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« Le haricot vert du Burkina, une filière en perte de vitesse », affirme Saïdou Ouédraogo de la Confédération paysanne du Faso

Publié le lundi 22 janvier 2018 à 18h48min

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« Le haricot vert du Burkina, une filière en perte de vitesse », affirme Saïdou Ouédraogo de la Confédération paysanne du Faso

Produit qui faisait la fierté du Burkina hors de ses frontières, notamment en Europe, la production du haricot vert semble traverser un moment de ralentissement. Et pour cause, la quantité d’exportation de cette culture vivrière a profondément chuté. Pour mieux comprendre la situation, nous avons rencontré Saïdou Ouédraogo, producteur et membre du Conseil d’administration de la Confédération paysanne du Faso (CPF).

Lefaso.net : Parlez-nous de la filière du haricot vert au Burkina ?

Saïdou Ouédraogo : Il faut dire qu’auparavant, la filière du haricot vert était très bien valorisée et promue au Burkina par l’Union des coopératives agricoles et maraîchères du Burkina, dénommée UCOBAM. Et comme elle était chargée de gérer la commercialisation du produit, c’est-à-dire son exportation en Europe, la filière était très prisée et organisée. En plus de ce rôle, elle accompagnait les producteurs dans l’approvisionnement en intrants. Ce fût alors une période où le Burkina a été classé premier producteur africain du haricot vert. Mais par la suite, ladite structure a connu une faillite et la filière a été abandonnée entre les mains des entreprises privées qui n’arrivent pas à la reconstruire. Aujourd’hui, les producteurs se débrouillent comme ils peuvent, pour ne pas laisser la filière disparaître, surtout que depuis la révolution, le produit est de plus en plus consommé localement.

Existe-il une zone spécifique à la culture du haricot vert et quel est le cycle de production ?

Il n’y a pas de zone spécifique à la culture du haricot vert, c’est une plante qui peut être produite dans toutes les zones où la culture maraîchère est développée. C’est donc pour dire que toutes les régions sont adéquates pour la culture du haricot vert, s’il y a de l’eau. Pour ce qui concerne le cycle de production, il est très court ; parce que, lorsqu’il est semé et qu’il a poussé, quarante-cinq jours après, l’on peut le récolter. Mais, ce qu’il faut savoir, c’est une plante qui n’aime pas la pluie, donc elle n’est pas adaptée en période d’hivernage. Au-delà de ces conditions, c’est une plante qui ne peut pas être produite pendant la chaleur. En revanche, la bonne période pour produire du haricot vert au Burkina est comprise entre octobre et mars, c’est au cours de ces six mois de l’année que la production est adéquate.

A combien peut-on estimer le nombre de producteurs de cette variété au Burkina ?

Je sais qu’il y a beaucoup de producteurs du haricot vert au Burkina, mais comme ils ne sont pas recensés, c’est difficile de donner un chiffre exact sur ce point.
Peut-on avoir une idée de la quantité du haricot vert produit par notre pays ?
Dans le passé, la production du haricot vert dans notre pays s’élevait à plus de 1500 tonnes par an, mais de nos jours, la production annuelle ne dépasse pas les 1200 tonnes.

A combien s’élève la quantité de haricot vert exporté hors des frontières du pays et quelle est la part de la consommation nationale dans cette production ?

L’exportation du haricot vert au Burkina s’élève à 600 tonnes par an. Concernant la consommation nationale, il n’y a pas de statistiques fixes, mais elle dépasse celle exportée, parce que, la majorité des producteurs visent plus le marché local (il offre un rendement très acceptable).

Avez-vous une idée sur ce que ces exportations rapportent à l’économie nationale ?

Comme il n’existe plus de structure publique pour gérer la filière, c’est aussi difficile de connaître cet apport.

Il y avait une structure créée sous la révolution pour la valorisation et surtout l’exportation du haricot vert burkinabè, bien connu et prisé surtout en Europe. Que devient-elle à ce jour ?

Comme je vous le disais plus haut, cette structure n’existe plus, elle est morte. Pour commencer, il faut dire qu’avant la création de l’Union des coopératives agricoles et maraîchères du Burkina, UCOBAM, sous la révolution, il y avait d’abord une coopérative centrale paysanne appelée l’Union voltaïque des coopératives agricoles et maraîchères (UVOCAM). C’est cette structure qui est devenue par la suite UCOBAM pendant la révolution. C’était la structure-mère composée de plusieurs petites fédérations de coopérative, installées dans les différentes régions du pays pour la représenter. Ces petites fédérations étaient à cet effet chargées de fournir du haricot vert à la structure-mère qui était chargée de la collecte et de l’exportation de la production en Europe. C’est une structure qui a, de ce fait, contribué à la valorisation et la promotion du haricot vert burkinabè sur le plan international et cela a valu au Burkina d’être classé 1er producteur africain. Mais comme la structure n’existe plus, la filière est en perte de vitesse. Et depuis lors, ce sont les entreprises privées qui ont pris la relève, mais qui n’arrivent pas à l’organiser.

