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Burkina Faso : Quand la recherche se met au service de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

Publié le vendredi 26 janvier 2018 à 10h00min

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Burkina Faso : Quand la recherche se met au service de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

« Le secteur informel est une faille pour le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme devenus l’un des fléaux majeurs de l’époque contemporaine ». C’est la principale conclusion à laquelle sont parvenus le Pr Idrissa Mohamed Ouédraogo et Idrissa Kaboré à l’issue d’une étude menée dans ce secteur et qui a accouché d’un livre qui se veut une contribution du monde de la recherche à la lutte contre le terrorisme. La cérémonie de dédicace a lieu ce jeudi 25 janvier 2018 à l’université Ouaga I Pr Joseph Ki Zerbo.

« Lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme : Quels enjeux face au secteur informel en Afrique de l’Ouest ? » c’est le titre du chef-d’œuvre co-écrit par les chercheurs homonymes Pr Idrissa Ouédraogo et Idrissa Kaboré et qui a été dédicacé ce jeudi 25 janvier 2018. Cet ouvrage est également le fruit d’une collaboration entre le Laboratoire d’Analyse et de Politique Economique (LAPE) de l’université de Ouaga II et le Groupe Intergouvernemental d’Actions contre le Blanchiment d’Argent et le financement du terrorisme en Afrique de l’Ouest (GIABA), basé à Dakar au Sénégal.

Partis du constat selon lequel le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme peuvent être appréhendés comme deux vases communicants dont les modes d’interrelation permettent d’alimenter et d’entretenir la criminalité et l’insécurité aux plans national et international, les deux économistes ont donc tenté de cerner le phénomène du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme dans ses relations avec le secteur informel, mais aussi l’ampleur et les menaces d’une telle relation pour l’économie, la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest, voire dans le monde.

Et selon le Pr Idrissa Mohamed Ouédraogo, l’objectif recherché à travers cette étude est d’évaluer le risque de vulnérabilité du secteur informel et l’ampleur du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme à travers ce secteur. Et le taux de blanchiment de capitaux dans l’ensemble des 10 pays de l’Afrique de l’Ouest concernés par cette étude menée sur la période 1999 à 2007 est estimé à plus de 1% du PIB global de ces pays. Ce sont le Nigéria, le Bénin, la Sierra-Léone, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Libéria, le Sénégal, la Guinée Bissau, le Mali, le Ghana, le Burkina Faso, le Niger, la Guinée, le Cap-vert et le Togo. Pour le Pr Ouédraogo cette proportion est, certes, en deçà de la fourchette de 2 à 5 % du PIB donnée par le FMI, mais représente en valeur, des montants assez importants et capables de déstabiliser les petites économies fragiles de la région.

A l’en croire les techniques utilisées pour blanchir les capitaux sont, en pratique, généralement les mêmes que celles utilisées dans le cadre du financement du terrorisme. « Qu’il s’agisse de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, le processus est composé de trois étapes qui peuvent toutefois faire recours à des instruments ou circuits formels (système bancaire, compagnie d’assurance) ou informel » a-t-il indiqué. Et ces trois étapes sont le placement, l’empilement et l’intégration.

Des trois techniques utilisées

Si pour les chercheurs le placement, encore appelé prélavage ou immersion dans le système classique, a pour but de placer l’argent liquide sur un compte bancaire, en masquant son origine illégale, l’empilement, encore appelé dispersion ou brassage, lui, a pour but de brouiller les pistes par des transactions financières complexes afin de masquer l’origine des fonds ou d’en légitimer +la pression.« Il s’agit de transférer les fonds par le biais des différentes méthodes existantes telles que les transferts dans d’autres comptes bancaires, dans d’autres juridictions ou la conversion en différentes formes d’instrument de paiement » a expliqué le Professeur.

L’intégration (recyclage ou essorage), elle, consiste à investir l’argent dont l’origine a été masquée dans l’économie légale ou tout simplement jouir de cet argent à travers l’achat de biens, la construction d’immeubles ou de bâtiments divers, la création d’entreprises ou la prise de participation dans les entreprises légales.

Le secteur informel, une faille identifiée

Selon le duo, le secteur informel financier ou non financier est l’un des instruments ou circuits de plus en plus utilisé pour le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et ce, malgré le dispositif de lutte mis en place. Une situation que les deux économistes expliquent non seulement par « l’ingéniosité des présumés malfaiteurs » mais surtout par leur capacité à exploiter les possibilités offertes par l’évolution technologique et aussi les vides juridiques. « Le secteur informel, est reconnu et admis ainsi, comme un domaine où le respect des lois et règlement ne fait pas la règle » ont-ils relevé avec désolation. Pour eux, c’est un secteur dans lequel le non-respect de la règlementation, sans être permis, est toléré par les responsables chargés de la mise en œuvre des différentes règlementations.

