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Week-end politique : Blaise Compaoré s’adressera à ses « camarades », Anatole Bonkoungou et les siens de l’ODT vont resserrer les rangs

Publié le samedi 24 février 2018 à 13h16min

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Week-end politique : Blaise Compaoré s’adressera à ses « camarades », Anatole Bonkoungou et les siens de l’ODT vont resserrer les rangs

Le week-end des 24 et 25 février 2018 sera politiquement chargé, notamment avec la session « tant annoncée » du bureau politique national de l’ex-parti au pouvoir, le CDP, et le Congrès de l’Organisation pour la démocratie et le travail (ODT, majorité présidentielle).

Du côté du parti de l’ancien président, Blaise Compaoré, ce rendez-vous aurait été un ‘’non-évènement’’, s’il ne cristallisait pas, depuis un moment, les regards des Burkinabè, du fait des bisbilles de leadership. Après des mois de tiraillements entre camps rivaux, et par militants et actions interposés, le Haut Conseil du parti a fini par s’auto-saisir pour faire des propositions de sortie de crise (voir en encadré au bas de l’article). Une feuille de route qui semble, visiblement, ramener les uns et les autres à regarder dans une même direction.

Ainsi, après maints apartés entre les deux responsables concurrents (Achille Tapsoba et Eddie Komboïgo, respectivement président par intérim et président statutaire), une rencontre du bureau exécutif national (BEN) a eu lieu au cours de cette semaine. Tout ceci a abouti à la convocation d’une session du bureau politique national (BPN) pour ce dimanche, 25 février 2018 à Ouagadougou. Instance statutaire, elle devra se tenir depuis longtemps, mais la crise est passée par là ; certains militants y ont vu l’incarnation de la manœuvre du président par intérim de ne pas céder (une telle rencontre aurait, par parallélisme de forme, et selon eux, rétablit Eddie Komboïgo dans ses pleines fonctions). Avec l’annonce de ce rendez-vous dominical donc, les militants de l’ancien parti au pouvoir, les membres du BPN en particulier, devront, entre autres, décider de la convocation du VIIème congrès ordinaire du parti dont l’enjeu majeur est la mise en place du nouvel organe dirigeant. Qui d’Eddie Komboïgo, Achille Tapsoba ou d’un troisième larron comme Boureima Badini (ministre de la justice dans les années 2000, Représentant spécial du Facilitateur (Blaise Compaoré) de l’Accord politique de Ouagadougou, APO, dans la crise ivoirienne …) ? En tout cas, cette session BPN s’avère déterminante pour le congrès qui, lui-même, déterminera l’avenir du CDP.

Un autre temps fort de cette session de dimanche sera sans doute « l’adresse du fondateur du parti, Blaise Compaoré, aux militants du parti via le BPN ». Si cette adresse n’est pas non plus une démarche nouvelle, il n’en demeure pas moins que pour des cadres du parti, surtout ceux qui vivent mal la situation que traverse le parti, Blaise Compaoré doit « être ferme » cette fois-ci. « A situation exceptionnelle, message exceptionnel ; il doit trancher et non tenir un discours politique comme il sait très bien le faire jusque-là », souhaite un membre de l’instance.

« Des gens qui sont-là, ne peuvent pas investir dans le fonctionnement du parti, mais quand il s’agit de jouer au contrôle du parti, ils trouvent l’argent pour instrumentaliser des jeunes. Ils partent prendre l’argent à Abidjan (lieu où réside Blaise Compaoré depuis sa chute du pouvoir, ndlr) et au lieu de revenir résoudre le problème du parti, ils font autre chose », se lâche un autre sans pour autant citer de nom.

D’autres, par contre, estiment que si personne ne veut lâcher du lest, « c’est parce que certains cadres du parti ont un pied dedans, un pied dehors. Donc, pour eux, si ça marche, tant mieux, si ça ne marche pas, ils se cassent pour aller voir ailleurs ».
Les auteurs de ce point de vue déplorent et n’excluent pas des moments encore difficiles pour leur parti, à l’image de ce qui s’est passé avec le congrès de mars 2012 et qui a donné naissance au MPP (parti au pouvoir). Actualité à suivre donc…
L’autre attraction politique phare du week-end sera sans doute le Congrès de l’Organisation pour la démocratie et le travail (ODT), qui aura lieu au CENASA (sis avenue Thomas Sankara). Il s’ouvre ce samedi, 24 février et va durer jusqu’à dimanche, 25 février. On se souvient également que ce parti a traversé une ‘’longue et profonde crise’’ au niveau de son organe dirigeant (dans les années 2014), si fait qu’à ce jour, il est difficile d’avoir une lisibilité sur ses organes dirigeants. Ce congrès apparaît donc comme un moment de décantation…et le renouvellement de son organe dirigeant, un enjeu de taille.

