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« On a plus de 143 types de poisson au Burkina, ce qui est rare dans la sous-région », apprend le président des pêcheurs professionnels à la ligne, Lazare Ki

Publié le lundi 20 novembre 2017 à 23h46min

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« On a plus de 143 types de poisson au Burkina, ce qui est rare dans la sous-région », apprend le président des pêcheurs professionnels à la ligne, Lazare Ki

Le samedi, 25 novembre 2017, se tiendra au barrage de Boulmiougou (sortie ouest de la capitale), la IIIème édition du « Concours de pêche à la ligne ». Pour en savoir un peu plus sur ce ‘’sport’’ qui prend des galons d’année en année, mais reste encore peu connu des Burkinabè, nous avons rencontré le président de l’association des pêcheurs professionnels à la ligne du Faso (APLF), Lazare Ki. Dans cet entretien, il parle non seulement de la vie de cette organisation, mais également du secteur de la pêche au Burkina. Entretien … !

Lefaso.net : Peut-on savoir un peu plus sur votre organisation … ?

Lazare Ki : D’abord, permettez-moi de dire merci à tous vos lecteurs et de façon particulière, ceux qui ont pour passion aussi la pêche. Effectivement, c’est une association qui regroupe tous les pêcheurs, tous ceux qui ont un amour pour la pêche sportive. Le cadre a été créé en 2005 pour promouvoir le secteur et tout ce qui gravite autour, dont la préservation de la nature qui est notre bien commun. Nous avons créé cette structure pour essayer de nous retrouver, échanger également autour des nombreuses difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

Lefaso.net : Pourquoi l’appellation ‘’ pêche sportive ’’ ?

Lazare Ki : Nous disons ‘’pêche sportive ’’, parce que la pêche est aussi sport. Voilà pourquoi nous avons ajouté le mot sport, pour pouvoir vraiment joindre l’utile à l’agréable. La pêche cultive la patience, le réflexe et partage bien d’autres valeurs que beaucoup d’autres sports plus connus. Voilà pourquoi, nous parlons souvent de pêche, sport et nature.

Lefaso.net : Dans un pays sahélien, comme le Burkina, comptez-vous assez de membres ?

Lazare Ki : Oui, et tous les jours les gens viennent vers nous et but, c’est de créer une fédération. Aujourd’hui, nous sommes à plus de 500 membres (rien qu’à Ouagadougou). Bobo est organisée, Banfora aussi. Nous sommes en train de mettre en place des organisations dans les localités de Fada, Loumbila, Ziniaré, etc.

Lefaso.net : Y-a-t-il une connexion entre ces structures ?

Lazare Ki : Oui, s’il y a une réunion, des membres des autres structures viennent assister et repartent rendre compte à leur base. C’est une famille qui partage les mêmes vision et valeurs.

Lefaso.net : Quelles sont vos principales activités ?

Lazare Ki : Outre le concours de pêche, ce sont des actions de reboisement dans les provinces, des actions humanitaires tels des dons de sang et bien d’autres actions (dans les perspectives).

Lefaso.net : Parlons du concours de pêche, que vous organisez depuis quelques années maintenant. Comment une telle initiative se déroule, concrètement ?

Lazare Ki : Effectivement, ce concours s’organise simplement comme le pêcheur qui se lève matin pour aller à la pêche. Seulement, ici, il y a une concurrence qui consiste à évaluer les pécheurs sur le poids de poissons obtenus au terme d’un temps défini par le règlement de la compétition. Nous pesons ce que chaque pécheur a eu. Donc, vous pouvez prendre beaucoup de poissions, mais ne pas avoir gain de cause ; parce que ce sont de petits poissons par exemple, alors qu’un autre a pris un seul poisson qui dépasse les vôtres en poids. Donc, ce n’est pas le nombre de poissons pêchés qui comptent, c’est plutôt le poids et partout, c’est ainsi.

Lefaso.net : Cette année, se tiendra également le concours, quel est le lieu choisi ?

