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Flambée des prix des céréales : Dédougou entre faim et colère

Publié le lundi 27 juin 2005 à 07h33min

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Depuis quelques temps, les consommateurs et producteurs
des céréales assistent impuissamment à la flambée des prix
du maïs, du mil et du sorgho. Au-delà de cette surenchère, les
céréales sont inaccessibles. La situation devient de plus en
plus difficile au point que certaines familles n’arrivent pas à
assurer un repas par jour. Voici les témoignages de certains
habitants de Dédougou.

Mme Fati Dissa, restauratrice : "Si rien n’est fait..."

La hausse des prix des céréales est sans doute liée au déficit
céréalier de l’année dernière. Nous achetions la boîte de farine
de maïs à 300 francs. Cette même mesure se vend
actuellement à 700 francs, ce qui nous amène à diminuer la
tartine. Au vu de cette quantité, certains de nos clients préfèrent
manger le riz qui coûte relativement moins cher. Nous avons
appris que le gouvernement procède dans certaines localités à
la vente des céréales à prix social. Nous souhaitons que cette
action soit étendue dans toutes les localités du pays.
Aujourd’hui, le sac de 100 kg de maïs se vend à 22 000 F CFA.
Si rien n’est fait, c’est la catastrophe qui s’annonce. Beaucoup
de gens mourront de faim. En attendant d’éventuelles solutions,
nous ne pouvons qu’implorer le ciel et les mannes de nos
ancêtres pour une bonne pluviométrie pendant cette campagne.

Didier Nassouri, informaticien UGCPA/BM : "Je regrette la faible influence de l’Etat"

On ne s’attendait pas à voir des prix aussi élevés. On peut le
regretter dans la mesure où malgré ces prix, les céréales sont
inaccessibles et cela fait la part belle des commerçants
spéculateurs. On peut également regretter la faible influence de
l’Etat face à cette flambée des prix. L’Etat devrait plafonner les
prix pour éviter la spéculation et la rétention. La situation actuelle
n’arrange pas le citoyen moyen. A ce rythme, nous risquons
d’acheter le sac à 25 000 F CFA, voire 30 000 F CFA d’ici au
mois d’août prochain. Cette surenchère des prix et
l’inaccessibilité des céréales auront pour conséquence la
famine. Déjà, de nos jours, certaines familles n’ont pas à
manger. Quelque chose devrait être fait dans ce sens.

Jean-Paul Sawadogo Faso ambiance : "L’Etat doit calibrer les prix"

Les prix des céréales galopent comme une course hippique. La
situation n’est pas sans conséquence. La ville de Dédougou
s’appauvrit de jour en jour. Nos paysans vivent des situations
difficiles. Cette situation nous inquiète à plus d’un titre. L’Etat
devrait calibrer les prix. Aujourd’hui, ce sont les commerçants
qui tirent profit de cette situation. Cette surenchère a sans doute
des conséquences parmi lesquelles la non-scolarisation des
enfants et le non payement des frais de scolarité. Il sera
pratiquement impossible à certains parents de faire face aux
frais des ordonnances médicales, d’assurer la pitance
quotidienne et de payer les frais de scolarité. Je constate que le
grenier du Faso vit des difficultés à sa manière.

Yaya Sissoko, fonctionnaire à la retraite : "Le déséquilibre est total"

On a l’habitude de faire fausse route en qualifiant Dédougou de
grenier du Burkina. En règle générale, ceux qui produisent
abondamment ont besoin d’une stabilité de vivre. Une fois qu’on
déstabilise le secteur, on met tout le système en branle.
Aujourd’hui, le déséquilibre est total. Le soit- disant grenier est
confronté aujourd’hui à des difficultés céréalières, au point que
le sac se vende à 22 000 ou 22 500 F CFA. Pour moi, c’est un
scandale. Il faudra trouver une solution au risque de vider ce
"grenier". Je suggère qu’on stabilise les prix et qu’on évite les
sorties intempestives des vivres. On vient de tous les horizons ;
on ramasse les stocks, on s’en va et après, on fait de la
spéculation. Je ne suis pas d’accord qu’on vienne ramasser les
productions des producteurs et les laisser mourir de faim. Le
gouvernement est quelque peu responsable de la situation que
nous vivons.

Des gens ont été dépêchés ici pour acheter les
céréales à bas prix pour aller vendre à bas prix ailleurs. Au fur et
à mesure qu’on enlève, les prix montent et à la longue, on crée
une surenchère qui est à l’origine de la souffrance des
populations. Dédougou est classée parmi les villes les plus
pauvres de notre pays. Aujourd’hui, on est en train d’accentuer
cette pauvreté. S’ils veulent que notre ville soit un mouroir, alors
nous allons sombrer dans le néant.

