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« On a l’impression que tout est fait pour que les Burkinabè regrettent leur insurrection », (Guy Hervé Kam, porte-parole Balai Citoyen)

Publié le vendredi 19 janvier 2018 à 14h00min

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« On a l’impression que tout est fait pour que les Burkinabè regrettent leur insurrection », (Guy Hervé Kam, porte-parole Balai Citoyen)

‘’Incapacité de la coalition au pouvoir à articuler une politique cohérente du Burkina’’. Telle est la conclusion après diagnostic de l’organisation de la société civile, Balai Citoyen, exprimé au cours d’une conférence animée dans la soirée de jeudi, 18 janvier 2018 à Ouagadougou.

Pour scruter la situation nationale, les responsables de l’organisation ont misé leur regard sur les secteurs-clés. Il s’agit de la gouvernance sociale, la gouvernance sécuritaire, celles judicaire et économique.

« Le MPP et ses alliés se contentent d’exercer le pouvoir sans vision, ni autorité affirmée de l’État, ni courage politique, de nature à inspirer les partenaires sociaux à circonscrire les légitimes revendications dans des proportions plus réalistes », a affirmé le porte-parole, Guy Hervé Kam dans la déclaration liminaire. De l’avis du Balai Citoyen, le gouvernement du MPP (Mouvement du peuple pour le progrès, parti au pouvoir) ne semble pas non plus avoir compris les leçons de l’insurrection populaire (aucun indice ne montrant un engagement franc à combattre la corruption qui continue à gangrener la gouvernance dans ce domaine).

« Les Burkinabè se posent souvent la question de savoir si, finalement, on a eu raison de changer Blaise (Compaoré)… et si le ‘’Plus rien ne sera comme avant’’ ne veut pas dire que tout est pire qu’avant », s’est approprié Guy Hervé Kam, estimant que les populations n’ont pas l’impression de voir au sommet, le changement qualitatif qui a été souhaité (les inégalités continuent).

Pour le porte-parole du mouvement, « tout le monde sait qu’aujourd’hui, la barque (Burkina) est percée » ; tant dans les secteurs-clés, il n’y a pas un seul qui donne satisfaction.

Le constat du Balai Citoyen se veut sans équivoque ; « le gouvernement détruit toute la fenêtre d’opportunités que l’insurrection avait représentées pour le peuple burkinabè ».

Selon les leaders de l’organisation de veille citoyenne, les insurgés, en disant ‘’Plus rien ne sera comme avant’’, aspiraient à un changement qualitatif.
« En deux ans, on a l’impression (et c’est ce qu’il ne faut pas) que tout est fait pour que les Burkinabè regrettent leur insurrection. Cela n’est pas normal. De toute façon, cela n’arrange personne. Il faut que ce gouvernement prenne la mesure de l’insurrection, qu’il sache d’où il vient pour savoir d’où il va. (…). Même là où tout le monde devait dire que ça va…, ça ne pas. (…). Donc, il y a quand même un problème. (…). Tout ce qu’on peut dire, c’est que le président du Faso doit mettre dans le gouvernement, des gens qui pensent d’abord au Burkina Faso avant de penser à eux-mêmes. C’est cela que nous demandons, depuis longtemps. Et si, après deux ans, il y a des problèmes au Burkina, ça veut dire qu’il y a des problèmes dans l’équipe gouvernementale et il faut en tirer les conséquences. Il ne s’agit pas non plus de faire un jeu des chaises musicales, mais plutôt de faire des choix responsables qui permettraient à la barque de ne pas chavirer malgré les trous qui existent », meuble Me Kam.

Gestion de la fronde sociale, nécessité d’un exemple par le haut !

Sur le front social, et en réaction à des questions de journalistes, le porte-parole Guy Hervé Kam a relevé que s’il y a ébullition, c’est qu’il y a un problème de gouvernance. « Il y a un enseignant qui a bien résumé la situation. Il a dit : vous êtes un père de famille, avec trois enfants. Au premier, vous appelez et vous donnez quelque chose. Le deuxième vient, vous donnez. Le troisième arrive, vous dites que vous ne donnez pas. Là, il y a un problème qui s’appelle ici problème de gouvernance. On dit gouverner, c’est prévoir ; il appartient donc à ceux qui ont la destinée du pays de prévoir les mesures et les conséquences de tous les actes qu’ils posent. Aujourd’hui, il y a un problème et il faut le résoudre », a partagé Hervé Kam. Même élan ici également pour Serges Bambara alias Smockey pour qui, cette situation est aussi le signe que les Burkinabè demandent un vrai changement.

