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Présidentielle du 13 novembre 2005 : Le dilemme de l’opposition !

Publié le vendredi 1er juillet 2005 à 06h37min

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Face aux divers enjeux politiques qui entourent la présidentielle de 2005, le chef de file de l’opposition, Me Gilbert Noël Ouédraogo et son ADF/RDA tiennent, samedi et dimanche prochain, dans un environnement de débats internes fort contradictoires, leur congrès de vérité...

Aller à l’élection ou ne pas y aller ? Soutenir un autre candidat et qui alors ? Sur la base de quelles ambitions, voire de quels accords politiques ? Telles sont quelques gageures auxquelles le parti de l’éléphant doit faire face, au grand risque de connaître une vive explosion.

Selon nos informations, "le jeune" Gilbert Noël Ouédraogo est bien "obligé" de jouer la carte d’un des candidats en lice...

Tour d’horizon du sens et de la portée d’une stratégie politique aux enjeux "lourds" de sens...

Le Congrès à venir de l’ADF/RDA (Alliance pour la démocratie et la Fédération-Rassemblement démocratique africain) se tient les 02 et 03 juillet 2005. Officiellement, l’ordre du jour porte sur 4 points. Le rapport moral et financier de cette formation politique. L’examen et l’adoption du programme politique et de gouvernement du parti. La relecture des statuts et du règlement intérieur du parti. Et les alliances que ce parti entend sceller en vue de participer à la présidentielle de 2005.

Ce dernier point retient l’attention de toute la classe politique nationale, d’autant plus que, actualité politique nationale oblige, on peut se poser la question à savoir quelle sera la position de l’ADF/RDA par rapport à l’élection présidentielle du 13 novembre prochain. Pour le parti de Me Gilbert Noël Ouédraogo, l’élection présidentielle constitue une préoccupation, parce que presque tous les partis de la famille politique nationale se sont déjà prononcés sur la question. Avant que l’ADF/RDA, chef de file de l’opposition, n’en débatte ce week-end, il est important de savoir quelles sont les caractéristiques essentielles des présentes élections.

La présidentielle du 13 novembre prochain est un enjeu majeur pour tout parti politique au Burkina et particulièrement pour un parti, comme l’ADF/RDA, qui se présente légalement comme le premier parti de l’opposition. C’est un enjeu parce que c’est la première présidentielle après la crise de Sapouy qui a secoué le Burkina. Toute la classe politique, la société civile, tous les Burkinabè, qu’ils soient d’en haut ou d’en bas, ont senti, lors de cette séquence de l’histoire du Burkina Faso, passer une crise profonde nationale qui a eu des dimensions multiples : crise politique, économique, sociale, etc. Et c’est au sortir de cette épreuve que le Burkina Faso, qui a failli "craquer", a remis sur pied un certain nombre de mesures politiques consensuelles. Depuis l’adoption de ces réformes, l’ensemble de la classe politique, tous les partis politiques y compris les membres de la société civile et tous les Burkinabè, sont d’avis aujourd’hui que les conditions sont réunies pour un jeu politique, un scrutin transparent.

En tous cas, il n’y a pas de contestation majeure au sein de l’opposition ni au sein de la société civile et même au sein de l’opinion, quant à la nécessité d’aller à cette élection. Les élections passées, celles de 1991 et 1998 ont connu le boycott d’une fraction de l’opposition. En 1991, c’était l’ensemble de l’opposition. En 1998, une fraction très significative de l’opposition n’y avait pas participé. Mais cette fois-ci, il n’y a pas d’indice qui dise que l’opposition ou une partie de l’opposition a l’intention de boycotter ces élections.

La particularité de cette élection est telle que l’ensemble de la classe politique estime qu’il faut aujourd’hui participer à la présidentielle du 13 novembre 2005.

