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L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

Publié le vendredi 16 mars 2018 à 23h57min

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L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

Je viens de lire le Rapport de Synthèse (2017) de la COMMISSION D’ENQUÊTE PARLEMENTAIRE SUR LE SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT AU BURKINA FASO. Ce travail ingénieux qui apporte une fois de plus des preuves d’une chute libre de toute une nation avec une forte interpellation suscite en moi des vagues d’idées que j’aimerais partager.

Cette synthèse révèle que de 1962 à 2014, le système éducatif burkinabè a connu sept (7) réformes et « aucune de ces réformes n’a jusqu’ici réussi à transformer qualitativement l’école burkinabè, complètement déconnectée des réalités nationales. » Ce qui veut dire que la vision, la mission, et les objectifs du système éducatif burkinabè sont restés les mêmes que ceux fixés par le colon aux toutes premières heures de l’école voltaïque.

L’école voltaïque était une école de formation sous commande. L’administration coloniale formait pour des besoins de service administratif. Les premiers écoliers burkinabè étaient recrutés de force pour une formation conditionnée ou disons une déformation programmée pour des services administratifs. Ainsi, les sciences exactes et appliquées, la technique et la formation professionnelle n’étaient pas une priorité. Aujourd’hui, le Burkina qui est supposé former pour la production, la transformation, et l’innovation, continue avec les mêmes programmes voltaïques.

Le problème n’est pas un manque de vision. Il est plutôt un manque de volonté et de courage. Les leaders burkinabè savent que l’État seul ne peut pas employer tous les diplômés burkinabè comme le faisait l’administration voltaïque. Les sept (7) réformes passées sont la preuve que nous avons tous conscience de ce que l’école risque de nous créer. Malheureusement, pour toutes les reformes, l’application a toujours fait defaut.

Ainsi, face aux enjeux et défis du siècle, l’Afrique en général et le Burkina en particulier préfère se taire et observer ses enfants s’entre-déchirer dans un bus manuel conduit par des chauffeurs qui admirent les boîtes automatiques, mais craignent de ne pas pouvoir les opérer. Nous dispensons les cours dans les mêmes écoles des années 50, sur les mêmes bancs avec les mêmes livres et approches d’il y a 50 ans.

Ce manque d’objectif spécifique fait que nos systèmes accouchent chaque année des diplômés frustrés, des détenteurs de maîtrises qui se demandent intérieurement ce qu’ils maîtrisent. Nous avons chaque année des milliers d’étudiants diplômés en lettres qui s’alignent devant des guichets pour des concours d’agents de santé ou d’agents comptables.

L’État est au courant, la fonction publique sait que les élèves et étudiants burkinabè n’ont aucun plaisir ou autre motivation à pédaler un vélo de 8.000f chaque jour si ce n’est que pour le diplôme, ticket d’accès aux jeux de loterie de la fonction publique. Ils sont rares ces élèves et étudiants qui partent à l’école aujourd’hui pour des compétences définies. Peu de professeurs les enseignent d’ailleurs pour des compétences. Ils reçoivent, élèves comme étudiants, redonnent tout au devoir, et ressortent du système avec le diplôme pour s’aligner devant plusieurs guichets et tenter leur chance. Conséquence, des détenteurs de licence en anglais manipulent des seringues dans les Centres de santé.

Nous savons où se trouve le problème et nous attendons que quelqu’un des organisations internationales, de la France ou des États-Unis vienne nous dire ce qu’il y a à faire. Nous attendons qu’ils viennent nous dire de revoir notre système pour commencer à faire des tournées dans les régions et des assises à ne pas finir. Tant que le cri ne vient pas de l’extérieur, ça ne nous gêne pas.

Que gagne l’État par exemple, en subventionnant la formation des étudiants en lettres jusqu’à la maîtrise pour après les recruter pour « un an » de "formation" à Koudougou afin de les utiliser comme enseignants dans les lycées et collèges ? Que gagne l’État et surtout que gagne l’étudiant quand on sait que pour avoir une licence dans les universités publiques il faut au moins cinq (5) ans. En plus, il faudra au minimum deux (2) ans d’essai des concours pour espérer avoir un. En tout, il faut au moins sept (7) ans pour avoir un concours de professeur des lycées et collèges avec une licence, allez suivre un (1) an de formation théorique et un (1) an de formation pratique, au total neuf (9) ans de formation pour être un professeur avec une licence.

Nous savons que la majorité des diplômés en lettre finissent dans l’enseignement. Pourquoi ne pas créer spécialement un département d’éducation dans les universités publiques d’où sortiront les professeurs des collèges (avec une licence en éducation, trois (3) ans de théorie et un (1) an de pratique) et les professeurs des lycées (avec un Master en éducation, quatre (4) ans de théorie et un (1) an de pratique) ? Une telle initiative pourrait permettre à toutes les écoles du Burkina et surtout tous les enfants du Burkina d’avoir des professeurs aguerris formés sur tous les enjeux du métier d’enseignant. Cette réforme pourrait aussi réduire la durée de subvention de la formation de nos étudiants, nous épargner des frais d’organisation des concours de recrutement des professeurs des lycées et collèges, et le cycle de formation des fils du pays.

