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Cour pénale internationale (CPI) : Un écrivain recadre les dirigeants africains

Publié le mercredi 21 mars 2018 à 15h45min

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Cour pénale internationale (CPI) : Un écrivain recadre les dirigeants africains

A la fois diplômé de la Chaire UNESCO des Droits de l’Homme et de la Démocratie (Bénin) et de l’Institut International des Droits de l’Homme (IIDH-Strasbourg, France), le juriste Aubin DASSI NDE vient de publier aux Editions EDILIVRE un ouvrage à forte inclination polémique intitulé : La Cour pénale internationale – Une chance en Afrique (Edilivre, Paris, janvier 2018, 316 pages). Tout en s’efforçant de proposer d’une part une clarification actualisée des quatre crimes rentrant dans le champ de compétence matériel de la CPI et, d’autre part, des suggestions justifiées de réformes du Statut de Rome de la CPI, l’auteur ne manque pas de tourner en dérision les critiques acerbes élevées en Afrique comme ailleurs contre cette juridiction internationale. Ce livre qui suscite actuellement de vives polémiques au sein des classes intellectuelles africaines pourrait être appréhendé sous quelques points saillants.

Une dynamique de réception de la CPI en Afrique

L’on apprend d’une part en lisant cet ouvrage que nonobstant le retrait effectif du Burundi, l’Afrique compte encore le plus grand nombre d’Etats parties au Statut de Rome et que des dirigeants africains ont déjà saisi au moins six fois la CPI, comme le Gabon, dont le Ministre de la Communication, Alain-Claude Bilie By Nze, précisait récemment sans équivoque : « […] le Gabon a déjà saisi, de sa propre initiative, la CPI, seul juge international reconnu par tous […] »
Face à l’esclavage en Libye, tandis que pour Mahamadou Issoufou, Président du Niger, « L’esclavage est un crime contre l’humanité et je saisis l’occasion pour lancer un appel à la Cour pénale internationale pour qu’elle se saisisse du dossier », Abdoulaye Wade, ancien Président du Sénégal, suggérait dans le même sens que « […] le Procureur de la Cour pénale internationale n’a qu’à s’auto-saisir […] »

Des contextes sociopolitiques africains sulfureux et cruels, propices à l’action de la CPI

L’auteur reprend, entre autres, ces cris désespérés d’Idriss Deby Itno, Président du Tchad, face à la terreur innommable des hommes d’Omar Hassan El-Béchir du Sudan : « Au-delà du Darfour, la politique de la terre brûlée mise en œuvre par El-Béchir a été étendue à notre pays. Jusqu’à 60 km en deçà de la frontière, vous ne trouverez âme qui vive […] L’Allemagne nazie et le régime sud-africain d’apartheid n’ont pas fait pire que les Djandjawids et l’armée soudanaise […] »
Pour Yoweri Kaguta Museveni d’Ouganda, « L’implication de la CPI dans la chasse à Joseph Kony est très importante, en particulier parce qu’elle nous permet de faire pression sur Khartoum […] », tandis que les dirigeants maliens, dans leur instrument de saisine de la CPI 13/07/2012 dénoncent des « […] violations graves et massives des droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire […] »

Des positions divergentes des dirigeants africains vis-à-vis de la CPI

Les dirigeants africains, encore en fonction ou pas, relève l’auteur, sont assez divisés vis-à-vis de la CPI, avec des positions que l’on pourrait situer entre trois clans : le clan des anti-CPI, celui des pro-CPI et celui des ambigus.