Avez-vous souvent l’impression que le haricot vert est actuellement bradé et que les producteurs ne profitent pas bien des fruits de leur labeur ?

Non, je ne peux pas affirmer cela ; parce qu’il y a le marché local qu’il ne faut pas négliger même s’il est désordonné, c’est un marché acceptable pour les producteurs.

Quelles sont les difficultés auxquelles les producteurs sont confrontés ?

Les producteurs sont confrontés à plusieurs difficultés. La première difficulté est la question du marché qu’il faut résoudre ; parce qu’il n’y a pas de prix fixe sur le marché local. Au niveau du marché international, il n’existe pas aussi de prix fixe ; c’est la vente par commission, c’est-à-dire que chaque exportateur négocie son prix avec son acheteur en Europe (ce qui n’arrange pas). La deuxième difficulté est, quant à elle, liée à la planification des productions (comme la production n’est pas planifiée), il arrive souvent que les producteurs produisent à des périodes où l’offre est supérieure à la demande ; ce qui crée souvent des méventes. La troisième difficulté se situe au niveau de la transformation, parce que jusqu’à présent, le Burkina n’exporte que la matière première ; ce qui n’est pas bénéfique pour notre pays.

De ces difficultés, quelles sont les propositions que vous avez à faire aux autorités compétentes pour y remédier ?

Ce que l’Etat peut faire, c’est d’aider les producteurs à reconstruire la filière parce qu’elle demande à être reconstruite sur plusieurs plans. D’abord, il faut qu’il y ait une bonne relation entre les producteurs, les transformateurs et les acheteurs au plan national. Ensuite, au plan international, il faut que l’Etat intervienne pour que l’on puisse planifier la production. Et, enfin, concernant le prix du produit, l’Etat doit intervenir pour qu’il y ait un prix fixe sur le marché international. Si toutes ces questions sont résolues, le Burkina retrouvera son rang d’antan.

Yvette Zongo
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 22 janvier 2018 à 19:28, par fc En réponse à : « Le haricot vert du Burkina, une filière en perte de vitesse », affirme Saïdou Ouédraogo de la Confédération paysanne du Faso

    Les marchés perdus depuis plus d’une décennie ne seront jamais reconquis ! Dans les années 80, le cap des 3.000 tonnes étaient exportées chaque année. Mais, hélas, la cupidité des uns et des autres, la mauvaise organisation et gestion ont mis à mal cette filière. Arrêtons de se fatiguer pour exporter l’haricot vert car nous ne sommes plus compétitif sur les marchés européens !

    • Le 22 janvier 2018 à 21:36, par Mafoi En réponse à : « Le haricot vert du Burkina, une filière en perte de vitesse », affirme Saïdou Ouédraogo de la Confédération paysanne du Faso

      Eh ouiiii.....quelle ne fut pas ma surprise de voir et de consommer fièrement des haricots verts burkinabè dans les années 90 dans une ville très moyenne en France.Maintenant il faut chercher avec torche ce fameux produit car inexistant.Dommage,dommage,dommage....!

      • Le 22 janvier 2018 à 23:16, par Sogossira Sanou En réponse à : « Le haricot vert du Burkina, une filière en perte de vitesse », affirme Saïdou Ouédraogo de la Confédération paysanne du Faso

        Consommons ce que nous produisons et produisons ce que nous consommons
        En verité en verite, je vous le dis très fièrement maintenant ; je me rejouis de cette perte de vitesse de l’exportation des haricots verts burkinabé vers l’europe ; c’est de me rejouir parce que comme Mafoi le declare, c’en est une très bonne revelation innocemment, je suis plus que fier parce que les paysans burkinabé ne doivent plus travailler si laborieusement les terres du Faso pour nourrir les européens ; c’est pour mettre un terme à cet esclavage que sous la revolution, le CNR a rompu les amarres de cette pratique ; il a été jusqu’à faire acheter quelque peu contre leur gré à certains fonctionnaires de l’Etat des kilos de haricots verts produits par les burkinabé avec comme méthode de payement, de retenir le prix sur leur salaire ; tout ceci ne rimait qu’à leur faire consommer ce que nous mêmes nous produisons ! ! Que diantre ! ! ! mais pourquoi voulez-vous produire en esclaves pour nourrir les bouches européennes.Nos bouches à nous ne meritent elles pas de manger du bon ? Sinon de se contenter de tout ce qui est avarié, périmé, venant de leur côté pendant que nos produits alimentaires à destination de leur marché sont soumis à leurs NORMES MON DIEU
        La politique et l’orientation de l’epoque, fidèle à sa philosophie est et demeure "consommons ce que nous produisons et prodiusons ce que nous consommons".
        Si comme Mafoi il faut être dans un coin reculé de cette france pour avoir le loisir de gouter aux douces saveurs d’un plat de haricots verts burkinabé (pendant que ceux-ci ont été bien soigneusement triés pour ne laisser à la consommation des producteurs eux-mêmes que les déchets), avouons que cela est très très très même trop triste.
        L’Afrique poubelle de l’europe
        Des déchets toxiques (le cas très illustratif du Probo Koala) en aout 2006 sont assez éloquents pour nous parler.
        En retour, ce sont tous leurs produits avariés, périmés qui sont déversés et qui inondent nos places publiques.
        Tenez, si l’Afrique n’est pas la poubelle de l’occident, il n’y a pas plus poubelle ; pour preuve, si nous étions pendant une certaine époque habitués à la consommation de la friperie, de nos jours, jusqu’aux matelas usagés venus par containers entiers, des pneux dans des pneux, des voitures dans des camionettes dans des camions dans des remorques.....ceuxlà mêmes dans des containers, c’est à ce nettoyage de l’europe que notre diaspora (une certaine partie de notre diaspora se livre).
        Mais le drôle, le plus drôle de ce sinistre jeu (troc), ce sont les lingots d’or qui vont dans le sens inverse c’est-à-dire de l’Afrique vers l’occident ; ils y vont pillés, volés, avec comme seuls complices, les valets locaux du peuple africain.
        Arrêtons donc un instant ce manège pour assurer à notre postérité un peu de dignité.
        Alors, jusqu’à quand allons nous perpétuer d’esclavagiser nos braves paysans, nos frères producteurs pour nourrir les blancs ?
        La Patrie ou la Morts, Nous vaincrons.