Comparaison n’est pas raison, mais nos cousins ghanéens, forment leurs professeurs des collèges et lycées entre trois (3) et cinq (5) ans dans des départements d’éducation. Au lieu d’informer les professeurs sur les théories et approches récentes, ils les forment sur une longue période. Malheureusement chez nous, pour toute la nation, il n’y a qu’un seul centre de formation, des professeurs des lycées et collèges, trempé dans le même retard des universités publiques.

Osons dire que l’école burkinabè actuelle braque les jeunes burkinabè, retire leurs rêves et confiance, et les confie au désespoir et aux épreuves. Neuf (9) ans de formation supérieure pour travailler avec une licence est bien trop quand on sait qu’ailleurs on aurait un doctorat. Acceptons taire nos intérêts conflictuels pour redresser l’école burkinabè.

Somé Kountiala Jean de Dieu
Traducteur-Interprète
Master en enseignement des langues et cultures
University of Southern Indiana, U.S.A.
Email : jeandedieusome87@yahoo.com

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Vos commentaires

  • Le 17 mars 2018 à 05:32, par Très bien En réponse à : L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

    Mon frère c’est vraiment dommage pour le pays. Nous avons des leaders complexés et enrôlé dans des organisations dont la situation de notre pays leur en profite. Au préscolaire de notre pays on enseigne aux enfants de trois (03) ans à identifier des pingouins dans des évaluations, cela par exemple être de la culture générale. Mais est ce qu’un enfant de 3 ans a besoin de culture générale ? Un enfant de 3 ans a besoin que l’on montre les animaux immédiatement accessible dans son environnement comme les chiens, les chats, les poules, les pintades, les canards, les boeuf, mouton, âne etc et plutard l’enfant en grandissant pourra élargir ses horizons.

    Ce sont les mêmes manuels scolaires depuis plus de 50 ans. Comment le burkinabè ne sera t il pas complexer ? On l’enseigne a être français dès qu’il abandonne les tétines de sa maman. Il ne connais non plus le contenu physique et biologique de son propre environnement et il ne pourra jamais voir physiquement des pingouins sauf peux à la télé dans les films. Résultats : burkinabè complexer !

    Monsieur Somé, le manque de vision des gouvernants est bien réel. Il ne faut pas sousestimer la question. Imaginez un président du Faso aussi cultivé et ayant une volonté comme les présidents américains (excepté Trump), russes, rwandais et français, les premiers ministres britanniques, canadiens, Japonais, Chinois ? Qu’est ce que cela aura comme impact pour notre pays en terme d’action de résolution de problèmes ?

    • Le 18 mars 2018 à 22:21, par Ed En réponse à : L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

      Pour aller dans la progressivité des besoins de l’école, il faut commencer par la base.
      D’abord améliorer les conditions des écoles primaires :
      - des bâtiments corrects.
      - moins d’élèves par classe.( 100 élèves en CP1 dans certaines classes rurales !)
      - une école adaptée à la réalité des enfants qui sont souvent confrontés du jour au lendemain à une langue inconnue, le français.
      - favoriser la place qui revient au langage maternel, ce qui ne signifie pas forcément le transformer en langue écrite.
      - changer les programmes qui datent d’une autre époque et qui ne sont pas adaptés et parfois inutiles.
      - mettre en place des activités pratiques pour apprendre.
      Que ceux qui ont la chance d’avoir un bagage intellectuel viennent en appui aux enfants : il faut parfois très peu pour aider de façon efficace !
      Les enfants d’aujourd’hui feront le monde de demain.

  • Le 17 mars 2018 à 06:53, par SPP En réponse à : L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

    Bravo pour cette contribution ! Les enfants de ceux qui doivent prendre la décision sont à l’extérieur dans de grandes écoles, avec des bourses volées. Ils penses qu’ils reviendront gouverner ce pays mais ils oublient quelque chose.....hummmmm

    • Le 17 mars 2018 à 18:21, par larissa En réponse à : L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

      arrêtez cette façon de réfléchir. M Some est l’enfant de quel dignitaire. quand on discute des idées n’embrouillez pas le discours avec les problèmes de personnes. parmi ceux qui étudient ailleurs il y des enfants de personnes qui ne sont pas dans le système. même si c’est un seul enfant on lui doit du respect. sans rancune.

      • Le 17 mars 2018 à 20:02, par RV En réponse à : L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

        Je pense que vous avez mal lu son post. Il ne parle pas de SOMÉ mais de nos dirigeants qui mettent leurs enfants à l’extérieur puisque conscients de la précarité de notre enseignement dont ils sont responsables. Merci de le relire.