Cette élection va provoquer un débat politique vraissemblablement plus soutenu et permettre un virage important pour le peuple burkinabè. Et cela, parce qu’on estime aujourd’hui que ce peuple après une dizaine d’années de processus démocratique, est à même de tutoyer les animateurs nationaux du système partisan. Car il doit être à même de dégager aujourd’hui au sein des candidats, ceux qui sont les mieux placés pour assurer sa destinée. Compte tenu de ces enjeux, aucun parti aussi crédible, aussi légal et de surcroît l’ADF/RDA, le premier parti de l’opposition, ne peut imaginer être absent à ce scrutin. L’élection du 13 novembre 2005 est donc un enjeu politique très important et sera l’occasion pour chaque Burkinabè de peser la place de chaque parti, puisque les conditions d’organisation de cette élection sont apparemment consensuelles. On s’attend à ce qu’on ait un tableau clair, une radioscopie parfaitement lisible du champ politique burkinabè. De ce point de vue, tous les partis sont interpellés.

L’alternance en toile de fond

Ces élections posent aussi la question de l’alternance. Quoi qu’on dise, l’alternance est un point fondamental de la démocratie et tous les partis d’opposition ont pour objectif de conduire cette lutte pour l’alternance, étant entendu que 2005 pose la question de l’alternance au Burkina Faso, puisque toutes les forces politiques de l’opposition y participent. Un parti comme l’ADF/RDA qui se veut premier parti de l’opposition, devait être la locomotive de cette lutte pour l’alternance.

Cette formation politique s’est retrouvée premier parti de l’opposition après les élections législatives de 2002 avec 17 députés, mais nous savons aussi que ce parti a connu une scission en son sein. Me Hermann Yaméogo a été débarqué de la tête du parti par un Congrès extraordinaire convoqué à cet effet.

Nous n’entrerons pas dans les détails, mais nous dirons que Me Gilbert Ouédraogo qui était à l’époque secrétaire aux relations extérieures du parti a été porté à la tête de l’ADF/RDA. Me Hermann Yaméogo qui n’a pas encore digéré son débarquement est allé créer une nouvelle formation politique du nom de l’UNDD avec d’autres camarades de l’ADF/RDA qui l’ont suivi. L’ADF/RDA se retrouve aujourd’hui comme une formation politique diminuée avec 10 députés, même s’il est chef de file de l’opposition, tandis que l’UNDD de Me Hermann Yaméogo s’en est allé avec sept (7) députés. Sa position de chef de file de l’opposition est déterminée par rapport au scrutin passé, sinon, il est à égalité de députés avec le PDP/PS à l’Assemblée nationale. L’ADF/RDA actuelle, on peut le dire, est traversée au plan interne par plusieurs courants. Il y a d’abord le courant RDA dominant dirigé par Me Gilbert Ouédraogo et tous les dinosaures du RDA, à travers la personne du président d’honneur Gérard Kango Ouédraogo et du député Pathé Kaboré. Il y a également le courant ADF qui subsiste en son sein, parce qu’une partie de l’ADF n’a pas suivi Me Hermann Yaméogo qui est allé créer l’UNDD. Il y a aussi un courant "venu" du CDP, animé surtout par Cyrill Goungounga qui, après son départ du CDP, avait créé le PARI qui a fusionné par la suite avec l’ADF/RDA.

Le casse-tête

Ces trois courants sont au sein du parti et leur expression est là ! Se pose alors la question du comment aborder l’élection présidentielle à venir. On peut penser que l’ADF/RDA, compte tenu de son histoire des courants qui le traversent, est devant un dilemme

Faut-il aller à l’élection en présentant un candidat ou faut-il ne pas y aller et, éventuellement, soutenir un candidat d’un autre parti ou alors s’abstenir ? tel est le dilemme. Premier choix, aller à l’élection présidentielle comporte des avantages et des inconvénients. L’avantage d’aller aux élections est, qu’en tant que premier parti de l’opposition on ne peut pas rater un rendez-vous aussi important. En démocratie libérale, pluraliste, les élections sont des temps forts pour chaque parti qui a ainsi l’occasion de manifester sa force, ses idées, pour faire avancer son programme. De ce point de vue, il est difficilement concevable qu’un parti, chef de file de l’opposition, soit absent de la compétition. Et, par une lecture à rebours des évènements, certaines intentions iront trouver à redire sur la manière même dont Me Gilbert est devenu chef de file d’une opposition dont le destin était de ne s’opposer à personne...

