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La fonction du modèle en éducation

Publié le vendredi 25 février 2022 à 15h20min

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La fonction du modèle en éducation

Le modèle en éducation a pour objectif principal de susciter l’émulation chez les élèves en les amenant à imiter, à vouloir s’identifier aux personnages qui leur sont présentés. Ces personnages peuvent être des scientifiques, des hommes de lettre, des historiens, des philosophes etc. Le choix du modèle interpelle la responsabilité des adultes ou éducateurs qui ont en charge l’éducation des enfants.
Mots-clés : Éducateur, éducation, enfant, modèle, pédagogie

Introduction

La question du modèle se pose en éducation dans la mesure où l’action éducative vise à former un être humain selon un idéal qui peut être considéré comme l’objectif de l’éducation. Pour réaliser cet objectif il peut être proposé aux élèves des modèles dont la valeur réside essentiellement dans le fait qu’ils deviennent pour eux des sources d’inspiration. Si le modèle est une donnée de la pédagogie traditionnelle, il est rejeté par le courant des pédagogies nouvelles. Qu’est-ce que le modèle ? Peut-on concevoir une éducation sans référence à un modèle ? Le modèle peut-il devenir une source d’aliénation ?

Notre travail comportera deux axes. Le premier axe donnera le sens du modèle et le deuxième analysera les enjeux du modèle en éducation.

I. Qu’est-ce qu’un modèle ?

Il y a plusieurs conceptions du modèle en fonction des domaines de savoir comme la physique, l’ethnologie, la technique, la cybernétique. Mais nous nous intéressons au sens du modèle qui se rapporte à l’éducation. P. Foulquié (1997, p.318) définit le modèle comme « Tout ce qui (chose ou personne) est proposé à l’imitation (dessin d’après modèle, devoir modèle, écolier modèle) ». Cette définition de P. Foulquié présente le modèle comme ce qui est à imiter qu’il soit une personne ou une chose. Dans le même sens R. Lafon (1979, p.692) écrit : « Il est ce qui est attesté aux yeux de tous et à ses propres yeux et qui – référence, idéal – est susceptible d’être imité, offrant d’emblée une structure structurante à celui, à celle, qui se laisse façonner – quels que soient son intention, son niveau de conscience, voire d’inconscience ». Il ressort de cette conception que le modèle est ce qui suscite l’identification qui engendre des transformations de la personne concernée pour ressembler à son modèle.

Pour J. Nadel (1997, p.474) : « Le modèle ne se définit pas exclusivement comme source de modelage. Il désigne aussi celui qui est imité. Et il s’applique également à celui dont le comportement influence le comportement d’autres personnes en dehors de toute acquisition » et le modelage est défini comme un « Processus d’acquisition d’un comportement par observation d’un modèle ; apprentissage par observation ». Il ressort de cette conception que le modèle désigne une personne dont le comportement est considéré comme un modèle c’est-à-dire exemplaire et qui peut susciter une imitation de la part d’autres personnes. Exemplaire s’entend ici dans le sens de ce qui est conforme au goût ou aux aspirations d’un individu ou d’un groupe donné. L’objectif de cette imitation est de s’identifier au modèle pour lui ressembler. En revanche, dans le cas du modelage la personne qui imite ne reproduit pas instantanément et exactement le comportement acquis. Elle s’en inspire c’est-à-dire prend seulement certains traits du comportement dans des circonstances précises pour obtenir certains effets souhaités. La différence entre modelage et imitation réside dans le fait que l’imitation conduit à une identification qui entraîne une reproduction exacte du comportement considéré comme modèle.

II. Les enjeux du modèle en éducation

Le modèle est un élément essentiel dans la pédagogie traditionnelle dans la mesure où il donne des repères aux apprenants. L’enseignant offre à ses élèves en classe un nombre varié de modèles qui sont des personnes illustres ayant excellé dans un domaine précis. C’est ainsi qu’on a les poètes, les historiens, les grands scientifiques ayant fait des découvertes qui ont révolutionné le monde, permis le progrès de l’humanité, etc. La présentation de ces modèles vise à stimuler les élèves à s’identifier à eux. Dans la pédagogie traditionnelle l’éducateur est l’intermédiaire indispensable dans la réalisation des modèles car l’élève n’a pas atteint une maturité intellectuelle lui permettant de comprendre seul le sens de leurs œuvres, d’accéder au savoir. En ce sens F. Morandi (2006, p.48) écrit :
La pédagogie traditionnelle s’appuie plus sur la dynamique des modèles, l’aspect formateur des œuvres et des leçons du passé, du lien au passé et à la mémoire (tradition comme patrimoine) que sur une structure informative décontextualisée. Elle procède de la transmission du sens de l’invention et non d’un produit informationnel.