1- Les anti-CPI fustigent sans ménagement la légitimité et l’action de la CPI en Afrique. Tandis qu’Omar Hassan El-Béchir du Soudan estime que « Cette CPI fait partie des outils de déstabilisation du Soudan […] je ne me plierai pas et résisterai à cet acharnement politique qui instrumentalise la justice internationale […] », la Gambie sous Yaya Jammeh n’y trouvait rien de mieux plus qu’une Cour utilisée pour « persécuter les Africains et surtout leurs dirigeants […] », position rejoignant celle d’Obiang Nguema Mbasogo de Guinée Equatoriale : « […] Nous, Africains, sommes malmenés et considérés encore comme des esclaves. Cela doit cesser. »

2- Les pro-CPI soutiennent ardemment l’action de la CPI, à l’exemple de Seretse Khama, Président du Botswana, pour qui « la CPI aide à envoyer un message fort que personne, indépendamment de sa station sociale, n’est au-dessus de la loi […] »
Se comptent également sur ce flanc les Présidents Alassane Dramane Ouattara de côte d’Ivoire, Macky Sall du Sénégal , ou encore des anciens dirigeants tels Blaise Compaoré du Burkina Faso, Olusegun Obasanjo du Nigeria, John Kufuor du Ghana, Nelson Mandela d’Afrique du Sud, Abdou Diouf du Sénégal voire Moncef Marzouki de Tunisie, lequel qui estime que la place de Bashar al-Assad « est devant la Cour pénale internationale » ; des vœux que formule également Mohamed Morsi d’Egypte : « Ce n’est pas moi qui le veux [que Assad soit jugé devant la Cour pénale internationale], mais c’est le peuple syrien qui le veut. »

3- Les ambigus constituent le clan de dirigeants qui élèvent des critiques acerbes et brandissent des menaces contre la CPI, tout en s’abstenant de franchir le pas pourtant facile du retrait de leurs Etats du Statut de Rome, ou tout en sollicitant et bénéficiant des interventions de cette Cour.

Sam Kutesa, ancien Ministre des Affaires Etrangères d’Ouganda, traduit subtilement cette ambigüité en ces termes : « […] Dans le cas d’El-Béchir, nous soutenons totalement la position de la CPI selon laquelle quiconque commet des violations des droits de l’Homme ou commet un génocide doit être jugé, mais nous sommes également membres de l’Union africaine […] » Le Tchad compte également parmi les pays qui fustigent avec ardeur l’action de la CPI en Afrique, son Président, Idriss Deby Itno, évoquant le « deux poids deux mesures » de cette juridiction, après avoir soutenu les poursuites et mandats de la CPI contre El-Béchir du Soudan.
Le Kenya d’Uhuru Kenyatta affiche la même ambigüité, tout autant que la RDC fut le deuxième pays au monde à renvoyer une situation devant la CPI en 2004, juridiction fermement critiquée en mars 2014 par Lambert Mende Omalanga, actuel Ministre des Médias et Porte-parole du Gouvernement de la RDC.

Lien pour lire gratuitement les 20 premières pages du livre :
https://www.edilivre.com/la-cour-pe...

Par : Dr. Abdoulaziz Koulibali, Consultant en droits de l’Homme
Email : abdoulazizkoulibali107@gmail.com

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Vos commentaires

  • Le 21 mars 2018 à 17:57, par RAWA En réponse à : Cour pénale internationale (CPI) : Un écrivain recadre les dirigeants africains

    Je ne suis pas expert en droit de l’homme mais je n’hésiterais pas à prendre position face à un homme de droit sur des questions qui sont claires pour tout le monde. Le problème de la CPI est qu’elle parait comme un instrument pour baillonner tout décideur africain qui refuserait les dictats des européens. Il y’a beaucoup de crimes de guerre en afrque, sinon tous les crimes qui sont largement imputables aux dirigants occidentaux et pourtant, personne ne parle de celà. Prenons seulement les problèmes que nous africains de l’Ouest vivons aujourd’hui. Tous ces problèmes ont été créés par ceux qui, sous des prétextes fallacieux ont trouvé utile de destabiliser la Lybie en tuant le Guide Lybien. Combien de mort y’a t-il eu ? Et depuis cet acte que je ne saurais qualifier (attaquer un état souverain et en tuer le dirigent) combien de morts y’a t-il eu dans l’ouest africain à cause de cette bêtise ? Pourtant ceux qui ont fait ça ne sont pas à la CPI. EN CÖTE D’Ivoire c’est la même chose. Tout l’afrique devrait quitter la CPI.