Ouarma Sinaré, directeur régional de l’Action sociale : "Il faut que les autorités fassent quelque chose"

La hausse des prix est effectivement une réalité au niveau de la
boucle du Mouhoun. Les céréales sont pratiquement hors de
portée financière des populations. Il faut dire que l’excédent qui
avait été annoncé est parti depuis longtemps. Il faut que les
autorités songent réellement à faire quelque chose pour la
région de la boucle du Mouhoun parce que la région compte
beaucoup de cas sociaux qui viennent régulièrement au niveau
des services de l’Action sociale. Les enquêtes révèlent que ce
sont des cas vraiment sérieux qu’il faut aider. Face à cette
situation, les autorités régionales devraient interpeller le
gouvernement par des correspondances, afin que des aides en
vivres assez substantiels soient envoyés. Actuellement,
beaucoup de familles n’ont qu’un seul repas par jour, et si cela
doit continuer, le seul repas risque de manquer. Le
gouvernement doit prendre des dispositions pour éviter à la
population cette famine qui va s’annoncer bientôt.

Pierre Bonzi, direction provinciale de l’agriculture : "C’est regrettable"

C’est une situation regrettable dans la mesure où cette flambée
touche les producteurs eux- mêmes. Nous voyons des gens qui
viennent du village acheter des vivres. Tout le monde regrette
que des dispositions particulières ne soient pas prises pour
protéger le consommateur. Nous sommes une région
productrice, considérée à tort ou à raison, comme le grenier du
Faso, et si aujourd’hui nous devons acheter le sac à plus de 20
000 F CFA, c’est quand même dure à avaler. Les conséquences
sont que les producteurs auront des difficultés pour la présente
campagne parce qu’il faut d’abord manger avant d’entretenir les
champs, il y en a qui n’ont pas à manger actuellement ; il va
sans dire que ça va influencer négativement la production. Il y a
le fait que ça aille causer des charges supplémentaires chez le
fonctionnaire qui a un revenu très faible. En conclusion, c’est tout
le monde qui est concerné par cette surenchère et cela est bien
regrettable.

Adama Ouattara, commerçant de céréales : "Je n’ai jamais vécu une telle situation"

J’exerce dans le domaine il y a bien longtemps, mais je n’ai
jamais vécu une situation aussi difficile comme cette année.
L’année dernière, à la même période, nous vendions la boite de
maïs à 200 F CFA. Aujourd’hui, nous la vendons à 425 F CFA et
pire, il est inaccessible. Nous faisons souvent des
déplacements infructueux chez nos fournisseurs. En tout cas,
nous souhaitons que l’Etat fasse un effort pour nous permettre à
nous les commerçants, d’exercer dans la quiétude. C’est avec
regret que nous constatons cette flambée des prix.

Yaya Zanté, consommateur : "Miser sur la culture des céréales"

La flambée des prix des céréales dans la ville de Dédougou me
déçoit énormément car la région a les moyens pour
s’auto-suffire. La politique agricole qui consiste à cultiver le
coton à la place des céréales entraîne cette flambée des prix.
Les commerçants de céréales ont stocké des tonnes et des
tonnes dans le but de faire de la spéculation. Face à cette
situation, les producteurs devront prendre conscience en misant
sur la culture des céréales à la place des cultures de rente. Les
autorités de notre pays devront prendre leurs responsabilités en
exerçant un contrôle sur les prix des produits de première
nécessité.

Mathias Kadéba producteur : "Nous sommes obligés de manger n’importe quoi"

Le prix actuel des céréales nous inquiète, surtout en tant que
producteur. La situation constitue un véritable frein à nos
activités. Beaucoup de familles éprouvent de véritables
difficultés pour assurer un repas par jour. La flambée des prix a
des conséquences graves parce que nous sommes souvent
obligés de manger du n’importe quoi pour éviter de dormir
ventre creux et cela peut entraîner des maladies. Ailleurs, les
céréales sont vendues à des prix sociaux, malheureusement,
nous ne bénéficions pas de ces faveurs de l’Etat. Nous ne
pouvons que nous remettre à Dieu et implorer le ciel afin de
nous ouvrir ces vannes pour une bonne et meilleure campagne
agricole.