La pédagogie traditionnelle considère le recours au modèle comme une nécessité car abandonné à lui-même sans guide, l’enfant choisira et imitera des mauvais modèles qui le pervertiront. La vie offre une multitude de modèles, surtout avec l’essor des technologies de communication les enfants sont confrontés à des choix difficiles à faire. S’ils ne sont pas encadrés par des adultes ou éducateurs ils peuvent faire des choix attrayants pour leur âge mais dangereux pour leur développement moral, leur intégration future dans la société.

Le recours au modèle ne peut donc être considéré comme aliénant. Il n’empêche pas l’enfant de construire sa propre personnalité, il est une source d’inspiration pour le développement moral, intellectuel, spirituel de l’enfant et le tremplin qui lui permettra de devenir dans l’avenir un modèle lui-même pour les autres.

Si le modèle est un élément essentiel dans la pédagogie traditionnelle, les pédagogies nouvelles le rejettent. En effet, les pédagogies nouvelles mettent l’enfant au centre de l’éducation, elles optent pour le puérocentrisme qui fait de l’apprenant le principal acteur de son éducation. Le modèle apparaît dans ce cas comme un moyen permettant de façonner l’apprenant conformément à un idéal d’homme prédéfini par l’éducateur. Pour les pédagogies nouvelles le développement de l’enfant doit se faire librement sans qu’il ne lui soit imposé un modèle quelconque à imiter, sans l’exercice d’une pression de quelque forme que ce soit sur lui. En ce sens G. Snyders (1975, p.85), écrit : « Les valeurs de l’enfance ont été coupées et des modèles qu’on a voulu rendre inutiles, et du monde adulte, présenté comme stérile et incommunicable ; elles sont ainsi enfermées, en quelque sorte, en elles-mêmes –sans autre point d’appui qu’elles-mêmes ». Les pédagogies nouvelles pensent que l’enfant est capable de s’auto-éduquer, s’auto-former sur le plan moral, intellectuel, physique et spirituel. Ce qui rend inutile l’intervention humaine, plus précisément l’action éducative des adultes.

Conclusion
En somme le modèle est indispensable à la construction de la personnalité de l’enfant d’où son intérêt en éducation. L’immaturité de l’enfant impose à l’adulte le devoir de l’encadrer afin d’éviter qu’il adopte des comportements déviants. La question du bon modèle à fournir aux apprenants implique que les adultes ou éducateurs soient eux-mêmes des bons modèles. Concevoir une éducation qui exclut l’action éducative de l’adulte nous paraît comme un non-sens.

BONANÉ Rodrigue Paulin,
Chargé de recherche en philosophie de l’éducation,
Institut des Sciences des Sociétés (INSS) du Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) – Ouagadougou, Burkina Faso
Mail : rodbonane@yahoo.fr

Bibliographie
FOULQUIÉ Paul, 1997, Dictionnaire de la langue pédagogique, 2è éd. Paris, PUF
LAFON Robert, 1979, Vocabulaire de psychopédagogie et de psychiatrie de l’enfant, 4è éd. Paris, PUF
MORANDI Franc, 2006, Introduction à la pédagogie, Paris, Armand Colin, coll. « 128 »
NADEL Jacqueline, 1997, « Modèle » in BLOCH Henriette et al. (Dir.), Grand dictionnaire de la psychologie, Paris, Larousse, p.474
NADEL Jacqueline, 1997, « Modelage » in BLOCH Henriette et al. (Dir.), Grand dictionnaire de la psychologie, Paris, Larousse, p.474
SNYDERS Georges, 1975, Pédagogie progressiste, Paris, PUF, coll. « Sup l’éducateur »

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