Lazare Ki : Cette année, il va se tenir au barrage de Boulmiougou (arrondissement ouest de la capitale, traversée par la route nationale N°2). Cela va encore rapprocher les pêcheurs des populations, les intéresser à la pratique de la pêche. Nous voulons parrainer également des écoles, pour que les enfants puissent adopter cette culture au lieu d’aller tourner dans l’oisiveté. Notre objectif à travers ce concours aussi, c’est de créer le métier de ‘’guides de pêches’’, parce que nous avons aussi des partenaires qui peuvent aller un peu partout et qui peuvent se faire accompagner dans ce sens. Des gens peuvent vouloir aller pêcher à Nazinga, dans le Mouhoun, à Bagré, etc. Ainsi les pêcheurs viennent, paient leur permis, prennent les guides. Tout cela, c’est pour valoriser et promouvoir ce que nous avons comme potentialités dans nos eaux.

Lefaso.net : Qui peut prendre part à ce concours, vos membres uniquement ou toute personne passionnée par le domaine ?

Lazare Ki : Nous avons voulu intéresser tout le monde. Vous avez des gens qui aiment la chose, qui ont péché il y a longtemps ; parce que n’ayant pas d’occasion, alors nous leur donnons l’occasion de participer. Nous acceptons donc tout le monde, avec une contribution financière de participation. Quand vous êtes membre, vous payez 2000 francs et non membre, vous payez 3000 francs.

Lefaso.net : Que gagnent les participants au concours de pêche ?

Lazare Ki : Il faut souligner que tout participant est d’office gagnant, en ce sens que ceux qui y participerons pour la première fois trouveront et s’insérerons dans une familiale conviviale et les membres ou anciens participants vont consolider leurs liens. C’est donc une famille qui s’élargit et se renforce.

Pour revenir à votre question à proprement dite, on a des prix en espèces et en nature à y gagner, en plus des médailles en or (canne d’or), en bronze et en argent. Nous avons aussi des prix spéciaux à l’image du prix spécial pour la première des femmes au concours. Notre objectif cette année, c’est de primer tous les participants.
Ainsi, de façon concrète, de 6h 30 à 7h 30, c’est la suite et la fin des inscriptions sur place sur le barrage ; de 7h30 à 7h55, c’est l’accueil et l’installation des invités et des compétiteurs ; de 8h à 11 h 30, c’est le déroulement du concours ; de 11h 30 à 12h 10, la délibération du jury et de 12h15 à 13h, la remise des prix.

Lefaso.net : Le barrage retenu contient-il vraiment des poissons à même d’organiser ce concours. ?

Lazare Ki : Oui, c’est un barrage que je fréquente et beaucoup d’adeptes de pêche passent par là. Cette année, on n’a pas voulu trop nous éloigner de la ville, c’est pour permettre plus de participation et également aux populations de découvrir ce type de sport, qu’elles n’ont pas l’habitude de vivre. L’année dernière, c’était à Loumbila et la première édition à Saaba. Les gens sont venus nombreux. L’édition à venir (la 4ème édition), nous allons essayer de la tenir dans le ranch de Nazinga. Nous avons déjà entrepris des démarches dans ce sens. Cela permettra également aux gens de découvrir le Nazinga et son cheptel de gibiers.

Lefaso.net : Vos membres dans les autres localités y organiseront ou rejoigneront-ils la capitale pour la compétition ?

Lazare Ki : Beaucoup vont rejoindre Ouagadougou. Mais, ces associations ont aussi la possibilité d’organiser cette compétition au plan local et nous leur venons en appui en matériels et/ou en numéraires.

Lefaso.net : Que faut-il ici pour aller à cette pêche ?

