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Laurent Gbagbo et la crise ivoirienne : parties d’échecs et douches écossaises

Publié le vendredi 19 décembre 2003 à 05h29min

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ABIDJAN, 18 déc (AFP) - 17h49 - "Je suis le maître de mon temps et de mes humeurs". Cette petite phrase du président Laurent Gbagbo, qui s’est invité à Bouaké (centre), QG de l’ex-rébellion, d’ici la fin de l’année, peut expliquer la crise politico-militaire ivoirienne qui oscille sans cesse entre partie d’échecs ou de poker et douche écossaise.
"Préparez mon voyage. C’est ma priorité toutes affaires cessantes !", a-t-il lancé mercredi à un parterre de militaires loyalistes et ex-rebelles.

Laurent Gbagbo règne sur un pays coupé en deux depuis septembre 2002. Tel le roi sur l’échiquier, il contraint toutes les parties à des "corrections de trajectoire" permanentes qu’ils s’agissent des forces armées des deux bords, des forces françaises, de la direction politique de l’ex-rébellion, de la rue abidjanaise, qui lui est favorable, ou des "durs" de son propre camp pour lesquels un rebelle reste un rebelle.

Mercredi, le président a ainsi donné du "chers frères, officiers ivoiriens" aux dirigeants militaires de l’ex-rébellion.

Fort de 30 ans dans l’opposition, Laurent Gbagbo a appris la patience. Au bout de trois années de pouvoir chaotique, il a fait preuve d’une ténacité, d’une duplicité à toute épreuve, disent ses adversaires, .

"Commuotidien Fraternité matin. Réponse : "Insaisissable, comme un poisson silure, il glisse entre les mains".

"Je suis le maître de mon temps et de mes humeurs", avait-il déclaré l’automne dernier en recevant l’AFP . Laurent Gbagbo tantôt accélère, tantôt botte en touche, et désarçonne ses partisans comme ses adversaires.

"Il a le don de l’accélération et a toujours un coup d’avance", relève un homme politique qui le connaît bien.

Les "faucons" de son camp se réjouissent-ils de l’entendre répéter que les accords inter-ivoiriens de Marcoussis (janvier 2003) sont mauvais "comme de l’huile de ricin", qu’ils doivent déchanter lorsqu’il proclame qu’il faut tout de même les appliquer totalement.

Ses adversaires, qui savent aussi "jouer la montre" en boudant depuis fin septembre les réunions du gouvernement de réconciliation nationale, sont tout autant pris de court quand il annonce qu’il s’invite à Bouaké (QG des ex-rebelles et deuxième ville du pays) pour annoncer la "fin officielle de la guerre".

Quant à la France, qui s’est investie militairement et diplomatiquement à la mesure du rôle qu’elle veut jouer en Afrique, elle est soumise au même régime de douche froide : chaque fois que l’on entrevoit une lueur au bout du tunnel ivoirien, une décision ou un incident sur le terrain viennent tout bouleverser.

L’assassinat, le 21 octobre, du correspondant de RFI Jean Hélène par un policier ivoirien, ou la curieuse fusillade nocturne qui a fait 20 morts à Abidjan le 13 décembre, à la veille du début théorique du désarmement des deux camps, sont autant de "mini-crises" susceptibles de faire dérailler un processus de paix déjà chaotique.

Sur l’échiquier franco-ivoirien, chacun avance ou sacrifie des pions : Paris a rappelé, fin 2002, son ambassadeur Renaud Vignal, très remonté contre Laurent Gbagbo. Ce dernier, mercredi, a mis au pas les "jeunes patriotes", ses partisans de la rue, auxquels il a intimé l’ordre de "ne pas le gêner". Il y a peu, il était pourtant venu les saluer alors qu’ils assiégeaient la base militaire française à Abidjan.

Dans cette guerre des nerfs, personne ne peut obtenir le mat.

Tout le monde cherche à achever la partie par un pat honorable (figure d’échecs qui contraint le roi à ne plus bouger sans être pris), pour éviter la guerre qui couve toujours.

AFP

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