  • Le 22 janvier 2018 à 21:48, par Amadoum En réponse à : « Le haricot vert du Burkina, une filière en perte de vitesse », affirme Saïdou Ouédraogo de la Confédération paysanne du Faso

    Encore, "consommons ce que nous produisons et produisons ce que nous consommons !".
    La filiere du haricot vert au Burkina Faso NE DOIT PAS MOURIR et il ne mourra pas. A ecouter M. Ouedraogo, la filiere a besoin de beaucoup d’aide, mais je ne crois pas que son salut viendra du gouvernement. Le salut de cette filiere est dans les mains des PRODUCTEURS EUX MEMES ; ils doivent attaquer les problemes, un a la fois. D’abord, maitrisez le marche national en creant beaucoup plus de recettes avec votre haricot et sensibilisez la population a sa plus grande consommation. Quand vous aurez maitrise le marche national, avec un produit de tres haute qualite, le marche international s’ouvrira de lui meme. Quant a l’organisation de la filiere et la fixation des prix, le gouvernement ne peut ni vous organiser ni fixer les prix.

    Du courage !

  • Le 23 janvier 2018 à 14:28, par warba En réponse à : « Le haricot vert du Burkina, une filière en perte de vitesse », affirme Saïdou Ouédraogo de la Confédération paysanne du Faso

    La plus grande difficulte est la qualite moyenne de notre haricot vert fibreuse si fait que le kenya a rafle presque toute la part du burkina avec une meilleure qualite moins fibreuse.Il faut donc reconquerir le marche europeen et arabe avec des semences de meilleures qualite mais surtout il faut precuire,bien emballer avant exportation.C’est meme probleme avec les mangues du burkina qui n’arrivent pas a s’ imposer en europe du fait de la faible qualite(on propose des retards,des gouverneurs,des tim-tim alors que le toubabou veut des quintes)

  • Le 23 janvier 2018 à 16:12, par sheiky En réponse à : « Le haricot vert du Burkina, une filière en perte de vitesse », affirme Saïdou Ouédraogo de la Confédération paysanne du Faso

    Il y a une bonne nouvelle dans une mauvaise. Si le marché local absorbe la production des maraîchers, il n’y a pas se plaindre. l’exportation n’est pas une fin en soi, même si elle apporte les devises et favorise la balance commerciale. Encore plus si ce que Mr OUEDRAOGO dit est vrai, les maraîchers s’en sortent mieux avec le marché local. On regarde aussi avec une certaine fierté l’émergence d’une consommation locale de produits burkinabé. Néanmoins, c’est un bon levier de développement si la filière pouvait s’organiser et produire mieux et beaucoup plus pour céder l’excédent à l’exportation. Il y a également le fait qu’un ancien ministre de l’agriculture pendant plus d’une décennie n’a pas forcément favorisé la survie de l’UCOBAM. On a vu des soi-disant entreprises de négoce, qui travaillait sous couvert ou sous la protection de gens bien placés, s’accaparer du marché des exportations agricoles et c’était devenu un business lucratif pour eux, mais ils spoliaient les producteurs. Allez voir aussi au niveau de la vallée du Sourou ce qui s’y est passé. On évitera de citer des noms pour ne pas faire des procès d’intention.
    Pour bien replacer l’histoire, je rectifierai un peu l’internaute "Sogossira". Sankara avait imposé cette consommation du fait des problèmes d’acheminement des haricots verts en Europe. je vous renvoie à l’épopée de la compagnie Naganagani. Mais cela ne remet pas en cause sa politique de consommation locale.
    Il y a beaucoup de boulot encore au Faso sur le plan agricole. Il faut y croire, y mettre la vision et les moyens et avec de la volonté et de la patience, le temps fera le reste. Le cas de l’Ethiopie est un exemple.

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