noire en proie au communautarisme et au tribalisme, paradoxalement chez nous au Burkina Faso, deux présidents issus de l’ethnie très largement majoritaire (Maurice YAMEOGO et Blaise COMPAORE) ont été chassés du pouvoir par la rue, tandis que deux présidents d’une ethnie minoritaire (le Général Aboubacar Sangoulé LAMIZANA et le Colonel Saye ZERBO) ont été plébiscités à la fonction suprême.
Ensuite, le problème ethnico-religieux étant moindre, il faudra urgemment que le Burkina Faso se réconcilie avec lui-même.

Un régime de 27 ans a été brutalement chassé du pouvoir. Certains de ses membres influents souhaiteraient ardemment l’échec du régime actuel, et auraient le plaisir silencieux et la joie taciturne de voir l’appareil sécuritaire du président Roch KABORE mis à mal par les terroristes ; ce qui pourrait faire regretter par la population le départ de leur mentor déchu. De plus, deux généraux, amis et fidèles du Capitaine COMPAORE depuis les temps Sankara, sont actuellement aux arrêts ; ce qui grossit le clan des mécontents, car ces derniers ont toujours des affidés parmi les militaires, surtout ceux radiés ou en cavale. Ces militaires radiés sont pourtant des potentiels recrus djihadistes. Une RECONCILIATION NATIONALE s’impose donc au Burkina Faso.

Pas une RECONCILIATION NATIONALE faite en grande pompe, de façon somptueuse, festive et médiatique. Pas une RECONCILIATION NATIONALE où le pardon s’octroie avec une contrepartie pécuniaire. Non. L’idéale serait une RECONCILIATION NATIONALE de cœur, où chaque Burkinabè, face à face avec sa conscience et Son CREATEUR, entre en lui-même, et décide de PARDONNER ou d’accepter le PARDON. Et ce, pour le bonheur du Burkina, pour la réhabilitation de notre géniale et formidable culture du vivre ensemble, pour l’avenir de leurs enfants, et surtout, dans l’objectif de n’accorder aucune faille à l’ennemi.

Par ailleurs, la lutte contre la pauvreté et le chômage, surtout au Sahel, doit être farouchement menée par le pouvoir actuel, car, c’est parmi les jeunes désœuvrés et affamés que le terrorisme tire la plupart de ses kamikazes.

Enfin, la guerre contre le terrorisme étant asymétrique, une belle complicité entre le peuple (simples citoyens, chefs traditionnels, chefs religieux, Organisations de la Société Civile…) et son armée sur le plan des renseignements, permettraient un écrasement total du terrorisme au « Pays de l’Etalon d’Afrique ».
Vive éternellement notre Très Cher Burkina.
La Patrie ou la Mort, nous Vaincrons.
QUE DIEU BENISSE et GARDE le Burkina Faso.

Sidiki Aboubacar ZERBO
Spécialiste en Management de l’Achat International
Et en Ingénierie Logistique.
wendin.aboubacar.zerbo@gmail.com

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Vos commentaires

  • Le 20 avril 2018 à 15:14, par Yelwingtiim En réponse à : Burkina Faso : Des grandes batailles du passé, au terrorisme d’aujourd’hui

    Article très très pertinent et encourageant !
    Merci mon cher Zerbo ! Heureusement que tu as retenu les leçons apprises auprès des mossis.
    Sérieusement, tu as su bien faire le lien entre le passé et le présent : ce qui nous donnera la victoire dans un futur proche, par ce que nous avons confiance à nos FDS.

    Le Peuple Burkinabè reste imperturbable !

    Bon courage à toi !

  • Le 20 avril 2018 à 15:42, par zoundi En réponse à : Burkina Faso : Des grandes batailles du passé, au terrorisme d’aujourd’hui

    J’apprécie positivement votre message. Par l’engagement de tous, dont le Burkina a besoin, le pays viendra à bout du terrorisme. YES WE CAN.

  • Le 20 avril 2018 à 17:27, par logana En réponse à : Burkina Faso : Des grandes batailles du passé, au terrorisme d’aujourd’hui

    je tire mon chapeau à l’auteur de cet écrit. vous avez tout dit. « Pas une RÉCONCILIATION NATIONALE faite en grande pompe, de façon somptueuse, festive et médiatique. Pas une RÉCONCILIATION NATIONALE où le pardon s’octroie avec une contrepartie pécuniaire. Non. L’idéale serait une RÉCONCILIATION NATIONALE de cœur, où chaque Burkinabè, face à face avec sa conscience et Son CRÉATEUR, entre en lui-même, et décide de PARDONNER ou d’accepter le PARDON. Et ce, pour le bonheur du Burkina, pour la réhabilitation de notre géniale et formidable culture du vivre ensemble, pour l’avenir de leurs enfants, et surtout, dans l’objectif de n’accorder aucune faille à l’ennemi ».