  • Le 21 mars 2018 à 23:15, par Dibi En réponse à : Cour pénale internationale (CPI) : Un écrivain recadre les dirigeants africains

    La CPI est une cours d’exception occidentale. Osons le mot, c’est une cours coloniale dont le domaine territorial d’application est réduit à l’Afrique, ce grand foutoir néocolonial et d’analphabètes de masses jusqu’aux sommets.
    A ce domaine nègre de la CPI, on peut ajouter les néo-colonies des Balkans et toute autre partie du monde où les intérêts occidentaux donnent le la et contingentent de façon sourcilleuse les indépendances nationales. En ce sens et dans tous les cas, la CPI reste le complément idoine de l’arsenal punitif de l’insoumission dont l’Occident dispose dans ses néo-colonies ; et contre tous ceux qui se révèlent rétifs à ses prétendues valeurs d’humanisme prédateur et fouteur de merde au bazooka. De telles dispositions et de telles valeurs signent contre toute attente, l’absence de "criminels de guerre ou contre l’humanité" en Occident ; cet Occident-érigé-en-humanité. Et pourtant, à bien y regarder de près,de ce côté-ci, on devrait trouver quelques bons gros délinquants politiques au double menton bien plein jusqu’à la gorge et éminemment criminels.
    La CPI n’est que l’autre versant de son arsenal de domination ; le versant juridique et symbolique en complément des armes de conquêtes et d’annexion réelles que sont ses Rafales, ses Tornado, ses Grippen et autres F15. En plus de ses bases de drones et de légionnaires stationnés à domicile. Toutes choses qui impressionnent et empêchent les « Nègres de maison » de penser juste et critique ; de voir que l’Occident dans la poursuite de ses intérêts, se torche avec le droit et la justice. Ce qui intéresse le système de la domination occidentale, ce n’est ni le droit, ni la justice internationale. C’est purement et simplement la conduite réussie de ses affaires de prédation criminelle ; quelqu’en soient les habillages humanistes ou humanitaires. Mais ce vernis suffit à aveugler les élites africaines débilitées par des années de scolarisation aliénée et inapte à toute production intellectuelle, critique et autonome.
    L’incantation et l’appel incantatoire à la CPI par les Africains signent de fait les constats suivants : l’incompétence et l’irresponsabilité à conduire son propre droit, à régler ses propres crises et à nommer ses propres maladies, remèdes et contradictions des Etats tenus par des bourgeoisies compradores débiles et inaptes à donner corps aux destins émancipés des peuples du continents. Rien que des traites à la cause des peuples.
    Et devant eux, les Occidentaux sont passés maitres dans la manipulation des relations internationales qu’ils tordent et orientent à volonté, dans le sens qui les arrange, au plan du droit, de l’économie, du commerce, de l’histoire, des symboles et des valeurs. Ceux d’entre les Africains qui n’ont pas compris cela resteront couchés et attachés à leurs bottes à l’exemple de tous ces « nègres de maison » en Côte d’Ivoire, au Burkina-Faso, au Sénégal, au Botswana, au Nigéria… Mais tôt ou tard, ils apprendront à leur dépend que l’impérialisme occidental et ses institutions et intérêts de prédation sont rarement reconnaissant : ils n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts à défendre. Ils pressent le citron ; et une fois le citron pressé, ils le jettent à la poubelle.
    C’est donc dire que la solution à nos crises et la reconnaissance ne peuvent venir que de notre peuple et non de l’Occident et sa CPI coloniale.

  • Le 22 mars 2018 à 19:33, par Ouedraogo En réponse à : Cour pénale internationale (CPI) : Un écrivain recadre les dirigeants africains

    Les Européens n’ont pas de problème avec la CPI parce qu’ils ont la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui fait déjà le boulot que la CPI.

    Si les Africains veulent quitter la CPI c’est parce que la Cour Africaine de Justice ne fonctionne pas !

    Moralité : au lieu de chercher à quitter la CPI, rendons notre Cour Africaine aussi forte que la CPI, afin que nos présidents qui tuent leurs citoyens perdent le sommeil, et que le chantage des dirigeants Européens s’arrête.

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