En allant à l’élection, il doit faire tout pour démontrer que de tous les partis de l’opposition, il est effectivement le plus représentatif auprès de l’électorat, parce qu’il a la légitimité et la légalité. Ce serait un avantage certain pour le parti de l’éléphant.

L’autre avantage est qu’en allant à l’élection présidentielle pratiquement couplée aux élections municipales, un parti qui capitalise déjà des voix à l’élection présidentielle prépare du même coup le capital électoral nécessaire pour les élections municipales. Mais, si ce parti n’est pas partant, on peut penser que son électorat risque de se retourner vers les candidats des partis qui se sont présentés à la présidentielle.

L’inconvénient dans cette dynamique réside dans ces courants qui sont au sein de l’ADF/RDA. Tous ne sont pas d’avis qu’il faut effectivement aller pour l’alternance en 2005. Certains pensent "viva voce" qu’il faut soutenir, en tout cas provisoirement le parti au pouvoir ... Il y a lieu donc de penser qu’il y a des courants au sein du parti qui s’opposent, les uns aux autres, de façon farouche au sujet de la prochaine présidentielle. L’inconvénient de cette donne peut être la scission du parti et cette scission peut être préjudiciable à l’ADF/RDA, parce qu’il est à égalité, en nombre de députés, avec le PDP/PS à l’Assemblée nationale. On risquerait de voir des députés quitter l’ADF/RDA, notamment le député Cyrill Gougounga qu’on dit venant du CDP et probablement opposé à ce que le parti se présente, et peut-être même d’autres députés qui pourraient remettre en cause la place de chef de file occupée par l’ADF/RDA. C’est un inconvénient de taille. L’autre inconvénient, ce sont les moyens financiers qui pourraient être dépensés énormément dans cette élection présidentielle, faisant de telle sorte que les élections, notamment les municipales et les prochaines législatives amènent le parti dans un désarroi financier préjudiciable même au résultat des municipales à venir. Alors que tout semble montrer que pour la présidentielle de 2005, Blaise Compaoré a plus de chance de se faire reconduire compte tenu de la multiplicité des candidats. En tous les cas, les analystes pensent ainsi, au regard des réalités du microcosme politique burkinabè.

Avantage de la non-candidature

Ne pas aller aux élections, cela a des avantages certains. Au plan financier, le parti pourra se concentrer sur les municipales si le travail est bien fait surtout que le parti a, de façon tactique, refusé d’être dans la stratégie de la mouvance présidentielle. Cela lui permet de conserver ses organes et sa structuration de campagne et de rebondir à tout moment aux municipales. On s’imagine que si le parti n’est pas dans les startings blocks de la présidentielle, il lui sera possible de battre sa campagne de façon libre et indépendante avec des structures en faveur de tel ou tel candidat. Ce qui peut lui permettre de conserver son électorat et ses chances d’engranger beaucoup aux élections municipales. L’autre avantage c’est que connaissant l’ADF/RDA qui se réclame de l’opposition modérée, on peut penser que cette position peut lui permettre de discuter avec le candidat qui pourrait selon certaines analyses battre aisément ses concurrents. Notamment si on considère que celui-ci pourrrait être le candidat du CDP. Cela peut lui permettre de discuter d’un contrat politique de participation à un gouvernement. L’ADF/RDA ayant toujours montré sa disponibilité à participer à un gouvernement consensuel, à un gouvernement de paix, à un gouvernement de développement.

Par contre, l’inconvénient est l’image que cela peut donner de l’ADF/RDA, à savoir qu’on le verra comme une "Opposition-Colabo", donc non crédible. Et de ce point de vue, sa place même de chef de file de l’opposition peut être contestée par les autres opposants au sortir des élections. Là, c’est un inconvénient capital, important. Mais cela est jugulable par la Communication politique, s’il arrive à expliquer sa position d’opposition modérée et que cette position venait à être acceptée, parce que nous avons vu de par le passé plusieurs partis de cette opposition aujourd’hui dite radicale, être dans un gouvernement avec le parti au pouvoir, étant entendu que chaque parti a sa stratégie, sa tactique, parce que les objectifs ne sont pas les mêmes.