« Tout le monde dit que le président du Faso, Roch Kaboré, est gentil. La gouvernance, ce n’est pas la gentillesse … », jauge Smockey, précisant que même si la gentillesse est une qualité, il faut se demander si elle a sa place dans la gestion d’un Burkina post-insurrection.

Le gouvernement doit aussi, poursuit-il, prendre la mesure de la situation et faire des restrictions financières au sein de ses membres. « On a l’impression qu’on a un gouvernement qui dépense tout autant, sinon plus, que sous l’ancien régime Compaoré. Est-ce que ce gouvernement-là est aussi conscient des difficultés que les populations traversent ? Nous sommes sûrs et certains que si le gouvernement commence par donner l’exemple par la transparence, en résolvant la question de justice, en réduisant le train de vie de l’Etat, etc., forcement, les citoyens vont comprendre et prendre le relais … », a-t-il garni.

Affaire tentative de déstabilisation

Le dossier Auguste Denise Barry, ministre de la sécurité sous le régime Compaoré, puis sous la transition, accusé depuis fin décembre 2017 pour tentative de déstabilisation puis transféré à la Maison d’arrêt et de coercition des Armées, n’a pas échappé à la vigilance des journalistes. Là-dessus, Guy Hervé Kam et ses camarades déplorent un manque de communication suffisante autour d’un dossier ‘’aussi’’ important ; tant les supputations peuvent dégrader le climat social.

‘’ Nous disons tout simplement que le peuple burkinabè a montré qu’il n’accepte pas, et qu’il n’acceptera pas, un coup d’Etat. D’où qu’il vienne. Ceci étant, les services de la justice ont arrêté des gens, en disant qu’ils complotaient contre l’Etat. On ne peut pas dire aux Burkinabè qu’il y a une tentative de déstabilisation et fermer ensuite les canaux de l’information. Il faut donner l’information juste au peuple burkinabè pour qu’il sache. L’importance de la question ne peut pas s’accommoder avec l’idée de dire : la justice suit son chemin. Non ! Il faut donner des informations dans la limite de ce qui peut être donné ’’, s’est rebiffé l’avocat, Guy Hervé Kam.

Oumar L. Ouédraogo
(oumarpro226@gmail.com)
Lefaso.net


Déclaration liminaire du balai citoyen

Mesdames et messieurs les journalistes,
Avant tout propos, le Balai citoyen vous présente, et à travers vous, à l’ensemble du peuple burkinabè, ses meilleurs vœux pour l’année 2018.

Cela fait déjà deux ans que le Burkina Faso est gouverné par une coalition de partis politiques avec à sa tête le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP). À l’aune de cette séquence chronologique, le Balai citoyen voudrait à travers cette conférence de presse présenter sa lecture de la situation nationale à travers un regard sur la gouvernance au plan social, sécuritaire, judiciaire et économique.

De la gouvernance sociale

Mesdames et messieurs les journalistes,

Après les espoirs suscités par l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et les élections démocratiques de novembre 2015 qui ont suivi, notre pays est marqué par une grave crise de la gouvernance au plan social. La crise actuelle qui met à mal notre système éducatif, est révélatrice de la qualité de la gouvernance actuelle de notre pays. Après deux ans de règne, la coalition au pouvoir a montré son incapacité à articuler une politique cohérente de gestion du pays.

La gestion approximative et par à-coups des nombreuses grèves qui ont secoué presque tous les secteurs de la fonction publique au cours des deux dernières années a révélé un manque d’audace et de créativité au sommet de l’Etat. Dans un contexte post insurrectionnel, cette triste réalité condamne ces acteurs politiques qui ont toujours été aux commandes de ce pays depuis trois décennies. Les gouvernants actuels, mieux que quiconque, connaissent la situation réelle de notre administration publique, la qualité des hommes qui l’animent, leurs préoccupations mais aussi les mutations que l’on était en droit d’attendre d’elle. Pourtant, jusque-là, ils se montrent incapables d’anticiper les crises, de s’inscrire dans la rupture et de proposer des solutions innovantes aux préoccupations légitimes des travailleurs de notre pays.