La question de l’alliance avec le pouvoir (dans le cadre de l’APMP) pourrait également constituer un point important pour des congressistes, quand on sait que dans la conquête de l’arrondissement N°4 (élections municipales), des inconditionnels de l’ODT n’ont pas du tout gobé l’attitude de certains responsables du parti au pouvoir vis-à-vis de leur candidat, Issa Anatole Bonkoungou.

Désigné « personnalité politique la plus influente de l’année 2017 par Intelligence Burkinabè pour le Développement », Issa Anatole Bonkoungou et les siens entendent, en tout cas, ressortir de cette instance suprême, encore plus soudés, plus combattants et avec des engagements fermes de consolidation des assises du parti sur l’ensemble du territoire national.

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net


Encadré :

Crise au CDP : les recommandations du Haut Conseil du parti

Contexte

Depuis quelques mois, le Congrès pour la démocratie et le progrès rencontre des difficultés de gouvernance, consécutives à l’évolution de la situation judiciaire du président statutaire du parti, et à ses effets sur la formation. Le Haut Conseil a été interpellé sur cette situation, notamment lors d’une réunion conjointe avec le Bureau exécutif national. Il s’y est engagé. Le présent document présente le résultat de son action.

Pourquoi le Haut Conseil intervient-il dans ce dossier ?

Il faut rappeler qu’au terme de l’article 45 des statuts du parti, le Haut Conseil est un organe regroupant des personnalités politiques de grande expérience, qui ont évolué dans les différents organes de la direction du parti et de l’appareil d’Etat, et qui peuvent mettre une somme de compétences à la disposition du parti, conformément à son statut consultatif et de conseil. Le Haut conseil dispose de ressources intellectuelles et politiques nécessaires pour jouer un rôle, lorsque des difficultés apparaissent dans le parti. Il est donc dans son rôle, en faisant les propositions contenues dans ce document.

De l’intervention du haut Conseil dans le contexte actuel

Le Haut Conseil a été encouragé à intervenir dans la situation en cours, en s’appuyant sur le précédent des législatives de 2015.

Le parti hésitait alors à aller aux élections. De fait, la tendance majoritaire au bureau exécutif national n’était pas favorable à la participation du CDP à ces élections.

Le Haut Conseil avait alors indiqué que ne pas aller aux consultations électorales, serait un suicide politique pour le parti. Il avait fait valoir que s’en remettre à l’ONU et à la CEDEAO, n’aurait eu aucun effet sur les décisions des autorités burkinabè. Suite aux débats avec le bureau exécutif national, la direction du parti avait eu la sagesse de suivre les recommandations du Haut conseil. Tout le monde n’a eu qu’à s’en féliciter. A l’issue des élections, le parti a conquis dix-huit sièges à l’Assemblée nationale, dix- huit communes et des conseillers dans toutes les communes, devenant ainsi la troisième force politique du pays et la deuxième de l’opposition politique.

Grâce au Haut conseil, le parti a su donc éviter de sombrer dans l’oubli pendant au moins cinq ans, si ce n’est la condamnation à disparaître de l’échiquier politique, compte tenu des attaques qu’il a subies. Les membres du Haut conseil ont toujours indiqué qu’ils sont disponibles, chaque fois que leur contribution sera nécessaire ; soit qu’elle soit sollicitée par la direction du parti, soit qu’ils en prennent l’initiative.

Des difficultés actuelles de gouvernance

Aujourd’hui, le parti est confronté à des difficultés internes liées à la gouvernance au niveau de la direction politique. Ces difficultés sont nées de l’évolution du parti pendant un an d’intérim à sa présidence. L’absence du président a amené le parti à fonctionner avec un système d’intérim. La perspective du retour du président a fait naître des interrogations et quelques contradictions. L’évolution positive de la situation judiciaire du président statutaire du parti, qui a bénéficié d’un non-lieu dans l’affaire dite du « coup d’Etat du 16 septembre 2015 », est toutefois un élément nouveau qui devrait faciliter la clarification des données et le consensus dont le parti a besoin.

Le président revient donc, après une longue absence pendant laquelle le premier vice-président du parti a reçu mandat du bureau politique national, pour assurer l’intérim de la direction.

Cet intérim a permis au parti de fonctionner normalement.