D’ailleurs, étant donné qu’en politique, les rapports de force, les moyens ne sont pas les mêmes, chaque parti détermine sa stratégie politique en fonction de tout cela. On peut concevoir qu’ils estiment qu’il faut passer par un gouvernement de participation modérée et on peut citer aussi des exemples. Aujourd’hui, quand nous regardons le gouvernement sénégalais, nous voyons effectivement que l’alternance a été réalisée par la coalition de partis de l’opposition mais, si aujourd’hui on observe une bonne partie de cette opposition d’hier, elle a quitté le pouvoir conquis et est actuellement retournée dans l’opposition, tandis que nous voyons toujours une certaine fraction dedans, notamment un parti de gauche qui est toujours en train de participer au gouvernement libéral de Wade. C’est donc une question de stratégie. Car au Sénégal, même des partis de gauche pure gouvernent avec Wade actuellement. L’un dans l’autre, il y a des inconvénients mais, si l’ADF/RDA arrive à expliquer sa stratégie et sa tactique, et si cela est bien perçu, cette donne pourrait favoriser la cohésion du parti. Nous pensons donc qu’à ce Congrès, tout dépendra de l’objectif. Si l’objectif du Congrès est celui de constater que ce parti issu de la scission d’avec Hermann a besoin toujours de travailler pour s’implanter et de ce fait conserver son unité, économiser ses différentes ressources à ces élections de 2005 cela s’avère nécessaire.

Mais si l’objectif du parti est de montrer qu’il est le premier parti de l’opposition, à ce moment il est obligé de participer à ces élections pour légitimer la légalité qui lui a été conférée.

Compte tenu du fait que les leaders de l’ADF/RDA viennent de renouveler les structures de leur parti, compte tenu du fait qu’ils viennent d’une scission récente, on peut penser qu’ils vont primer le premier choix à savoir économiser la participation à ces élections en vue de continuer à asseoir le parti et préserver l’unité du parti pour des batailles futures. Parce qu’au diagnostic, ils pensent que l’alternance dans les conditions actuelles de 2005, ne sera pas réalisable.

L’éléphant à la recherche de deux boucs...

L’ADF/RDA, selon nos informations, semble privilégier en tout cas, cette voie. Ce faisant, Me Gilbert Ouédraogo et ses camarades auront pris note de manière pragmatique qu’au Burkina, depuis que le pouvoir s’est retrouvé, c’est l’opposition qui se cherche. Elle se cherche parce que depuis 1991, elle n’a jamais existé réellement, de manière homogène et forte, jusqu’aujourd’hui où le chef de file de l’opposition trouve qu’il y va de ses intérêts de ne pas "s’opposer" tête basse, sans calcul de politique prospective...

Dans l’hypothèse d’une participation du parti, pour un peu contenter le ou les courants qui traversent l’ADF/RDA, le compromis pourrait consister à présenter un candidat peu charismatique, pour la forme. Encore faut-il trouver quelqu’un qui accepterait endosser le manteau d’un gai larron d’envergure aussi nationale ! Quand on observe le débat, à l’intérieur de l’ADF/RDA, ça pourrait être un compromis entre ceux qui ne veulent pas du tout que le parti y participe, parce qu’il ne faut pas gêner et ceux qui veulent qu’il y participe, parce que s’il n’y participe pas en tant que premier parti de l’opposition, cela serait très difficile et pourrait démobiliser les militants de base et créer des problèmes pour la suite, dans l’évolution du parti. Ce choix intermédiaire pourrait être un choix consensuel, celui du Congrès. On peut comprendre que le parti de l’éléphant est à la recherche de deux boucs : le bouc du sacrifice et le bouc émissaire. Le premier, pour que l’élection de 2005 se passe sous d’heureux auspices ; le second, pour l’unité et la longévité du parti. Le Congrès à venir n’aura aucun mal à trouver l’un et l’autre.

El Hadj Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com)
Sidwaya

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