Lazare Ki : On a soit une canne, soit ce système d’hameçon en bambou (artisanal) ; parce que le matériel de pêche coûte trop cher. Il faut également des hameçons adaptés, parce qu’aujourd’hui, des gens utilisent des outils qui ne sont pas adaptés. Nous prenons en compte tout cela, par la sensibilisation, parce qu’il y a des hameçons qui ne sont pas admis pour la pêche au Burkina. Donc, nous allons vérifier les hameçons avant le démarrage effectif du concours. Vous verrez des hameçons à la forme d’un ‘’puisoire’’ (bout arqué), ce qui peut blesser les poissons, qui ne vont pas survivre. Cet hameçon est interdit au Burkina. Pour éviter tout cela, nous tenons aussi des sessions de formation avec la direction de la pêche pour nos membres. Tout cela, c’est pour aussi préserver l’environnement.

Lefaso.net : …Il y a donc une professionnalisation en cours

Lazare Ki : Oui, on a même un camarade qui est venu de la France pour prendre part à ce concours de pêche. Depuis le début, il est-là, il prend son vol pour venir participer et après, il reprend son vol.

Lefaso.net : Beaucoup de choses se disent sur la pêche, qu’est-ce qu’elle cache comme valeurs ?

Lazare Ki : Il y a beaucoup de valeurs effectivement, dont la patience surtout. Vous constaterez aussi qu’un pécheur ne se déplace pas seul, ils sont toujours en groupe. C’est cela aussi qui est demandé dans la vie de tous les jours, la solidarité, l’esprit d’acceptation de l’autre, d’échanges, de partage, d’encouragement. Les poissons se déplacent en groupe dans l’eau, c’est aussi le cas chez les pêcheurs.

Lefaso.net : Dans un pays comme le Burkina, une telle activité a-t-elle la chance de prospérer ?

Lazare Ki : Oui, bien. Nous pouvons payer des bassins au niveau du Kompienga, par exemple, que nous allons ensemencer et nous venons pêcher à proportion d’un certain poids à ne pas dépasser. Si vous dépassez le nombre de kilos à pêcher, vous payez le reste, qui va dans les caisses. Nous avons au Burkina plus de 143 types de poisson, ce qui est rare dans la sous-région. Voilà pourquoi nous demandons au ministère de fermer la pratique de la pêche à une certaine période de l’année (l’hivernage) où c’est la reproduction, pour rouvrir à partir d’octobre. Comme ça se voit au niveau de la chasse. Il faut vraiment prendre des dispositions sinon nous allons perdre toute cette potentialité halieutique. Si vous remarquez, il y a déjà certains positions qui se font très rares sur le marché, il n’y a que ce qui est importé (qui peut faire un an sur le bateau).

Lefaos.net : Pensez-vous que la pêche peut être un secteur profitable au Burkina, tant sur le plan de la consommation que de la création de l’emploi ?

Lazare Ki : Oui, si nous sommes bien organisés. Si vous prenez le Nazinga, vous avez onze barrages qui le constituent, c’est riche. Vous avez des messieurs qui quittent Paris, qui viennent, prennent des guides de pêche, prennent leur carte de pêche, louent des véhicules, logent sur place, etc. Sur tous les plans, l’Etat gagne, le guide gagne, l’association gagne, des particuliers gagnent.

Lefaso.net : Au plan institutionnel, votre organisation relève de quel département ?

Lazare Ki : Elle relève du ministère des ressources halieutiques. Mais, il faut souligner que nous ne sommes pas stables, parce que tantôt on est au ministère des ressources animales, tantôt agriculture…tels que les choses évoluent au niveau des institutions de l’Etat.

Lefaso.net : Quel est l’apport de l’institution à votre organisation ?

Lazare Ki : La direction des ressources halieutiques nous soutient en matériels (cannes, parasols, en nature), mais ce n’est pas suffisant. On prend ce qu’on nous donne. C’est aussi pour préserver notre environnement, la préservation de nos eaux. Nous sommes une jeune association et le fait que nous nous déplaçons dans toutes les provinces, on signale aussi des cas de failles (des barrages, digues) qui veulent céder, on le signale à qui-de-droit.

Lefaso.net : Qui peut être membre de votre association ?