Le MPP et ses alliés se contentent d’exercer le pouvoir sans vision, ni autorité affirmée de l’État, ni courage politique, de nature à inspirer les partenaires sociaux à circonscrire les légitimes revendications dans des proportions plus réalistes.
Revenant à la question actuelle de la crise de l’éducation, le Balai citoyen note, et ce n’est un secret pour personne, que de jour en jour, notre système éducatif se meurt. Comment envisager la construction de l’avenir, si l’éducation dans toutes ses composantes est abandonnée à elle-même ? Certes, notre système éducatif nécessite des réformes en profondeur, mais l’urgence aujourd’hui est d’éviter d’ajouter du mal au mal en faisant tout ce qui est possible pour sauver l’année scolaire. Pour le Balai citoyen la résolution diligente de cette crise, est une priorité qui engage la responsabilité pleine et entière du Gouvernement.

De la gouvernance sécuritaire
Mesdames et messieurs les journalistes,

Le Burkina Faso continue d’enregistrer des attaques terroristes à répétition. Environ 70 attaques ont été enregistrées en trois (03) ans. Ces attaques ont fait plus d’une centaine de victimes aussi bien au niveau des civils que des forces de défense et de sécurité.

Le Balai Citoyen s’incline devant la mémoire des victimes de cette barbarie. Il apporte son soutien à tous ceux qui luttent pour faire échec aux visées funestes de cette horde de barbares en manque d’idées nobles et de vertus fédératrices. Il félicite les forces de défense et de sécurité pour leur sacrifice inestimable au service de la nation.

Le Balai citoyen s’inquiète néanmoins des informations faisant état de présumées exécutions extra-judiciaires auxquelles se livreraient des éléments de notre armée dans certaines localités du Sahel. Il est important de rappeler que la lutte contre l’hydre terroriste ne pourrait être gagnée si les pouvoirs publics s’aliènent les populations. Le Balai citoyen interpelle le gouvernement à prendre toutes les mesures idoines pour garantir la sécurité des populations et l’intégrité physique des personnes arrêtées dans le cadre des enquêtes.

Il interpelle enfin le gouvernement à doter nos vaillants FDS de moyens adaptés et suffisants pour mener à bien leur mission. Il exhorte les responsables de la sécurité à mettre en place les stratégies idoines afin de s’attirer la confiance nécessaire des populations, pour venir à bout de ces bandes criminelles.

Tout en saluant l’initiative de mutualisation des moyens de lutte contre le terrorisme à travers le G5 sahel, le Balai citoyen s’indigne de cette incapacité honteuse, des pays membres à trouver eux-mêmes, les 280 milliards annuels nécessaires à la prise en charge de la force militaire conjointe. Notre sécurité est-elle si peu importante, que nous n’avons aucun scrupule à l’abandonner à la générosité et au sacrifice d’autres pays ? Pourtant, tout le monde sait que la sécurité précède le développement et qu’aucune action viable n’est possible sans un minimum de sécurité.

De la gouvernance judiciaire
Mesdames et messieurs les journalistes,

Le Balai citoyen se réjouit de l’avancée du dossier du putsch de septembre 2015 qui n’attend plus que le jugement. Il exhorte les acteurs judiciaires et le gouvernement à mettre tout en œuvre pour juger cette affaire dans les meilleurs délais.

Il salue les avancées observées dans les dossiers Thomas Sankara et Norbert Zongo et invitent les acteurs judiciaires à s’engager davantage dans le traitement diligent de ces dossiers. Plus particulièrement, il les invite à faire suite aux engagements pris par le Président Emmanuel Macron à Ouagadougou, en mettant tout en œuvre pour l’exploitation concrète des archives françaises dans le dossier Thomas Sankara et l’extradition de monsieur François Compaoré. Il est de la responsabilité de la Justice de vider ses tiroirs des dossiers pendants afin de créer les conditions d’une vraie réconciliation nationale.

Le Balai citoyen suit également avec intérêt la suite réservée aux travaux de la commission d’enquête du conseil supérieur de la magistrature. Il est inadmissible qu’après tant de sacrifices consentis par le peuple burkinabè pour donner à la Justice toute son indépendance et aux magistrats une rémunération conséquente, les mauvaises pratiques au sein de la Justice restent sans conséquences.