Ayant fait le constat que les structures de base du parti avaient été beaucoup affectées par des départs suite à la nouvelle situation politique, la direction a décidé de mettre en place une commission ad hoc pour, entre autres missions, compléter les structures touchées par les départs de militants, afin de les rendre opérationnelles.
A la suite du non-lieu dont il a bénéficié dans la procédure judiciaire dans laquelle il était attrait, le président statutaire a manifesté son désir de reprendre ses fonctions, ce qui a provoqué quelques réactions du 1er vice-président qui a assuré l’intérim et le fonctionnement du parti durant sa longue absence, et du président de la commission ad hoc. Tous les deux reprochent au président statutaire sa manière de procéder pour revenir effectivement à la direction du parti, alors qu’ils ont assuré son fonctionnement en son absence, lui évitant la léthargie ou le blocage. Un nombre significatif de membres du Bureau politique sont dans le même état d’esprit.

Ayant constaté les positions tranchées des uns et des autres, et les conséquences que cela peut avoir sur la vie du parti, le Haut conseil s’est vu une fois de plus interpellé, en tant qu’organe de conseil, pour contribuer à trouver une solution qui permette une gestion saine et apaisée du parti jusqu’au prochain congrès, dans l’unité et la cohésion.

Des concertations organisées par le Haut conseil

Dans sa démarche, le Haut conseil a d’abord tenu à cerner tous les contours de la situation prévalant au sommet du parti. Outre les éléments retenus à la réunion du Bureau exécutif national à laquelle il avait été invité, il a rencontré tour à tour le président de jure du parti, le camarade Eddie Kombeigo, ainsi que les premier et deuxième vice-présidents, Achille Tapsoba et Léonce Koné, président de la commission ad hoc.

D’autres camarades du parti, membres du Bureau exécutif national, responsables ou militants, ont également été entendus à leur demande. Le Haut conseil n’a, il faut le préciser, demandé à rencontrer aucune personne, en dehors des trois principaux dirigeants ci-dessus cités.

Les conclusions retenues par le Haut conseil ont été les suivantes :

- au lendemain de l’insurrection, puis plus tard de la tentative de coup d’Etat, le parti a connu une période d’incertitudes. Celles-ci ont heureusement été maîtrisées par l’engagement de certains responsables, mais aussi de nombreux autres camarades. Cet engagement est à saluer, surtout en ce qui concerne les dirigeants. L’intérim instauré à partir d’octobre 2016, conduit par le camarade

Achille Tapsoba et son équipe, a été bien assuré et a permis au parti de fonctionner correctement. Le travail abattu est apprécié unanimement. Il doit être reconnu et salué.
- la Commission ad hoc mise en place pendant cette période a accompli un travail remarquable, loué par tous.
- au plan institutionnel, la légitimité statutaire du président du parti, conférée par le dernier congrès n’est contestée par personne. Les reproches qui lui sont faits tiennent au style d’animation et à certaines attitudes.
- pendant les concertations, les discussions ont été franches avec tous les camarades.

Des propositions et suggestions du Haut conseil

A l’issue de toutes ces concertations et des constatations qu’il a faites, le Haut conseil, dans son rôle de conseil visant la recherche de la cohésion au sein du parti, a dégagé les points suivants :

- l’hypothèque judiciaire en ce qui concerne le président du parti étant levée, celui-ci devrait assumer les fonctions que lui a confiées le Congrès. La référence est la légalité interne au parti.

- une session du Bureau politique national sera convoquée, au cours de laquelle le président devra faire amende honorable, reconnaître publiquement le travail fait par les deux autres responsables, ainsi que tous les camarades qui se sont battus et sacrifiés pour que le parti survive aux différentes attaques et adversités que le CDP a vécues, en son absence.

- les trois premiers responsables acceptent que chacun occupe son rang statutaire au sein du parti, et que la direction fonctionne comme elle l’a toujours fait.
- le président statutaire, en concertation avec le 1er vice-président, convoque une session du Bureau politique national, qui met en place le comité d’organisation du prochain congrès ordinaire.

- la Commission ad hoc poursuit ses activités, conformément à l’article 57 des statuts du parti et aux termes de la décision n° 2016/23/CDP/CN/BPN/BEN du 8 novembre 2016, jusqu’au congrès. Il est souhaitable qu’elle parachève l’exécution de ses missions.

Le Haut conseil souhaite que tous les protagonistes et responsables ou militants fassent preuve de dépassement, pour que le consensus prévale autour de ces propositions pour l’intérêt supérieur du parti.

La conviction des membres du Haut conseil est que compte tenu de son potentiel et du contexte qui lui est de plus en plus favorable, le consensus et la cohésion prévalant, le CDP montera en puissance et sera une force avec laquelle il faudra compter lors des consultations électorales de 2020.

Ouagadougou, le 9 janvier 2018.
Démocratie, Progrès, Justice.
Pour le Haut conseil
Mélégué Traoré
Coordonnateur

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