Lazare Ki : Tout Burkinabè, toute personne, vivant au Burkina ou ailleurs, peut être membre de l’association. Vous verrez même le 25 novembre (jour du concours) qu’il y a des filles parmi nos membres, on a aussi des élèves ; parce qu’ils ont peut être suivis papa pour aller à la pêche…, la pêche libère la tête, elle décompresse. Ce n’est donc pas une question de catégorie socio-professionnelle. On croise toutes les couches sociales, on a des ministres, des députés, des directeurs généraux (que je ne vais pas citer ici), qu’on rencontre à des centaines de kilomètres, ils viennent faire la pêche ; qu’ils gagnent du poisson ou pas, ils sont-là…. Vous avez des voisins avec lesquels vous échangez, vous riez, des gens comiques, bref, c’est vraiment un moment pour décompresser et reprendre le travail avec force.

Lefaso.net : Avez-vous des organisations sœurs dans la sous-région avec lesquelles vous entretenez des liens ?

Lazare Ki : Pour le moment, c’est au Sénégal où ils sont organisés et ils ont appris qu’au Burkina, il y a aussi une association du genre. Nous sommes sur la bonne voie et nous allons certainement formaliser quelque chose. Notre objectif, c’est de mettre en place une Fédération de pécheurs à la ligne du Faso. Si dans les 45 provinces on a des associations aussi, on met en place cette faîtière et on passe à l’autre étape ; parce que nous avons des actions en ligne de mire pour le secteur. A partir de là, nous pouvons nous ouvrir à d’autres perspectives comme aller vers le Niger où ils font la pêche à l’épervier (filet, mais au Burkina, c’est à la canne). Au Mali, j’ai rencontré des gens qui s’intéressent à ce que nous faisons, parce qu’ils disent nous suivre dans nos activités et qu’ils veulent faire comme nous et nous sommes donc en contact.

Lefaso.net : Au Burkina, c’est la pêche à la canne, rien n’à avoir avec ceux qui en font une profession ?

Lazare Ki : Effectivement, c’est à la canne, ce que nous faisons. Voyez-vous donc que ça demande beaucoup d’effort, de patience et de mouvements que celui qui monte sur sa pirogue et lance un filet pour tirer des poissons !

Lefaso.net : Quelles sont les difficultés que vous rencontrées en la matière ?

Lazare Ki : Il y a par exemple le permis de pêche. A ce niveau, au ministère, le permis a une compétence provinciale, or les pécheurs vont partout dans les régions, les provinces, les communes. Nous aurions souhaité donc que ce permis soit comme celui de la chasse, c’est-à-dire nous permettre d’aller partout où nous voulons pêcher. Il faut rendre le permis universel au Burkina. C’est vraiment cela notre difficulté majeure.

Lefaso.net : A quelques jours de la IIIème édition, comment vont les préparatifs ?

Lazare Ki : Tout est fin prêt et nous invitons les gens à se tenir prêts, la fête sera belle.

Lefaso.net : Quel dispositif pour la protection de l’environnement … ce jour ?

Lazare Ki : Effectivement, c’est dire que dès vendredi, la veille, on va déblayer le site (nettoyer tout ce qui est sachets et autres ordures), mais on ne touche pas aux arbres. Au niveau du concours, les règles sont claires et strictes dans ce sens et il est dit par exemple que si votre hameçon est accroché à une plante, vous ne devez pas rentrer dans l’eau, vous êtes éliminé. C’est pour éviter que les gens entrent pour détruire ce qu’on a, l’environnement. Donc, il y a tout un dispositif qui vise à préserver l’environnement.

Lefaso.net : Votre dernier message ?

Lazare Ki : Nous invitons surtout les populations, notamment celles de Boulmiougou, à sortir massivement pour vivre cette compétition, qui est à sa troisième édition. L’an passé, on était à une cinquantaine de conquérants et cette année, nous allons au-delà de ce chiffre.

Contacts : 70 28 48 85/78 82 00 51

OL
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