        • Le 18 mars 2018 à 12:06, par Romuald En réponse à : L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

          C’est vous qui n’avez pas compris Larissa. Par son post, il (elle) veut dire que les enfants qui sont dehors, dans des universités d’autres pays ne sont pas forcément des enfants des dignitaires du Burkina. Il y aussi des enfants de burkinabé modestes (fonctionnaires, commerçants, agriculteurs, etc.) dont les parents se saignent pour que leurs progénitures soient bien formées dehors. Et Larissa de s’interroger sur le cas de M. SOME qui est dehors, qui n’étudie pas au Burkina. Serait-il forcement un fils de dignitaire du Burkina ? Et Larissa d’inviter les gens à ne pas embrouiller les questions claires par cette idée qui consiste à toujours dire que ce sont les enfants des dignitaires du Burkina qui sont dehors.

  • Le 17 mars 2018 à 09:15, par SOME Firmin En réponse à : L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

    Très belle analyse mon confrère
    Le système est tel qu’on perd du temps à l’université, en enseignement général. Ainsi un étudiant en lettre qui fait un concours d’Infirmier abc le niveau BAC. Très triste.

  • Le 17 mars 2018 à 09:31, par J.Perez En réponse à : L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

    Cool. Très belle et bonne réflexion M. SOME, impressionnant de la part d’un ’’esclave’’ du Sud-Ouest (lol)
    Merci pour ton écrit. Les mouvements associatifs scolaires et estudiantins doivent s’inspirer de vos idées pour impulser un bon début de changement. Le Ghana toujours cité en exemple en terme de reformes pourrait constituer une expertise proche de nos réalités africaines, moins chère et pratique. Mais malheureusement il y’a comme de la mauvaise foi de la part de tous les acteurs de notre système éducatif !
    J.P

  • Le 17 mars 2018 à 09:49, par TK En réponse à : L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

    Felicitations pour votre proposition en ce qui concerne la formation des enseignants du 1er et 2nd cycle. Pourquoi recruiter un etudiant avec le deug ou la licence pour aller ensuite les former pendant 2 ou 3 ans a devenir enseignant. Il doit etre des la 1ere annee dans la formation du primaire, 1er cycle ou 2nd cycle secondaire. L’Etat pourrait ensuite selon ses besoins de la function publique organizer un test/concours pour recruiter ceux qu’il va directement affecter dans l’enseignement sans formation. Il faut vraiment un changement de paradigm. Celui dans lequel nous sommes c’est concours, ecole de formation etc. Cela est valuable pour la santé et les autres secteurs. Tres bonne reflexion Mr Some. Avec des propositions concretes. J’espere que les "decision makers" vous lisent.

  • Le 17 mars 2018 à 15:25, par yelmion En réponse à : L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

    Belle analyse malheureusement un enseignement de qualité n’est pas le soucis de nos dirigeants. Pire certains spécialistes de l’éducation manquent d’audace, d’honnêteté de réflexion ; toujours prêts à faire du copier coller. Je suis sur k si on fait un micro trottoir au milieu des intellectuels en demandant LES FINALITÉS DE L’ÉCOLE BURKINABE ? il n’y aura pas de réponse. Certains politiciens véreux nous chantent à chaque mouvement du vent que tout est prioritaire. Je me demande comment ils gèrent leur famille(je me dis que tt doit être aussi prioritaire laba ). Je pense que tout le diagnostic de l’enseignement doit être fait et sans complaisance être que nous ayons le courage d’apporter la vraie thérapie

  • Le 20 mars 2018 à 18:42, par Youoni Conseiller En réponse à : L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

    Bellle analyse ! Mais ce qu’il faut savoir la plupart des gens viennent en Enseignement pour ne pas chômer. Aussi moi je pense qu’il faut une option en science de l’Enseignement à partir de la deuxième année pour les étudiants qui aimeraient embrasser la carrière de l’enseignement année chaque département pour continuer en troisième et quatrième année pour éviter les dépenses en formation. Le département en science de l’Education dont tu parles forme des spécialistes en éducation et non en Enseignement.
    Je ne saurai terminer mes propos sans vous dire qu’aujourd’hui l’école burkinabé a montré ses limites, elle n’a que des filières chômagènes dans nos Universités. Certaines filières sont révolues et ne cadrent pas avec l’évolution du besoin du marché de l’emploi du moment. Il faudrait que que nos étudiants aient aussi la notion de flexibilité dans la recherche de l’emploi.

  • Le 25 mars 2018 à 04:05, par Prosper Zongo En réponse à : L’école burkinabè : A quand les vraies reformes

    Hello friend. What a great article ! You have mentioned some of the key issues that pertain to education in Burkina Faso. We continue to elect people who do not know what to do or don’t care at all. Plus, our poor countries still have the weight of the colonial powers on them. When a country depends so much on foreign aid, there is not much they can do unless the elites have the courage to stand for their people. We need people with courage. Anyone who fears death or fears losing his/her political position should not join politics. They should leave politics to those who have the interest of the people in mind. Education in Burkina Faso is a sham and I am glad you wrote this enlightening article.

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