Adama Koncobo, commerçant de céréales : "Mon magasin est vide"

Présentement mon magasin est vide. Nous avons vendu tout le
stock et nous le regrettons parce qu’actuellement, il y a l’argent
dedans. Il faut reconnaître que la flambée des prix est liée au
déficit pluviométrique de l’année dernière. Je suis commerçant
de céréales depuis plus de 20 ans, mais nous n’avons jamais
connu une situation aussi difficile. Je suis obligé de vendre le riz
à la place du maïs, du mil et du sorgho. Je souhaite vivement
que cette campagne agricole soit meilleure à celle de l’année
dernière. Car si les récoltes sont bonnes, tout le monde y
gagne.

Souleymane, Ouédraogo commerçant de céréales : "Je m’approvisionne au Mali"

La mauvaise saison pluvieuse de l’année dernière a fait que les
producteurs n’ont pas assez récolté. Lorsque vous faites le tour
des fournisseurs habituels, vous ne trouvez rien. Eux-mêmes,
ils n’ont pas à manger à forte raison de vendre. Certains sont
prudents et préfèrent réserver leurs stocks pour leur propre
consommation. Personnellement, je m’approvisionne chez nos
voisins maliens ; ce qui m’oblige à vendre le sac à 25 000 F
CFA. Lorsque je ramène 200 sacs, les gens se ruent dessus et
en moins de 2 jours, le stock s’épuise, mais comme au Mali le
sac coûte également cher, nous ne pouvons pas amener plus
de 200 sacs.

Propos recueillis par Serge COULIBALY

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Vos commentaires

  • Le 27 juin 2005 à 11:03, par Madiba En réponse à : > Flambée des prix des céréales : Dédougou entre faim et colère

    Vivement que les autorités viennent au secours des populations dans cette situation qu’on ne peut plus précaire. Cette situation risque d’engendrer des conséquences sociales sans précédente si rien n’est fait d’ici là.

    Cette flambée des prix n’est pas seulement due à la mauvaise production mais aussi, à la mauvaise fois de certains commerçants de céréales sans scrupule, qui stockent des quantités énormes de céréales, dans le seul but de faire monter les enchères. Dans un pays pauvre comme le nôtre, ces comportements sont inacceptables et doivent être combattus dans toutes ses formes. Il appartient à l’Etat de traquer ces individus que je considère comme des ennemis du peuple.

  • Le 22 décembre 2005 à 17:22, par françouais En réponse à : > Flambée des prix des céréales : Dédougou entre faim et colère

    Je suis agriculteur dans le sud ouest de la France,membre de la coordination rurale (syndicat agricole opposé au système des aides compensatoires).

    J’ai lu avec attention les incidences que peuvent provoquer le libre marché.

    Ici dans ce contexte de manque de produits sur le marché intérieur,les prix flambent ....j’en suis surpris car on ne cesse de dire que les denrées européennes subventionnées concurrencent directement les pays d’Afrique qui eux ne disposent pas de système de protection.
    Je serai désireux de savoir ,dans ce contexte de hausse quelle part de la hausse revient au paysan ?
    D’autre part il est inconcevable que les prix agricoles sur le marché intérieur de chaque pays soient concurrencés par des prix mondiaux (ne représentant que les excedents des pays producteurs) où les denrées agricoles sont échangées à un cours mondial qui n’ a aucune reference économique ni sociale.

    C’est ainsi que nous demandons pour chaque pays dans le monde : l’exception agriculturelle.
    Chaque paysan doit être rémunéré dignement .La vente de ses produits est le seul fruit de son travail.Son travail ne se brade pas ,ne se marchande pas ,il est dépendant de tous les éléments naturels,il ne relève pas de l’industrie ,il est bienfaiteur, porteur de vertus ,riche de savoir ,de tradition base essentielle du tissu social.

    Les décisions de l’OMC ,concernant l’agriculture dans le monde ,sont catastrophiques par ce système de libre échange ,par cette A-politique .

    Le système Americain et Européen de politique agricole ,basé sur l’exportation,a créé dans le monde des distorsions inacceptables .

    Chaque grande région de production doit définir sa politique de prix alliant les intérêts du producteur et du consommateur.

    Il faut savoir que les agriculteurs français sont en grande difficulté financière.
    Les fameuses aides compensatoires à la baisse, ajoutées à des cours en chute libre ,mettent les agriculteurs en situation dangereuse.

    Le libre échange semble être la panacée pour nos "responsables" politiques.
    Leur salaire au cours mondial me semblerait devoir concorder avec leur libre arbitrage.

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