L’indépendance et le traitement enviable des magistrats vont de pair avec la responsabilité individuelle et collective de ceux-ci et de l’ensemble du corps judiciaire.
Enfin, le Balai citoyen réaffirme son attachement indéfectible à la démocratie qui n’est que l’expression de l’attachement du peuple burkinabè. Il en veut pour preuve la résistance héroïque du peuple suite au coup d’état meurtrier du Général Diendéré.

Après cette résistance historique qui a couté la vie à de nombreux citoyens et marqué à jamais bien d’autres, aucune initiative de ce genre ne passera. C’est pour cette raison, que s’agissant de l’affaire dite colonel Denise Auguste Barry qui a été arrêté et inculpé pour « complot et incitation à la Commission d’acte contraire à la discipline et au devoir », le Balai citoyen exige que toute la lumière soit faite. Il regrette qu’à ce sujet des éclaircissements francs tardent à venir laissant libre cours à toute supputation. Le peuple burkinabè a droit à l’information judiciaire et il appartient à la Justice de communiquer sur ce dossier comme sur les dossiers sensibles, qui ont un impact indéniable sur la tranquillité des populations.

De la gouvernance économique
Mesdames et messieurs les journalistes,

Au plan économique, le Gouvernement du MPP ne semble pas aussi avoir compris les leçons de l’insurrection populaire. En effet, aucun indice ne montre un engagement franc à combattre la corruption qui continue à gangrener la gouvernance dans ce domaine. De façon particulière, depuis l’adoption de la loi portant allègement des conditions de choix des partenaires en matière de Partenariat Public Privé (PPP) intervenue en juillet 2017, l’on assiste à des lancements de chantiers de réalisation d’infrastructures et de commandes d’équipements tout azimut.

Le Balai citoyen appelle le gouvernement à clarifier davantage sa vision des PPP qui ne doit pas être source de dettes exorbitantes qui pèseront sur les épaules des futures générations, s’il n’amène pas tout simplement notre pays en cessation de paiement. Certains partenaires techniques et financiers du gouvernement ont déjà attiré l’attention des autorités sur ce risque.

Ensuite le Balai citoyen n’oublie pas que cette loi oblige le gouvernement, à l’expiration du délai de 6 mois d’application de la loi, d’en faire le point devant la représentation nationale. Dans le même sens, le Gouvernement lui-même s’est engagé à assurer la transparence des contrats qui seront conclus dans le cadre de cette loi. C’est l’occasion pour nous d’interpeller l’assemblée nationale et le gouvernement sur le respect de leurs engagements, et pour une transparence dans la mise en œuvre de la loi portant l’allègement des procédures PPP.

Enfin, courant 2017, le Gouvernement a lancé la souscription pour l’opération des 40 000 logements. Si la souscription a été un franc succès, puisque pas moins de 200 000 personnes y ont adhéré avec paiement de 2 000 FCFA, de nombreux citoyens sont inquiets pour la suite.

Mesdames et messieurs les journalistes,

Au regard de ce qui précède, le Balai citoyen :

Appelle le président du Faso et son gouvernement à un sursaut patriotique pour redresser la barque Burkina Faso avant qu’il ne soit trop tard ;

Invite le Gouvernement à trouver dans les meilleurs délais, avec la CNSE une solution à la grave crise du secteur de l’éducation nationale ;

Appelle le Gouvernement à doter les FDS des moyens humains et matériels adaptés à la lutte contre le terrorisme et à créer un climat de confiance entre les FDS et les populations des zones concernées par les attaques terroristes.

Demande au gouvernement de faire le point de l’opération 40 000 logements.

Appelle le Gouvernement à faire de l’année 2018, l’année de la lutte contre la fraude et la corruption, à ce titre tous les dossiers de corruption pendants devant les juridictions devront être jugés cette année et tous les cas de dénonciation devront faire l’objet d’une enquête sérieuse ;

Exige du Gouvernement, la transparence la plus totale sur les contrats PPP conclus dans le cadre de la loi portant allègement des procédures de 2017 ;

Merci pour votre attention

Notre nombre est notre force !

Ensemble, on n’est jamais seul !
La Coordination nationale

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