  • Le 20 avril 2018 à 17:42, par Thom’S En réponse à : Burkina Faso : Des grandes batailles du passé, au terrorisme d’aujourd’hui

    Vous avez tout dit, monsieur ZERBO. Merci pour votre contribution. Voilà un esclave des Mossi qui fait de bonnes analyses. Merci beaucoup.

  • Le 20 avril 2018 à 17:48, par OUATTARA En réponse à : Burkina Faso : Des grandes batailles du passé, au terrorisme d’aujourd’hui

    Merci pour votre contribution tellement juste.
    Le gouvernement devrait produire une série avec ces moments historiques
    héroïques de notre pays

  • Le 20 avril 2018 à 19:08, par Bernard Luther King ou le Prophete Impie En réponse à : Burkina Faso : Des grandes batailles du passé, au terrorisme d’aujourd’hui

    A)
    Merci pour votre effort litteraire et un peu historiographique. Quelques remarques :
    Vous parlez d’officiers inexpermentés en parlant de Isidore Sankara, Blaise Compaoré, etc.
    C’est tout à leur honneur malgré tout d’avoir pu tenir tête à Moussa Tar-ouaré. En tant qu’officier pouvait-on s’attendre à être mieux formés pour aller en guerre ? Les israeliens dans la guerre des 6 jours etaient-ils mieux formés que notre armée. Est-ce qu’on naît experimenté ? Ce qui compte, c’est ce qu’ils ont osé faire.
    Je vous rappelle que l’Armée Romaine, la plus puissante de l’Epoque, de nos jours comparables aux USA, a dû epuiser toute sa strategie avec ses meilleurs generaux contre l’Intraitable Hannibal. Il a fallu un jeune de 30 ans (ou de 18ans) du nom de Cipion pour prendre la relève ( je dis literalement) de tous les generaux de l’Empire, et ce au detriment de toutes les traditions militaires de l’Empire. C’est aisni que Cipion a dejoué Hannibal, l’a traqué, jusqu’à ce qu’il se suicide pour qu’enfin Rome reprenne dans un dernier soupir son hegemonie. Ne baillonnez pas les jeunes et la jeunesse avec ces mantras ploucratiques. Du reste, du courage et merci à vous !

    B) Pour la lutte anti-terrorrsite, ma solution finale !
    1) Renforcer l’effectif des FDS et autres, sans pitié !
    2) Au lieu de continuer a demander la cooperation de la population, il faut exiger l’engagement des populations. Des citoyens ne peuvent pas venir ici et d’ailleurs pour payer le prix du laxisme social et que sais-je ?
    3) Je rejoins une proposition de notre aîné, l’Expert Ismael Diallo lors d’un debat radio-diffusé sur le terrorisme. IL nous faut recourir à tous ceux qui ont des pouvoirs surnaturels, ESP (Perception Extra-sensorielle, etc ..) pour contribuer au matage des terrorristes. Souvenons de ces 2 jeunes qui se sont presentés lors de l’attaque du Restaurant Aziz sur Kouame NKruma. Ils ont demandés aux FDS de les laisser maitriser les terrorrsites.Mais la fierte des uns et des autres ont ecarté cette solution, et avec "raison". Mais l’heure est grave, et en mooré, on dit que "zabr pa sagb ti b baood kasem ye". Literalement, "la bagarre, c’est pas une partie de tô à manger pour qu’on attende les ainés".
    4) "L’heure est grave", disait le Colonel Saye Zerbo. Il faut solliciter les Koglweoogo volontaires et il en existe, et pas peu ! Qui seraient prêt à relever ce defi extraordianire de la lutte anti-terrorriste. Il nous recourir à tous ceux qui sont doués : wak anti-balles, wak pour disparaître, que sais-je ? OUI, les Koglweoogo peuvent faire quelque chose. Il faut oser INNOVER au lieu de rester dans la religiosité technico-militaire et autres.
    5) Il ne faudra pas oublier d’etre genereux et reconnaissant : payer ces volontaires substantiellement. "On ne mange pas les merci !"
    A bas Dieu, cet autre imbecile et vampire de nos consciences humaines !

  • Le 20 avril 2018 à 22:56, par Believe En réponse à : Burkina Faso : Des grandes batailles du passé, au terrorisme d’aujourd’hui

    Si je comprend bien majorité de burkinabé choisirait un samo comme président du faso à la place d’un mossi. Pourquoi encore eux ?

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