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Urbanisation et géographie de la violence criminelle en Côte d’Ivoire

Publié le lundi 29 janvier 2018 à 09h30min

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A l’instar des autres pays africains, la Côte d’Ivoire connaît depuis le milieu du XXe siècle, une accélération de l’urbanisation qui se traduit par l’accroissement de la population, de la taille et des activités des villes. Les villes, surtout les plus grandes, présentent de meilleures conditions de vie qui font d’elles des agglomérations très attractives. Mais, ce phénomène récent dans notre pays, présente assez de défis à la gouvernance urbaine.

L’un des grands défis, la violence criminelle, est en recrudescence dans le pays surtout dans les communes d’Abobo, Bouaké et Duékoué. Le problème soulevé par cette recherche est la non maîtrise de l’urbanisation pour trouver des réponses appropriées à la violence criminelle dans ces villes.

Le lien entre l’urbanisation rapide et l’augmentation de la violence criminelle dans nos villes constitue donc l’objet de cette étude. Quels liens existe-t-il entre l’urbanisation et l’augmentation de la violence criminelle dans ces villes ?
Quelles sont les caractéristiques de l’urbanisation dans ces trois villes ?
Comment la violence criminelle est-elle répartie dans chacune d’elles ?
Quelles sont les stratégies des autorités pour rendre les villes plus sûres ?
Pour répondre à ces préoccupations, nous avons eu recours à une approche à la fois quantitative et qualitative.

Résultats / Analyse / Commentaires

Depuis les années 1980, la Côte d’Ivoire fait face à une série de crises sociopolitiques et militaires qui mettent à mal l’équilibre social des ivoiriens. L’une des caractéristiques majeures de cette situation est la dégradation prononcée de l’état sécuritaire des ivoiriens. Mais, l’urbanisation des villes, en pleine croissance en est la principale cause aujourd’hui.

1- Des villes marquées par leur forte urbanisation

Phénomène actuel dans notre pays, l’urbanisation se traduit par le croît rapide des villes, de leur taille et leur faible niveau d’investissement.

1.1- La croissance démographique, l’une des grandes caractéristiques

Du fait des phénomènes migratoires (exode rural, immigration), les villes ivoiriennes connaissent une croissance démographique remarquable (figure 1 et 2).

Que ce soit la commune d’Abobo comme celle de Duékoué, on assiste à une évolution rapide de la population. Celle de Duékoué est passée par exemple de 37 374 habitants en 1998 à 72 444 habitants en 2010. Les crises militaro-politiques ont accentué l’insécurité dans les campagnes de Duékoué. La ville reçoit ainsi de vagues importantes de migrants en provenance du milieu ruraal.

1-2- Une dynamique urbaine remarquable

L’augmentation de la population urbaine a provoqué une forte extension spatiale des villes comme en témoigne la dynamique urbaine de Duékoué (carte 1).

Carte n°1 : Extension urbaine de la ville de Duékoué de 2012 à 2014

Réalisation : Oura K., 2015

La crise post-électorale de 2011 a provoqué la fuite de populations rurales vers la ville de Duékoué et d’autres horizons. Leur arrivée massive à Duékoué s’est traduite par une extension rapide de l’espace urbain aux périphéries Sud-Est et Nord-ouest.
1.3- Une croissance démographique et spatiale forte pour très peu d’équipements
Avec l’évolution rapide de la population et de l’espace des villes, on s’attend proportionnellement à une augmentation des équipements socio-collectifs. On constate pourtant un écart entre ces paramètres (figure n°3).

Figure n°3 : Evolution comparée des habitats et équipements sociaux à Abobo

On observe une inadéquation flagrante entre la croissance démographique, la dynamique urbaine et la construction des équipements sociaux. Alors, les villes s’étalent sans que les populations ne bénéficient de nouvelles constructions d’infrastructures et équipements socio-collectifs. Avec ce décalage, on assiste alors à un problème d’aménagement urbain.

1.4- Des espaces urbains très peu aménagés

Les espaces urbains de la Côte d’Ivoire souffrent d’un manque d’aménagement. Les gares routières et les lieux de vente sont les espaces qui témoignent le plus souvent de cet état de fait (photo n°1 et 2).

Photo 1 : Occupation des trottoirs par le petit Photo 2 : Marché communal de Bouaké commerce non loin de la gare d’Abobo

Les activités informelles et l’occupation anarchique des espaces caractérisent la plupart des villes. A cela s’ajoutent les obstacles physiques observables dans ces villes (photo 3 et 4).
Photo n°3 et 4 : Des espaces d’Abobo difficilement accessibles

Des obstacles physiques dus au faible aménagement constituent des opportunités pour l’activité de la violence criminelle à laquelle s’adonnent les malfaiteurs.

2- La violence criminelle, un phénomène généralisé

2.1- Etalement urbain et violence criminelle dans les périphéries urbaines

Les villes ne sont pas construites verticalement. Cette absence de verticalité les expose à l’étalement urbain et aux difficultés des gouvernants à répondre aux besoins des citadins en termes de construction de nouveaux équipements et infrastructures sociaux. Ainsi les espaces périphériques deviennent les lieux de prédilection de la violence (carte 2).

Carte n°2 : Répartition des victimes de la violence criminelle à Bouaké

On observe une accentuation de la violence dans les quartiers périphériques de Bouaké. Mais, c’est un phénomène qui n’épargne même plus le centre-urbain.

II.2- Le centre-ville, un espace à aménager

A la différence de la ville de Bouaké, le centre-ville d’Abobo constitue l’espace le plus exposé à la violence (carte n°3).

Carte 3 : Répartition des victimes de la violence criminelle à Abobo

Dans la commune d’Abobo, c’est plutôt au centre-ville qu’on observe une forte proportion de victimes. La violence est plus accrue en ces lieux à cause de la présence du grand marché et de la gare routière, deux espaces commerciaux qui attirent au quotidien assez de citadins. Pourtant, c’est au centre-ville qu’on retrouve aussi la plupart des services de sécurité ; on y rencontre 4 commissariats de police et 2 camps de gendarmeries. Autant dire que le centre-ville est devenu un espace incontrôlé à cause des équipements économiques et du faible aménagement de ces espaces.
1I1- L’aménagement comme stratégie de lutte contre la violence criminelle
Conscientes des difficultés à réduire le grand banditisme dans nos villes, les autorités font de plus en plus recours à l’aménagement des espaces (photos 5 à 6).

Photo n°5 : Le nouveau centre commercial à Bouaké

Photo n°6 : Espace aménagé pour faire office de la nouvelle gare routière d’Abobo

Un effort d’aménagement est ainsi observé au niveau de certains espaces commerciaux.

Conclusion

Les villes ivoiriennes, de par leur forte croissance démographique, sont devenues incontrôlables et des espaces de violence criminelle. L’étalement de ces villes rendent inopérantes les équipements sociaux existants. Et avec ce phénomène de l’étalement, aucun espace n’est épargné. Que ce soit le centre-urbain comme à sa périphérie, les délinquants règnent en maîtres dans nos villes. Dans ces conditions, seul l’aménagement des espaces urbains s’impose aux gouvernants pour réduire les risques de la violence. Fort heureusement, on observe de plus en plus un effort d’aménagement au niveau des espaces commerciaux. C’est à ce prix que l’équilibre serait un jour établi entre l’urbanisation et la sécurité des citadins ivoiriens. Mais, tout doit se passer également par la lutte contre l’étalement urbain. La planification de nos villes doit désormais prendre en compte ce phénomène en privilégiant les constructions verticales.

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