« Le secteur informel n’a pas un visage criminel »

Certes, le secteur informel est poreux, mais il reste tout de même, selon les chercheurs, un pan important de l’économie de la région ouest africaine et de façon générale de l’Afrique subsaharienne.« Le secteur informel présente de prime abord un visage non criminel » ont-ils souligné précisant que deux caractéristiques de ce secteur l’exposent au risque de blanchissement d’argent et de financement du terrorisme : la tolérance générale observée envers les activités financières informelles et le retour vers l’informalité de certains organismes financiers autrefois formels.

C’est pourquoi les chercheurs recommandent que ce secteur informel soit mieux encadré mais également que les caractéristiques à risques de ce secteur soient légiférées. Ces derniers souhaitent également voir une application stricte de la règlementation sur les organismes financiers et le cadre règlementaire de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme renforcé. Outre cela, les deux scientifiques ont relevé la nécessité de former et d’informer les acteurs de répression pour une lutte plus efficace de ce phénomène ; car pour eux, « plus le gouvernement d’un pays est efficace à une période donnée, moins sera l’ampleur du blanchiment de capitaux dans ce pays à cette période. Et plus les organisations criminelles blanchissent de l’argent, plus la taille du secteur informel à tendance à augmenter ».

M.J. Bambara
Lefaso.net


Pr Idrissa Mohamed Ouédraogo

Titulaire d’un Ph.D en économie (Université de Knoxville Tennessee, USA), le professeur Idrissa Mohamed Ouédraogo est le directeur du Centre d’Etudes, de Documentation, de Recherche économiques et sociales (CEDRES) et du Laboratoire d’Analyse et de Politique Economiques (LAPE). Il a aussi dirigé la faculté des Sciences Economiques et de Gestion de l’université Ouaga II.

Idrissa Kaboré

Titulaire d’un DEA en Economie, option économie industrielle de l’université de Ouagadougou, Idrissa Kaboré est chargé d’Etudes et de prospectives à la chambre de Commerce et d’industrie du Burkina Faso et par ailleurs doctorant au Laboratoire d’Analyse et de Politique Economiques (LAPE) de l’université Ouaga II. Ses recherches portent sur les politiques de développement du secteur privé dans les pays en développement et notamment la place du secteur informel dans le défi de transformation structurelle de ces économies.

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Vos commentaires

  • Le 26 janvier 2018 à 15:41, par welore En réponse à : Burkina Faso : Quand la recherche se met au service de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

    je reconnais mon professeur. ce livre devra contribuer beaucoup et j’espere que nos decideurs le feuilleterons avec un bon esprit critique. il faudrait eviter que les gens se cachent derriere le termeinformel.

  • Le 26 janvier 2018 à 19:55, par soyons sérieux ! En réponse à : Burkina Faso : Quand la recherche se met au service de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

    Ce sont des balivernes ! les réseaux mafieux pour recycler sont connus depuis longtemps et n’ont même pas besoin du secteur informel. Ceux qui passent par ce secteur, c’est à la marge et pour des petits montants ! Rien à voir avec les centaines de milliards avec les sociétés écrans, les filiales, les comptes offshores, les comptes dans les paradis fiscaux, les prêtes noms, etc. Rien que l’exportation illégale d’or fait perdre 200 milliards de F CFA au budget de l’état burkinabè. Le secteur dit informel récolte les miettes de cette manne détournée. Ne prenez pas les gens pour des idiots. Par contre, ce secteur informel est adossé aux criminels aux cols blancs pour vendre les produits illicites comme les produits chimiques prohibés, les médicaments de rue, la drogue, les stimulants et autres... Celui qui vend les médicaments de rue gagnent peut-être 500 à 1.000 F/jour alors que les gourous gagnent des dizaines de millions par jour. On ne va pas me faire croire que l’on ne connait pas ces criminels qui importent par milliard ces produits illicites avec nos douaniers véreux.

    • Le 27 janvier 2018 à 15:44, par Risso En réponse à : Burkina Faso : Quand la recherche se met au service de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

      Mon cher ami, vous êtes à coté de la plaque. Dans cette étude, il s’agit moins de savoir quels sont les sources de l’argent illégale et quelles sont les voies par lesquelles l’argent est généré mais plutôt de savoir comment cet argent est recyclé ; comment il est réinjecté dans le circuit économique sans attirer des soupçons sur ses origines. Et il se trouve que le secteur informel, du fait de sa vulnérabilité, constitue un canal par lequel les criminels passent pour blanchir des capitaux mal acquis. Du reste, j’ai compris de la lecture de l’ouvrage, que les auteurs insistent sur le fait que ce sont des acteurs autres que ceux du secteur informel, qui utilisent ce secteur pour blanchir de l’argent. Je vous invite donc à lire l’ouvrage au lieu de parler de balivernes.

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